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Rapport intérimaire - Rapport No. 236, Novembre 1984

Cas no 1272 (Chili) - Date de la plainte: 29-MARS -84 - Clos

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  1. 623. La plainte de la Confédération mondiale des organisations de la profession enseignante (CMOPE) figure dans une communication du 29 mars 1984. Le gouvernement a fourni des observations dans des communications des 16 mai et 13 septembre 1984.
  2. 624. Le Chili n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de la confédération plaignante

A. Allégations de la confédération plaignante
  1. 625. Dans sa communication du 29 mars 1984, la confédération plaignante se réfère à des atteintes aux droits syndicaux qui auraient été perpétrées par les autorités chiliennes à l'encontre des travailleurs de l'enseignement. La CMOPE, s'exprimant au nom de l'Association syndicale des enseignants du Chili (AGECH), allègue que la municipalisation et la privatisation de l'instruction ont permis aux employeurs de mettre fin aux contrats de travail de nombreux enseignants pour de prétendues "raisons tenant aux nécessités de la marche de l'entreprise, de l'établissement ou du service" sans aucune protection pour les travailleurs, en application des articles 13, f), et 14, paragr. 2, du décret-loi no 2200 du 1er mai 1978.
  2. 626. Selon la CMOPE, 300 enseignants ont été ainsi licenciés dont Fernando Azula, dirigeant de l'AGECH à Santiago, et Luigi Salerno, président de cette même association à Cachapoal.
  3. Toujours selon la CMOPE, l'Association syndicale des enseignants du Chili, l'AGECH, estime que ces licenciements ont été motivés par les activités syndicales des intéressés. Elle joint à l'appui de cette assertion des coupures de presse chilienne de février 1984 où il est fait mention notamment des déclarations de Fernando Azula, enseignant au lycée de Conchali et dirigeant du Conseil régional métropolitain de l'AGECH, qui indiquent que l'établissement d'où il a été licencié est dirigé par un professeur du primaire qui ne se rend jamais au lycée, qu'on ne peut jamais rencontrer et qui interdit même aux enseignants de l'AGECH d'afficher un simple bulletin mural. L'AGECH, dans une des coupures de presse, précise que l'intéressé s'est opposé au processus de municipalisation et qu'il a dénoncé l'administration bureaucratique et arbitraire de son établissement. Son attitude oppositionnelle a suffi pour qu'il soit licencié, conclut l'AGECH, qui réclame la réintégration de l'intéressé.
  4. B. Réponse du gouvernement
  5. 627. Dans sa réponse du 16 mai 1984, le gouvernement ne nie pas que les établissements d'enseignement du Chili aient été municipalisés ou privatisés mais il communique les explications du ministère de l'éducation nationale sur ce sujet. Ce ministère prétend que la municipalisation des établissements d'enseignement n'aurait visé qu'à combattre une charge bureaucratique excessive dans ce secteur et à rendre le système d'enseignement plus efficace et plus souple. En effet, les relations entre les autorités centrales et les établissements d'enseignement, d'une part, et entre les autorités provinciales et les professeurs, d'autre part, auraient été limitées à un caractère administratif et n'auraient pas eu de caractère technico-pédagogique. Aussi le système actuellement mis en place permettrait-il, par le truchement de subventions gouvernementales, de redistribuer de manière plus équitable l'éducation et d'assurer un équilibre entre le nombre des élèves et le lieu où ils se trouvent. Même s'il n'est pas parfait, affirme le gouvernement, ce système serait plus juste et plus démocratique.
  6. 628. Le gouvernement fournit des informations statistiques d'où il ressort que les écoles qui ont été municipalisées sont restées des écoles d'Etat pour 6.929 d'entre elles sur un total de 9.221. Les 25 pour cent restants sont des écoles privées dont 62 pour cent sont subventionnées et contrôlées par l'Etat et 38 pour cent, soit 860 écoles en tout, sont entièrement privées. Ceci correspond à une privatisation qui ne serait en augmentation que de 50 pour cent seulement, indique le gouvernement.
  7. 629. Parallèlement, ajoute-t-il, l'Etat a promulgué un statut des enseignants régissant les conditions d'accès à la fonction et à la formation, établissant une échelle académique et posant les droits et les devoirs des maîtres. Le statut précise la durée du travail (30 heures par semaine) et des congés, et prévoit que la cessation des contrats de travail n'intervient qu'après enquête sur la situation qui a motivé ladite cessation. Dans les collèges privés subventionnés, il est interdit de renvoyer un professeur pendant la période des congés.
  8. 630. Le gouvernement fournit d'ailleurs le texte de la circulaire no 1284 du 10 août 1983 des ministères de l'Intérieur et de l'éducation contenant des instructions adressées aux maires du pays au sujet de l'administration du service de l'éducation dans leurs communes respectives d'où il ressort qu'en cas de cessation de fonctions d'un enseignant les maires doivent indiquer avec précision le motif de ladite cessation du contrat pour permettre au fonctionnaire affecté par cette mesure d'engager, éventuellement, un recours légal devant la commission de conciliation compétente.
  9. 631. Le gouvernement affirme, en outre, que, pour tous les professeurs licenciés à la fin de l'année scolaire, le ministère a contraint les établissements à payer leurs congés aux intéressés puisqu'ils avaient reçu des subventions à cet effet. Il ajoute qu'il est léger de prétendre que les professeurs ont été licenciés pour des raisons syndicales. Au contraire, le ministère a eu la preuve, après avoir demandé des renseignements aux responsables des établissements, que, dans beaucoup de cas, ces licenciements étaient dus à la négligence des fonctionnaires, au non-accomplissement des horaires de travail, au défaut de diplôme professionnel ou à des actions moralement répréhensibles à l'égard des élèves.
  10. 632. En ce qui concerne plus particulièrement MM. Luigi Salerno et Fernando Azula, dirigeants de l'AGECH de Rancagua et de Santiago, respectivement, leur situation est différente, affirme le gouvernement. En effet, pour M. Salerno, les autorités communales ont fourni des preuves évidentes de sa négligence en tant que fonctionnaire. Quant au professeur Azula, le ministère étudierait la possibilité de le réincorporer dans un des collèges de la région métropolitaine.
  11. 633. Puis, dans une communication ultérieure du 14 septembre 1984, le gouvernement fournit les textes des différents jugements concernant l'affaire de M. Salerno et indique que l'intéressé avait pris ses fonctions le 1er octobre 1981. Son contrat de travail prévoyait à l'origine un horaire de 30 heures de travail par semaine, lequel avait été porté, d'un commun accord, à 44 heures, à partir du 15 octobre 1981. Or, du 19 octobre 1983 au 4 novembre de la même année, de manière unilatérale et sans y avoir été autorisé par son employeur, l'intéressé a décidé de moins travailler portant ainsi gravement atteinte à son contrat de travail: il s'est absenté sept fois entre ces deux dates, soit toute la journée, soit le matin seulement. Le 4 novembre 1983, son employeur lui notifia son licenciement pour grave inexécution de ses obligations contractuelles en application de l'article 14, alinéa 5, du décret-loi no 2200 de 1979. L'intéressé introduisit un recours devant le juge de Rancagua, le 28 novembre 1983, pour licenciement abusif mais, le 10 janvier 1984, le juge titulaire le débouta, confirmant la légalité du licenciement effectué par l'employeur. L'intéressé se pourvut en appel et gagna son procès le 29 mars 1984, la Cour d'appel ayant révoqué la décision du premier juge et déclaré injustifié le licenciement, obligeant l'employeur à verser une indemnité de licenciement. L'employeur, à son tour, porta alors l'affaire devant la Cour suprême le 4 avril 1984, mais celle-ci ne s'est pas encore prononcée, précise le gouvernement.
  12. 634. Pour ce qui est de M. Fernando Azula qui avait pris ses fonctions le 1er décembre 1981 au lycée de Conchali, et qui avait exercé pendant deux ans et trois mois dans ce lycée, il fut mis fin à son contrat de travail le 29 février 1984. Son employeur lui signifia en effet son congé par écrit avec un préavis de 30 jours. Les parties (employeur et travailleur) signèrent, par la suite, une décharge devant notaire, le 12 mars 1984, aux termes de laquelle M. Azula reçut une somme correspondant à trois mois de salaire d'indemnisation pour solde de tout compte, affirme le gouvernement. La lettre de licenciement datée du 21 janvier 1984 contenant la proposition d'indemnisation qui, par la suite, a été acceptée par le travailleur est jointe à la communication du gouvernement.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 635. Le comité a estimé, dans des cas antérieurs, qu'il ne lui appartient pas de se prononcer sur la question de la rupture des contrats de travail, sauf dans le cas où le licenciement implique une mesure de discrimination antisyndicale. [Voir, par exemple, 103e rapport, cas no 490 (Colombie), paragr. 55, et 204e rapport, cas no 986 (République dominicaine), paragr. 106.]
  2. 636. Au sujet des mesures de licenciement prises à l'encontre de plusieurs professeurs et de deux dirigeants syndicaux, considérées par les plaignants comme des mesures de discrimination antisyndicale, le comité note que, selon le gouvernement, ces mesures n'étaient pas liées à des activités syndicales mais étaient motivées, dans de nombreux cas, par la négligence des fonctionnaires, le non-accomplissement d'horaire de travail ou le défaut de diplôme.
  3. 637. Le comité a pris connaissance de la documentation jointe à la réponse du gouvernement d'où il ressort que, pour le dirigeant syndical, M. Salerno, la Cour d'appel a fait droit à son recours en licenciement abusif et a condamné l'employeur à l'indemniser mais que l'employeur s'est pourvu devant la Cour suprême. Le comité note, également, en ce qui concerne le dirigeant syndical Fernando Azula, qu'il a accepté une indemnisation de trois mois de salaire pour son licenciement. De plus, le comité note que les plaignants se sont référés à des entraves à la liberté syndicale spécifiques qui auraient été exercées par certains employeurs. Dans ces circonstances, compte tenu de ce que la question du licenciement d'un dirigeant syndical est encore en instance devant la Cour suprême, le comité rappelle l'importance qu'il attache au principe selon lequel nul ne devrait faire l'objet de discrimination dans l'emploi en raison de son affiliation ou de son activité syndicale. Le comité croit également utile de souligner l'importance de ce principe dans le cas des dirigeants syndicaux pour assurer le respect du droit des organisations de travailleurs d'élire librement leurs représentants. Il prie le gouvernement de communiquer le texte de l'arrêt qui sera rendu par la Cour suprême.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 638. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire et, en particulier, la conclusion suivante:
    • Le comité rappelle au gouvernement, compte tenu de ce que la question du licenciement d'un dirigeant syndical est encore en instance devant la Cour suprême, qu'il est important qu'une protection adéquate contre les actes de discrimination antisyndicale soit accordée aux dirigeants syndicaux pour assurer le respect du droit des organisations de travailleurs d'élire librement leurs représentants. Il prie le gouvernement de communiquer le texte de l'arrêt qui sera rendu par la Cour suprême.
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