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Rapport intérimaire - Rapport No. 208, Juin 1981

Cas no 997 (Türkiye) - Date de la plainte: 09-SEPT.-80 - Clos

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  1. 342. Le comité a déjà examiné ce cas à sa session de février 1981 au cours de laquelle il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration. Depuis lors, la Confédération mondiale du travail (CMT) a adressé le 1er avril 1981 des informations complémentaires à l'appui de sa plainte. Pour sa part, l'Union internationale des syndicats des industries chimiques, du pétrole et similaires (ICPS) a également formulé des allégations dans une communication du 9 mars 1981. Le gouvernement, quant à lui, a fait parvenir ses observations dans des lettres des 7 et 11 mai 1981. La CMT a, en outre, envoyé des informations le 6 mai 1981 qui ont été transmises au gouvernement.
  2. 343. La Turquie n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; elle a, en revanche, ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
  3. 344. Les plaintes déposées dans le présent cas avaient trait principalement à l'emprisonnement et à la mort violente de syndicalistes, aux restrictions imposées aux activités syndicales des confédérations des syndicats de travailleurs progressistes (DISK) et nationalistes (MISK) et de nombreuses organisations syndicales qui leur étaient affiliées et à la suspension générale du droit de grève et de négociation collective.

A. Emprisonnement, mort et disparition de syndicalistes

A. Emprisonnement, mort et disparition de syndicalistes
  1. 345. Dans leurs diverses communications, les plaignants avaient allégué qu'un grand nombre de syndicalistes avaient été arrêtés à la suite du changement de régime qui était survenu en Turquie le 12 septembre 1980. Ils communiquaient le nom de près d'une centaine d'entre eux, accompagné de leur qualité et de leurs fonctions syndicales, ainsi que de leur lieu de détention, en général dans des prisons militaires, en précisant que la plupart étaient gardés à vue avec interdiction de communiquer avec leurs avocats. Le délai de garde à vue avait été porté de trente à quatre-vingt-dix jours. Les syndicalistes avaient été arrêtés sur ordre de la Cour martiale d'Istanbul et inculpés de constitution et de participation à une organisation illégale ayant pour visée la domination d'une classe sur les autres. Enfin, les organisations plaignantes déclaraient que la mort d'Ahmet Hilmi Feyzioglu, conseiller juridique auprès du Syndicat des travailleurs de la métallurgie (MADEN-IS), était survenue à la suite des tortures dont il avait été l'objet.
  2. 346. Dans ses réponses, le gouvernement indiquait que les forces armées avaient pris le pouvoir en vue de rétablir et de faire revivre un régime libre et démocratique basé sur le respect des droits et des libertés essentiels. Le gouvernement signalait plus précisément que le climat d'insécurité et de désordre qui régnait dans le pays et l'incapacité des structures à faire face à l'escalade de la violence avaient rendu cette opération nécessaire et inévitable. Il convenait que les dirigeants de la DISK dont les noms étaient mentionnés par les plaignants avaient été arrêtés par décision du tribunal compétent. Il ajoutait qu'ils étaient accusés d'infraction aux articles 141, 142 et 146 du Code pénal, aux dispositions de la loi 1402 sur l'état de siège et à celles de la loi no 6136 sur les armes à feu, et gardés à vue pour une période de trente jours, renouvelable par décision du juge pour des périodes de vingt jours, sans excéder quatre-vingt-dix jours. Selon le gouvernement, certains dirigeants avaient été inculpés pour incitation à la grève illégale notamment, et traduits devant les tribunaux.
  3. 347. Dans ses conclusions de février 1981, le comité avait signalé que des mesures d'emprisonnement pour participation à une grève comportaient de graves risques d'abus et de sérieux dangers pour la liberté syndicale et il avait demandé au gouvernement de revoir la situation quand on est détenu pour de tels faits. Au sujet des dirigeants et militants syndicaux qui, selon le gouvernement, étaient inculpés de délits de droit commun, en particulier de tentatives de domination d'une classe sur une autre, de création d'associations visant à renverser l'ordre social, de tentative de coup d'état, d'infractions à la loi sur les armes à feu, etc., et qui étaient gardés à vue, le comité avait souligné l'importance qu'il attache au principe selon lequel toute personne arrêtée devrait faire l'objet d'une procédure judiciaire régulière, disposer des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et pouvoir communiquer avec le conseil de son choix.
  4. 348. A sa session de février 1981, le comité avait, sur l'ensemble de ces questions, constaté que les militants et dirigeants emprisonnés encouraient des peines extrêmement lourdes. Il avait relevé qu'un renforcement de ces peines risquait d'intervenir du seul fait qu'ils étaient syndicalistes et estimé que les dispositions pénales impliquant un traitement discriminatoire à l'égard des syndicalistes constituait une atteinte grave à l'exercice des droits syndicaux. Il avait prié le gouvernement de fournir des informations sur l'évolution de la situation des personnes détenues, en particulier sur les mesures de libération qui interviendraient et, en cas de condamnation, de communiquer les jugements les concernant avec leurs attendus.
  5. 349. Le comité avait en outre prié instamment le gouvernement d'indiquer s'il était exact que M. Hilmi Feyzioglu n'était plus en vie et de transmettre les résultats de toute enquête judiciaire concernant son décès éventuel.
  6. 350. Depuis la dernière session du comité, la CMT a adressé une communication le 1er avril 1981 dans laquelle elle précise que 126 condamnations à mort ont été requises en un jour par les procureurs militaires d'Ankara, d'Izmir et d'Istanbul. Le gouvernement militaire, ajoute la CMT, aurait tendance à qualifier d"extrémiste" ou de "subversive" toute personne opposée à sa politique, ce qui lui permettrait de prononcer des condamnations à la peine capitale. Elle demande l'intervention du BIT auprès des autorités turques pour que les procédures judiciaires régulières soient respectées et attire à nouveau l'attention sur le fait que les syndicalistes arrêtés n'ont toujours pas pu communiquer avec leurs avocats.
  7. 351. Pour sa part, l'ICPS, dans sa communication du 9 mars 1981, souligne que sept dirigeants des syndicats des travailleurs du pétrole, de la chimie et de la pétrochimie (PETKIM-IS), cinq dirigeants du Syndicat des travailleurs de la céramique (KERAMIK-IS), sept dirigeants du Syndicat des travailleurs du caoutchouc (LASTIK-IS), deux dirigeants du Syndicat des travailleurs du verre (HURCAM-IS) et le président du Syndicat des travailleurs du papier (TUMKA-IS) sont arrêtés. Les syndicats auxquels ils appartiennent sont tous affiliés à la DISK. Les noms des syndicalistes emprisonnés mentionnés par l'ICPS figuraient pour la plupart à l'annexe I du 207e rapport du comité relatif aux cas nos 997 et 999. L'ICPS cite en outre l'arrestation des dirigeants du Syndicat des travailleurs du pétrole, de la chimie et de la pétrochimie affilié à la DISK, Mustafa Karadayi, Kemal Deriner, Kadir Guler, Esref Okumus, Niyazi Kizilay, Dervis Serin et Adil Sismek. L'ICPS allègue également la disparition de syndicalistes, sans toutefois fournir de précisions sur l'identité de ceux qui ont disparu.
  8. 352. Le gouvernement, quant à lui, indique dans une communication du 7 mai 1981 que, le 24 avril, 113 syndicalistes viennent d'être libérés, mais il ne mentionne aucun nom. Il admet que le nombre de syndicalistes actuellement en état d'arrestation est de 195.
  9. 353. Au sujet de la mort, le 2 octobre 1980, de M. Ahmet Hilmi Feyzioglu, avocat au Barreau de Bursa et conseiller juridique du Syndicat des travailleurs de la métallurgie (MADEN-IS), le gouvernement fournit les précisions suivantes: M. Feyzioglu, qui apparemment utilisait le local du syndicat comme sa résidence, avait été pris en garde à vue pendant la fermeture de celui-ci et conduit à la. Direction de la sécurité. Selon le gouvernement, le 2 octobre 1980, il s'est jeté, après avoir brisé la vitre, de la fenêtre d'une pièce sise au 5e étage, où il attendait après l'accomplissement de son interrogatoire en présence d'un autre prévenu nommé Necati Kartal. Le même jour, il a succombé à l'hôpital aux blessures provoquées par la chute. Le Procureur de la République a tout de suite entamé une enquête sur les circonstances de la mort, comme c'est d'ailleurs toujours le cas dans de pareils incidents. Une autopsie a été effectuée; une commission d'experts a été convoquée et les témoins ont été entendus. L'enquête a conclu, le 13 octobre 1980, au suicide. La commission d'experts et le médecin légiste ont précisé dans leurs rapports qu'ils n'avaient pas remarqué sur le corps un autre traumatisme que celui provoqué par la chute et qu'il n'existait pas de signe de mauvais traitements qui auraient pu précéder le décès. Le Procureur de la République a décidé de classer l'affaire. Les proches de M. Feyzioglu ont contesté cette décision auprès de la Cour d'assises de Bilecik. La cour, après avoir examiné le cas, a entériné, le 23 décembre 1980, la décision du procureur de Bursa.
  10. 354. Enfin, le gouvernement conteste par ailleurs que des peines plus lourdes risquent d'être infligées aux syndicalistes du seul fait qu'ils sont syndicalistes.
  11. 355. De plus, dans une lettre du 11 mai 1981, le gouvernement répond, à propos des allégations de disparition de syndicalistes formulées par l'ICPS, qu'il n'existe en Turquie aucune personne qui aurait disparu involontairement. Ceci n'exclut pas la possibilité que certaines personnes préfèrent, selon son expression, "se faire disparaître" volontairement vers l'étranger afin d'échapper à des poursuites judiciaires.
  12. 356. Parallèlement, dans une communication du 6 mai 1981 qui a été transmise au gouvernement pour qu'il fasse parvenir ses observations, la CMT, face à la situation préoccupante qui prévaut actuellement en Turquie, réclame une action du BIT sous la forme qu'il jugera appropriée par l'envoi d'un représentant ou d'une mission en Turquie pour intervenir auprès des autorités turques et s'enquérir de la situation concernant: le traitement des prisonniers, le déroulement des procès, les droits et libertés du mouvement syndical, de ses dirigeants ainsi que de leurs membres.
  13. 357. Le comité, pour sa part, tient à exprimer sa profonde préoccupation face à la gravité des allégations qui continuent à être portées à sa connaissance et, en particulier, en ce qui concerne les circonstances de la mort de M. Hilmi Feyzioglu, avocat du Syndicat MADEN-IS, survenue au cours de sa détention à la Direction de la sécurité. Il ne peut que déplorer ce lamentable événement et exhorter le gouvernement à prendre les mesures les plus strictes pour que de tels faits ne se renouvellent pas.
  14. 358. Par ailleurs, étant donné que, selon la CMT, les syndicalistes arrêtés n'ont toujours pas pu communiquer avec leurs avocats, le comité rappelle l'importance qu'il attache à ce que, dans tous les cas, y compris lorsque les syndicalistes sont inculpés de délits politiques ou criminels que le gouvernement considère comme étrangers à leurs activités syndicales, les personnes en question soient jugées par une autorité judiciaire indépendante, en présence de leur avocat. Il estime, comme il l'a signalé dans d'autres case, que les intéressés devraient bénéficier d'une présomption d'innocence et qu'il appartient au gouvernement de montrer que les mesures prises par lui n'ont pas leur origine dans les activités syndicales des personnes auxquelles les mesures s'appliquent.
  15. 359. Le comité observe en outre que le gouvernement a annoncé la libération de 113 syndicalistes. Cependant, il n'a fourni aucune information sur le sort des 92 personnes dont les noms figurent à l'annexe du 207e rapport sur les cas nos 997 et 999.
  16. 360. Le comité rappelle que les dirigeants incarcérés dans les prisons de Denutpasa, de Metris et dans d'autres prisons militaires appartiennent, selon la CMT et l'ICPS, aux syndicats des travailleurs des services publics, de la métallurgie, du textile, de l'hôtellerie et de la restauration, de l'alimentation, de l'agriculture, du caoutchouc, des métiers graphiques, de la céramique, des transports, des soins de santé, du verre, du papier, de la construction navale militaire, de la cimenterie, du gaz, de l'électricité et de l'eau, de la chaussure et du cuir, du bois, des banques, du pétrole, 'de la chimie et de la pétrochimie et au syndicat des employés de bureau, tous affiliés à la DISK.
  17. 361. Etant donné que, selon la CMT, 126 condamnations à mort auraient été requises par les procureurs militaires, le comité exprime sa profonde préoccupation au sujet du procès des dirigeants de la DISK et des lourdes sentences, y compris des peines de mort encourues par les syndicalistes. Il prie, en conséquence, le gouvernement d'adresser ses observations à ce sujet et de fournir des informations aussi précises que possible sur le sort de chacune des personnes dont les noms ont été communiqués par la CMT et par l'ICPS, et qui figurent à l'annexe du 207e rapport et au paragraphe 351 du présent rapport.
  18. 362. Au sujet des allégations relatives à la disparition dont auraient été l'objet des syndicalistes et en l'absence d'indication quant à l'identité de ceux qui avaient disparu, le comité prend note de la réponse du gouvernement selon laquelle aucune personne n'a disparu involontairement.
  19. 363. Le comité note, par ailleurs, que la CMT a, à plusieurs reprises, demandé l'envoi d'un représentant ou d'une mission en Turquie pour intervenir auprès des autorités et s'enquérir de la situation concernant le traitement des prisonniers, le déroulement des procès et les droits et libertés du mouvement syndical, de ses dirigeants ainsi que de leurs membres.

B. Suspension de confédérations et d'organisations syndicales et restrictions imposées aux activités syndicales

B. Suspension de confédérations et d'organisations syndicales et restrictions imposées aux activités syndicales
  1. 364. Les organisations plaignantes avaient allégué que les autorités militaires avaient suspendu les activités des confédérations des travailleurs progressistes (DISK) et nationalistes (MISK) et de nombreuses organisations syndicales qui leur étaient affiliées et avaient gelé leurs avoirs. En outre, les principales activités syndicales, notamment la négociation collective et le droit de grève, avaient été suspendues.
  2. 365. Dans sa réponse, le gouvernement avait indiqué qu'il s'agissait de sauvegarder l'ordre public, des indications ayant, selon lui, mis à l'évidence l'existence de liens organiques et d'une coopération entre certaines organisations clandestines illégales responsables d'actes terroristes et certains syndicats. Le gouvernement confirmait qu'afin de sauvegarder les intérêts financiers et d'assurer l'administration des syndicats dont les activités avaient été suspendues, une loi prévoyant la désignation de curateurs par les tribunaux avait été promulguée. Enfin, la Confédération des syndicats des travailleurs de Turquie (TURK-IS), la plus importante selon lui pour le nombre de ses adhérents, et les syndicats qui lui étaient affiliés continuaient normalement leurs activités. Il affirmait qu'aucune intervention législative n'avait limité ou interdit les activités syndicales, si ce n'est la suspension des grèves jusqu'à nouvel avis, seule limitation temporaire en la matière. Au sujet des négociations collectives, ajoutait le gouvernement, dans un premier temps, les travailleurs qui faisaient partie de négociations interrompues à la suite de la suspension des activités de leur syndicat se seraient vu octroyer une augmentation de salaires de 70 pour cent. Dans un second temps, une loi prévoyant l'institution d'une Haute-commission d'arbitrage, composée d'employeurs et de travailleurs et chargée de prendre des décisions pour la conclusion des négociations collectives et de résoudre les conflits éventuels, aurait été adoptée. Ce mécanisme, expliquait le gouvernement, n'était pas destiné à remplacer le système de négociation collective existant; il était conçu comme une mesure de recours dans des circonstances exceptionnelles.
  3. 366. A sa session de février 1981, le comité avait, en premier lieu, rappelé qu'un mouvement syndical réellement libre et indépendant ne peut se développer que dans le respect des droits fondamentaux de l'homme. Il avait également exprimé le ferme espoir que les confédérations et organisations suspendues seraient rétablies dans leur situation antérieure et que la nouvelle législation générale en matière de liberté syndicale envisagée serait conforme aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective. Le comité avait aussi rappelé que la suspension de la grève et de la négociation collective constituait une restriction importante aux moyens essentiels dont doivent disposer les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et défendre leurs intérêts. Il avait noté à cet égard qu'une loi instituant une Haute-commission d'arbitrage venait d'être adoptée et il avait prié le gouvernement d'en communiquer le texte pour pouvoir évaluer la situation en toute connaissance de cause.
  4. 367. Dans sa communication du 7 mai 1981, le gouvernement précise que l'avenir des organisations suspendues dépend de l'issue des actions judiciaires en cours et que la nouvelle législation en matière syndicale sera, affirme-t-il, conforme aux principes énoncés dans les instruments internationaux existant dans ce domaine. Il insiste sur le caractère temporaire des restrictions qu'il a apportées à l'exercice de certains droits syndicaux, nécessitées, selon lui, par une situation de crise nationale aiguë. Le gouvernement communique le texte de la loi instituant la Haute commission d'arbitrage, intitulée Loi sur la remise en vigueur des conventions collectives expirées dans les cas de nécessité sociale.
  5. 368. Le comité note les informations communiquées par le gouvernement. Cependant, il doit constater avec regret, en premier lieu, que des confédérations et des organisations syndicales, à savoir la DISK et la MISK, et leurs affiliées sont toujours suspendues. A cet égard, le comité indique à nouveau que la suspension par voie administrative des organisations syndicales constitue une grave limitation du droit des organisations de travailleurs d'élire librement leurs dirigeants et d'organiser leur gestion et leurs activités. Le comité a noté la déclaration du gouvernement selon laquelle l'avenir de ces organisations dépend de ---------- l'issue des actions judiciaires en cours. A cet égard, il considère que le gouvernement devrait donner un caractère prioritaire à la levée de ces mesures de suspension tant que les autorités judiciaires ne se sont pas prononcées sur les infractions qui leur seraient imputables. Le comité rappelle sur ce point que seuls des faits graves et dément prouvés pourraient conduire à la dissolution par voie judiciaire des organisations syndicales. Le comité, pour ce qui est plus particulièrement de la suspension du droit de grève, estime que cette restriction ne devrait pas s'étendre au-delà d'une période raisonnable.
  6. 369. Les plaignants avaient également fait état de la suspension de la négociation collective. Lors du précédent examen de ces cas par le comité, il semblait ressortir des informations communiquées par le gouvernement que les négociations collectives avaient été gelées pendant un certain temps, mais qu'une législation récemment adoptée permettait à nouveau le développement de la négociation collective et l'intervention d'une Haute-commission d'arbitrage pour régler les conflits en cours en cas d'échec des négociations. Le comité, en examinant la Loi sur la remise en vigueur des conventions collectives expirées dans les cas de nécessité sociale, note le caractère tripartite de la composition de la Haute-commission d'arbitrage. Cependant, il apparaît que la loi est applicable dans les cas et les lieux où la grève est interdite. Cette Haute-commission, qui rend des décisions définitives en cas de conflit collectif provenant de l'interprétation différente des dispositions d'une convention collective, peut être saisie soit par une organisation de travailleurs, soit par une organisation d'employeurs parties au contrat, soit par la Direction régionale du travail. Le comité, dans le contexte général de la suspension du droit de grève qui prévaut actuellement en Turquie, suspension qui est en conflit avec l'exercice des libertés syndicales dès lors qu'elle s'étend au-delà d'une période raisonnable, exprime l'espoir que le gouvernement ne recourra pas à cette procédure pour obtenir au moyen d'un arbitrage obligatoire des interprétations restrictives des clauses des conventions collectives négociées par les partenaires sociaux.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 370. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire et, en particulier, les conclusions suivantes:
    • Pour ce qui est du cas dans son ensemble, le comité tient en premier lieu à exprimer sa préoccupation face à la gravité des allégations qui continuent à être portées à sa connaissance.
    • En effet, le comité, tout en notant avec intérêt que 113 syndicalistes emprisonnés ont été libérés, note avec préoccupation que le nombre de syndicalistes actuellement en état d'arrestation est encore de 195. De surcroît, étant donné que, selon les plaignants, 126 condamnations à mort auraient été requises par les procureurs militaires, le comité exprime sa profonde inquiétude à propos des procès des dirigeants syndicaux et des lourdes sentences, y compris des peines de mort encourues par les syndicalistes.
    • Le comité constate avec regret que le gouvernement n'a pas fourni d'informations détaillées sur le sort des syndicalistes dont les noms ont été mentionnés par les plaignants. Il prie, en conséquence, le gouvernement d'adresser des informations aussi précises que possible sur le sort de ceux dont les noms figurent à l'annexe au 207e rapport relatif aux présents cas et au paragraphe 351 ci-dessus.
    • Le comité, par ailleurs, déplore les circonstances de la mort de M. Hilmi Feyzioglu, avocat du Syndicat MADEN-IS, survenue au cours de sa détention à la Direction de la sécurité et il exhorte le gouvernement à prendre les mesures les plus strictes pour que de tels faits ne se renouvellent pas.
    • A propos de la suspension de la DISK et de la MISK et des organisations syndicales qui leur sont affiliées, le comité constate avec regret que ces organisations sont toujours sous contrôle des autorités. A cet égard, le comité rappelle qu'il avait exprimé l'espoir que les confédérations et les organisations suspendues seraient rétablies dans leur situation antérieure. Il signale donc avec fermeté au gouvernement qu'il devrait donner un caractère prioritaire à la levée des mesures de suspension dès lors que les autorités judiciaires ne se sont pas prononcées sur des infractions qui leur seraient imputables, et prie le gouvernement de le tenir informé de l'évolution de la situation et des mesures prises pour donner suite à la recommandation qu'il avait formulée précédemment.
    • En outre, le comité attire l'attention du gouvernement sur les préoccupations qu'il a exprimées à propos de la suspension du droit de grève et des limitations qui paraissent subsister en matière de négociation collective, et il exprime le ferme espoir que la nouvelle législation en matière de liberté syndicale, annoncée par le gouvernement, permettra dans un proche avenir de normaliser les activités syndicales dans le pays, et prie le gouvernement d'adresser toutes informations sur l'évolution de la situation syndicale.
    • Finalement, le comité note que la Confédération mondiale du travail demande l'envoi d'un représentant ou d'une mission en Turquie pour s'enquérir de la situation concernant le traitement des prisonniers, le déroulement des procès et les droits et libertés du mouvement syndical, de ses dirigeants et de ses membres. Le comité charge son président d'avoir des contacts avec les représentants gouvernementaux de la Turquie à la prochaine session de la Conférence internationale du Travail en vue de discuter des questions en instance dans ces cas et en particulier de la possibilité d'une mission de contacts directs sur place.
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