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- 335. Le comité a examiné ce cas à sa réunion de février 1990 où il a présenté des conclusions intérimaires sur les atteintes alléguées à la liberté syndicale que le Conseil d'administration a approuvées lors de sa 245e session (février-mars 1990). (Voir 270e rapport, paragr. 369-412.) A sa réunion de mai 1990, le comité a pris note avec satisfaction des renseignements fournis sur l'un des aspects de ce cas, et il a prié le gouvernement de répondre aux autres allégations énumérées au paragraphe 412 de son 270e rapport, ainsi qu'aux nouvelles allégations transmises par l'un des plaignants, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL). (Voir 272e rapport, paragr. 11, approuvé par le Conseil d'administration à sa 246e session (mai-juin 1990).) Lors de sa réunion de novembre 1990, le comité a lancé un appel pressant au gouvernement le priant de transmettre d'urgence ses observations sur les questions restées en instance dans cette affaire. (Voir 275e rapport, paragr. 9, approuvé par le Conseil d'administration à sa 248e session (novembre 1990).)
- 336. Dans une communication du 25 octobre 1990, la Fédération syndicale mondiale (FSM) a présenté d'autres allégations relatives à ce cas. De surcroît, la CISL a envoyé de nouvelles allégations dans une communication du 31 janvier 1991.
- 337. Le gouvernement a transmis d'autres observations sur ce cas dans une communication du 6 novembre 1990.
- 338. Le Soudan n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; en revanche, il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas
- 339. Le présent cas concernait de graves allégations relatives aux mesures prises par les autorités soudanaises après le coup d'Etat militaire du 30 juin 1989, à savoir essentiellement, selon les fédérations plaignantes: 1) la dissolution de toutes les organisations syndicales du pays par décret militaire; 2) l'emprisonnement de 57 dirigeants et militants syndicaux nommément désignés qui, semble-t-il, étaient détenus en prison sans avoir été inculpés ni jugés; 3) la confiscation des biens et avoirs des syndicats par les autorités militaires; 4) le licenciement d'un dirigeant syndical nommément désigné et la mise sous "stricte surveillance" d'un autre; et 5) les lourdes peines - et notamment la condamnation à mort - infligées par les tribunaux militaires à des dirigeants syndicaux nommément désignés.
- 340. Dans ses réponses, le gouvernement avait expliqué qu'il était en train de réorganiser l'ensemble des institutions de la société, et il avait prétendu que les divers décrets et mesures qu'il avait pris ne visaient nullement à porter atteinte aux syndicats. Il n'avait formulé aucune observation sur les troisième et quatrième allégations.
- 341. Le Conseil d'administration, sur la base des conclusions intérimaires du comité, avait approuvé les recommandations suivantes:
- "a) Le comité exprime sa vive préoccupation face à la gravité des allégations soumises par les plaignants et la dégradation de la situation des droits de l'homme depuis le coup d'Etat militaire du 30 juin 1989 au Soudan.
- b) Concernant la dissolution de toutes les organisations syndicales par décret militaire, le comité déplore cette mesure qui touche tous les aspects de la vie syndicale et exhorte le gouvernement à abroger les divers décrets en question; notant qu'une nouvelle législation sur les syndicats doit être élaborée, il demande au gouvernement de l'informer de toute mesure qui sera prise pour rétablir les activités des organisations syndicales existantes et il suggère au gouvernement que tout projet de loi qui serait élaboré par la suite puisse être soumis utilement, pour commentaires, au Bureau international du Travail.
- c) En ce qui concerne la détention, depuis la déclaration de l'état d'urgence, de 57 dirigeants et militants syndicaux nommément désignés, le comité note que 15 personnes ont été libérées. Cependant, il attire l'attention du gouvernement sur le fait que la détention de militants et de dirigeants syndicaux pour des raisons liées à leurs activités de défense des intérêts des travailleurs est contraire aux principes de la liberté d'association; il demande au gouvernement de lui fournir des informations détaillées sur les motifs exacts des autres détentions, sur toute accusation pesant contre les détenus, sur les endroits où ils se trouvent, les tribunaux devant lesquels ils seront déférés, l'évolution de tout procès déjà en cours et, enfin, de lui envoyer des copies de tous jugements déjà rendus.
- d) En ce qui concerne les peines infligées, pour avoir appelé à la grève, aux médecins Mamoun Ahmed Hussein et Said Abdallah, le comité rappelle que le recours à la grève est l'un des moyens essentiels dont les travailleurs et leurs organisations disposent pour promouvoir et défendre leurs intérêts économiques et sociaux, et que des sanctions sévères infligées pour avoir organisé une grève ou y avoir participé constituent une atteinte grave aux droits syndicaux. Le comité lance un appel au gouvernement pour qu'il épargne la vie de M. Hussein et qu'il l'autorise, ainsi que M. Abdallah, à avoir accès aux cours d'appel normales. Il demande aussi au gouvernement de le tenir informé de leur sort et de leur statut juridique.
- e) Pour ce qui est de la confiscation des biens et avoirs des syndicats, le comité regrette que le gouvernement n'ait fait aucun commentaire à ce sujet et il lui demande de restituer aux propriétaires légitimes les biens confisqués par les forces militaires et remis au greffier des syndicats au début de juillet 1989.
- f) Concernant les deux syndicalistes nommément désignés qui auraient été l'un licencié et l'autre soumis à une stricte surveillance le comité rappelle l'importance qu'il attache à ce que les travailleurs jouissent d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi."
- 342. Lors de sa session de mai-juin 1990, le Conseil d'administration avait noté des observations du comité qui rendaient compte de certains renseignements fournis par le gouvernement selon lesquels la peine de mort et la peine d'emprisonnement à vie prononcées contre deux médecins dirigeants syndicaux avaient été commuées. Ces personnes avaient, en vertu d'un décret présidentiel, été immédiatement libérées.
B. Nouvelles allégations des plaignants
B. Nouvelles allégations des plaignants
- 343. Dans une lettre datée du 7 mai 1990, la CISL avait allégué que le docteur Ali Fadl, membre éminent du Syndicat soudanais des médecins, était décédé en prison par suite de tortures. Il était emprisonné depuis le mois de mars 1990 apparemment pour les mêmes raisons que les autres médecins, à savoir pour avoir participé à des activités syndicales.
- 344. Dans une lettre du 25 octobre 1990, la FSM allègue que les décrets administratifs visant à dissoudre l'ensemble des syndicats sont toujours en vigueur et que des syndicalistes sont toujours détenus. Elle fournit le nom de sept syndicalistes qui sont toujours emprisonnés depuis la mi-octobre, à savoir: Al Hag Osman, secrétaire général de l'Union générale des employés de l'administration locale et membre exécutif de la Fédération générale des syndicats de travailleurs du Soudan; Yahia Ali Abdalla, président du Syndicat des travailleurs des entrepôts et vice-président de la Fédération générale; Mohamed Ali Al Simiet, président du Syndicat des cheminots; Mohamed Al Hassan, ancien président du même syndicat; Al Aidarous Hamad, membre du comité exécutif du même syndicat; Gibril Awad, membre du comité exécutif du Syndicat des travailleurs du textile; et Manalla Abdalla, membre du comité exécutif du même syndicat.
- 345. Selon la FSM, ces personnes ainsi que d'autres syndicalistes emprisonnés qui n'ont toujours pas été inculpés sont torturés et détenus dans des conditions extrêmement précaires; ils sont privés de soins médicaux et la vie de certains d'entre eux est gravement menacée.
- 346. Dans une lettre du 31 janvier 1991, la CISL allègue que M. Mohamed Faig, ingénieur et syndicaliste, a été récemment enlevé et a disparu. Il semble que des membres des forces de sécurité l'aient amené à un centre de détention très connu pour les tortures qui y sont infligées et que, depuis lors, on est sans nouvelles de lui.
C. Réponse du gouvernement
C. Réponse du gouvernement
- 347. Dans une lettre datée du 6 novembre 1990, le gouvernement réitère ses déclarations antérieures selon lesquelles la dissolution de toutes les organisations syndicales ne visait qu'à réorganiser et à réformer l'ensemble des institutions de l'Etat et de la société. Il ajoute que les organisations de travailleurs et les organisations d'employeurs ont repris leurs activités, les syndicats nouvellement formés étant en fait les anciens syndicats qui font fonction de comités préparatoires et de comités directeurs. Ils contribuent activement au règlement des conflits et participent aux conférences nationales, régionales et internationales. Au niveau national, par exemple, le gouvernement déclare que tous les syndicats ont participé au dialogue syndical qui s'est tenu à Khartoum. Cette conférence a adopté, entre autres, une recommandation qui propose la révision de l'ensemble des lois syndicales actuelles. Un comité tripartite sera bientôt formé, après consultation avec les partenaires sociaux, et il sera chargé d'adopter un projet de loi sur les syndicats, dont un exemplaire sera transmis au BIT dès que les procédures légales et législatives seront terminées.
- 348. En ce qui concerne la détention de 57 dirigeants et militants syndicaux nommément désignés, le gouvernement déclare que tous les détenus ont été relaxés et qu'il respecte pleinement les principes de la liberté syndicale.
- 349. Pour ce qui est de la confiscation des biens et avoirs des syndicats, le gouvernement affirme que tous les biens ont été rendus à leurs propriétaires en vertu du décret no 10 promulgué le 27 septembre 1989 par la direction du comité politique. Le greffier des syndicats a pris près de 3.000 décisions restituant les biens à leurs propriétaires, à savoir la Fédération générale et d'autres syndicats.
D. Conclusions du comité
D. Conclusions du comité
- 350. Le comité note tout d'abord que, selon la réponse donnée le 6 novembre 1990 par le gouvernement, tous les syndicalistes détenus ont été relaxés. Il demande toutefois au gouvernement de définir avec précision la situation actuelle des personnes relaxées puisqu'on ne sait pas clairement si elles ont été mises en liberté sous caution pendant la procédure de jugement, si elles ont été jugées puis acquittées, si elles ont été graciées ou si elles avaient été retenues pour aider les autorités à mener leur enquête, puis relaxées parce que l'affaire ne paraissait pas fondée et ne permettait pas de retenir de charges contre elles. Parallèlement, le comité demande au gouvernement de lui indiquer si les syndicalistes qui ont été détenus ont pu, en pratique, reprendre leurs fonctions syndicales et s'ils sont en mesure d'exercer librement des activités syndicales, telles que la négociation collective, les cours de formation syndicale, etc.
- 351. Le comité note également que, au dire du gouvernement, tous les biens syndicaux confisqués ont été restitués à leurs propriétaires légitimes. Le comité demande au gouvernement d'envoyer un exemplaire du décret no 10 promulgué le 27 septembre 1989, auquel il se réfère dans sa réponse.
- 352. Deuxièmement, le comité prend note des indications du gouvernement selon lesquelles les syndicats nouvellement formés sont en fait les anciens syndicats faisant fonction de comités préparatoires et de comités directeurs Le comité se déclare vivement préoccupé de ce que les décrets tendant à la dissolution de toutes les organisations syndicales du pays restent en vigueur et qu'ils interdisent donc en tout état de cause la création d'organisations de travailleurs ou d'employeurs indépendantes de la structure actuelle. En conséquence, le comité attire à nouveau l'attention du gouvernement sur le principe de la liberté syndicale, selon lequel les travailleurs et les employeurs ont le droit de constituer des organisations syndicales de leur choix ainsi que celui de s'y affilier, sans ingérence du gouvernement. Le comité rappelle que, dans son examen précédent du cas (voir 270e rapport, paragr. 400-402), il a estimé que la tentative du gouvernement d'utiliser ces comités dits "préparatoires" ou "directeurs" pour combler le vide créé par la dissolution par voie administrative unilatérale de toutes les organisations syndicales, y compris les fédérations, ne saurait suppléer les carences fondamentales qui existent au Soudan sous le nouveau régime. Il souligne à nouveau, comme il l'a fait dans son examen antérieur du cas, que les organisations de travailleurs et d'employeurs ne doivent pas être sujettes à dissolution par voie administrative.
- 353. Le comité rappelle que quatre décrets (nos 77, 78, 79 et 80) ont créé les comités préparatoires ou directeurs pour les travailleurs et les employeurs afin qu'ils prennent des dispositions pour mettre sur pied de nouvelles organisations de travailleurs ou d'employeurs régies par de nouvelles lois syndicales. D'après ces textes, il ressort que ces comités dits "préparatoires" ou "directeurs" ne devaient être que temporaires. Puisque le gouvernement déclare, dans sa dernière communication, que l'élaboration et l'adoption d'un projet de loi syndicale est en cours, le comité suggère au gouvernement de soumettre ce projet de loi au BIT pour commentaires avant qu'il ne soit définitivement adopté. Le comité demande au gouvernement de confirmer, en tout état de cause, que la nouvelle législation du travail, une fois entrée en vigueur, révoquera les décrets susmentionnés.
- 354. Troisièmement, le comité regrette que le gouvernement n'ait pas répondu aux dernières allégations de la CISL et de la FSM de mai et d'octobre 1990, et plus récemment en janvier 1991. Ces allégations extrêmement graves concernent la mort, par suite de tortures, d'un dirigeant syndical emprisonné, l'arrestation et la détention dans des conditions très précaires de sept dirigeants syndicaux nommément désignés, ainsi que l'enlèvement suivi de la disparition d'un ingénieur syndicaliste, M. Mohamed Faig.
- 355. A cet égard, le comité souhaite rappeler que, dans les cas antérieurs de tortures ou de mauvais traitements de prisonniers, il a signalé que les plaintes de cette nature devraient faire l'objet d'une enquête de la part des gouvernements pour que les mesures qui s'imposent, y compris la réparation des préjudices subis, soient prises et que des sanctions soient infligées aux responsables pour veiller à ce qu'aucun détenu ne subisse ce genre de traitement. Le comité demande au gouvernement de lui envoyer dès que possible une réponse détaillée sur ces dernières allégations.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 356. Au vu des conclusions intérimaires qui précédent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité note que, au dire du gouvernement, tous les détenus ont été relaxés; il demande néanmoins au gouvernement de lui fournir des renseignements précis sur la situation actuelle des syndicalistes relaxés et de lui indiquer notamment si ceux-ci ont pu, en pratique, reprendre leurs fonctions syndicales et s'ils sont en mesure d'exercer librement leurs activités syndicales.
- b) Le comité note également que tous les biens syndicaux confisqués ont, selon le gouvernement, été restitués à leurs propriétaires légitimes en vertu du décret no 10 promulgué le 27 septembre 1989, et il demande au gouvernement de lui fournir un exemplaire de ce décret.
- c) Puisque le gouvernement est en train d'élaborer un projet de loi syndicale et qu'il envisage d'organiser des consultations avec les partenaires sociaux au sujet du texte qui devrait révoquer les divers décrets actuellement en vigueur de dissolution de l'ensemble des associations professionnelles, le comité suggère au gouvernement de soumettre ce projet de loi au BIT pour commentaires, avant qu'il ne soit définitivement adopté.
- d) Le comité regrette que le gouvernement n'ait pas répondu aux dernières allégations transmises respectivement en mai et en octobre 1990 et qui présentent un caractère extrêmement grave; il demande au gouvernement de lui envoyer dès que possible une réponse détaillée sur la mort alléguée, par suite de tortures, d'un dirigeant syndical nommément désigné ainsi que sur la détention, dans des conditions très précaires, de sept dirigeants syndicaux nommément désignés, ainsi que sur l'enlèvement et la disparition allégués de M. Mohamed Faig.