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- 343. Dans une communication du 25 mars 1987, la CISL a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale en Equateur.
- 344. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication du 15 juillet 1987.
- 345. L'Equateur a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, l949.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant
- 346. Dans sa communication du 25 mars 1987, la CISL explique que son affiliée en Equateur, la Confédération équatorienne des organisations syndicales libres (CEOSL), de concert avec d'autres centrales syndicales du pays, a lancé le 25 mars 1987 un ordre de grève générale pour protester contre la hausse excessive du combustible et des transports. Selon la CISL, le gouvernement aurait prétexté cette grève pour faire arrêter M. Julio Chang, secrétaire général de la CEOSL, et d'autres syndicalistes.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 347. Le gouvernement, dans sa communication du 15 juillet 1987, indique que, les 5 et 6 mars 1987, trois violents tremblements de terre ont frappé une grande partie du territoire, causant des morts et des dommages, interrompant la production pétrolière (principale source d'exportations du pays) par la destruction d'un long tronçon de l'oléoduc transéquatorien, et portant ainsi un coup très dur à l'économie nationale. Le gouvernement a fait face à cette crise par tous les moyens, afin que la vie nationale puisse continuer malgré les conséquences immédiates de la catastrophe.
- 348. Le gouvernement ajoute que, face à la situation désastreuse qui menaçait de ruiner l'économie nationale, et conscient de son rôle en matière de gouvernement, il a dû prendre un certain nombre de mesures visant à créer de nouvelles ressources économiques urgentes (afin d'être en mesure de payer, entre autres, les traitements des fonctionnaires) et d'améliorer la capacité de production du reste de l'appareil économique. Il a dû, entre autres mesures, augmenter le prix de l'essence de 46 cents des Etats-Unis, soit 75 centimes suisses le gallon (4 litres), c'est-à-dire de 11 cents des Etats-Unis ou 18 centimes suisses le litre. Il a dû aussi décréter la levée du contrôle des devises et laisser flotter les taux d'intérêt bancaires car l'Etat n'avait plus les moyens de subventionner des taux fixes de change et d'intérêt.
- 349. Face à ces événements, les dirigeants syndicaux, ajoute la communication du gouvernement, n'ont pas adopté un comportement responsable. M. Fausto Dután, député suppléant du Front commun de la gauche (FADI) au Congrès, ayant accédé à la présidence du Front unitaire des travailleurs (FUT) , a annoncé la plate-forme de la nouvelle grève: 1) arrêt du paiement de la dette extérieure; 2) nationalisation de l'exploitation pétrolière; 3) monopole de commercialisation des produits vitaux par les offices publics de commercialisation chargés de maintenir l'équilibre des prix (ENAC ET ENPROVIT) ; et 4) remise des terres aux paysans. Il exigeait aussi la mise en accusation et la démission du Chef de l'Etat et l'annulation des hausses du combustible.
- 350. Le gouvernement relève qu'il n'y a pas eu de "grève" à proprement parler puisque, selon la législation équatorienne du travail, la grève signifie "la suspension collective du travail par les travailleurs coalisés"; elle n'est admissible qu'en cas de "différend entre l'employeur et les travailleurs à son service", préalablement soumis à une commission de conciliation et d'arbitrage, et elle ne peut être déclarée que dans les cas suivants: "1. Si, l'exposé des revendications ayant été notifié à l'employeur, celui-ci ne répond pas dans le délai légal, ou répond par un refus; 2) Si, l'exposé est communiqué à l'employeur et que celui-ci congédie un ou plusieurs travailleurs ou met fin à un ou plusieurs contrats de travail, la présente disposition n'est pas applicable en cas de congédiement d'un travailleur qui s'est rendu coupable d'un acte de violence contre les biens de l'entreprise ou de la fabrique ou contre la personne de l'employeur ou de son représentant); 3. Si la commission de conciliation et d'arbitrage n'est pas constituée dans le délai fixé à l'article 466, ou si elle est constituée mais que, pour une raison quelconque, elle ne siège pas et ne se réunit que dans les trois jours suivant sa constitution, à condition que, dans l'un et l'autre cas, l'omission ne soit pas imputable aux membres désignés par les travailleurs; 4. Si la conciliation se révèle impossible ou si la sentence n'est pas rendue dans le délai fixé à l'article 473." Ce ne sont que dans ces conditions que la Constitution et le Code du travail garantissent la grève; cette garantie est d'ailleurs si large qu'elle permet aux grévistes de demeurer dans les fabriques, ateliers de l'entreprise ou lieux de travail - disposition unique au monde - sous une protection policière qui vise à éviter l'entrée des agitateurs et des briseurs de grève; les travailleurs en grève ont droit de toucher leur salaire, et la grève de solidarité est permise; en effet, "la loi reconnaît également le droit de grève lorsque celle-ci a pour objet d'appuyer les grèves licites des travailleurs d'autres entreprises". Il y aurait grève générale licite si, à la grève menée dans une entreprise conformément aux dispositions de la loi, s'ajoutaient des grèves de solidarité licites décidées par les travailleurs d'autres entreprises, et s'étendant à toutes les entreprises du pays.
- 351. Tel n'est pas le cas en l'occurrence, poursuit la communication du gouvernement; en effet, c'est en dehors de la loi et en faisant usage de "la liberté syndicale" à leur manière que les dirigeants de plusieurs partis d'opposition, qui en même temps dirigent des centrales syndicales regroupées dans le Front unitaire des travailleurs et, en même temps, collaborent avec des organisations réelles ou fictives comme les Jeunesses révolutionnaires équatoriennes, le Mouvement révolutionnaire des travailleurs, ou l'Union générale des travailleurs ou le Front populaire, et aussi avec la FEUE, l'UNE et avec diverses organisations clandestines connues pour leurs principes de violence, ont déclenché les incidents du 25 mars 1987: entraves à la circulation des véhicules et des personnes et à la vie urbaine normale, érection d'obstacles et de barricades, destruction de signaux de circulation, d'horloges publiques et des récipients à ordures, et dépavage des rues.
- 352. La communication du gouvernement signale d'autres effets de la grève susmentionnée, notamment des jets de pierres contre les citoyens et contre les forces de l'ordre et leurs véhicules, et l'incendie de pneumatiques. A Esmeralda, des magasins et des habitations ont été mis à sac et parfois incendiés. A Quito, l'hôtel Colón Internacional et la Corporation financière ont été attaqués à coups de pierres et de bombes incendiaires, provoquant un commencement d'incendie dans les premiers étages de l'hôtel et des bris de vitres dans les deux édifices; des bombes incendiaires ont été jetées contre l'Association des employés du ministère du Travail et des Ressources humaines et contre une camionnette à bord de laquelle se trouvait un groupe de conscrits, dont plusieurs ont été blessés ou brûlés; toujours dans la capitale, les grévistes ont mis à mort des centaines de chiens en les jetant dans le feu pour les accrocher ensuite aux branches des arbres et aux réverbères. Le soir du 25 mars, les grévistes proclamaient que la "dixième grève générale" organisée par le FUT avait été "victorieuse". Certains dirigeants du FUT ont par la suite essayé de nier leurs responsabilités dans les événements honteux du 25 mars et de les attribuer à des "éléments marginaux", et même d'en accuser le gouvernement. Le gouvernement joint à sa communication diverses coupures de journaux équatoriens décrivant les incidents survenus avant et pendant la grève.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 353. Le comité note que le plaignant a présenté des allégations concernant l'arrestation du secrétaire général de la Confédération équatorienne des organisations syndicales libres (CEOSL) et d'autres syndicalistes, pour avoir lancé un appel à une grève générale tenue le 25 mars 1987 pour protester contre la hausse du combustible et des transports.
- 354. Le comité prend note des explications du gouvernement sur les circonstances particulières qui ont conduit à l'augmentation des prix du combustible et les tarifs des transports. Le comité relève que le gouvernement fait valoir le caractère politique de certaines des revendications des centrales syndicales, ainsi que le caractère illégal de la grève. Le comité déplore les violences et les désordres qui se sont produits pendant la grève.
- 355. En ce qui concerne les allégations relatives à la détention de M. Julio Chang, secrétaire général de la CEOSL, et d'autres syndicalistes, à la suite de la grève générale du 25 mars 1987, le comité regrette que le gouvernement dans ses observations n'ait pas fourni d'informations pour indiquer si les syndicalistes en question ont été effectivement arrêtés et les raisons concrètes de ces détentions ni si les intéressés font l'objet de poursuites judiciaires; le comité demande en conséquence au gouvernement de lui communiquer des renseignements spécifiques sur ces allégations.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 356. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante: Le comité demande au gouvernement de communiquer des informations spécifiques sur les allégations de détentions de M. Julio Chang et d'autres syndicalistes le 25 mars 1987, ainsi que sur les motifs concrets de ces détentions, et sur toute poursuite judiciaire dont ils seraient l'objet.