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Rapport intérimaire - Rapport No. 244, Juin 1986

Cas no 1309 (Chili) - Date de la plainte: 03-OCT. -84 - Clos

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  1. 296. Le comité a examiné ce cas à plusieurs reprises et, pour la dernière fois, à sa réunion de février 1986, où il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration. (Voir 243e rapport, paragr. 447 à 488, approuvé par le Conseil d'administration à sa 232e session (mars 1986).)
  2. 297. Depuis lors, le BIT a reçu des plaignants les communications suivantes: Fédération syndicale mondiale (FSM): 12 février 1986; Confédération internationale des syndicats libres (CISL): 17 février, 4 et 24 mars 1986, 4 et 25 avril 1986 ainsi que 2 mai 1986; Syndicat des dockers no 2 de San Antonio: 31 mars 1986; Union internationale des syndicats du textile, de l'habillement et des cuirs et peaux: 18 avril 1986; Confédération mondiale des organisations de la profession enseignante (CMOPE): 5 mai 1986. Le gouvernement, pour sa part, a fourni ses observations dans des communications des 6 mars, 9 avril et 7 mai 1986.
  3. 298. Le Chili n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examens antérieurs du cas

A. Examens antérieurs du cas
  1. 299. Les allégations encore en instance dans le présent cas concernaient l'arrestation et l'inculpation de dirigeants syndicaux intervenues à la suite d'une journée de protestation organisée le 4 septembre 1985; l'arrestation de dirigeants syndicaux du secteur portuaire opérée lors d'une manifestation; des mesures de relégation de syndicalistes et des licenciements de dirigeants syndicaux, notamment dans le secteur des ports et de la santé. En outre, de nouvelles allégations avaient fait état de la mort de quatre personnes lors de manifestations organisées les 5 et 6 novembre 1985, de l'arrestation de M. Rodemil Aranda, dirigeant du Syndicat industriel des mines Caletones, ainsi que de l'annulation des élections au sein de la Confédération des travailleurs du cuivre et de la confiscation des biens de cette organisation.
  2. 300. A sa session de mars 1986, le Conseil d'administration avait approuvé les conclusions suivantes du comité:
    • "a) Au sujet des arrestations et inculpations prononcées à la suite de la journée de protestation du 4 septembre 1985, le comité note que, sur les douze dirigeants syndicaux initialement inculpés et arrêtés, onze ont été libérés sous caution et que l'inculpation de l'un d'entre eux a été levée. Le comité, notant que les inculpations ont été prononcées sur la base de dispositions relatives à l'organisation de manifestations sur la voie publique et de grèves illégales, souligne que l'interdiction opposée aux fédérations et confédérations de déclencher des grèves n'est pas compatible avec les principes de la liberté syndicale. Il rappelle que les intérêts professionnels et économiques que les travailleurs défendent en ayant recours à la grève se rapportent, non seulement à l'obtention de meilleures conditions de travail ou aux revendications collectives d'ordre professionnel, mais englobent également la recherche de solutions aux questions de politique économique et sociale. Le comité prie le gouvernement de fournir des informations sur le développement des procès en cours et leurs résultats, lorsque les jugements seront prononcés.
    • b) Au sujet des arrestations de dirigeants syndicaux du secteur portuaire, le comité note que les intéressés ont été remis en liberté après versement d'une caution par le ministre du Travail. Il prie le gouvernement de fournir des informations sur le déroulement de la procédure ouverte à leur encontre.
    • c) Au sujet des mesures de relégation de syndicalistes, le comité demande avec fermeté une fois de plus au gouvernement qu'il ne soit pas recouru à de telles mesures totalement dépourvues de garanties judiciaires.
    • d) Au sujet des licenciements de dirigeants syndicaux, constatant qu'un syndicaliste a été licencié pour infraction à la loi sur la sécurité intérieure de l'Etat, le comité exprime sa préoccupation devant le fait que les travailleurs peuvent perdre leur emploi en raison d'une arrestation ou d'une condamnation due à l'exercice d'activités que la législation nationale assimile à des délits mais qui, selon les principes généralement reconnus, pourraient être considérées comme des activités syndicales normales et licites.
    • e) Le comité prie le gouvernement de fournir au plus tôt ses observations sur les allégations les plus récentes, à savoir la mort de quatre personnes lors des manifestations des 5 et 6 novembre 1985, l'arrestation de M. Rodemil Aranda, dirigeant du Syndicat industriel des mines Caletones, le licenciement de dirigeants syndicaux dans le secteur des ports et de la santé, MM. Manuel Jerez Alvarado et Ricardo Vacarezza, ainsi que l'annulation des élections au sein de la Confédération des travailleurs du cuivre et la confiscation des biens de cette organisation."

B. Nouvelles allégations

B. Nouvelles allégations
  1. 301. Dans leurs communications des 12 et 17 février 1986 respectivement, la FSM et la CISL se réfèrent aux mesures prises à l'encontre de la Confédération des travailleurs du cuivre (CTC).
  2. 302. La FSM indique que le gouvernement a ordonné la fermeture du centre de documentation de la CTC, organisation qui compte plus de 30.000 membres. D'autres mesures, prises par les autorités, ont pour but, selon la FSM, d'empêcher le président de la CTC, Rodolfo Seguel, ainsi que d'autres dirigeants d'exercer leurs fonctions syndicales et d'utiliser les locaux et les fonds de la confédération. La FSM précise que, pour le gouvernement, ces dirigeants ne peuvent plus occuper des fonctions syndicales car ils ne sont plus employés dans l'industrie minière depuis leur licenciement intervenu en 1983 à la suite d'une grève qu'ils avaient organisée pour s'opposer à la diminution du niveau de vie des mineurs de cuivre.
  3. 303. Pour la CISL, les mesures prises par le gouvernement ont entraîné une immobilisation de la CTC en interdisant judiciairement à ses dirigeants de conclure des actes et contrats administratifs, de tenir des réunions et d'effectuer des déclarations. En annexe à sa communication, la CISL joint un rapport technique élaboré par un conseiller juridique de la CTC. Il est expliqué dans ce rapport que, sur demande de la Direction du travail, le vingtième Tribunal civil de Santiago a pris les mesures de référé suivantes:
    • - interdire à l'actuelle direction de la CTC de conclure des actes et contrats administratifs et d'effectuer des opérations impliquant tout ou partie du patrimoine de la CTC;
    • - informer les institutions financières et bancaires du pays pour qu'elles s'abstiennent de passer des contrats de comptes courants ou d'épargne et de payer des chèques ou des ordres de paiement de la CTC;
    • - informer le public et les entreprises publiques et privées pour qu'ils s'abstiennent de conclure des actes juridiques avec l'actuelle direction de la CTC;
    • - notifier à la Corporation du cuivre du Chili qu'elle ne doit ni accepter ni mettre à l'étude toute demande, revendication ou résolution de l'actuelle direction de la CTC;
    • - interdire à cette direction de convoquer ou tenir des réunions syndicales, ou d'y participer au nom de la CTC;
    • - interdire également à la direction d'invoquer la représentation de la CTC dans des réunions publiques ou privées, forums nationaux ou internationaux, dans des réunions d'autres associations ou dans des publications ou interventions dans la presse écrite, parlée ou télévisée;
    • - interdire à la direction de retirer du siège de la CTC tout type de documents ayant une relation directe ou indirecte avec les activités de la confédération. Les scellés seront apposés sur tous les lieux où est conservée cette documentation.
  4. 304. Selon le conseiller juridique de la CTC, l'activité de la CTC est ainsi complètement paralysée, et le jugement rendu est très critiquable: utilisation de la procédure civile; existence d'un vice de forme dans la demande de la Direction du travail; action judiciaire allant au-delà de la compétence de la Direction du travail; recours à la procédure de référé; aucune garantie ni caution apportée par le demandeur contrairement à la loi; disproportion entre l'effet des mesures prononcées et l'intérêt juridique protégé.
  5. 305. Dans ses communications des 4 et 24 mars 1986, la CISL allègue que, le 28 février 1986, MM. Sergio Troncoso et Reinaldo Alvarez, respectivement président et trésorier de la Confédération des travailleurs du bâtiment, ont été arrêtés, incarcérés et inculpés parce que le conseil directeur de l'organisation a adressé une lettre à la troisième chambre de la Cour suprême en vue de protester contre la décision des juges de cette chambre de laisser en liberté les assassins présumés d'un dirigeant syndical de l'enseignement. Ces dirigeants risquent, selon la CISL, de 61 jours à cinq ans de détention.
  6. 306. Dans sa communication du 31 mars 1986, le Syndicat des dockers no 2 de San Antonio allègue que, par mesure de répression à la suite de la grève du secteur maritime d'octobre 1985, 200 travailleurs des entreprises de chargement et de déchargement n'ont pas pu travailler depuis cinq mois. Ainsi, l'entreprise Agunsa a éliminé de ses listes de travailleurs huit d'entre eux qu'elle considérait comme dangereux pour ses intérêts. L'agence COSEPORT a notifié au syndicat SIRMAPORT que, si trois des dirigeants actuels étaient maintenus à la tête du syndicat, elle ne ferait plus appel aux travailleurs membres de cette organisation. Ceux-ci ont alors demandé la démission de ces dirigeants et ont désigné à leur place des personnes qui jouissent d'une confiance absolue de l'employeur. Les anciens dirigeants sont actuellement au chômage. En outre, le président du syndicat SIRMAPORT, Carlos Carrasco, n'a pas pu travailler depuis cinq mois, toutes les entreprises ayant rejeté ses offres de travail car il était dirigeant syndical. Tel est également le cas des 88 affiliés du Syndicat des dockers no 2 de San Antonio dont le président et le secrétaire avaient été accusés d'être des "agitateurs syndicaux".
  7. 307. Dans sa communication du 4 avril 1986, la CISL se réfère à l'enlèvement le 25 mars par des civils armés de M. Juan Bustos Araneda, dirigeant de la Centrale démocratique des travailleurs (CDT). Durant sa détention, M. Bustos aurait été victime de mauvais traitements physiques et psychologiques et aurait été interrogé sur les activités syndicales et politiques des dirigeants de la CDT. Il a été retrouvé le 27 mars dans la banlieue de Concepción en mauvais état de santé et avec des traces de coups et de brûlures sur le corps.
  8. 308. Dans sa communication du 25 avril 1986, la CISL allègue que, le 18 avril, des forces de police, fortement armées, ont cerné le siège du syndicat MADECO pour empêcher la réalisation de la première conférence nationale convoquée par le Groupement national des travailleurs.
  9. 309. Dans sa communication du 18 avril 1986, l'Union internationale du textile, de l'habillement et des cuirs et peaux allègue que, par le décret no 1360 du 29 novembre 1984, publié le 19 mars 1986, le gouvernement a transféré les biens de sept organisations syndicales déclarées illégales en octobre 1978, dont la Fédération nationale du textile, à un organisme étatique, le Service de la formation et de l'emploi.
  10. 310. Dans sa communication du 2 mai 1986, la CISL déclare que la célébration du 1er mai, organisée par le Groupement national des travailleurs (CNT), a été interdite et réprimée par les militaires et la police qui ont tiré sur les manifestants. Il y aurait eu, selon la CISL, 120 blessés et 585 personnes arrêtées, dont Manuel Bustos (libéré par la suite), Jorge Millan et Lucia Sandoval, dirigeants de la CNT. En outre, les sièges de la CNT et d'organisations affiliées auraient été perquisitionnés. Pour sa part, la CMOPE allègue que le 1er mai les carabiniers ont pénétré dans les locaux de l'Association professionnelle des enseignants du Chili (AGECH) où avait lieu une célébration de la fête du travail. Des meubles, machines et documents ont été détruits et 56 personnes ont été arrêtées. Dix-neuf personnes, dont Luis Gutierrez et Paulina Mora Drago, membres du Comité exécutif de l'AGECH, seraient encore détenues.

C. Réponse du gouvernement

C. Réponse du gouvernement
  1. 311. Dans ses différentes communications, le gouvernement a fourni ses observations sur plusieurs des allégations en instance dans le présent cas: les inculpations prononcées contre des dirigeants syndicaux, l'arrestation de M. Rodemil Aranda Flores, le licenciement de M. Manuel Jerez Alvarado, les mesures prises à la suite des élections au sein de la Confédération des travailleurs du cuivre et les inculpations prononcées contre des dirigeants de la Confédération des travailleurs du bâtiment.
  2. 312. A propos des inculpations prononcées contre 11 dirigeants syndicaux à la suite de la journée de protestation du 4 septembre 1985, le gouvernement indique que le procès est en cours d'instruction. Tous les inculpés sont actuellement en liberté.
  3. 313. Au sujet des mesures prises contre des dirigeants syndicaux du secteur portuaire, le gouvernement signale qu'il n'existe aucune charge en cours contre ces personnes. Il explique que les procès relatifs à des désordres sur la voie publique se terminent généralement par l'imposition d'une amende qui correspond précisément à la caution payée pour être libéré. Dans le cas présent, le gouvernement rappelle que la caution a été payée par le ministre du Travail.
  4. 314. Au sujet de l'arrestation de M. Rodemil Aranda Flores, le gouvernement déclare, dans ses communications des 6 mars et 7 mai 1986, que cette personne n'est pas un travailleur de la Corporation nationale du cuivre, Division el Teniente. Il a été arrêté le 4 décembre 1985 pour infraction à la loi sur le contrôle des armes et des explosifs et, plus précisément, pour détention illégale d'explosifs. Cette personne se trouve actuellement détenue au Centre de réadaptation sociale de Rancagua. Sa demande de liberté provisoire sous caution a été acceptée à deux reprises par le Procureur militaire mais la Cour martiale a, dans les deux cas, annulé cette décision.
  5. 315. Concernant le licenciement de M. Manuel Jerez Alvarado, le gouvernement indique que l'intéressé a signé le 3 avril 1980 un contrat de travail en qualité de marin pêcheur avec la société de pêche "Viento Sur". M. Jerez Alvarado a été élu dirigeant syndical le 22 juillet 1985, alors que les travailleurs étaient en grève légale et bien qu'il ne fût pas membre du syndicat. Il adhéra au syndicat après avoir été élu dirigeant. Cette nomination ne fut communiquée à l'entreprise que le 20 août 1985. Le 8 août 1985, l'entreprise informa les autorités maritimes et l'inspection du travail que ce travailleur avait insulté et menacé d'agression physique le capitaine du navire où il était employé. Le 12 août 1985, l'entreprise mit fin au contrat de travail de M. Jerez Alvarado. L'intéressé présenta le 6 septembre 1985 un recours pour licenciement injustifié devant le 2e Tribunal civil de Talcahuano. Les parties n'ont pas abouti à un accord, et l'entreprise a demandé au tribunal l'autorisation de licenciement.
  6. 316. A propos des allégations concernant le licenciement de M. Ricardo Vacarezza, le gouvernement indique que les organismes de santé sont des organes autonomes et que les directeurs ont le pouvoir d'embaucher du personnel et de mettre fin à leurs services conformément à la loi. L'intéressé était chirurgien au service de santé métropolitain de l'Orient, employé pour vingt-deux heures par semaine, sous contrat de durée déterminée qui se terminait le 31 décembre 1985. Il ne s'agit donc pas, selon le gouvernement, d'un licenciement arbitraire ou par mesure de représailles mais du terme normal d'un contrat limité dans le temps.
  7. 317. Pour ce qui est des mesures prises à la suite des élections au sein de la Confédération des travailleurs du cuivre, le gouvernement explique que la Direction du travail, en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par la législation (art. 5 du décret ayant force de loi no 2 de 1967), a demandé à la vingtième Chambre civile de Santiago de prendre une série de mesures de référé. Le magistrat chargé de ce dossier a pris certaines de ces mesures en vue de protéger non seulement le patrimoine de la confédération mais aussi celui des syndicats de base qui lui sont affiliés ainsi que la validité des actes et contrats conclus par la direction de l'organisation. Les mesures en question ne sont donc pas, souligne le gouvernement, de caractère administratif mais de nature judiciaire.
  8. 318. Le gouvernement déclare que ce sont des infractions à la législation syndicale en vigueur qui ont justifié l'adoption de telles mesures. Ainsi, le gouvernement indique que, par résolution en date du 6 novembre 1984 de la Direction du travail, cinq dirigeants du syndicat d'entreprise no 6 de CODELCO, division d'El Salvador, avaient été déclarés inhabilités à exercer des fonctions syndicales car ils avaient été licenciés de l'entreprise en juin 1983. Pour les mêmes raisons, quatre dirigeants du syndicat d'entreprise no 1 de CODELCO, division d'El Salvador, ont été également visés par une mesure d'inhabilitation. Les recours présentés par les intéressés ont été rejetés par la Cour suprême le 2 décembre 1985 du fait qu'ils n'étaient plus membres de l'entreprise ni du syndicat, conditions nécessaires, selon la législation syndicale et les statuts des syndicats, pour être élu dirigeant. Après cette décision de la Cour suprême, les personnes qui avaient obtenu le nombre de voix le plus élevé, après celles frappées d'inhabilitation, ont occupé les postes de dirigeants devenus vacants. Ces personnes devaient, du fait de leur élection à la direction d'un syndicat de base, faire partie de l'assemblée de la Confédération des travailleurs du cuivre, aux termes de la législation syndicale. Ils ne furent cependant pas admis à participer au congrès de la confédération.
  9. 319. Le 12 janvier 1986, une nouvelle direction de la Confédération des travailleurs du cuivre fut élue sans que ces dirigeants régulièrement désignés puissent participer au vote. Ce sont au contraire les anciens dirigeants déclarés inhabilités qui participèrent aux élections. Selon le gouvernement, ces infractions constituaient un vice de nullité sur lequel la justice devait se prononcer.
  10. 320. Conformément à l'article 19 du statut de la Confédération des travailleurs du cuivre, les dirigeants sont élus par les directions des syndicats qui lui sont affiliés. Ainsi, les statuts de la confédération ont été violés. Il en est de même dans le cas de M. Rodolfo Seguel, élu président de la confédération, dont la participation au vote contrevenait aux normes légales et statutaires puisqu'il avait été licencié de l'entreprise CODELCO.
  11. 321. Enfin, le gouvernement indique que, parmi les élus au Conseil directeur national de la Confédération des travailleurs du cuivre, figurent quatre personnes (MM. Rodolfo Seguel, Manuel Rodriguez, Sergio Barriga et Raúl Montecinos) qui, contrairement aux statuts de l'organisation et à la loi, n'avaient pas la qualité de dirigeants des organisations affiliées à la confédération.
  12. 322. En résumé, déclare le gouvernement, il y a eu au cours de ces élections une triple violation de la législation en vigueur et des statuts syndicaux; on a permis de voter à des personnes non employées dans l'entreprise et faisant l'objet de ce fait d'une inhabilitation à être dirigeant syndical; des dirigeants de syndicats de base régulièrement en fonctions n'ont pu exercer leur droit de vote; des personnes n'ayant pas la qualité de dirigeants syndicaux ni de travailleurs de l'entreprise ont été élues.
  13. 323. Il n'est pas vrai, ajoute le gouvernement, que ces élections ont été sans effet. Leur nullité doit en effet être déclarée par la justice, et elles ont une apparence de validité tant que cette nullité n'a pas été prononcée. Il n'est pas vrai non plus qu'il y a eu confiscation des fonds, des comptes et des biens de la confédération. Le juge a seulement pris certaines mesures de référé conformément au Code de procédure civile. Certaines de ces mesures ont d'ailleurs été levées par décision de la première chambre de la Cour d'appel de Santiago à la suite d'un recours présenté par les avocats de la confédération. Ceci a permis le paiement des rémunérations des fonctionnaires de la confédération et d'autres versements urgents.
  14. 324. En outre, M. Luis Alamos, dirigeant du syndicat no 1 de l'entreprise CODELCO, division d'El Salvador, a présenté une plainte devant la vingt-huitième Chambre civile de Santiago contre M. Rodolfo Seguel et la Confédération des travailleurs du cuivre pour n'avoir pu participer ni voter au congrès de la confédération, contrairement aux statuts et à la loi.
  15. 325. Au sujet de l'inculpation de deux dirigeants de la Confédération des travailleurs du bâtiment, le gouvernement explique qu'à la fin du mois de janvier 1986 l'organe directeur de cette confédération a envoyé une lettre aux magistrats de la troisième chambre de la Cour suprême à la suite d'une sentence que celle-ci avait rendue dans une affaire criminelle. La Cour suprême, en session plénière, a pris connaissance de cette lettre et a estimé qu'elle était injurieuse pour les juges de la Cour. Elle a en conséquence demandé à la Cour d'appel de Santiago d'ouvrir une procédure pour injures et outrages à magistrat, conformément aux articles 263 et 264 du Code pénal. Le magistrat chargé d'instruire cette affaire a ordonné la détention et l'inculpation de MM. Sergio Troncoso Cisternas et Reinaldo Alvarez en considérant qu'un délit avait été commis et qu'il existait des présomptions fondées que ces deux personnes avaient participé au délit soit comme auteurs, soit comme complices. Un recours présenté par la défense contre l'inculpation a été rejeté par la première chambre de la Cour d'appel, mais les intéressés ont bénéficié d'une mesure de liberté provisoire sous caution. Le gouvernement souligne qu'il n'est pas intervenu dans ce procès puisque celui-ci a été ouvert à la demande de la Cour suprême elle-même.
  16. 326. Enfin, le gouvernement fait, dans sa communication du 7 mai 1986, une déclaration générale au sujet des concepts de manifestations de protestation et de grèves auxquels s'était référé le comité dans son rapport précédent. Le gouvernement estime qu'il n'est pas possible de qualifier de grèves des manifestations sur la voie publique qui n'entraînent pas une paralysie des activités. Il réaffirme que ces protestations marquées par la violence ne recherchent pas la solution à des questions de politique économique et sociale mais la déstabilisation du gouvernement en rendant le pays ingouvernable.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 327. A la suite du dernier examen du cas par le comité à sa réunion de février 1986, les allégations restant en instance concernaient les inculpations prononcées contre des dirigeants syndicaux à la suite d'une journée de protestation organisée en septembre 1985 et contre des dirigeants des organisations du secteur portuaire pour désordres sur la voie publique; la mort de quatre personnes lors des manifestations des 5 et 6 novembre 1985; l'arrestation de M. Rodemil Aranda, dirigeant du Syndicat industriel des mines Caletones; le licenciement de dirigeants syndicaux dans le secteur des ports et de la santé et les mesures prises à la suite des élections au sein de la Confédération des travailleurs du cuivre. Depuis lors, de nouvelles allégations ont été formulées au sujet de l'inculpation de deux dirigeants de la Confédération des travailleurs du bâtiment, la mise au chômage de travailleurs et de dirigeants syndicaux dans le secteur des docks, la détention d'un dirigeant de la Centrale démocratique des travailleurs, l'intervention des forces de l'ordre pour empêcher la tenue d'une conférence nationale syndicale, le transfert des biens d'organisations déclarées illégales à un organisme étatique et de nombreuses arrestations et des perquisitions de locaux syndicaux lors de la commémoration du 1er mai.
  2. 328. Le comité note que les procès en cours contre 11 dirigeants syndicaux à la suite de la journée de protestation de septembre 1985 sont en cours d'instruction. Le comité demande au gouvernement de fournir des informations sur le déroulement de ces procès et sur leurs résultats lorsque les jugements seront prononcés. Pour ce qui est des dirigeants syndicaux du secteur portuaire, le comité note qu'aucune charge n'est en cours à leur encontre.
  3. 329. Le comité demande à nouveau au gouvernement de fournir des informations sur la mort de quatre personnes survenue lors des manifestations des 5 et 6 novembre 1985. Il lui demande notamment d'indiquer si une enquête indépendante a été menée au sujet de ces événements.
  4. 330. Concernant l'arrestation de M. Rodemil Aranda, le comité note que l'intéressé a été arrêté et poursuivi pour détention d'armes et d'explosifs. Le gouvernement a en outre fourni des informations détaillées sur la nature des explosifs retrouvés au domicile de M. Aranda. Considérant que les chefs d'inculpation de M. Aranda ne peuvent en aucun cas être considérés comme liés à des activités syndicales, le comité estime que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
  5. 331. Au sujet du licenciement de M. Manuel Jerez, dirigeant du Syndicat interentreprises des ports de la province de Concepción, le comité note que, selon le gouvernement, l'intéressé a été licencié pour avoir insulté et menacé d'agression physique un supérieur hiérarchique. Il note que l'affaire semble encore en cours devant la justice. Il demande donc au gouvernement de fournir des informations sur l'évolution de la procédure. Pour ce qui est du licenciement de M. Ricardo Vacarezza, président du Collège médical métropolitain, le comité note que le contrat de l'intéressé arrivait à expiration le 31 décembre 1985.
  6. 332. Pour ce qui est des mesures prises à la suite des élections au sein de la Confédération des travailleurs du cuivre, le comité note que, selon le gouvernement, la législation et les statuts ont été triplement enfreints: par la participation au vote de personnes non qualifiées pour voter du fait qu'elles n'étaient pas travailleurs de l'entreprise ni dirigeants d'un syndicat de base; par la non-participation au vote de dirigeants de syndicats de base régulièrement désignés et par l'élection de personnes inhabilitées à exercer des fonctions de dirigeants syndicaux.
  7. 333. Le comité constate que le problème posé dans cette affaire est lié à l'obligation, imposée par la législation syndicale chilienne, d'être travailleur de l'entreprise concernée pour être élu dirigeant syndical (art. 21 du décret-loi no 2756 de juin 1979). Sur ce point, le comité a toujours estimé, notamment dans un cas relatif au Chili (voir 185e rapport, cas no 823, paragr. 99), que les dispositions législatives qui exigent que tous les dirigeants syndicaux doivent appartenir à la profession ou à l'entreprise dans laquelle l'organisation exerce son activité peuvent mettre en péril l'exercice des droits syndicaux. En effet, comme le démontre le présent cas, le licenciement d'un travailleur dirigeant syndical peut, en lui faisant perdre sa qualité de dirigeant syndical, porter atteinte à la liberté d'action de l'organisation et au droit des travailleurs d'élire librement leurs représentants et même de favoriser des actes d'ingérence de la part de l'employeur. Le comité doit d'ailleurs rappeler qu'il à eu à examiner dans le passé des allégations concernant le licenciement de dirigeants syndicaux de l'entreprise CODELCO. (Voir notamment 230e , 233e, 234e et 238e rapports, cas no 1212.) Le comité avait estimé à cette occasion qu'il existait d'importants indices tendant à montrer le caractère antisyndical des congédiements et que, en particulier, M. Rodolfo Seguel avait fait l'objet d'une grave discrimination antisyndicale. (Voir 230e rapport, paragr. 653 et 658.) Compte tenu de tous ces éléments, le comité estime que l'inhabilitation des dirigeants élus lors du dernier congrès de la Confédération des travailleurs du cuivre constitue une sérieuse atteinte au droit des organisations d'élire librement leurs représentants. Le comité considère en outre qu'afin d'assurer le respect de ce droit le gouvernement devrait modifier la législation syndicale afin d'autoriser la candidature de personnes qui ont travaillé à une époque antérieure dans la profession ou l'entreprise considérées et de lever les conditions prévues quant à l'appartenance à la profession ou à l'entreprise pour une proportion raisonnable des responsables des organisations.
  8. 334. Au sujet de l'inculpation de deux dirigeants de la Confédération des travailleurs du bâtiment, le comité note que l'action judiciaire a été ouverte pour injures et outrages à magistrats non à la demande du gouvernement mais sur décision de la Cour suprême réunie en séance plénière. Le comité relève que la lettre adressée par l'organe directeur de la Confédération des travailleurs du bâtiment à la Cour suprême critiquait une décision judiciaire rendue dans le cadre d'une affaire pénale relative à l'assassinat de syndicalistes. Le comité, n'ayant pas eu connaissance du contenu exact de la lettre en question, ne peut donc se prononcer en toute connaissance de cause. Cependant, de l'avis du comité, une prise de position par une organisation syndicale sur une affaire de cette nature constitue une activité syndicale légitime. Le comité rappelle toutefois, de manière générale, qu'en exprimant leurs opinions les organisations syndicales ne devraient pas dépasser les limites admissibles de la polémique et devraient s'abstenir d'outrances dans le langage. Le comité demande au gouvernement de fournir le texte de la lettre envoyée par la Confédération des travailleurs du bâtiment à la Cour suprême et de le tenir informé de l'évolution de la procédure ouverte à l'encontre des deux dirigeants de cette confédération.
  9. 335. Enfin, le comité demande au gouvernement de fournir ses observations sur les allégations les plus récentes formulées dans le présent cas, à savoir la mise au chômage de travailleurs et de dirigeants syndicaux dans le secteur des docks; la détention de Juan Bustos Araneva, dirigeant de la Centrale démocratique des travailleurs; l'intervention des forces de l'ordre pour empêcher la tenue d'une conférence nationale syndicale, le transfert des biens d'organisations déclarées illégales à un organisme étatique, de nombreuses arrestations et des perquisitions de locaux syndicaux lors de la commémoration du 1er mai.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 336. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire et, en particulier, les conclusions suivantes:
    • a) Au sujet des inculpations prononcées contre 11 dirigeants syndicaux à la suite de la journée de protestation de septembre 1985, le comité demande au gouvernement de fournir des informations sur le déroulement des procès en cours et sur leurs résultats lorsque les jugements seront prononcés.
    • b) Le comité demande également à nouveau au gouvernement de fournir des informations sur la mort de quatre personnes survenue lors des manifestations des 5 et 6 novembre 1985.
    • c) Au sujet de l'arrestation de M. Rodemil Aranda, le comité, considérant que les chefs d'inculpation ne peuvent être considérés comme liés à des activités syndicales, estime que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
    • d) Au sujet de licenciements de dirigeants syndicaux, le comité demande au gouvernement de fournir des informations sur l'évolution de la procédure en cours concernant M. Manuel Jerez, dirigeant syndical du secteur portuaire.
    • e) Au sujet des mesures prises à la suite des élections au sein de la Confédération des travailleurs du cuivre, le comité estime que l'inhabilitation des dirigeants élus lors du dernier congrès de la confédération constitue une sérieuse atteinte au droit des organisations d'élire librement leurs représentants. Le comité considère que le gouvernement devrait modifier la législation syndicale afin d'autoriser la candidature de personnes qui ont travaillé antérieurement dans la profession ou l'entreprise considérées et de lever les conditions prévues quant à l'appartenance à la profession ou à l'entreprise pour une proportion raisonnable des responsables des organisations.
    • f) Au sujet de l'inculpation de deux dirigeants de la Confédération des travailleurs du bâtiment, le comité estime qu'une prise de position par une organisation syndicale à propos d'une décision judiciaire sur une affaire relative à l'assassinat de syndicalistes constitue une activité syndicale légitime. Toutefois, le comité rappelle de manière générale qu'en exprimant leurs opinions les organisations syndicales ne devraient pas dépasser les limites admissibles de la polémique et devraient s'abstenir d'outrances dans le langage. Le comité demande au gouvernement de fournir le texte de la lettre envoyée par la Confédération des travailleurs du bâtiment à la Cour suprême et de le tenir informé de l'évolution de la procédure ouverte à l'encontre des deux dirigeants de cette confédération.
    • g) Le comité demande au gouvernement de fournir ses observations sur les allégations les plus récentes formulées dans le présent cas, à savoir la mise au chômage de travailleurs et de dirigeants syndicaux dans le secteur des docks; la détention de Juan Bustos Araneva, dirigeant de la Centrale démocratique des travailleurs; l'intervention des forces de l'ordre pour empêcher la tenue d'une conférence nationale syndicale, le transfert des biens d'organisations déclarées illégales à un organisme étatique, de nombreuses arrestations et des perquisitions de locaux syndicaux lors de la commémoration du 1er mai.
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