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- 111. La plainte de la Fédération grecque des syndicats des employés de banque (OT0E) figure dans une communication du 25 juillet 1983. Elle a été appuyée par l'ex-président du centre de travail d'Athènes maintenant président du Mouvement libre démocratique syndical, M. Karakitsos. Le gouvernement a répondu dans une communication du 27 octobre 1983.
- 112. La Grèce a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l'organisation plaignante
A. Allégations de l'organisation plaignante
- 113. Dans sa communication du 25 juillet 1983, l'organisation plaignante estime que les mesures prises par le gouvernement grec par la loi 1365/1983 sur la socialisation des entreprises de caractère public ou d'utilité publique, en matière d'exercice du droit de grève, sont contraires aux principes généraux consacrés par les conventions nos 87 et 98 ratifiées par la Grèce en 1961.
- 114. L'OTOE explique dans un mémorandum joint à sa plainte que la Grèce compte actuellement 32 banques occupant 40.000 employés syndiqués à 100 pour cent dans 40 différentes organisations syndicales de premier degré toutes regroupées en son sein. Ces 32 banques se composent de banques à caractère semi-public (où l'Etat ou des entités publiques disposent de la majorité des actions), de banques privées et de banques étrangères. Quatre-vingt cinq pour cent des employés travaillent dans les banques à caractère semi-public, 10 pour cent dans les banques privées et 5 pour cent dans les banques étrangères. En 1982, un accord entre les 40.000 employés de banques de l'OTOE et les employeurs est intervenu établissant une échelle unique des salaires. Cet accord a été ratifié par le gouvernement. Les employés de banque ne sont pas des fonctionnaires, ils appartiennent au secteur privé et négocient tous les ans leurs conditions de travail au moyen de conventions collectives, explique l'organisation plaignante.
- 115. Jusqu'en mai 1982, le droit de grève des organisations syndicales de premier degré et de l'OTOE dans le secteur des banques était régi par les statuts des syndicats, la loi et la pratique, à savoir que la décision concernant le déclenchement d'une grève devait être prise par les comités directeurs des organisations syndicales, poursuit l'organisation plaignante. Les comités étaient élus tous les deux ans pour tous les employés de banque dans chaque syndicat à la représentation proportionnelle. La raison en était que les employés de banque sont répartis à travers le pays dans plus de 1.000 succursales et qu'un vote parmi ces employés aurait pris de quinze à vingt jours.
- 116. De toute manière, précise l'organisation plaignante, les statuts syndicaux prévoient la possibilité de convoquer des assemblées générales extraordinaires si un vingtième des membres en font la demande et, ces assemblées générales ont, en matière de décision, une autorité supérieure à celle des comités directeurs des organisations syndicales de premier degré. En conséquence, si un comité directeur prend la décision irresponsable de déclencher une grève sauvage, les membres du syndicat peuvent faire usage des dispositions statutaires de l'organisation et annuler cette décision, ou révoquer le comité directeur et en élire un autre. En avril 1976, le gouvernement avait essayé de modifier la procédure en matière de décision de déclenchement de la grève dans les banques cherchant à accorder aux employés de banque le droit de voter en la matière et, à l'époque, l'OTOE s'y était opposée. Le gouvernement d'alors avait donc retiré son texte.
- 117. En juillet 1982, la loi 1264/1982 en matière de liberté syndicale avait repris les dispositions de la loi no 330/1976 pour les organisations syndicales du premier degré compétentes pour une zone étendue ou pour l'ensemble de la Grèce (ce qui est le cas dans le secteur des banques) en prévoyant que la grève y serait déclarée par le comité directeur sauf si les statuts en disposent autrement. Cette loi maintenait également les banques en dehors du secteur public ou d'utilité publique.
- 118. En mai 1983, soudain et sans consultation avec les syndicats, le gouvernement grec a adopté une loi sur la socialisation des entreprises de caractère public et d'utilité publique et modifié la procédure de décision en matière de déclaration de grève dans les entreprises du secteur public ainsi socialisé. Malgré l'agitation provoquée par la loi, le texte fut adopté et l'article 4 de la loi nouvelle donne le droit de déclencher la grève aux seuls travailleurs syndiqués dans les organisations syndicales de premier degré compétentes pour une zone étendue, abolissant ainsi les procédures établies décrites plus haut.
- 119. Selon l'organisation plaignante, l'article 4 en question impose une limitation très grave au droit de grève des employés de banque étant donné que les employés sont répartis dans plus de 1.000 succursales de banques à travers la Grèce. En fait, plus de la moitié des membres de l'OTOE se trouvent dans des centaines de succursales hors de la région d'Athènes - Le Pirée, et un vote sur une grève parmi les travailleurs syndiqués ainsi éparpillés dans toute la Grèce implique une procédure compliquée dont le résultat n'aboutira que longtemps après que la nécessité d'une action de grève soit passée, affirme l'organisation plaignante.
- 120. De plus, la décision ne sera valable que si la majorité des travailleurs syndiqués l'ont adoptée. Autrement dit, ceux qui sont malades, en vacances ou qui ne prennent pas part au vote ordinairement seront décomptés dans le calcul de la majorité à atteindre pour pouvoir déclencher la grève. Selon l'organisation plaignante, la loi favorise ainsi les décisions de non-recours à la grève. En outre, l'article 4 autorise une organisation syndicale de premier degré membre de la fédération (OTOE) à ne pas suivre une décision de grève votée par les organes compétents de la fédération. Ceci signifie, toujours selon l'organisation plaignante, que 300 travailleurs syndiqués du Syndicat des employés de la Banque de Grèce (qui compte 3.000 syndiqués) peuvent bloquer une décision de grève prise par la fédération (OTOE) jusqu'à ce qu'un vote ait eu lieu sur l'ensemble du territoire parmi les employés de la Banque de Grèce et qu'il en est résulté 1.501 votes favorables à la décision de grève prise par l'OTOE.
- 121. En conclusion, l'OTOE estime que cette législation ne constitue pas une limitation raisonnable du droit de grève mais qu'elle abolit pratiquement ce droit dans les syndicats des banques en Grèce.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 122. Le gouvernement considère que l'article 4 de la loi no 1365 du 22 juin 1983 n'abolit pas le droit de grève mais que, au contraire, il vise à accorder à tous les travailleurs la faculté d'exercer leur droit conformément au système démocratique du principe de la majorité (50 I + 1 %) des travailleurs syndiqués de façon à ce que la base de la participation populaire soit élargie.
- 123. Selon le gouvernement, ce texte protège le droit de grève et le droit au travail ainsi que l'intérêt de la collectivité sociale contre les intérêts étroits de certaines minorités organisées. En effet, affirme-t-il, au cours des dernières années, des grèves ont été déclenchées par un nombre restreint de syndicalistes mus par des intérêts politiques plus que par le désir de promouvoir et de défendre les intérêts économiques et professionnels de leurs membres.
- 124. Le gouvernement rappelle le caractère constitutionnel du droit de grève, et que la loi 1264 de 1982 sur la démocratisation du mouvement syndical et sur la protection des libertés syndicales non seulement garantit ce droit mais interdit à l'employeur de faire usage au cours de la grève de mécanismes antigrévistes et de licencier les travailleurs pendant la grève.
- 125. Il ajoute que la réglementation du droit de grève par la loi no 1365 de 1983 ne vise que les entreprises socialisées parmi lesquelles sont comprises les banques et il explique pourquoi, selon lui, en Grèce les banques ont un caractère d'utilité publique qui justifie dans ce secteur la réglementation de ce droit.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 126. Le comité observe que ce cas porte sur la réglementation du droit de grève dans les entreprises socialisées à caractère public ou d'utilité publique dont les banques, réglementation introduite par l'article 4 de la loi no 1365 du 22 juin 1983.
- 127. Selon les plaignants, la loi ne constitue pas une limitation raisonnable du droit de grève mais abolit pratiquement ce droit dans les syndicats des banques en Grèce. En revanche, pour le gouvernement, il s'agit d'une réglementation qui vise à accorder à tous les travailleurs la faculté d'exercer leur droit conformément au système démocratique du principe de la majorité des travailleurs syndiqués afin d'élargir la base de la participation populaire étant donné que, au cours des dernières années, des grèves ont été imposées par des groupes restreints de syndicalistes mus davantage par des intérêts politiques que par le désir de défendre les intérêts économiques et professionnels de leurs membres.
- 128. Le texte de l'article 4 incriminé de la loi no 1365 du 22 juin 1983 a la teneur suivante:
- 1. Toute décision concernant le déclenchement d'un mouvement de grève de n'importe quelle nature dans les entreprises, visées à l'article 2, paragraphe 1, de la présente loi, sera prise par l'assemblée générale de l'organisation syndicale du premier degré.
- L'assemblée générale, qui pourra délibérer valablement avec n'importe quel nombre de membres présents, examinera les motifs justifiant le déclenchement de la grève et élira - à la majorité des voix des membres présents, tant sur le plan central que régional - les comités de scrutateurs chargés de surveiller le déroulement du scrutin.
- La décision de déclencher une grève ne pourra être prise qu'à la majorité absolue des voix des membres inscrits au registre de l'organisation syndicale intéressée.
- Dans les organisations syndicales du premier degré dont les activités couvrent une zone territoriale plus étendue ou même l'ensemble de la Grèce, le scrutin pour l'adoption de la décision relative à la grève aura lieu au siège des sections centrales ou régionales de ces organisations, conformément à ce qui est prévu dans leurs statuts.
- Si les statuts ne contiennent pas de disposition à cet égard, les membres du syndicat qui travaillent dans une localité dépendant d'une section régionale pourront voter dans le chef-lieu du département dans lequel ils sont employés ou dans la localité qui sera désignée à cet effet par décision du comité directeur de leur organisation.
- La décision concernant le déclenchement d'une grève de n'importe quelle nature dans les sections locales d'une organisation syndicale dont les activités couvrent une zone territoriale plus étendue ou l'ensemble de la Grèce - à l'exception du département de l'Attique - sera prise par l'assemblée générale des sections locales de la susdite organisation, conformément à la procédure décrite dans le deuxième alinéa de cet article et sera approuvée par le comité directeur de l'organisation centrale, mais ceci uniquement lorsque les motifs de la grève sont d'ordre local.
- 2. Dans les organisations syndicales d'un degré supérieur instituées par les travailleurs des entreprises socialisées, la décision concernant la déclaration d'une grève, de n'importe quelle nature, sera prise par le comité directeur de ces organisations à la majorité absolue des voix de l'ensemble des membres de ce comité.
- Le comité directeur d'une organisation syndicale du premier degré, ainsi que le dixième (1/10e) des membres de ladite organisation peuvent demander la convocation de l'assemblée générale dans un délai de cinq (5) jours à compter de la présentation de cette demande pour que l'assemblée décide si le syndicat intéressé doit participer ou non à la grève dont le déclenchement aura été décidé par l'organisation supérieure à laquelle le syndicat en question appartient directement ou indirectement. En ce qui concerne le quorum et les attributions de cette assemblée générale, il sera fait application du paragraphe 1 du présent article. Pendant la période écoulée entre la date à laquelle le comité directeur a décidé de convoquer l'assemblée générale - ou entre la date de la présentation de la demande de convocation de l'assemblée par le dixième des membres du syndicat - et la date à laquelle l'assemblée générale précitée aura pris une décision à ce sujet par la majorité absolue des voix des membres inscrits au registre du syndicat en question, la participation à un mouvement quelconque de grève des travailleurs affiliés à ce syndicat est illégale.
- 3. La convocation de l'assemblée générale par le comité directeur d'une organisation syndicale en vue de l'adoption d'une décision au sujet du déclenchement d'une grève pourra avoir lieu à n'importe quel moment, sous réserve des dispositions du deuxième alinéa du paragraphe 2 du présent article et indépendamment des délais prévus par les statuts ou par la loi no 1264/1982. En ce qui concerne le déroulement du scrutin, il peut durer jusqu'à deux jours, selon les circonstances.
- 4. Toute décision concernant la déclaration ou la mise en exécution d'une grève, de n'importe quelle nature, sera adoptée au scrutin secret et en présence d'un représentant judiciaire. Toute personne qui vote doit présenter sa carte d'identité délivrée par la police et son livret d'électeur, conformément aux dispositions des articles 13 et 28, paragraphe 1, de la loi no 1264/1982.
- Lorsque le scrutin a lieu dans les sections régionales du syndicat, le président du tribunal de première instance compétent pourra désigner comme représentant judiciaire un avocat de la juridiction du tribunal précité.
- 5. Le quatrième alinéa du paragraphe 1 de l'article 20 de la loi no 1264/1982 est remplacé par le texte suivant, mais uniquement en ce qui concerne les entreprises visées par la présente loi:
- "Les travailleurs d'une entreprise qui ne sont pas membres d'une organisation syndicale quelconque peuvent participer à une grève légalement déclenchée par l'organisation syndicale la plus représentative du secteur dans lequel ces travailleurs exercent leur activité."
- 6. Les questions restantes concernant la grève seront régies par les dispositions de la loi no 1264/1982."
- 129. Le comité a toujours estimé que les allégations concernant le droit de grève n'échappent pas à sa compétence dans la mesure où elles mettent en cause l'exercice des droits syndicaux, étant donné que le droit de grève est un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et défendre leurs intérêts professionnels. En conséquence, les autorités publiques devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice.
- 130. De l'avis du comité, il s'ensuit que les conditions posées par une législation pour qu'une grève soit considérée comme un acte licite doivent être raisonnables et, en tout cas, ne pas être telles qu'elles constituent une limitation importante aux possibilités d'action des organisations syndicales.
- 131. Dans le cas d'espèce, le comité, après avoir examiné attentivement le contenu de l'article 4, estime que lorsque la majorité exigée par une législation pour la déclaration d'une grève légale est de la moitié des voix de la totalité des membres de l'organisation syndicale dont les activités couvrent une zone territoriale étendue ou même, en l'occurrence, l'ensemble de la Grèce, une telle disposition de majorité qualifiée, bien que démocratique en elle-même, puisqu'elle vise à mettre un terme aux grèves déclenchées par un nombre restreint de travailleurs qui pouvaient imposer la grève à tout un groupe de salariés, risque à certains égards de constituer une intervention des autorités publiques dans les activités des syndicats.
- 132. En effet, la condition fixée au déclenchement de la grève dans le secteur des banques (acceptation par la majorité qualifiée de tous les membres d'une organisation syndicale dont les activités couvrent une zone territoriale étendue) pose des problèmes de compatibilité avec les principes de la liberté syndicale. Le comité a déjà estimé par le passé [voir, par exemple, 221e rapport (Pologne), cas no 1097] dans des affaires analogues qu'une disposition de cette nature est susceptible d'entraîner des limitations au droit des syndicats d'organiser leurs activités. Il s'ensuit que l'exigence d'une majorité simple de votants seulement (en particulier dans le cas d'une organisation syndicale couvrant une zone territoriale étendue), où les conditions fixées peuvent être difficiles à atteindre, irait dans le sens d'une meilleure conformité avec les principes énoncés tant par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations que par le Comité de la liberté syndicale. Le comité invite le gouvernement à réexaminer cette question à la lumière des principes exposés ci-dessus et à prendre les mesures appropriées pour assurer une meilleure conformité de la législation avec ceux-ci. Le comité appelle l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur cette question.
- 133. Le comité note par ailleurs avec intérêt que la décision concernant le déclenchement d'une grève dans les sections locales d'une organisation syndicale peut être prise par l'assemblée générale des sections locales lorsque le motif de la grève est local, et que, dans les organisations syndicales de degré supérieur, la décision concernant la déclaration de grève peut être prise par le comité directeur de ces organisations à la majorité absolue des voix de l'ensemble des membres du comité. Ces dispositions sont conformes avec les principes de la liberté syndicale.
- 134. Au sujet de la possibilité alléguée par l'organisation plaignante qu'une organisation de premier degré "bloque" une décision de grève prise par la fédération jusqu'à ce qu'un vote ait eu lieu sur l'ensemble du territoire parmi les employés de banque, le comité observe que la loi nouvelle dispose que le comité directeur de l'organisation syndicale de premier degré ou 1/10e des membres de l'organisation peuvent convoquer une assemblée générale pour que ladite assemblée décide si le syndicat intéressé participera ou non à la grève dont le déclenchement aura été décidé par l'organisation supérieure à laquelle le syndicat en question appartient directement ou indirectement et que la participation à la grève avant que ladite assemblée générale du syndicat de premier degré ait pris une décision à la majorité absolue des voix des membres inscrits au registre du syndicat en question est illégale.
- 135. Sur ce point, le comité rappelle que l'organisation plaignante a elle-même expliqué que, aux termes de la procédure en vigueur auparavant, lorsque seuls les comités directeurs des organisations syndicales pouvaient déclencher la grève dans le secteur des banques, des assemblées générales extraordinaires à la demande d'un vingtième des membres pouvaient annuler la décision de grève prononcée par un comité directeur qui, de manière irresponsable, aurait déclenché une grève sauvage. Les dispositions de la loi nouvelle ne semblent pas aller dans un sens différent si ce n'est dans la mesure où elles prévoient que la décision sera prise à la majorité qualifiée et non à la majorité simple des votants.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 136. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport et en particulier les conclusions suivantes:
- a) Le comité estime que la condition fixée au déclenchement de la grève dans le secteur des banques (acceptation par la majorité qualifiée de tous les membres d'une organisation syndicale) peut poser des problèmes de compatibilité avec les principes de la liberté syndicale. L'exigence d'une majorité simple de votants irait dans le sens d'une meilleure conformité avec ces principes.
- b) Le comité invite donc le gouvernement à réexaminer cette question à la lumière des principes exposés ci-dessus et à prendre les mesures appropriées pour assurer une meilleure conformité de la législation avec ceux-ci.
- c) Le comité appelle l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur la question.