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Rapport définitif - Rapport No. 305, Novembre 1996

Cas no 1829 (Chili) - Date de la plainte: 25-JANV.-95 - Clos

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117. La plainte qui fait l'objet du présent cas figure dans des communications de l'Union internationale des syndicats des travailleurs du bâtiment, du bois et des matériaux de construction (UITBB) des 25 janvier et 13 avril 1995. Par la suite, cette organisation a envoyé des informations complémentaires dans une communication du 16 mai 1995. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications des 2 octobre, 2 et 20 novembre 1995, et 3 janvier et 15 mai 1996.

  1. 117. La plainte qui fait l'objet du présent cas figure dans des communications de l'Union internationale des syndicats des travailleurs du bâtiment, du bois et des matériaux de construction (UITBB) des 25 janvier et 13 avril 1995. Par la suite, cette organisation a envoyé des informations complémentaires dans une communication du 16 mai 1995. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications des 2 octobre, 2 et 20 novembre 1995, et 3 janvier et 15 mai 1996.
  2. 118. Le Chili n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 119. Dans ses communications des 25 janvier et 13 avril 1995, l'Union internationale des syndicats des travailleurs du bâtiment, du bois et des matériaux de construction (UITBB) allègue que deux travailleurs employés par l'entreprise de construction du métro de Santiago (IMS) sont morts le 17 janvier 1995 du fait d'un éboulement qui s'est produit dans un tunnel dépourvu de tout dispositif de protection et de sécurité. L'organisation plaignante indique que la Confédération nationale des syndicats des travailleurs du bâtiment, du bois, des matériaux de construction et des activités connexes (CNTC) avait dénoncé les conditions précaires d'hygiène et de sécurité au travail qui existaient dans le chantier en question, mais que ni la direction de l'entreprise, ni les ministères respectifs, ni l'administration du métro n'avaient prêté attention à cette mise en garde.
  2. 120. L'organisation plaignante ajoute qu'en mai 1994 la direction de l'entreprise a licencié de nombreux travailleurs qui avaient participé à un court arrêt du travail pour appuyer leurs revendications en matière de salaires, d'hygiène et de sécurité du travail et qu'à la suite de cet incident la direction de l'entreprise a procédé à la liquidation systématique de l'organisation syndicale que les travailleurs avaient constituée.
  3. 121. En outre, l'organisation plaignante indique qu'il n'existe pas de droit de négociation collective pour les travailleurs de la construction. Enfin, elle signale que les organisations de travailleurs font l'objet d'une agressivité permanente, qu'à la suite du ferme soutien donné à l'action revendicative des travailleurs de l'entreprise IMS cette dernière a adopté une conduite contraire à toute éthique, et que le gouvernement a une responsabilité à cet égard parce qu'il stimule de diverses façons le développement d'un syndicalisme contrôlé par les employeurs. L'organisation plaignante allègue que des vigiles ont été engagés par l'entreprise afin d'empêcher ou de neutraliser l'activité des dirigeants syndicaux, et enfin que le président de la CNTC, M. Adrián Fuentes Hermosilla, a fait l'objet de menaces et qu'on l'a empêché de pénétrer sur le chantier.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 122. Dans sa communication du 2 octobre 1995, le gouvernement indique, à propos de l'allégation relative à la liquidation systématique de l'organisation syndicale que les travailleurs avaient constituée, que la Direction du travail a vérifié les données concernant les organisations syndicales constituées dans les entreprises du chantier de construction de la ligne 5 du métro de Santiago, et elle a pu établir l'existence du Syndicat de travailleurs de l'entreprise de construction IMS, créé le 12 mai 1994, qui a renouvelé son comité directeur à la suite de la démission des dirigeants précédents le 2 février 1995.
  2. 123. En ce qui concerne l'accident du travail qui a coûté la vie à deux travailleurs, le 17 janvier 1995, sur le tronçon D du chantier de la ligne 5 du métro (éboulement de la paroi ouest de ce chantier dont ont été victimes les travailleurs Víctor Hugo Oñate et Juan Ramón Moraga Muñoz), le gouvernement indique que, dès qu'ils ont eu connaissance de l'accident, les services d'inspection ont dépêché des fonctionnaires sur les lieux pour constater les faits et que toutes les mesures nécessaires ont été prises immédiatement pour respecter les normes de sécurité. Après une inspection oculaire, les travaux du tronçon D ont été suspendus immédiatement à cause du danger imminent pour la sécurité et la vie des travailleurs s'il se produisait de nouveaux éboulements. La suspension s'est appliquée au chantier de l'entreprise de construction IMS, dont le maître d'ouvrage est Metro SA, qui est responsable de la conception dudit chantier. Avant cet accident, aucune plainte relative à des questions de sécurité n'avait été reçue.
  3. 124. Le gouvernement ajoute que les services du travail ont immédiatement demandé des rapports à divers organismes techniques (Entreprise métropolitaine de travaux sanitaires, Service national de géologie et des mines, Intendance de la région métropolitaine) et qu'ils ont demandé, en outre, des rapports techniques d'enquête sur l'accident à l'entreprise maître d'ouvrage, Metro SA, et à la Mutuelle de sécurité, organisme chargé de la prévention dans les chantiers de l'entreprise, car c'est l'organisme de la sécurité sociale chargé des accidents du travail et des maladies professionnelles. La coopération du ministère des Travaux publics a également été sollicitée, et ce dernier a désigné deux ingénieurs spécialistes de la mécanique des sols. Sur la base de ces rapports, et en particulier des instructions données par la Metro SA qui a ordonné de diminuer la pente de la paroi et de construire un escalier pour abaisser la paroi de 12 à 8 mètres de hauteur, ainsi que du rapport des ingénieurs du ministère des Travaux publics qui indiquait que les mesures proposées étaient appropriées pour écarter l'imminence du danger pour la sécurité ou la vie des travailleurs, il a été décidé tout d'abord de lever partiellement la suspension des travaux pour réparer les dommages et, ensuite, une fois écarté le danger, de lever la suspension générale des travaux sur le tronçon D. En conséquence, les travaux n'ont été suspendus que jusqu'au 9 février 1995. Enfin, le gouvernement indique qu'à la suite de ces faits regrettables la Direction du travail a conclu conjointement avec le ministère des Travaux publics un accord de contrôle des travaux publics qui est actuellement mis en oeuvre. De même, une coordination a été établie entre la Direction du travail et le Service de santé métropolitain de l'environnement pour traiter, de façon globale, les questions d'hygiène et de sécurité au travail, en particulier les accidents graves et mortels. Le gouvernement déclare qu'actuellement un projet de loi, qui élargit les pouvoirs de la Direction du travail en matière de contrôle de l'hygiène et de la sécurité du travail, est soumis au Sénat de la République.
  4. 125. Dans ses communications des 2 et 20 novembre 1995, et des 3 janvier et 15 mai 1996, le gouvernement se réfère aux allégations relatives au licenciement de travailleurs de l'entreprise de construction IMS en mai 1994, au sujet desquelles il fournit les informations suivantes:
    • En mai 1994, l'entreprise de construction IMS a procédé au licenciement de 56 travailleurs qui étaient occupés à la construction de la ligne 5 du métro de Santiago. Le motif invoqué pour mettre fin au contrat de travail de 36 d'entre eux est le motif prévu à l'article 161, paragraphe 1, du Code du travail, qui dispose: "Sans préjudice des dispositions des articles qui précèdent, l'employeur pourra mettre fin au contrat de travail si cette décision est motivée par les besoins de l'entreprise, de l'établissement ou du service, résultant, par exemple, de leur rationalisation ou modernisation, de baisses de la productivité, de changements dans les conditions du marché ou de l'économie, qui rendent nécessaire la cessation de la relation de travail d'un ou de plusieurs travailleurs, ou le défaut d'aptitude professionnelle ou technique du travailleur."
    • Les vingt autres travailleurs ont été licenciés pour le motif prévu à l'article 160, paragraphe 3, du Code du travail qui prévoit: "Le contrat de travail prend fin sans droit à indemnité lorsque l'employeur le résilie en invoquant l'un ou plusieurs des motifs suivants: ... l'absence injustifiée du travail pendant deux jours consécutifs, deux lundis du même mois ou au total trois jours durant la même période, ainsi que l'absence injustifiée, ou sans avis préalable, du travailleur chargé d'une activité, d'une tâche ou d'une machine dont l'abandon ou l'arrêt entraîne une perturbation dans le fonctionnement de l'entreprise."
    • Les services de l'inspection du travail n'ont pas connaissance de licenciements de travailleurs en représailles à la constitution du syndicat, et ils n'ont pas été informés de l'existence d'"un bref arrêt du travail" à l'entreprise IMS en mai 1994. Tout licenciement peut faire l'objet d'une plainte devant les tribunaux du travail.
  5. 126. Pour ce qui est de l'allégation relative à l'inexistence du droit de négociation collective pour les travailleurs de la construction, le gouvernement indique que l'article 305 du Code du travail dispose que "Ne pourront négocier collectivement: i) les travailleurs au bénéfice d'un contrat d'apprentissage et ceux qui ont été engagés exclusivement pour des travaux provisoires ou saisonniers." Le gouvernement indique que, dans la pratique, bien qu'il s'agisse de travaux provisoires, dans les chantiers importants, des conventions collectives ont été conclues et ont amélioré dans une proportion importante les avantages accordés individuellement. Tel est le cas dans l'entreprise de construction IMS où une convention collective de travail a été conclue avec la médiation des autorités régionales des services de l'inspection du travail le 31 mars 1995 dans le cadre de négociations collectives libres et non réglementées. Le gouvernement déclare avoir présenté au Parlement, en janvier 1995, un projet de loi portant création d'une procédure de négociation collective pour les syndicats de travailleurs temporaires.
  6. 127. Pour ce qui est des menaces alléguées contre le président de la Confédération nationale des syndicats de travailleurs du bâtiment, du bois, des matériaux de construction et des activités connexes du Chili, M. Adrián Fuentes Hermosilla, le gouvernement indique que les services de l'inspection du travail n'ont pas d'informations à ce sujet et n'ont pas reçu de plaintes ni de réclamations, et que le Code pénal prévoit des sanctions sévères pour les auteurs de menaces. De même, en ce qui concerne l'allégation selon laquelle le développement du syndicalisme contrôlé par les employeurs et peu soucieux des véritables intérêts des travailleurs serait encouragé, le gouvernement souligne son adhésion au principe de l'autonomie syndicale, signale que les services de l'inspection du travail n'ont pas d'informations permettant de confirmer ces allégations, et précise qu'en vertu des dispositions des articles 289 à 294 du Code du travail toute personne peut dénoncer des conduites antisyndicales ou déloyales devant les tribunaux du travail, qui sont habilités à effectuer des enquêtes, à ordonner qu'il soit remédié à ces pratiques déloyales et même à infliger des amendes d'un montant élevé. Enfin, le gouvernement indique avoir présenté un projet de loi au Parlement qui élargit le champ d'application des dispositions en matière de protection contre les licenciements antisyndicaux.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 128. Le comité note que, dans le présent cas, l'organisation plaignante allègue: 1) le licenciement, en mai 1994, par l'entreprise de construction du métro de Santiago (IMS) de nombreux travailleurs après un bref arrêt du travail visant à appuyer des revendications en matière de salaires, d'hygiène et de sécurité du travail; 2) l'impossibilité pour les travailleurs du bâtiment de négocier collectivement; 3) la mort accidentelle de deux travailleurs sur le chantier de la ligne 5 du métro réalisé par l'entreprise IMS; 4) l'existence de vigiles embauchés par l'entreprise en vue d'empêcher ou de neutraliser l'activité des dirigeants syndicaux, et le fait que le président de la CNTC a été menacé et s'est vu interdire l'entrée sur le chantier; et 5) le fait que le gouvernement encourage la mise en place d'un syndicalisme contrôlé par l'employeur.
  2. 129. Au sujet de l'allégation relative au licenciement de nombreux travailleurs de l'entreprise de construction IMS, en mai 1994, après un bref arrêt du travail visant à appuyer des revendications en matière de salaires, d'hygiène et de sécurité du travail, et de la tentative consécutive de destruction systématique de l'organisation syndicale de l'entreprise IMS, le comité note que dans sa réponse le gouvernement évoque 56 licenciements en mai 1994 (36 licenciements en vertu des motifs prévus à l'article 161, paragraphe 1, du Code du travail - besoins de l'entreprise, rationalisation, changements économiques, etc. - et 20 licenciements en application de l'article 160, paragraphe 3 - absence injustifiée du travailleur). Le comité note également que le gouvernement n'est pas au fait du bref arrêt de travail évoqué par le plaignant et qu'il souligne que les travailleurs licenciés ont le droit de saisir les tribunaux. A ce sujet, eu égard à ce que le gouvernement n'a pas mentionné les faits concrets qui ont entraîné les différents licenciements et qu'il s'est limité à présenter les motifs légaux de licenciement invoqués par l'entreprise, le comité estime qu'il existe des preuves selon lesquelles les licenciements pourraient présenter un caractère antisyndical. Dans ces conditions, le comité rappelle d'une façon générale que le respect des principes de la liberté syndicale exige que nul ne soit licencié pour s'être livré à des activités syndicales légitimes et prie dès lors le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour la réintégration des travailleurs licenciés, pour autant que ce soit encore possible. Le comité note que le gouvernement a soumis au Parlement un projet de loi afin d'élargir la protection contre les actes de discrimination antisyndicale et il lui demande de le tenir informé de l'évolution de ce projet.
  3. 130. S'agissant de l'allégation selon laquelle il est impossible aux travailleurs saisonniers de négocier collectivement, le comité note que le gouvernement déclare que, malgré les dispositions du Code de travail, il se conclut dans la pratique - en marge des dispositions dudit Code - des conventions collectives pour les chantiers importants. Cela a été le cas pour l'entreprise IMS, qui a conclu une convention collective du travail avec la médiation des autorités régionales responsables des services du travail en mars 1995. Le comité note également que le gouvernement a saisi le Parlement d'un projet de loi, qui établit un cadre concret pour la négociation collective, destiné aux syndicats de travailleurs temporaires. Le comité rappelle que ces travailleurs doivent pouvoir négocier collectivement et demande au gouvernement de le tenir informé de l'évolution dudit projet.
  4. 131. Pour ce qui est de la mort accidentelle de deux travailleurs survenue sur le chantier de la ligne 5 du métro réalisé par l'entreprise IMS, le comité note que le gouvernement déclare que différentes mesures ont été prises après l'accident pour éliminer les risques pour la santé ou la vie des travailleurs (inspection de visu, suspension du chantier, demande de rapports aux organismes techniques, etc.). A ce sujet, le comité rappelle qu'il ne lui appartient pas de se prononcer sur des questions relatives à la sécurité et à la santé du travail.
  5. 132. Pour ce qui a trait aux allégations concernant: 1) l'existence de vigiles embauchés par l'entreprise IMS dans le but d'interdire ou de neutraliser l'activité syndicale et les menaces dont a été l'objet le président de la CNTC, M. Adrián Fuentes Hermosilla; et 2) le fait que le gouvernement encourage la mise en place d'un syndicalisme contrôlé par l'employeur, le comité prend note de la déclaration gouvernementale selon laquelle les services du travail ne disposent pas d'éléments leur permettant de confirmer ces allégations et qu'en vertu des dispositions du Code du travail (articles 289 à 294) toute personne qui le souhaite peut saisir les tribunaux du travail en cas de conduite antisyndicale ou déloyale ou porter plainte devant les tribunaux d'instance en cas de menaces. Dans ces conditions, le comité ne peut que constater que les allégations formulées par l'organisation plaignante sont fort vagues et qu'elle n'a pas apporté de précisions supplémentaires malgré les invitations qui lui ont été faites.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 133. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement, pour autant que ce soit encore possible, de prendre les mesures nécessaires afin que soient réintégrés les travailleurs licenciés de l'entreprise IMS à la suite d'un arrêt de travail en mai 1994.
    • b) S'agissant des allégations relatives à la négociation collective dans le secteur du bâtiment et aux licenciements antisyndicaux, le comité prend note des projets de lois présentés par le gouvernement au Parlement, qui concernent la négociation collective pour les travailleurs temporaires et l'élargissement de la protection contre la discrimination antisyndicale.
    • c) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l'évolution desdits projets.
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