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- 506. Dans une communication du 18 décembre 1992, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a présenté une plainte contre le gouvernement du Soudan pour violation des droits syndicaux. Le gouvernement a répondu dans une communication du 10 février 1993.
- 507. Le Soudan n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l'organisation plaignante
A. Allégations de l'organisation plaignante
- 508. Dans sa communication du 18 décembre 1992, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) allègue que le gouvernement soudanais viole les droits fondamentaux de l'homme et les droits syndicaux, y compris les conventions nos 87 et 98.
- 509. L'organisation plaignante déclare que le gouvernement soudanais détient des prisonniers politiques, y compris des syndicalistes, dans des "maisons fantômes" ("Ghost Houses") et qu'il les torture. Elle donne le nom de quatre syndicalistes, tous employés dans la médecine du travail, qui ont été gravement torturés ces derniers mois: Magdi Muhamadani, Salah, Mamoun et Abdalla.
- 510. La CISL indique, comme un exemple des tortures infligées, qu'Abdalla, un infirmier, a été forcé par un agent de la sécurité de porter un récipient d'eau bouillante sur la tête. L'eau a débordé, lui infligeant de graves brûlures. Selon la CISL, Abdalla se trouvait à l'hôpital au moment du dépôt de la plainte.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 511. Dans une communication du 10 février 1993, le gouvernement indique que l'allégation selon laquelle il dirigerait une "maison fantôme" n'est pas fondée car "cette maison fantôme n'existe pas dans la réalité".
- 512. Concernant les cas en question, le gouvernement signale que:
- - Magdi Muhamadani a été arrêté pour des motifs politiques. Il est maintenant libre et exerce normalement ses fonctions à l'hôpital du peuple, un hôpital public de Khartoum;
- - Salah et Mamoun ont été arrêtés pour des motifs politiques, ils sont maintenant libres et ont repris leurs postes de travail;
- - Abdalla n'est pas identifié étant donné que son nom de famille n'a pas été fourni. Aucune personne de ce nom n'a jamais été torturée.
- 513. Le gouvernement signale aussi que la loi sur la sécurité nationale telle qu'amendée en 1991 et 1992 fixe les règles relatives à la détention provisoire, notamment: approbation de la détention par un juge, la détention provisoire ne peut excéder trois mois, sauf si elle est renouvelée pour trois mois par le Conseil de la Révolution et approuvée par un juge, notification "en temps voulu" des motifs de l'arrestation, droit d'appel auprès du Conseil de la Révolution, immunité d'un mois contre toute nouvelle arrestation accordée aux prévenus libérés par un juge.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 514. Le comité note que le présent cas concerne des allégations de détention et de tortures par le gouvernement dans des maisons dites "fantômes". La CISL fournit le nom de quatre victimes alléguées, Magdi Muhamadani, Salah, Mamoun et Abdalla. Le gouvernement ne conteste pas - au contraire il confirme - que trois de ces personnes ont été emprisonnées pour des motifs politiques, mais il ne fournit aucune réponse quant aux allégations selon lesquelles elles auraient aussi été torturées. Le comité note que ces trois personnes ont été libérées et ont repris leur travail. Le gouvernement ajoute qu'il ne dispose d'aucune information sur la quatrième personne citée, Abdalla, mais qu'aucune personne de ce nom n'a été torturée.
- 515. Notant que le gouvernement ne répond pas à l'allégation de tortures perpétrées contre trois des syndicalistes, le comité souligne l'importance qu'il convient d'attacher au principe consacré dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques selon lequel toute personne privée de sa liberté doit être traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, 1983, paragr. 86.) Le comité déplore que le gouvernement n'ait pas répondu aux allégations de tortures et il lui demande d'ouvrir une enquête concernant cette plainte afin que les mesures appropriées puissent être prises, y compris pour réparer les préjudices subis et punir les coupables.
- 516. Le comité déplore en outre que le gouvernement ait détenu ces syndicalistes. Il est d'avis que l'arrestation de syndicalistes contre lesquels aucun chef d'inculpation n'est relevé peut entraîner des restrictions de la liberté syndicale. Les gouvernements devraient prendre des dispositions afin que les autorités intéressées reçoivent des instructions appropriées pour prévenir le risque que comportent, pour les activités syndicales, les mesures d'arrestation. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 97.) Le comité demande au gouvernement d'indiquer quels chefs d'accusation spécifiques ont été retenus contre ces trois syndicalistes ou, en l'absence de telles accusations, les motifs pour lesquels ils ont été détenus. Le comité demande également au gouvernement de lui indiquer si leur détention a été approuvée par un juge et de lui signaler l'endroit où ces personnes ont été emprisonnées.
- 517. Le comité demande au plaignant de fournir des informations plus détaillées sur l'identité du quatrième syndicaliste, Abdalla, afin que le gouvernement puisse donner une réponse précise aux allégations.
- 518. En ce qui concerne les dispositions légales relatives à la détention, le comité souligne l'importance qu'il attache au rôle d'organes judiciaires indépendants, tant en première instance qu'en appel. Le comité considère que les dispositions de la loi sur la sécurité nationale relatives à la procédure d'appel contre les décisions d'arrestation et de détention auprès du Conseil de la Révolution qui n'est pas une autorité judiciaire ainsi que celles portant sur la prolongation du délai de détention provisoire à trois mois et sur l'immunité limitée à un mois, contre toute nouvelle arrestation ne constituent en aucune manière des garanties d'une procédure régulière. En cas d'arrestation et de détention, c'est un principe fondamental du droit international que les défendeurs soient jugés par une autorité judiciaire impartiale et indépendante. (Voir, par exemple, le cas no 1520 (275e et 279e rapports) (Haïti).) En cas d'arrestation consécutive à une libération, le comité estime que toute personne devrait avoir la possibilité de faire appel auprès d'une autorité judiciaire indépendante. Il demande instamment au gouvernement de revoir ces dispositions législatives et de garantir le plein accès à des organes judiciaires indépendants. Le comité demande également au gouvernement de lui expliquer avec précision ce que signifie le droit du détenu d'être informé "en temps voulu" des motifs de son arrestation.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 519. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité déplore que le gouvernement n'ait pas répondu aux allégations de tortures perpétrées contre trois syndicalistes et lui demande d'ouvrir une enquête concernant cette plainte afin que des mesures appropriées puissent être prises, y compris pour réparer les préjudices subis.
- b) Le comité déplore que le gouvernement ait détenu les syndicalistes en question.
- c) Le comité demande au gouvernement de lui indiquer quels chefs d'accusation spécifiques ont été retenus contre les trois syndicalistes Magdi Muhamadani, Salah et Mamoun ou, en l'absence de telles accusations, quels motifs ont fondé leur détention. Le comité demande également au gouvernement de lui indiquer si leur détention a été approuvée par un juge et de lui préciser le lieu où ces personnes ont été emprisonnées.
- d) Le comité demande au plaignant de fournir des informations plus détaillées sur l'identité du quatrième syndicaliste, Abdalla, de manière que le gouvernement puisse donner une réponse précise aux allégations.
- e) Le comité considère que les dispositions de la loi sur la sécurité nationale relatives à la procédure d'appel contre les décisions d'arrestation et de détention auprès du Conseil de la Révolution qui n'est pas une autorité judiciaire ainsi que celles portant sur la prolongation du délai de détention provisoire à trois mois et sur l'immunité, limitée à un mois, contre toute nouvelle arrestation ne constituent en aucune manière des garanties d'une procédure régulière. Le comité demande instamment au gouvernement de revoir ces dispositions législatives et de garantir le plein accès à des organes judiciaires indépendants. Il demande également au gouvernement d'expliquer avec précision ce que signifie le droit du détenu d'être informé "en temps voulu" des motifs de son arrestation.