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Rapport définitif - Rapport No. 218, Novembre 1982

Cas no 1144 (Chili) - Date de la plainte: 01-JUIL.-82 - Clos

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  1. 217. Par une communication en date du 1er juillet 1982, la Confédération nationale des travailleurs du bâtiment, du bois, des matériaux de construction et activités connexes a présenté une plainte en violation des droits syndicaux au Chili, plainte également signée par les présidents du syndicat no 1 des travailleurs de la société de construction internationale SA Chili et du syndicat no 1 des travailleurs de l'entreprise Gordo Atkinson et Cie. Le gouvernement a fourni ses observations dans une lettre du 22 septembre 1982.
  2. 218. Le Chili n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 219. Les plaignants allèguent que l'entreprise transnationale Société de construction internationale SA Chili a dénié, avec la complicité de la direction du ministère du Travail, le droit de négociation collective aux 1.800 travailleurs du complexe hydroélectrique Colbún Machicura. Les plaignants joignent deux annexes à leur communication: la résolution no 297 adoptée par la direction du travail dans le conflit opposant les travailleurs à l'entreprise, et le texte du recours qu'ils ont présenté à la Cour d'appel de Santiago.
  2. 220. Il ressort de ces documents que, le 25 mai 1982, la commission de négociation désignée par les travailleurs de l'entreprise a présenté un projet de convention collective de travail à l'employeur en vue d'entamer la procédure de négociation collective.
  3. 221. Le 7 juin 1982, l'entreprise a donné une réponse au projet de convention en formulant plusieurs objections et observations, notamment quant au fait que le projet prétendait inclure des travailleurs qui n'étaient pas habilités juridiquement à être couverts par une convention collective, le décret-loi no 2758 sur la négociation collective excluant de son application les travailleurs engagés pour accomplir des travaux de caractère temporaire. Cette objection se fondait sur le fait que les travailleurs en question avaient été engagés pour des travaux de caractère transitoire puisque le chantier avait une durée maximum s'étendant jusqu'au 1er août 1985. L'employeur faisait valoir également que les travaux se divisaient en diverses tâches et s'accomplissaient de façon parallèle ou successive dans des délais fixes et en divers endroits, ce qui fait que les travailleurs étaient employés en réalité pour trois ou six mois ou plus, mais toujours dans le délai maximum allant jusqu'au 1er août 1965.
  4. 222. Le 13 juin 1982, les cinq membres de la commission de négociation ont présenté un recours devant la direction du travail au sujet de la réponse de l'entreprise. Ils expliquaient dans leur réclamation que l'employeur s'était référé seulement à une partie des travailleurs couverts par la négociation sans préciser qui, à son avis, serait affecté par l'interdiction de négocier. Pour les membres de la commission de négociation, cette omission suffisait pour rejeter l'observation de l'entreprise. Les requérants observaient également que si les travailleurs visés par la négociation collective avaient, dans leur grande majorité, des contrats de 30 jours, il n'en restait pas moins qu'ils continuaient à fournir leurs services pour une durée indéterminée une fois le délai passé, Les travaux qu'ils effectuaient, ajoutaient les membres de la commission de négociation, correspondaient à des tâches du génie civil et non de bâtiment comme l'estimait l'employeur. Les membres de la commission de négociation concluaient dans leur requête que le but de l'entreprise était de ne pas négocier et de se soustraire ainsi aux normes du décret-loi no 2758 en vigueur.
  5. 223. Le 18 juin 1982, la direction du travail, par une résolution no 297, tout en acceptant certaines des réclamations présentées par la commission de négociation sur la capacité des membres de la commission à représenter les travailleurs et sur la validité des signatures apposées au projet de convention collective, a rejeté la réclamation formulée au sujet de l'inhabilitation des travailleurs concernés à faire l'objet d'une convention collective. La direction du travail a en effet estimé que ces travailleurs avaient bien été contractés exclusivement pour un travail déterminé et de caractère temporaire.
  6. 224. Pour les membres de la commission de négociation, cette décision de la direction du travail reposait sur deux données fausses, à savoir que tout travail de construction est de durée temporaire et que tous ceux qui participent à de tels travaux sont des travailleurs du bâtiment.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 225. Après avoir rappelé les faits qui font l'objet de la plainte, le gouvernement justifie que la direction du travail ait considéré les travaux effectués dans le cadre de la construction du complexe hydro-électrique Colbún Machicura comme temporaire. Il signale à cet égard que, dans la législation syndicale (décret-loi no 2756, article 5), les travaux du bâtiment sont qualifiés de travaux transitoires. En qualifiant ainsi ces travaux, poursuit le gouvernement, la législation n'a cependant pas nié le droit de négociation collective à tous les travailleurs du bâtiment. En effet, précise-t-il, si le travailleur n'a pas été contracté exclusivement pour un travail ou une tâche déterminé, ou que ces travaux et ces tâches ne sont pas temporaires, les travailleurs ont dans ce cas le droit de négocier collectivement.
  2. 226. Le gouvernement indique que, dans le cas d'espèce, les travailleurs ont été contractés pour prêter leurs services sur un chantier déterminé, le projet hydro-électrique de Colbùn de la province de Linares. Les contrats de travail ne se transforment pas en contrats de durée indéterminée puisque, par leur nature même, les travaux sont temporaires. En conséquence, ces travailleurs ne peuvent, aux termes de l'article 5 du décret-loi no 2758, négocier collectivement.
  3. 227. Le gouvernement signale que les membres de la commission de négociation, après l'avis défavorable de la direction du travail, ont interjeté un recours de Protection devant la Cour d'appel de Santiago à l'encontre de la direction du travail pour illégalité de la résolution no 297 et pour décision abusive et arbitraire. Le 15 juillet 1982, la Cour d'appel a déclaré irrecevable le recours après avoir entendu les avocats des deux parties, la Constitution ne prévoyant pas de recours de protection pour les questions liées à la négociation collective.
  4. 228. Les membres de la commission de négociation ont alors présenté le 22 juillet 1982 un deuxième recours devant la Cour suprême, laquelle a confirmé la sentence de la Cour d'appel le 3 août 1982.
  5. 229. En conclusion, le gouvernement déclare qu'il ressort clairement de ce dossier qu'il n'y a pas eu violation de la liberté syndicale, les travailleurs ayant eu accès à la défense et au plus haut tribunal de justice du pays.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 230. Les allégations formulées dans la présente affaire ont trait à un refus du droit à la négociation collective qui a été opposé à des travailleurs engagés pour des travaux de construction d'un complexe hydro-électrique. Les travailleurs avaient en effet, conformément au décret-loi no 2758 sur la négociation collective, élu une commission de négociation qui avait présenté un projet de convention collective à l'employeur. Celui-ci, comme le lui permet la législation, avait présenté des objections principalement parce qu'il estimait que le projet en question incluait dans son champ d'application des travailleurs qui, aux termes du décret-loi no 2758, ne pouvaient être couverts par des conventions collectives du fait qu'ils occupaient des emplois de type temporaire. La commission de négociation, estimant que ces objections de l'entreprise avaient pour conséquence de refuser le droit de négociation collective à 1.800 travailleurs, avait alors présenté un recours devant la direction du travail et avait notamment avancé qu'en réalité les travailleurs en question étaient occupés sur le chantier pour une durée indéterminée. La direction du travail rejeta l'argument, notant qu'en tout état de cause les travaux, par leur nature même, étaient de caractère temporaire. Par la suite, des recours présentés par les membres de la commission de négociation devant la Cour d'appel et la Cour suprême n'aboutirent pas à la reconnaissance du droit de négociation collective aux travailleurs en cause.
  2. 231. La question qui se pose dans le cas d'espèce est donc de savoir si les travailleurs occupés dans un chantier de construction d'un complexe hydro-électrique devraient bénéficier du droit à la négociation collective. A cet égard, le Comité de la liberté syndicale a toujours estimé que le droit à la libre négociation collective pour tous les travailleurs ne bénéficiant pas d'un statut de fonctionnaire commis à l'administration de l'Etat est un droit syndical fondamental. La Conférence internationale du Travail elle-même a décidé que la convention no 154 concernant la promotion de la négociation collective, 1981, devait s'appliquer à toutes les branches d'activité économique, avec comme seule exception possible les forces armées et la police. De l'avis du comité, il ne devrait donc pas exister d'obstacles à la négociation collective dans le secteur du bâtiment.
  3. 232. Pour ce qui est de l'argument avancé par le gouvernement, selon lequel les travailleurs concernés étaient engagés pour des durées limitées, le comité relève qu'en fait la durée prévue des travaux s'étendait jusqu'au 1er août 1985. La période restant à courir (plus de trois ans jusqu'à la fin de la construction du complexe hydro-électrique) était donc largement suffisante pour qu'une convention collective puisse régler les conditions de travail des salariés employés sur ce chantier. En outre, le comité estime qu'en raison de la nature du secteur du bâtiment, où de nombreux travailleurs sont engagés pour la durée d'un seul chantier, le fait de dénier le droit de négociation collective aux travailleurs temporaires revient à priver de ce droit pratiquement tout un secteur d'activité, ce qui est contraire au principe de la liberté syndicale. Le comité exprime donc l'espoir que le gouvernement adoptera les mesures nécessaires pour amender la législation en vue d'accorder le droit de négocier collectivement à ces travailleurs.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 233. Dans ces conditions, le comité recommande au conseil d'administration d'approuver le présent rapport, et notamment les conclusions suivantes:
    • a) Le comité rappelle que le droit à la libre négociation collective devrait s'appliquer à toutes les branches d'activité économique, avec comme seule exception possible les forces armées et la police.
    • b) Le comité exprime donc l'espoir que le gouvernement adoptera les mesures nécessaires pour amender la législation en vue d'accorder le droit de négociation collective aux travailleurs à contrat de durée déterminée employés dans le secteur du bâtiment.
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