ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Rapport intérimaire - Rapport No. 238, Mars 1985

Cas no 1309 (Chili) - Date de la plainte: 03-OCT. -84 - Clos

Afficher en : Anglais - Espagnol

  1. 330. Ces plaintes et les informations complémentaires présentées par les plaignants figurent dans les communications suivantes: Confédération internationale des syndicats libres (CISL): 3, 10 et 16 octobre 1984; 9, 13, 16 et 30 novembre 1984; Confédération nationale paysanne et indigène El Surco (conjointement avec quatre autres organisations syndicales chiliennes): 12 novembre et 6 décembre 1984; Fédération syndicale mondiale (FSM): 13 novembre 1984; Congrès permanent d'unité syndicale des travailleurs d'Amérique latine (CPUSTAL): 14 novembre 1984; Union internationale des syndicats de mineurs et des travailleurs de l'énergie: 15 novembre 1984; Coordinadora Nacional Sindical (conjointement avec dix autres organisations syndicales chiliennes): 15 et 29 novembre 1984. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications des 26 novembre 1984 et 4 janvier 1985.
  2. 331. Le Chili n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 332. Dans sa plainte initiale, la CISL explique que le Groupement national des travailleurs avait convoqué, conjointement à d'autres organisations, la population chilienne à se rassembler le 4 septembre 1984 sur la place d'Armes à Santiago. Des milliers de personnes se rendirent à cette convocation et lorsque les assistants entonnèrent l'hymne national les carabiniers des forces spéciales, armés de matraques, firent irruption pour disperser les manifestants. Comme ceux-ci se regroupaient, la police fit usage de chiens et de grenades lacrymogènes. Au cours de cette action policière, le président du Groupement national des travailleurs, Rodolfo Seguel, reçut des coups dans le bas-ventre et les testicules.
  2. 333. La CISL ajoute que les forces de police agirent également avec brutalité dans les banlieues ouvrières et dans les diverses villes du pays. Le bilan de ces opérations se solderait, selon la CISL, par dix morts, 248 blessés et 1.754 arrestations. L'organisation plaignante joint en annexe à sa communication le nom des personnes tuées ainsi que des précisions sur le nombre et les circonstances des arrestations dans les différentes provinces du pays. La CISL allègue également que, à la demande du ministère de l'Intérieur, ont été inculpés, pour avoir organisé les journées de protestation pacifique, les dirigeants syndicaux Manuel Bustos, président de la Coordinadora Nacional Sindical; José Ruiz Di Giorgio, président des travailleurs du pétrole et Raûl Montecinos, dirigeant national des travailleurs du cuivre.
  3. 334. Par la suite, dans sa communication du 10 octobre 1984, la CISL signale que Manuel Bustos et José Ruiz Di Giorgio ont été arrêtés et qu'ils sont détenus à la prison de Santiago. L'ordre de détention aurait été émis immédiatement après que le Groupement national des travailleurs eut convoqué une grève nationale pour le 30 octobre 1984. Elle précise que la situation de certains syndicalistes est d'autant plus grave qu'ils n'ont pas la possibilité d'être libérés sous caution, du fait qu'ils ont déjà été condamnés antérieurement.
  4. 335. Dans sa communication du 16 octobre 1984, la CISL se réfère à la situation de Juan Antonio Aguirre Ballesteros, ouvrier boulanger, qui aurait été arrêté le 4 septembre 1984 par le commissariat des carabiniers de Pudahuel et qui, depuis lors, aurait disparu. La CISL précise que Antonio Aguirre Ballesteros a été appréhendé le jour de protestation nationale, en compagnie de Elias Huaquimil Catril alors qu'ils se rendaient tôt le matin à leurs lieux de travail. Ils furent frappés dans le fourgon de la police puis conduits au commissariat de Pudahuel où ils furent interrogés sous la torture sur la journée de protestation. D'autres personnes furent également amenées en ce lieu. Tous les détenus furent remis en liberté inconditionnelle le 10 septembre 1984, sur décision du procureur militaire à l'exception d'Antonio Aguirre Ballesteros. Le 5 septembre 1984, un recours de protection a été présenté devant la justice. Tant les carabiniers que le Centre national d'informations nièrent son arrestation et, à deux reprises, la septième Chambre de la Cour d'appel refusa qu'un magistrat se rende au commissariat de Pudahuel pour vérifier si l'intéressé y était détenu. Pourtant, plusieurs témoins ont pu constater sa présence dans ce commissariat.
  5. 336. Dans cette même communication, la CISL mentionne également le cas de Darîo Ibanez Dîaz, syndicaliste du secteur du bâtiment qui a été arrêté le 4 septembre 1984 avec ses deux fils, à la suite d'une perquisition sans mandat effectuée à son domicile par des carabiniers et des civils armés de mitraillettes. Darfo Ibanez Dfaz fut transporté au commissariat de Pudahuel, puis mis au secret et torturé. Le 7 septembre 1984, il fut abandonné dans une rue. Les carabiniers ne reconnaissent pas officiellement son arrestation. La CISL se réfère aussi à Sergio Tapia Contreras, ouvrier charpentier, également arrêté à son domicile puis torturé au commissariat de Pudahuel. Il fut remis en liberté le 10 septembre 1984.
  6. 337. Selon les informations fournies par la CISL dans sa communication du 9 novembre 1984, l'avocat de la Coordinadora Nacional Sindical et du Groupement national des travailleurs, Jorge Donoso, aurait été arrêté le 7 novembre 1984 par les services de sécurité, en présence de nombreux témoins. Le gouvernement nierait son arrestation.
  7. 338. Les plaintes de la Confédération nationale paysanne et indigène El Surco, de la FSM, de la CPUSTAL, de l'Union internationale des syndicats des mineurs et des travailleurs de l'énergie et de la Coordinadora Nacional Sindical ainsi que les communications émanant de la CISL en date des 13 et 16 novembre 1984 se réfèrent à l'assaut donné les 9, 12 et 13 novembre 1984 par les forces de sécurité à certains locaux syndicaux ainsi qu'aux arrestations de dirigeants syndicaux qui auraient eu lieu au cours de ces opérations de police. 11 est précisé, dans les plaintes, que les organisations visées par ces mesures étaient la Confédération nationale paysanne et indigène El Surco, la Confédération minière du Chili, la Confédération nationale des travailleurs du bâtiment, la Confédération "Le triomphe paysan", la Confédération paysanne Nehuen, la Fédération des syndicats des travailleurs agricoles de Santiago. Selon les plaignants, ces perquisitions auraient été effectuées sans mandat et les fonctionnaires de police se seraient emparés de matériel, de documentation et d'argent et auraient détruit des meubles et des biens divers.
  8. 339. La Confédération nationale paysanne et indigène El Surco apporte, dans sa communication du 6 décembre 1984, des précisions sur la perquisition dont son siège a fait l'objet. Elle indique notamment que l'opération a été menée par dix personnes en civil armées et que l'ensemble de la documentation a été examiné. Les personnes présentes, au nombre de 14, furent fouillées, interrogées individuellement puis fichées. Certaines furent brutalisées au cours des interrogatoires et sept d'entre elles furent emmenées dans des fourgons, les yeux bandés, et l'une menottes aux poignets. Toute la documentation de la confédération ainsi que divers biens furent transportés dans un autre véhicule. Les dirigeants arrêtés furent conduits à une caserne du Centre national d'informations où ils furent à nouveau battus, soumis à des pressions phychologiques et interrogés. La confédération plaignante mentionne le cas de son secrétaire général Luis Pefla Robles qui dut, au cours de sa détention, recevoir l'assistance d'un médecin. Après la libération de ces dirigeants, les membres de leurs familles durent signer un document attestant qu'ils avaient rejoint leur domicile en bonne condition physique.
  9. 340. Les plaignants ont communiqué une liste des dirigeants syndicaux arrêtés au cours des perquisitions (voir annexe au présent cas). Ils appartiennent à la Confédération El Surco, à la Confédération des travailleurs de la métallurgie, à la Confédération du bâtiment, à la Confédération minière ainsi qu'à l'Association nationale des retraités. La CISL ajoute que 375 travailleurs ont été enfermés dans un camp de prisonniers à l'extrême nord du pays à Pisagua et qu'un nombre indéterminé de syndicalistes a été emmené au stade de football San Eugenio, à la suite d'opérations policières menées dans un faubourg de Santiago, "La Victoria".
  10. 341. La Coordinadora Nacional Sindical et la CISL ont également dénoncé, dans leurs communications des 29 et 30 novembre 1984, les mesures de relégation prises à 1'encontre des dirigeants syndicaux de la ville d'Arica, Ernesto Vasquez, Victor Meneses et Pablo Poblete qui ont été transportés au camp de Pisagua.
  11. 342. La plainte de la Coordinadora Nacional Sindical et la lettre de la CISL du 30 novembre 1984 se réfèrent, en outre, à la proclamation le 5 novembre 1984 par le gouvernement de l'état de siège sur tout le territoire national pour une durée de trois mois. Cette durée pourrait, aux termes de la Constitution nationale, être prolongée indéfiniment. En vertu de l'état de siège, le gouvernement a adopté le décret no 1216 du 7 novembre 1984 qui restreint le droit de réunion. Le 8 novembre 1984, la Direction du travail a émis la circulaire no 0083 qui traite des assemblées, réunions, élections syndicales et de la constitution des organisations pendant la durée de l'état de siège.
  12. 343. Le décret no 1216 établit en ses articles 1 et 4 que toute réunion doit faire l'objet d'une autorisation préalable de l'intendant régional. Pour qu'une telle autorisation soit accordée, la demande écrite doit préciser l'objet ou l'ordre du jour de la réunion, la liste des participants possibles et les lieu et jour où elle est convoquée. Cette demande doit être signée au moins par deux personnes qui se portent garantes de la bonne tenue de la réunion. En outre, l'article 5 du décret dispose que les réunions qui, en raison de leur nature, leur objet ou leurs participants, couvrent le pays ou dépassent le cadre d'une seule région doivent être autorisées par le ministre de l'Intérieur. Aux termes de l'article 3, sont dispensées de cette autorisation les organisations dotées de la personnalité juridique, pour autant que les réunions se tiennent dans les locaux ou sièges sociaux et ont pour objet exclusif de traiter de questions considérées par la loi comme propres à leurs finalités. Même dans ces cas, un préavis de cinq jours doit être déposé au gouvernorat provincial. Selon les plaignants, ces dispositions impliquent, en pratique, que les syndicats, fédérations et confédérations doivent se soumettre, en plus de la législation en vigueur, à des normes qui enfreignent gravement leur fonctionnement.
  13. 344. En matière de liberté des personnes, l'état de siège implique que les autorités peuvent détenir des personnes, sans donner de raisons, pour toute la durée de l'état de siège. Les détentions ne peuvent avoir lieu dans des prisons destinées aux prisonniers de droit commun mais aux domiciles des intéressés ou dans des endroits spéciaux. La Centrale nationale d'informations peut procéder à des arrestations et garder les personnes visées dans ses lieux publics de détention. 11 est également possible de procéder à la relégation de personnes pour la durée de l'état de siège qui peut être prolongée indéfiniment. Les autorités peuvent restreindre la liberté de mouvement d'un point à l'autre du territoire national. Les recours de protection qui peuvent être présentés devant les tribunaux font aussi l'objet de restrictions pendant la durée de l'état de siège pour ce qui concerne les droits et garanties qui peuvent être limités ou suspendus pendant la durée de cet état d'exception.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 345. Dans sa communication du 26 novembre 1984, le gouvernement observe que les allégations formulées dans le présent cas consistent en une large relation de faits et de situations qui se sont produits au Chili et qui n'ont aucun rapport avec la liberté syndicale. Cette relation, ajoute-t-il, est tirée des rapports périodiques produits par les organisations de fait existant dans le pays et envoyés aux organismes du système des Nations Unies pour justifier leur existence illégale et recevoir l'aide financière qui leur permet de poursuivre leur action. Pour le gouvernement, le présent cas est étranger aux questions de la liberté syndicale et n'est donc pas de la compétence du comité. Il constate donc avec préoccupation que ce type d'allégations est traité comme un cas. Le gouvernement remarque également qu'il est chaque fois plus difficile de donner des réponses à des accusations vagues, imprécises et répétées qui n'ont rien à voir avec la liberté syndicale.
  2. 346. Cependant, le gouvernement fournit certaines informations, dans l'esprit de coopération, précise-t-il, qu'il a toujours maintenu avec le BIT. Ainsi, le gouvernement se réfère à l'inculpation de MM. Bustos, Ruiz Di Giorgio et Montecinos. Le magistrat instructeur a, dans cette affaire, ouvert une enquête sur les infractions présumées à la loi sur la sécurité de l'Etat lors des faits survenus les 4 et 5 septembre 1984, où se produisirent de graves dommages à la propriété privée et où plusieurs personnes trouvèrent la mort. Outre les trois personnes mentionnées, furent inculpés les principaux dirigeants des partis politiques. Les personnes inculpées furent reconnues coupables, l'existence du délit et leur participation à ce délit étant prouvées. Néanmoins, le gouvernement a arrêté les poursuites et la procédure judiciaire a ainsi pris fin. Tous les intéressés se trouvent en pleine liberté, sans avoir été soumis à procès.
  3. 347. Au sujet des allégations concernant M. Juan Antonio Aguirre Ballesteros, le gouvernement indique qu'il n'a pas été arrêté par la police. Les recours de protection présentés en sa faveur ont été rejetés par la Cour d'appel et il a bénéficié d'un conseil juridique à tout moment. Par la suite, il fut retrouvé mort pour des raisons non encore éclaircies.
  4. 348. Pour ce qui est des coups qui auraient été portés à M. Rodolfo Seguel, le gouvernement indique que l'intéressé n'a pas entrepris de poursuites pénales à 1'encontre des auteurs de tels coups et remarque que M. Seguel recherche de façon permanente la publicité.
  5. 349. Dans sa communication du 4 janvier 1985, le gouvernement déclare qu'en raison de la situation de troubles internes existant dans le pays, causée essentiellement par des attentats terroristes réitérés contre des casernes, au cours desquels plusieurs carabiniers ont trouvé la mort, le Président de la République a, en accord avec la Junte de gouvernement, et conformément à l'article 40.2, de la Constitution, déclaré l'état de siège sur l'ensemble du territoire national, du 7 novembre 1984 au 4 février 1985.
  6. 350. Le gouvernement explique que l'état de siège est un état d'exception constitutionnel qui affecte certains droits et garanties constitutionnels en présence d'une situation de troubles internes dans le pays. L'état de siège ne peut être proclamé que pour une durée de 90 jours. Le Président de la République est alors investi des droits suivants: transférer les personnes d'un point à un autre du territoire national; les détenir à leur propre domicile ou dans des lieux qui ne soient pas des prisons, ou des endroits qui ne soient pas destinés à la détention de prisonniers de droit commun; les expulser du territoire national. Il peut également restreindre la liberté de mouvement et interdire l'entrée ou la sortie du territoire, suspendre ou restreindre le droit de réunion et la liberté d'information et d'opinion, restreindre l'exercice des droits d'association et des droits syndicaux et imposer la censure à la correspondance et aux communications. Toutes ces mesures s'appliquent, aux termes de la Constitution, pour autant qu'elles soient nécessaires.
  7. 351. Pour ce qui est du droit de réunion, le décret suprême no 1216 du ministère de l'Intérieur, publié au Journal officiel du 8 novembre 1984, dispose que les réunions doivent, pendant la durée de l'état de siège, faire l'objet d'une autorisation préalable de l'intendant de région. Cependant, cette autorisation préalable n'est pas requise pour les réunions des organisations dotées de la personnalité juridique effectuées dans leurs locaux ou sièges sociaux et qui ont pour objet des questions correspondant à leur finalité. Dans ce cas est seul nécessaire un préavis de cinq jours au gouvernorat provincial-. Les syndicats, fédérations et confédérations de travailleurs et d'employeurs se trouvent dans cette situation, ajoute le gouvernement.
  8. 352. En outre, le département des organisations syndicales de la Direction du travail, par une circulaire no 83 du 8 novembre 1984, a émis des instructions au sujet de la célébration d'assemblées, réunions et votes syndicaux ainsi que de la constitution d'organisations syndicales pendant la durée de l'état de siège. Cette circulaire précise que les assemblées des organisations syndicales dotées de la personnalité juridique ne sont soumises qu'au préavis de cinq jours pour autant que les conditions exposées au paragraphe antérieur soient remplies. Pour ce qui concerne les assemblées destinées à constituer les organisations syndicales, les inspections vérifient, avant de nommer un officier ministériel pour assister à la réunion, que l'autorisation a été accordée par l'intendant de région. L'autorisation est accordée à la suite d'une demande écrite, signée d'au moins deux personnes qui se portent garantes que la réunion aura lieu dans des conditions normales et dans l'ordre. En outre, doivent être mentionnés l'objet de la réunion, la liste des participants éventuels, le jour et l'heure de la convocation. Pour les réunions qui dépassent le cadre d'une seule région, c'est au ministre de l'Intérieur qu'il appartient de donner l'autorisation.
  9. 353. Le département juridique de la Direction du travail a également émis, par une circulaire no 19 du 22 novembre 1984, des instructions au sujet des réunions, assemblées et votes de syndicats et de groupes de travailleurs au cours de la procédure de négociation collective. Pour les négociations effectuées par un syndicat, les réunions et votes sont soumis au préavis de cinq jours et à l'obligation de se tenir dans les locaux syndicaux (peut être assimilé à un local syndical tout endroit de l'entreprise où se réunit habituellement le syndicat). Dans le cas où la négociation est effectuée par un groupe de travailleurs non doté de la personnalité juridique, l'autorisation préalable doit être demandée à l'intendant de région ou, si la négociation concerne des travailleurs de plus d'une région, au ministère de l'Intérieur.
  10. 354. Au sujet des personnes mentionnées dans les plaintes, le gouvernement indique que, par décret no 4918 du 13 novembre 1984, le ministère de l'Intérieur a ordonné la résidence forcée pour une durée de 90 jours de MM. Humberto Arcos Vera, Hernân Castaneda Moreno et Segundo Cancino Fernândez à Quemchi; de MM. Luis Pefla Robles, Carlos Opazo Bascufian et Valentfn Osorno Badilla à Achao; de MM. Luis Avendafio Atenas, Enrique Bucherenick Canales et Sergio Dastre Gonzalez à Curaco de Vêlez; de MM. Ariel Urrutia Villalobos et Carlos Araya Velasco à Dalcahue et de MM. Juan Valencia Vera, Luis Suarez Zegarra et Moisés Labraîla Mena à Puqueldôn. Ces personnes ont été arrêtées lors des perquisitions effectuées dans les bureaux du "Mouvement démocratique populaire" (MDP) et "Bloc socialiste", organisations d'extrême gauche, qui considèrent avec sympathie les actes terroristes et qui ne mènent aucune activité syndicale. Le gouvernement ajoute que MM. Rigoberto Lillo Torres, Juan Antonio Antinao, Alamiro Guzmân Ordines, Lucia Morales Alvarez et Esperanza Guerrero Ceballos se trouvent en liberté. Au sujet de M. Jorge Donoso, le gouvernement indique qu'il a été arrêté dans les locaux de "Bloc socialiste" et remis en liberté le même jour. Il n'est pas vrai, précise-t-il, qu'il exerce les fonctions d'avocat auprès de syndicats. Il est directeur d'un périodique appelé Fortin Mapocho et n'est pas disparu puisqu'il se trouve en pleine liberté.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 355. Le comité note que le présent cas concerne divers événements qui se sont produits au Chili depuis septembre 1984. Avant d'aborder chacune des questions soulevées par les plaignants, le comité croit devoir exprimer sa préoccupation devant la gravité des allégations formulées par les nombreuses organisations plaignantes, tant nationales qu'internationales, qui touchent à des aspects importants de la liberté syndicale et des droits de l'homme relatifs aux droits syndicaux. Le comité relève en particulier que, selon les plaignants, au cours des derniers mois, certaines organisations syndicales et leurs dirigeants et militants ont fait l'objet de mesures extrêmement sévères de la part des autorités: morts de travailleurs survenues au cours d'affrontements avec les forces de l'ordre, arrestations et relégations de syndicalistes et mauvais traitements à leur encontre, assauts donnés à des locaux syndicaux, limitations du droit de réunion.
  2. 356. Le comité tient d'ores et déjà à souligner à cet égard que, ainsi qu'il est dit dans la résolution concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles, adoptée par la Conférence internationale du Travail en 1970, l'absence de libertés civiles enlève toute signification au concept des droits syndicaux et que les droits conférés aux organisations de travailleurs et d'employeurs doivent se fonder sur le respect de ces libertés civiles.
  3. 357. Les allégations se sont référées à l'intervention des forces de l'ordre lors de la journée de protestation organisée le 4 septembre 1984 qui se serait soldée par le décès de dix personnes, de nombreux blessés et plus d'un millier d'arrestations. Les plaignants ont en particulier mis en exergue le cas de Juan Antonio Aguirre Ballesteros qui aurait été arrêté puis torturé et dont le corps a été retrouvé par la suite. En outre, des poursuites judiciaires auraient été exercées contre trois dirigeants syndicaux nationaux: Manuel Bustos, José Ruiz Di Giorgio et Raûl Montecinos.
  4. 358. Tout en reconnaissant que les organisations plaignantes n'ont pas donné de précisions sur la nature et les objectifs de la journée de protestation du 4 septembre 1984, le comité doit constater avec regret que le gouvernement n'a fourni aucune information sur les circonstances des décès des dix personnes tuées au cours de cette journée. Le comité estime que des événements aussi graves devraient entraîner de la part des autorités des mesures efficaces destinées à établir les faits et à condamner les responsables éventuels. Le comité prie donc le gouvernement d'indiquer si une enquête impartiale et approfondie a été menée à propos de ces événements et, dans l'affirmative, d'en fournir ses résultats.
  5. 359. Pour ce qui est du cas de M. Juan Antonio Aguirre Ballesteros, le comité observe que les plaignants ont fourni des informations très détaillées sur les circonstances dans lesquelles l'intéressé aurait été arrêté avec indication du lieu de détention. Le comité ne peut donc se satisfaire de la déclaration générale du gouvernement qui indique seulement que M. Aguirre n'a pas été arrêté par la police et qu'il a été retrouvé mort pour des causes non éclaircies. En raison de l'extrême gravité de ces allégations, le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour éclaircir les circonstances de ce décès et déterminer les responsabilités. Il demande au gouvernement de fournir des informations sur toute enquête entreprise en ce sens et sur ses résultats.
  6. 360. Au sujet de l'arrestation de MM. Bustos, Ruiz Di Giorgio et Montecinos et des poursuites exercées à leur encontre, le comité note que, bien qu'ils aient été reconnus coupables par le magistrat instructeur, le gouvernement a arrêté les poursuites, que la procédure judiciaire a ainsi pris fin et que les intéressés sont en liberté. Le comité observe cependant que le gouvernement n'a pas indiqué quelles étaient les charges qui avaient été retenues contre ces dirigeants syndicaux. Les plaignants, pour leur part, avaient indiqué que ces inculpations étaient liées à la convocation d'une grève générale pour le 30 octobre 1984. Le comité croit donc utile de rappeler que les organisations syndicales devraient avoir la possibilité de recourir à des grèves de protestation, notamment en vue d'exercer une critique à l'égard de la politique économique et sociale des gouvernements.
  7. 361. Il apparaît, à la lumière des allégations formulées, que le siège de certaines organisations syndicales a fait l'objet d'assauts de la part des forces de l'ordre, au cours desquels du matériel aurait été détruit et de la documentation confisquée. Le gouvernement ne fournit pas dans ses réponses d'informations sur les motifs de ces perquisitions. A cet égard, le comité tient à signaler à l'attention du gouvernement que la protection des biens syndicaux constitue l'une des libertés civiles essentielles à l'exercice normal des droits syndicaux. Si les syndicats ne peuvent se prévaloir d'aucune immunité contre une perquisition de leurs locaux, cette intervention ne devrait cependant se produire qu'à la suite de la délivrance d'un mandat par l'autorité judiciaire ordinaire, lorsque cette autorité est convaincue qu'il y a de solides raisons de supposer qu'on y trouvera les preuves nécessaires à la poursuite d'un délit, conformément à la législation ordinaire et à la condition que la perquisition soit limitée aux objets qui ont motivé la délivrance du mandat. Le comité prie donc le gouvernement de fournir des informations sur les circonstances des opérations menées contre les locaux syndicaux, et notamment d'indiquer quels en étaient l'objet et l'origine.
  8. 362. Selon les plaignants, des arrestations auraient été opérées au cours de ces opérations et les personnes visées auraient été maltraitées au cours de leur détention. Elles auraient fait, par la suite, l'objet de mesures de relégation. Le gouvernement a fourni à cet égard des informations sur certaines des personnes mentionnées par les plaignants en signalant que certaines d'entre elles étaient en liberté ou que d'autres avaient été arrêtées au cours de perquisitions effectuées dans les locaux d'organisations politiques d'extrême gauche (voir annexe au présent rapport). Le comité doit constater sur ce point qu'il existe une contradiction manifeste entre ces déclarations et celles des plaignants puisque ceux-ci ont indiqué que les arrestations avaient eu lieu lors des assauts donnés aux locaux syndicaux de la Confédération El Surco et de la Confédération minière du Chili et ont fourni, à l'appui de leur dire, des témoignages écrits de personnes arrêtées. Le comité estime nécessaire de souligner à cet égard que les mesures de relégation prises contre des dirigeants syndicaux ou des syndicalistes en raison de leurs activités syndicales sont incompatibles avec les principes de la liberté syndicale. Le comité doit en outre constater que le gouvernement n'a pas fourni d'informations sur certaines personnes mentionnées dans les plaintes comme arrêtées (voir annexe au présent rapport), pas plus que sur les allégations formulées au sujet des mauvais traitements qui auraient été exercés contre les personnes arrêtées. Le comité prie donc le gouvernement de fournir ses observations à cet égard.
  9. 363. Quant aux allégations concernant l'état de siège et les conséquences qu'il entraîne sur l'exercice des droits syndicaux, le comité note les informations fournies par le gouvernement sur ce point. Il note en particulier que, selon le gouvernement, l'état de siège a été proclamé en raison des attentats terroristes qui ont été commis dans le pays. Sans se prononcer sur le caractère bien fondé ou non de la proclamation de cet état d'exception, le comité doit constater qu'il entraîne des conséquences extrêmement sévères sur le fonctionnement des organisations syndicales et en particulier sur leur possibilité de se réunir. Dans ces circonstances, le comité doit donc signaler l'importance du droit pour les syndicats de tenir des réunions en l'absence de tout contrôle des autorités. Le comité exprime donc le ferme espoir que les restrictions concernant le droit de réunion des organisations syndicales seront levées à très brève échéance et il prie le gouvernement de l'informer de toute mesure prise en ce sens.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 364. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire et, en particulier, les conclusions suivantes:
    • a) Le comité exprime sa préoccupation devant la gravité des allégations formulées par les plaignants. Il souligne que l'absence de libertés civiles enlève toute signification au concept des droits syndicaux et que les droits conférés aux organisations de travailleurs et d'employeurs doivent se fonder sur le respect de ces libertés civiles.
    • b) Au sujet des décès survenus lors de la journée de protestation du 4 septembre 1984, le comité estime que des événements aussi graves devraient entraîner de la part des autorités des mesures efficaces destinées à établir les faits et à condamner les responsables éventuels. Il prie le gouvernement d'indiquer si une enquête impartiale et approfondie a été menée à propos de ces événements et, dans l'affirmative, d'en fournir les résultats.
    • c) Au sujet de la mort de M. Juan Antonio Aguirre Ballesteros qui serait survenue à la suite de son arrestation, le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour éclaircir les circonstances de ce décès et déterminer les responsabilités. Il demande au gouvernement de fournir des informations sur toute enquête entreprise en ce sens et sur ses résultats.
    • d) Au sujet des poursuites exercées contre MM. Bustos, Ruiz Di Giorgio et Montecinos, le comité note que la procédure a pris fin à la suite de l'arrêt des poursuites par le gouvernement et que les intéressés sont en liberté. Considérant cependant que les plaignants ont lié ces poursuites à la convocation d'une grève générale, le comité rappelle que les organisations syndicales devraient avoir la possibilité de recourir à des grèves de protestation, notamment en vue d'exercer une critique à l'égard de la politique sociale et économique des gouvernements.
    • e) Au sujet des assauts donnés par les forces de l'ordre contre certains locaux syndicaux, le comité signale à l'attention du gouvernement que la protection des biens syndicaux constitue l'une des libertés civiles essentielles à l'exercice normal des droits syndicaux. Il rappelle que des interventions des forces de l'ordre dans les locaux syndicaux ne devraient se produire qu'à la suite de la délivrance d'un mandat par l'autorité judiciaire ordinaire. Le comité prie le gouvernement de fournir des informations sur les circonstances des opérations menées contre les locaux syndicaux et notamment d'indiquer quels en étaient l'objet et l'origine.
    • f) Au sujet des arrestations et relégations de dirigeants syndicaux, le comité note que certaines des personnes mentionnées dans les plaintes sont en liberté mais que d'autres ont fait l'objet de mesures de relégation. Il souligne que les mesures de relégation prises contre des dirigeants syndicaux ou des syndicalistes en raison de leurs activités syndicales sont incompatibles avec les principes de la liberté syndicale. Le comité constate en outre que le gouvernement n'a pas fourni d'informations sur certaines personnes mentionnées dans les plaintes comme arrêtées (voir annexe au présent rapport) pas plus que sur les allégations formulées au sujet des mauvais traitements exercés contre les personnes arrêtées. Il prie donc le gouvernement de fournir des observations à cet égard.
    • g) Le comité exprime le ferme espoir que les restrictions concernant le droit de réunion des organisations syndicales seront levées à très brève échéance et il prie le gouvernement de l'informer de toute mesure prise en ce sens.

Z. ANNEXE

Z. ANNEXE
  • Liste des personnes mentionnées par les plaignants comme arrêtées et réponses du gouvernement à leur sujet
  • AGUIRRE BALLESTEROS Juan Antonio: N'a pas été arrêté par la police. Décédé. ANTINAO Juan Antonio: En liberté. ARAYA Carlos: Relégué ARCOS Humberto: Relégué AVENDAÑO Atenas: Luis Enrique: Relégué BUCHERENICK Enrique Humberto: Relégué BUSTOS Manuel: En liberté CANCINO FERNANDEZ Segundo: Relégué CASTAÑEDA Hernán Fernando: Relégué DASTRE Sergio Alberto: Relégué DONOSO Jorge: En liberté GUERRERO Esperanza de la Luz: En liberté GUZMAN Alamiro: En liberté LABRAÑA Moisés: Relégué ILLO Rigoberto: En liberté MONTECINOS Raúl: En liberté MORALES Lucïa: En liberté OPAZO Carlos: Relégué OSORNO Valentín: Relégué PEÑA Luis: Relégué RUIZ DI GIORGIO José: En liberté SILVA Luis: Relégué SUAREZ ZEGARRA Luis: Relégué URRUTIA Ariel: Relégué VALENCIA Juan: Relégué
  • Liste des personnes mentionnées par les plaignants comme arrêtées et allégations formulées à leur sujet, sur lesquelles le gouvernement n'a pas encore fourni d'informations
  • CATRIL Alejo: Dirigeant textile arrêté le 15.11
  • COLUMBANO Renato: Arrêté (allégation CPUSTAL)
  • FERNANDEZ Humberto: Syndicaliste de Concepciôn arrêté le 28.11
  • FUENTES Adrían: Syndicaliste de Concepciôn arrêté le 28.11
  • LACAMBRETT Marta: Arrêtée (allégation CPUSTAL)
  • MENESES Victor: Dirigeant syndical d'Arica relégué le 28.11
  • NUÑEZ Enrique: Syndicaliste Confédération métallurgie, arrêté le 7.11
  • PEDRIN Jorge: Syndicaliste de Concepciôn arrêté le 28.11
  • POBLETE Pablo: Dirigeant syndical d'Arica relégué le 28.11
  • RODRIGUEZ Jorge: Fédération minière relégué à Dalcahue
  • SALFATE Boris: Arrêté (allégation CISL)
  • SANTIBAÑEZ Hector: Dirigeant de l'Association nationale des retraités, arrêté le 9.11
  • SOTO Hernán: Arrêté (allégation CPOSTAL)
  • VASQUEZ Ernesto: Dirigeant syndical d'Arica relégué le 28.11
  • VIDAL Raúl: Syndicaliste de Concepciôn arrêté le 28.11
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer