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Rapport intérimaire - Rapport No. 202, Juin 1980

Cas no 930 (Türkiye) - Date de la plainte: 30-AVR. -79 - Clos

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  1. 355. Le comité a déjà examiné ce cas lors de ses sessions de novembre 1979 et février 1980 et, à ces deux occasions, il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration.
  2. 356. Depuis le dernier examen du cas, le comité a reçu de nouvelles allégations dans un télégramme de la Fédération internationale syndicale de l'enseignement (FISE), daté du 14 mars 1980. L'Union internationale des syndicats des travailleurs du commerce a envoyé des informations complémentaires le 11 avril 1980. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication du 30 avril 1980.
  3. 357. La Turquie n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais elle a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 358. Les allégations restant en suspens après l'examen du cas par le comité en février 1980 concernent, d'une part, la procédure judiciaire en cours intentée contre plusieurs personnes, dont M. Fehmi Isiklar, secrétaire général de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK), après que ces personnes eurent participé à des réunions syndicales. Elles concernent, d'autre part, l'arrestation de M. Gultekin Gazioglu et de dix membres du comité directeur de l'Association des enseignants turcs (TOEBDER), ainsi que l'arrestation de nombreux autres enseignants, puis, en début d'année 1980, la dissolution de l'Association TOEBDER par le commandant responsable de l'état de siège à Ankara. Les allégations concernent enfin l'arrestation de M. Kemal Türkler, président du Syndicat des travailleurs de la métallurgie (MADEN-IS) et de quatre autres dirigeants de cette organisation, ainsi que les arrestations de deux dirigeants des syndicats BANKSEN et BAYSEN. Ces sept syndicalistes ont été arrêtés aux motifs que lors du Congrès national de MADEN-IS en décembre 1979, ils ont chanté l'Internationale. Selon le tribunal militaire de la première armée d'Istanbul, l'Internationale serait "l'hymne des pays communistes"; en conséquence, ces personnes sont poursuivies pour infraction au code pénal turc. A cet égard, les plaignants ont allégué que la procédure contenait des vices de forme et qu'ainsi les arrestations étaient arbitraires.
  2. 359. La FSM avait mentionné dans une communication datée du 4 février 1980 d'autres violations des droits syndicaux concernant, en premier lieu, l'arrestation de M. Abdullab Yilmaz, président de l'Union régionale de MADEN-IS à Ankara parce que les forces de l'ordre avaient trouvé dans les locaux de son union des "publications interdites". En second lieu, l'organisation plaignante avait allégué la fermeture des locaux syndicaux de l'Union régionale de la Fédération des travailleurs de l'industrie de défense nationale (ASTER-IS), ainsi que de l'Union régionale de MADEN-IS. D'autre part, les forces de l'ordre avaient fouillé l'Union locale de GIDA-IS (Fédération des syndicats de l'alimentation). Enfin, l'organisation plaignante alléguait la détention de six délégués syndicaux durant une semaine, fin décembre 1979, à la suite d'un conflit à l'usine NETAS (métallurgie) dans laquelle les travailleurs voulaient protester contre l'arrestation de leurs dirigeants syndicaux.
  3. 360. A sa session de mars 1980, le conseil d'administration avait sur recommandation du comité:
    • - noté la déclaration du gouvernement selon laquelle M. Fehmi Isiklar a été libéré et que son arrestation et la procédure engagée contre lui étaient motivées par des raisons qui n'ont pas de rapport avec l'exercice des droits syndicaux;
    • - prié le gouvernement d'envoyer ses observations sur les nouvelles allégations présentées par la Fédération internationale syndicale de l'enseignement, la Fédération syndicale mondiale, l'Union internationale des syndicats de travailleurs de la métallurgie et l'Union internationale des syndicats des travailleurs du commerce;
    • - prié le gouvernement de fournir des informations sur les résultats de toute procédure judiciaire en cours.

B. Nouvelles allégations

B. Nouvelles allégations
  1. 361. Dans un télégramme du 14 mars 1980, la Fédération internationale syndicale de l'enseignement. (PISE) a présenté une nouvelle plainte au sujet de M. Gultekin Gazioglu et d'autres membres du comité directeur de l'Association TOEBDER. La FISE proteste contre les jugements rendus envers ces personnes par le tribunal de loi martiale à Ankara. Cette organisation demande la liberté pour les dirigeants arrêtés, la fin de la répression contre les syndicats et les associations démocratiques ainsi que le respect des droits de l'homme et des libertés démocratiques en Turquie.
  2. 362. Par une communication du 11 avril 1980, l'Union internationale des syndicats des travailleurs du commerce (UISTC) a informé le BIT de la libération de certains dirigeants syndicaux, dont M. Metin Denizmen, président de la BANKSEN. Cette organisation précise néanmoins que les griefs donnant lieu à des poursuites judiciaires contre ces dirigeants sont maintenus.

C. Réponse du gouvernement

C. Réponse du gouvernement
  1. 363. Dans sa lettre du 30 avril 1980, le gouvernement déclare en premier lieu que l'Organisation TOEBDER n'est pas un syndicat mais une association qui, selon la loi, ne peut étendre ses activités en dehors du but pour lequel elle est formée. En second lieu, le gouvernement affirme que les dirigeants de TOEBDER ont été arrêtés aux motifs que leurs activités dépassaient les buts de leur association, ce qui constitue une infraction à la loi pénale. En outre, un procès est en cours à l'encontre de ces personnes. Le gouvernement déclare également que l'Association TOEBDER n'a pas été dissoute, mais que ses activités ont été interdites.
  2. 364. Au sujet des dirigeants arrêtés appartenant aux syndicats MADEN-IS, BANKSEN et BAYSEN, le gouvernement affirme de nouveau que les motifs des arrestations sont d'ordre pénal, de même que les poursuites judiciaires en cours. A l'appui de cette affirmation, le gouvernement précise que le syndicat MADEN-IS est engagé dans des négociations collectives avec une organisation d'employeurs, et que le syndicat n'hésitera pas à recourir à des mouvements de grève en cas d'échec de ces négociations. Cela prouve, selon le gouvernement, que les actions judiciaires entamées à l'encontre de certains des dirigeants n'ont pas de rapport avec l'exercice des droits syndicaux de MADEN-IS.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 365. Le comité note que le cas concerne trois séries d'allégations: les arrestations de dirigeants syndicaux, la dissolution d'un syndicat d'enseignants turcs et des mesures prises par les autorités publiques contre des unions régionales ou locales (fouilles et fermetures des locaux).
  2. 366. Au sujet des allégations concernant la dissolution du syndicat d'enseignants, le comité note que, selon le gouvernement, l'organisation TOEBDER n'est pas un syndicat mais une association. Le comité remarque à cet égard qu'aux termes de la Constitution (article 119 tel que modifié par la loi no 1488 de 1971), les fonctionnaires ne peuvent s'affilier à des syndicats. En conséquence, cette catégorie de salariés ne peut constituer que des associations pour protéger ses intérêts professionnels (loi no 1630). Le comité croit devoir rappeler à ce sujet que, pour être conforme aux principes de la liberté syndicale, la législation nationale doit permettre aux travailleurs sans distinction d'aucune sorte, y compris les fonctionnaires publics, de constituer les organisations de leur choix. Dans le cas d'espèce, il apparaît que l'Association TOEBDER était une association de défense des intérêts des enseignants et qu'à ce titre, comme toute organisation de travailleurs, elle ne devrait pas être sujette à dissolution ou à suspension par voie administrative.
  3. 367. En ce qui concerne les arrestations des nombreux dirigeants syndicaux, le comité prend note des déclarations du gouvernement, selon lesquelles les infractions incriminées étaient d'ordre pénal, et non en rapport avec l'exercice de droits syndicaux.
  4. 368. Le comité note également que certains des dirigeants syndicaux détenus, dont faisait état la plainte de l'UISTC, ont été relâchés le 12 février 1980 après 27 jours de détention.
  5. 369. En outre, le comité note que les dirigeants ou militants syndicalistes relâchés, dont M. Metin Denizmen et M. Fehmi Isiklar, font l'objet de poursuites judiciaires pour des motifs, selon les plaignants, en relation directe avec l'exercice des droits syndicaux. Par ailleurs, les poursuites exercées à l'encontre des membres de l'Association TOEBDER, dont M. Gultekin Gazioglu, a fait l'objet d'une nouvelle plainte de la part de la FISE.
  6. 370. A cet égard, le comité tient à rappeler que dans de nombreux cas où les plaignants alléguaient que des travailleurs ou des dirigeants syndicalistes avaient été arrêtés en raison de leurs activités syndicales et où les réponses des gouvernements se bornaient à réfuter semblables allégations ou à indiquer que les arrestations avaient été opérées en raison d'activités subversives, pour des raisons de sécurité intérieure ou pour des crimes de droit commun, le comité s'est fait une règle de demander aux gouvernements en question des informations aussi précises que possible sur les arrestations incriminées, en particulier en ce qui concerne les actions judiciaires entreprises et le résultat de ces actions, pour lui permettre de procéder en connaissance de cause à l'examen des allégations.
  7. 371. En conséquence, le comité souhaiterait recevoir des informations précises sur la situation actuelle des dirigeants et militants syndicaux mentionnés dans les différentes communications des plaignants, ainsi que sur le résultat de toute action judiciaire qui serait engagée contre eux, notamment sur les jugements rendus à l'égard de M. Gultekin Gazioglu et de ses compagnons.
  8. 372. D'autre part, le comité souhaiterait que le gouvernement fournisse ses observations au sujet des allégations de fouilles et de fermetures de locaux syndicaux.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 373. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de noter que certains dirigeants et militants syndicalistes ont été relâchés;
    • b) de signaler à l'attention du gouvernement les considérations exprimées au paragraphe 366 ci-dessus concernant la dissolution de l'Association TOEBDER;
    • c) de prier le gouvernement de fournir:
    • i) ses observations au sujet des allégations des plaignants concernant les fouilles et les fermetures des locaux d'unions régionales ou locales;
    • ii) des informations précises sur la situation actuelle des syndicalistes mentionnés ci-dessus;
    • iii) les résultats des actions judiciaires intentées contre ces dirigeants ainsi que les jugements concernant M. Gultekin Gazioglu et ses compagnons;
    • d) de prendre note du présent rapport intérimaire.
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