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Rapport définitif - Rapport No. 308, Novembre 1997

Cas no 1902 (Venezuela (République bolivarienne du)) - Date de la plainte: 04-SEPT.-96 - Clos

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685. La plainte figure dans une communication du Syndicat "Association des pompiers professionnels et activités connexes et apparentées" du District fédéral et de l'Etat de Miranda (SINPROBOM) datée du 4 septembre 1996. Cette organisation a envoyé des informations complémentaires dans une communication du 27 janvier 1997.

  1. 685. La plainte figure dans une communication du Syndicat "Association des pompiers professionnels et activités connexes et apparentées" du District fédéral et de l'Etat de Miranda (SINPROBOM) datée du 4 septembre 1996. Cette organisation a envoyé des informations complémentaires dans une communication du 27 janvier 1997.
  2. 686. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication du 30 septembre 1997.
  3. 687. Le Venezuela a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 688. Le Syndicat "Association des pompiers professionnels et activités connexes et apparentées" du District fédéral et de l'Etat de Miranda (SINPROBOM) allègue, dans ses communications du 4 septembre 1996 et du 27 janvier 1997, qu'au cours de ces deux dernières années les autorités vénézuéliennes ont édicté une série de dispositions légales qui ont pour résultat d'exclure les pompiers du droit d'organisation:
    • - le décret no 77 du gouverneur de l'Etat de Miranda, qui s'applique aux pompiers dépendant du gouvernement de Miranda et qui considère ces derniers comme membres du personnel de sécurité exclus de l'application de la loi organique sur le travail; il s'agit d'un acte unilatéral de la part dudit gouvernement régional, entaché d'inconstitutionnalité pour défaut de compétence;
    • - le décret no 572 du Président de la République, daté de mars 1995, qui s'applique aux pompiers de l'air classés parmi les corps de sécurité de l'Etat;
    • - la loi sur l'exercice de la profession de pompier, datée de mai 1996, qui signale que "les corps de pompiers constituent des organismes de sécurité". Dans des observations adressées au Congrès de la République, le Président de la République a déclaré que "la loi sanctionnée elle-même qualifie les corps de pompiers d'organismes de sécurité voués au service exclusif des intérêts de la nation, comme le stipule l'article 34. Cette classification au nombre des organismes de sécurité devrait avoir pour conséquence d'exclure les pompiers du droit à la syndicalisation, étant donné que ces organismes de sécurité, de par leur nature même, sont soumis à un régime spécial quant à leurs rapports avec l'administration publique". Des opinions de ce genre pourraient entraîner des actions portant préjudice à la liberté syndicale des pompiers.
  2. 689. L'organisation plaignante ajoute que, le 20 septembre 1996, le directeur général sectoriel du ministère du Travail a émis une circulaire destinée à l'ensemble des inspecteurs du travail, relative à la légalisation des syndicats de la fonction publique, où il est déclaré que "... les inspecteurs doivent se déclarer incompétents en matière de légalisation des syndicats des corps de pompiers, en vertu des dispositions de l'article 20 de la loi sur l'exercice de la profession de pompier, en accord avec l'article 7 de la loi organique sur le travail, attendu que les membres des forces armées et les corps de défense et de sécurité de la nation ne sont pas protégés par la loi organique sur le travail" (l'article 7 de cette loi déclare que les membres... des services "liés à la défense et à la sécurité de la nation et au maintien de l'ordre public" ne sont pas compris par ses dispositions). Selon l'organisation plaignante, cette circulaire vise à obliger les inspecteurs du travail de l'ensemble du pays à se porter garants de son interprétation officielle du droit d'organisation des pompiers en ignorant délibérément l'envoi des actes d'enregistrement ou d'inscription correspondants des organisations que les travailleurs de cette catégorie estiment qu'il convient de constituer.
  3. 690. L'organisation plaignante allègue également que la municipalité autonome de Chacao a demandé au service de consultation juridique du ministère du Travail un rapport sur le droit à la liberté syndicale des pompiers. Dans cette demande, la profession de pompier est qualifiée de service de sécurité et de défense et l'on estime que les pompiers sont dispensés de l'application de la loi organique sur le travail, étant invoqué à cet effet l'article 7 de ladite loi. L'organisation plaignante signale que, conformément aux indications fournies dans cette demande de rapport, le ministère du Travail a reconnu en décembre 1994 le Syndicat des travailleurs de la communauté du corps de pompiers de l'Est. Néanmoins, toujours selon la demande de rapport, étant donné la nouvelle réglementation (loi sur l'exercice de la profession de pompier), il convient d'éclaircir le caractère légal du syndicat en question ou de régler l'éventuelle procédure de révocation de son inscription au ministère du Travail. Il est donc manifeste que la municipalité autonome de Chacao a la ferme intention d'entamer une procédure légale visant à dissoudre le SINPROBOM par voie administrative. A la suite de cette demande, la municipalité autonome de Chacao a demandé à l'Inspection du travail de l'est de la zone métropolitaine qu'elle suspende les réunions ayant trait aux négociations conciliatoires concernant une liste de pétitions présentée par le SINPROBOM en juin 1996. L'organisation plaignante signale que cette action est contraire à l'article 4 de la convention no 98.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 691. Dans sa communication du 30 septembre 1997, le gouvernement déclare, en se référant aux allégations relatives au décret no 77 du gouverneur de l'Etat de Miranda, qu'il est certain, la Constitution de la République réservant à l'activité du législateur la réglementation de certains droits et garanties, qu'aucune autre autorité ne peut émettre d'acte normatif de rang inférieur qui réduise ou limite l'exercice des droits consacrés par les normes constitutionnelles. Comme l'explique à juste titre le SINPROBOM, l'intervention du gouverneur de l'Etat de Miranda a été unilatérale et, par conséquent, n'implique pas la participation du gouvernement national; de plus, si cette intervention devait être entachée d'inconstitutionnalité, toute personne intéressée exerçant les droits et actions que lui confère l'ordonnance juridique interne pourrait réclamer la nullité du décret en question devant la Cour suprême de justice. Pour cette raison, le gouvernement considère que, si les arguments de l'organisation plaignante se révèlent pertinents, il existe suffisamment de garanties juridiques au Venezuela pour réparer le dommage supposé de l'intervention inconstitutionnelle du gouverneur de l'Etat de Miranda au moyen d'une action en nullité pour inconstitutionnalité. Pour les mêmes raisons, dans l'exercice qualifié de "contrôle diffus de la constitutionnalité", les tribunaux du travail peuvent ne pas appliquer le décret en question.
  2. 692. En ce qui concerne le décret no 572 du Président de la République, le gouvernement répond aux allégations en déclarant que la violation alléguée de la liberté syndicale n'est qu'apparente, puisque l'exclusion des seuls pompiers de l'air n'affecterait qu'une seule branche de l'activité des pompiers, liée à la prestation d'un service d'importance vitale (les fonctions attachées au contrôle du trafic aérien), et non l'ensemble des branches qui composent cette activité. En d'autres termes, la restriction à l'exercice de la liberté syndicale dans le secteur aéronautique - le contrôle aérien étant un service qui affecte la vie et la sécurité de la population - ne peut être interprétée comme une violation de la liberté syndicale du SINPROBOM, puisque les membres de cette organisation n'appartiennent même pas au secteur de l'aéronautique.
  3. 693. En ce qui concerne les allégations relatives à la loi sur l'exercice de la profession de pompier, le gouvernement rappelle qu'en se fondant sur les dispositions de ladite loi où les corps de pompiers sont qualifiés d'organismes de sécurité, et sa concordance avec l'article 7 de la loi organique sur le travail, les autorités publiques vénézuéliennes ... ont conclu que les pompiers devaient être exclus du champ d'application de la loi organique sur le travail ... et qu'en conséquence ils ne devaient pas être titulaires du droit à la liberté syndicale; des opinions de ce genre - signale l'organisation plaignante - pourraient entraîner des actions concrètes de la part de cette catégorie de travailleurs ou de fonctionnaires au préjudice du droit à la liberté syndicale des pompiers.
  4. 694. Le gouvernement relève à ce propos que l'organisation plaignante emploie le terme "pourraient", ce qui implique un potentiel, et que, jusqu'à présent, l'administration du travail a reconnu la liberté syndicale du SINPROBOM puisque cette organisation dispose d'une existence juridique (elle a été formellement enregistrée par le ministère du Travail); s'est vu reconnaître la capacité de négocier des conventions collectives de travail (elle est déposée au ministère du Travail) et d'effectuer les démarches relatives aux listes de pétitions; s'est vu reconnaître la protection octroyée par la loi par le biais de la charte dite syndicale (le ministère du Travail a instruit des procédures de réengagement et de versement des arriérés de salaires), etc. Le gouvernement précise cependant, qu'à l'initiative du corps des pompiers lui-même, un projet de loi a été soumis au Congrès de la République qui, par la suite, au moment d'être sanctionné par les chambres législatives et d'entrer en vigueur (27 mai 1996), a disposé que les corps de pompiers étaient considérés comme des organismes de sécurité, ce qui a créé la possibilité d'une interprétation selon laquelle les corps de pompiers sont exclus de l'application de la loi organique sur le travail (article 7).
  5. 695. En ce qui concerne les allégations relatives à la municipalité autonome de Chacao, le gouvernement déclare que l'organisation plaignante se borne à émettre des opinions et des jugements de valeur qui ne correspondent pas à la réalité. Plus précisément, la demande d'annulation de l'inscription du SINPROBOM en tant que syndicat a été refusée par le service du ministère du Travail qui a reçu cette demande, puisque cette mesure impliquerait une dissolution par voie administrative, ce qu'interdit la convention no 87.
  6. 696. Le gouvernement conclut en signalant que, nonobstant les considérations qui précèdent, le ministère du Travail a entamé des conversations avec les dirigeants syndicaux du SINPROBOM afin de préciser le contenu de ses arguments et de tenter de trouver une solution concertée au problème en question.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 697. Le comité observe que, dans le cas présent, l'organisation plaignante allègue que, en considérant les pompiers comme membres du personnel de sécurité, la législation exclut cette catégorie de travailleurs publics du champ d'application de la loi organique du travail et donc du droit syndical et de négociation collective. Plus précisément, elle allègue que la municipalité de Chacao a demandé au ministère du Travail d'éclaircir le caractère légal du syndicat des pompiers. Pour l'organisation plaignante, ceci prouve que la municipalité en question a l'intention de demander la dissolution du syndicat.
  2. 698. Le comité observe qu'en réponse le gouvernement déclare que, jusqu'à présent, l'organisation jouit de l'existence légale et s'est vu reconnaître la capacité de négocier collectivement. En outre, le gouvernement indique que les autorités ont refusé l'annulation de l'inscription de l'organisation plaignante en tant que syndicat.
  3. 699. Tout en prenant note de ces indications, le comité remarque néanmoins que l'organisation plaignante émet la crainte que la loi de 1996 sur l'exercice de la profession de pompier soit interprétée de telle manière que les pompiers se voient privés du droit syndical et du droit de négociation collective, dont ils jouissent actuellement, du moins en pratique.
  4. 700. Le comité tient à signaler qu'il ne lui appartient pas de statuer sur la législation du travail applicable aux différentes catégories de travailleurs et d'employés du secteur public ni, plus précisément, de déterminer si certaines catégories particulières de personnel doivent ou non être régies par des régimes ou des statuts spéciaux. Quelle que soit la solution adoptée à ce propos, il incombe cependant au comité de s'assurer que les travailleurs couverts par les conventions nos 87 et 98 jouissent des droits que celles-ci reconnaissent.
  5. 701. Dans ce sens, le comité rappelle que, selon la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, "tous les agents de la fonction publique (à la seule exception possible des forces armées et de la police, en vertu de l'article 9 de la convention no 87), comme les travailleurs du secteur privé, devraient pouvoir constituer les organisations de leur choix pour promouvoir et défendre les intérêts de leurs membres". (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 206.) Plus précisément à propos des sapeurs pompiers, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a estimé que les fonctions exercées par cette catégorie d'agents publics ne justifie pas leur exclusion du droit syndical. (Voir Liberté syndicale et négociation collective, 1994, paragr. 56.)
  6. 702. Pour ce qui est du droit de négociation collective, le comité a signalé que "tous les agents de la fonction publique, à l'exception de ceux qui sont commis à l'administration de l'Etat, devraient bénéficier du droit de négociation collective, et une priorité devrait être accordée à la négociation collective comme moyen de règlement des différends survenant à propos de la détermination des conditions et modalités d'emploi dans le secteur public". (Voir Recueil, op. cit., paragr. 793.)
  7. 703. En revanche, il est clair pour le comité que le corps des sapeurs pompiers constitue un service essentiel au sens strict du terme et qu'en conséquence le droit de grève peut leur être interdit. Dans ce cas, ces travailleurs privés du droit de grève devraient bénéficier de garanties appropriées destinées à sauvegarder leurs intérêts, par exemple l'interdiction correspondante du droit de lock-out, l'établissement d'une procédure paritaire de conciliation et, seulement lorsque la conciliation échoue, l'institution d'une procédure paritaire d'arbitrage. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 551.)
  8. 704. Compte tenu de tous ces éléments, le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le maintien en droit comme en pratique du droit d'organisation et de négociation collective des sapeurs pompiers, étant entendu que le droit de grève peut leur être interdit. Le comité exprime le ferme espoir qu'ainsi aucune dissolution de syndicats de pompiers ne sera prononcée.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 705. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le maintien en droit comme en pratique du droit d'organisation et de négociation collective des sapeurs pompiers, étant entendu que le droit de grève peut leur être interdit. Dans ce cas, ces travailleurs privés du droit de grève devraient bénéficier de garanties appropriées destinées à sauvegarder leurs intérêts.
    • b) Le comité exprime le ferme espoir qu'ainsi aucune dissolution de syndicats de pompiers ne sera prononcée.
    • c) Le comité attire l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur ce cas.
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