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Rapport définitif - Rapport No. 218, Novembre 1982

Cas no 1126 (Chili) - Date de la plainte: 13-AVR. -82 - Clos

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  1. 196. Par des communications datées des 13 avril, 10 mai et 18 mai 1982, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a présenté des plaintes violation des droits syndicaux au Chili. Le gouvernement a fourni ses observations dans des lettres des 13 et 22 septembre 1982.
  2. 197. Le Chili n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur 7.e droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
  3. 198. Etant donné que les plaintes de la CISL ont toutes trait à des violations alléguées du droit de réunion, le comité a décidé d'examiner conjointement les trois affaires.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 199. Dans un télégramme du 13 avril 1982 (cas no 1126), la CISL allègue qu'une réunion consultative nationale organisée par la Coordinadora Nacional Sindical et prévue pour les 16, 17 et 18 avril 1982 à Punta de Tralca afin de discuter de questions syndicales et sociales a été interdite par les autorités chiliennes.
  2. 200. Un autre télégramme de la CISL du 10 mai 1982 (cas no 1137) allègue que les autorités ont empêché par la force une réunion syndicale de la Coordinadora National Sindical qui devait se tenir le 7 mai 1982.
  3. 201. Enfin, dans une lettre du 18 mai 1982 (cas no 1136), la CISL se réfère à une rencontre de dirigeants syndicaux chiliens, organisée par le Groupement national des employés du secteur public (ANEF) le 7 mai 1982 au siège de cette organisation. Selon la CISL, cette réunion était connue de toute l'opinion politique chilienne, et les dirigeants légitimes des organisations professionnelles et syndicales légalement constituées avaient l'intention d'y assister. L'objet de cette réunion était, toujours selon la CISL, de rechercher l'unité des forces sociales chiliennes pour trouver des solutions aux graves problèmes socio-économiques qui affectent la majeure partie de la population chilienne.
  4. 202. En vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par les décrets-lois nos 1183 de 1975, 2544 de 1979 et 3346 de 1980 et par l'article 36 du décret suprême de justice no 110 de 1979, le ministère de la Justice a, le 7 mai 1982, notifié aux dirigeants de l'ANEF qu'il était impossible de tenir la réunion prévue. Ce même jour, des fonctionnaires du ministère de la Justice et du ministère du Travail, accompagnés de forces de police, se présentèrent au siège de l'ANEF pour notifier l'interdiction de la réunion.
  5. 203. Pour la CISL, ces interdictions constituent une ingérence dans les activités des organisations syndicales ainsi qu'une violation de la convention no 87 et des droits de réunion et d'expression.

B. Observations du gouvernement

B. Observations du gouvernement
  1. 204. Pour ce qui est de la réunion consultative que la Coordinadora Nacional Sindical voulait organiser les 16, 17 et 18 avril 1982 à Punta de Tralca, le gouvernement indique, dans sa communication du 13 septembre 1982, que les autorités n'ont pas interdit ni empêché la réunion en question. Ce sont les organisateurs eux-mêmes qui auraient renoncé à la tenir.
  2. 205. Au sujet de la réunion de la Coordinadora National Sindical prévue pour le 7 mai 1982, le gouvernement déclare que les autorités chargées de veiller à la sécurité publique n'ont pas connaissance d'une interdiction de cette réunion. Il n'est pas vrai, poursuit-il, qu'on aurait empêché par la force une réunion de cette organisation le gouvernement précise que la Coordinadora National Sindical a tenu une réunion le 7 juillet 1982, dont plusieurs stations de radio ont fait état. Il rappelle que la Coordinadora National Sindical est une organisation de fait et qu'à ce titre elle ne peut assumer une fonction de représentation des travailleurs.
  3. 206. Sur l'affaire de l'interdiction de la réunion de l'ANEF, le gouvernement explique, tout d'abord, que cette organisation a obtenu la personnalité juridique par décret suprême du ministère de la Justice no 2161 du 28 juillet 1964, sur la base des dispositions du code civil (Titre XXXIII du livre I). Ses activités sont régies par le décret suprême no 110 de 1979 sur les corporations et fondations de droit privé.
  4. 207. L'ANEF est donc, ajoute le gouvernement, une corporation de droit privé à but non lucratif et qui, conformément à l'article 2 de ses statuts, a pour unique objet "l'orientation et le perfectionnement administratif, technique et culturel de ses membres et la promotion de leur bien-être social". Aux termes de l'article 3 des statuts, "l'action de l'ANEF se développera dans le domaine social et culturel et ne pourra s'immiscer directement ou indirectement dans des activités politiques, religieuses ou syndicales ...". Cette interdiction est d'ailleurs prévue à l'article 6 du décret no 110 qui dispose que les corporations ne peuvent poursuivre des fins syndicales ou lucratives.
  5. 208. Pour le gouvernement, l'ANEF est donc une corporation de droit privé, de caractère mutualiste, destinée à l'amélioration du niveau culturel de ses membres, différente de tout autre type d'organisation régi par un statut juridique propre, comme c'est le cas des organisations syndicales.
  6. 209. Il appartient au ministère de la Justice de contrôler les corporations et fondations de droit privé. En vertu de l'article 25 du décret no 110, ces organisations ne doivent pas être contraires à la loi, à l'ordre public et aux bonnes moeurs et elles doivent poursuivre les fins pour lesquelles elles ont été constituées sans enfreindre leurs statuts. Au cas où une telle organisation changerait ses fins statutaires ou exercerait des activités contraires à la loi, à l'ordre public ou aux bonnes moeurs, le Président de la République peut retirer la personnalité juridique à la corporation ou à la fondation, conformément à l'article 25 du décret no 110 et à l'article 559 du code civil.
  7. 210. Dans le cas présent, la corporation en question a gravement enfreint ses statuts, le code civil et le décret no 110 en convoquant une réunion syndicale. Dans ces circonstances, le ministère de la Justice aurait dû appliquer la loi et procéder en conséquence à l'annulation de la personnalité juridique de l'ANEF. Cependant, on a choisi de notifier l'impossibilité de tenir la réunion programmée et de prévenir ainsi une situation absolument irrégulière, contraire à l'essence et aux fins de la corporation et en violation des dispositions législatives et réglementaires en vigueur.
  8. 211. Pour ce qui est de la déclaration des plaignants selon laquelle la convention no 87 aurait été violée, le gouvernement rappelle qu'il n'a pas ratifié cet instrument et qu'en conséquence il ne peut enfreindre une convention à laquelle il n'est pas lié. En effet, poursuit il, l'article 15 de la convention, paragraphe 1, dispose que la convention ne liera que les Membres dont la ratification aura été enregistrée, et le paragraphe 3 de ce même article prévoit que la convention entrera en vigueur pour chaque Membre douze mois après l'enregistrement de la ratification.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 212. Avant d'aborder le cas quant au fond, le comité estime utile de répondre aux objections présentées par le gouvernement quant au fait qu'il n'a pas ratifié la convention no 87. Tout en étant parfaitement conscient que, de ce fait, la convention no 87 n'a pas de caractère obligatoire pour ce pays, le comité doit rappeler qu'en adhérant à l'OIT le Chili s'est, par là même, engagé à respecter certains principes dont celui de la liberté syndicale. Ainsi que l'a indiqué le comité, "l'OIT a pour fonction de contribuer à l'application effective du principe général de la liberté d'association, qui est l'une des principales sauvegardes de la paix et de la justice sociale". Le comité a également indiqué qu'en s'acquittant de ses obligations en la matière, l'Organisation ne doit pas hésiter à se livrer à un examen sur le plan international lorsqu'il s'agit de cas qui seraient de nature à porter sérieusement atteinte à la réalisation des buts et objectifs de l'OIT, tels qu'ils sont exposés dans la Constitution de l'organisation, dans la Déclaration de Philadelphie et dans les diverses conventions relatives à la liberté d'association le comité note d'ailleurs que le gouvernement a largement coopéré en répondant aux demandes d'informations de l'OIT.
  2. 213. Dans le cas d'espèce, les allégations concernent des atteintes qui auraient été portées, à trois reprises, au droit de réunion des organisations syndicales. Pour deux de ces réunions, qui avaient été convoquées par la Coordinadora Nacional Sindical, organisation de fait regroupant une des tendances du mouvement syndical chilien, les allégations des plaignants et la réponse du gouvernement sont parfaitement contradictoires puisque ce dernier nie que les réunions en question aient été interdites. Dans ces conditions, le comité ne peut que rappeler d'une manière générale que le droit de réunion des organisations de travailleurs constitue l'un, des éléments fondamentaux des droits syndicaux.
  3. 214. Pour ce qui est de la réunion organisée par l'ANEF, organisation regroupant des travailleurs du secteur public, le gouvernement explique son interdiction par le fait que cette organisation, qui est juridiquement une corporation de droit privé, ne peut, aux termes du code civil, se livrer à des activités syndicales. A cet égard, le comité relève que les travailleurs du secteur public ont dû constituer ce type d'organisation précisément parce que le statut administratif, en son article 166, interdit aux employés et ouvriers au service de l'Etat de former des syndicats. Cependant, depuis des années, les organisations créées par les travailleurs du secteur public, telles que l'ANEF, exerçaient des activités de nature syndicale. Le gouvernement avait d'ailleurs reconnu lui-même cette existence de fait puisqu'à plusieurs reprises des dirigeants de l'ANEF avaient figuré dans la délégation des travailleurs à la conférence internationale du Travail.
  4. 215. Le comité doit donc constater avec inquiétude que, non seulement le gouvernement n'a toujours pas accordé le droit syndical aux fonctionnaires comme le comité le lui a demandé de façon réitérée, mais qu'en plus il a, en interdisant des réunions organisées par l'ANEF, entravé le libre exercice des activités de cette organisation qui, jusqu'à maintenant, avait pu se livrer à des activités de type syndical. En conséquence, le comité croit utile de signaler au gouvernement que les fonctionnaires devraient, à l'instar des travailleurs du secteur privé, pouvoir constituer des organisations de leur choix destinées à promouvoir et à défendre les intérêts de leurs membres et que ces organisations devraient avoir le droit d'organiser leurs activités et, en particulier, de tenir des réunions sans ingérence des autorités publiques.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 216. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver les conclusions suivantes:
    • a) Le comité rappelle, d'une manière générale, que le droit de réunion des organisations de travailleurs constitue l'un des éléments fondamentaux des droits syndicaux.
    • b) Plus particulièrement en ce qui concerne l'interdiction d'une réunion de l'ANEF, le comité signale au gouvernement que les fonctionnaires devraient pouvoir constituer des organisations de leur choix et que ces dernières devraient avoir le droit d'organiser leurs activités et, notamment, de tenir des réunions sans ingérence des autorités publiques.
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