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Rapport définitif - Rapport No. 243, Mars 1986

Cas no 1347 (Bolivie (Etat plurinational de)) - Date de la plainte: 19-SEPT.-85 - Clos

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  1. 248. Les trois confédérations internationales de travailleurs ont présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement de la Bolivie: la Confédération internationale des syndicats libres dans une communication télégraphique du 19 septembre 1985, la Fédération syndicale mondiale dans une lettre du 23 septembre 1985 et la Confédération mondiale du travail dans une communication télégraphique du 3 octobre 1985.
  2. 249. Le BIT a adressé au gouvernement un télégramme lui demandant ses observations sur cette affaire le 24 septembre 1985.
  3. 250. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication télégraphique du 18 octobre 1985.
  4. 251. La Bolivie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 252. La Confédération internationale des syndicats libres (CISL) dénonce l'arrestation de tous les membres du comité exécutif de la Centrale ouvrière bolivienne (COB) et de la Fédération syndicale des travailleurs des mines de Bolivie (FSTMB) survenue le 19 septembre 1985 à 15 heures. Elle explique que ces détentions se sont produites alors que les dirigeants effectuaient une grève de la faim dans des locaux syndicaux pour protester contre les mesures économiques adoptées par le gouvernement, que ces détentions ont été opérées par la police et par des civils en armes et qu'actuellement, on ignore le sort des dirigeants détenus. Toujours selon la CISL, le gouvernement a imposé l'état de siège et le couvre-feu. Des tanks conduits par des militaires patrouillent les rues. Les dirigeants syndicaux suivants ont été arrêtés: pour la COB Juan Lechín, secrétaire exécutif, Walter Delgadillo, secrétaire général, Angel Zaballa, secrétaire aux relations internationales, Alberto Echazu, secrétaire à l'intérieur, et pour la FSTMB Victor Lopez, secrétaire général, Justo Perez, secrétaire aux relations internationales. La CISL demande la liberté inconditionnelle pour les dirigeants syndicaux arrêtés et la sauvegarde de leur intégrité physique.
  2. 253. La Fédération syndicale mondiale (FSM) dénonce également la vague de graves violations des droits syndicaux perpétrées par le gouvernement de la Bolivie. Elle explique que le gouvernement a brutalement réprimé une grève générale déclenchée par la COB pour protester contre la détérioration des conditions de vie imposée par un accord conclu entre le gouvernement et le Fonds monétaire international, que le gouvernement a déclaré la grève illégale, qu'il a bloqué les salaires des grévistes, et que les forces armées ont arrêté 2.000 grévistes, dont Juan Lechín et Walter Delgadillo qui ont été conduits à l'aéroport international El alto, base militaire de l'armée de l'air. La FSM confirme la déclaration de l'état d'urgence, qui peut durer 90 jours, et le couvre-feu de 14 heures à 6 heures et indique que le ministre de l'Intérieur a annoncé que quiconque résiste aux décisions du gouvernement sera jugé dans les 48 heures. Elle ajoute que les personnes détenues ont déclenché une grève de la faim pour demander à être humainement traitées par les forces de police, et elle demande la libération immédiate des dirigeants syndicaux et des grévistes détenus, la reprise du fonctionnement normal de la COB et le respect des droits syndicaux en Bolivie.
  3. 254. La Confédération mondiale du travail dépose également une plainte formelle en violation flagrante de la liberté syndicale contre le gouvernement de la Bolivie pour détention et relégation des principaux dirigeants de la COB et de nombreux militants. Elle demande l'intervention du Directeur général pour obtenir la cessation des mesures imposées par les autorités boliviennes sous la pression du Fonds monétaire international et d'autres forces contraires au mouvement syndical dans le pays.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 255. Dans sa réponse du 18 octobre 1985, le gouvernement indique qu'en application des articles 96 et 111 de la Constitution politique de l'Etat, il a décrété l'état de siège sur la totalité du territoire national afin de sauvegarder l'ordre constitutionnel face à la situation de troubles internes qui mettait en péril la stabilité du processus démocratique.
  2. 256. Selon le gouvernement, ces troubles ont été créés par certains éléments politiques, sous couvert de syndicalisme. Ces éléments ont appelé au soulèvement et à la sédition. Ils ont conspiré contre la sécurité, bloquant les transports et les communications et isolant le pays du reste du monde. L'état de siège, décrété par le pouvoir exécutif, a été ratifié lors de son établissement, puis autorisé à continuer par le Congrès national. Pour le gouvernement, ceci confère à cette mesure une complète légalité. Le gouvernement indique également que les troubles ayant cessé et la situation politique et sociale du pays étant à nouveau redevenue normale, il n'existe actuellement aucune personne détenue ou internée.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 257. Le comité observe que le présent cas porte sur une vague d'arrestations qui ont frappé le mouvement syndical bolivien à la suite d'une grève générale déclenchée le 19 septembre 1985 pour des raisons économiques et sociales ainsi que sur la déclaration d'état de siège.
  2. 258. Le comité observe également que, selon le gouvernement, la grève en question avait paralysé le pays en le coupant du reste du monde et que l'état de siège proclamé par lui a été ratifié par le Congrès.
  3. 259. Face à la gravité des allégations qui concernent l'arrestation pendant plusieurs jours de dirigeants et de militants syndicaux et la relégation de certains d'entre eux pour avoir participé à une grève, le comité rappelle avec fermeté que la détention de dirigeants syndicaux pour activités liées à l'exercice de leurs droits syndicaux est contraire au principe de la liberté syndicale et que la relégation de dirigeants syndicaux pour avoir mené des activités liées à l'exercice de leurs fonctions, non seulement est contraire aux droits de l'homme, mais constitue aussi une ingérence dans les activités de l'organisation à laquelle ils appartiennent.
  4. 260. Compte tenu cependant de ce que, selon le gouvernement, la situation politique et sociale du pays est à nouveau normale et qu'il n'existe actuellement aucune personne détenue ou internée et de ce que les plaignants n'ont pas présenté d'allégations nouvelles, le comité croit comprendre que la situation syndicale a évolué de façon favorable. Le comité exprime donc l'espoir que cette tendance se poursuivra et que, par le dialogue avec l'ensemble des forces syndicales du pays, les problèmes économiques et sociaux de la Bolivie pourront, de ce fait, être résolus dans un climat de respect des libertés civiles et dans le cadre d'un système de relations professionnelles qui recueille la confiance des intéressés.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 261. Le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport et, en particulier, les conclusions suivantes:
    • a) Face à la gravité des allégations qui concernent l'arrestation, la détention et la relégation de dirigeants et de militants syndicaux pour avoir participé à une grève, le comité rappelle avec fermeté que la détention et la relégation des dirigeants syndicaux pour activités liées à l'exercice de leurs droits syndicaux, non seulement sont contraires aux droits de l'homme, mais constituent aussi une ingérence dans les activités de leur organisation.
    • b) Compte tenu de ce que, selon le gouvernement, la situation politique et sociale du pays est à nouveau normale et qu'aucun syndicaliste n'est actuellement détenu ou interné, le comité croit comprendre que la situation syndicale a évolué de façon favorable.
    • c) Le comité exprime l'espoir que les problèmes économiques et sociaux de la Bolivie pourront, de ce fait, être résolus dans un climat de respect des libertés civiles et dans le cadre d'un système de relations professionnelles qui recueille la confiance des intéressés.
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