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Rapport intérimaire - Rapport No. 324, Mars 2001

Cas no 2067 (Venezuela (République bolivarienne du)) - Date de la plainte: 03-FÉVR.-00 - Clos

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  1. 940. Ces plaintes figurent dans des communications de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) (3 février, 29 août et 7 et 13 décembre 2000), de la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV) (22 août, 19 septembre et 17 novembre 2000), du Syndicat des employés de l'Assemblée nationale (SINOLAN) (9 novembre 2000) et de la Fédération syndicale des travailleurs des communications du Venezuela (FETRACOMUNICACIONES) (22 novembre 2000). La Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) a appuyé la plainte de la CTV. Le gouvernement a envoyé ses observations par des communications datées du 16 mai 2000 et du 10 janvier et 8 février 2001.
  2. 941. Le Venezuela a ratifié la Convention n° 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la Convention n° 98 sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 942. Dans sa communication du 3 février 2000, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) exprime son inquiétude devant l'adoption par l'Assemblée nationale d'un certain nombre de décrets destinés en principe à garantir la liberté syndicale; la CISL précise que l'état d'urgence dans le pays, déclaré par cette même assemblée, constitue l'argument sur lequel elle s'appuie pour décréter une série de mesures qui sont autant de violations flagrantes des conventions nos 87 et 98 de l'Organisation internationale du Travail. La CISL fait savoir qu'elle remercie sincèrement l'OIT des efforts déployés pour résoudre le problème, tels l'envoi immédiat d'une mission qui a permis la constitution d'une commission mixte chargée de susciter un consensus sur les termes des décrets en préparation. Malheureusement les accords n'ont pas été respectés et les décrets approuvés ne sont pas conformes aux droits inscrits dans les conventions nos 87 et 98.
  2. 943. Dans sa communication du 22 août 2000, la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV) allègue que, le 28 juin 1999, la Fédération des travailleurs du pétrole, des produits chimiques et connexes du Venezuela (FEDEPETROL), affiliée à la CTV, et la Fédération des travailleurs des hydrocarbures et de leurs dérivés du Venezuela (FETRAHIDRO CARBUROS), ont présenté au ministère du Travail un projet de convention collective qui devait être négocié avec la PDVSA, Petróleo y Gas S.A., société commerciale au capital public qui fait office de matrice ou de holding industriel du pétrole vénézuélien. Le 20 septembre 1999, les négociations ont officiellement commencé au ministère du Travail. Avec les organisations syndicales à l'origine du projet, le Syndicat national des travailleurs de l'industrie du pétrole et connexes (SINTRAIP) a assisté à cette réunion. Le 4 octobre 1999, dans les locaux qu'occupe la PDVSA, Petróleo y Gas S.A., les organisations syndicales FEDEPETROL, FETRAHIDROCARBUROS et SINTRAIP se sont mises d'accord pour négocier la convention collective. Par la suite, les 5, 6, 13, 14, 18, 19, 26, 27 et 28 octobre 1999, les 1, 2, 8, 10, 18, 22, 23, 25 et 29 novembre 1999, les 1, 7 et 8 décembre 1999 et enfin les 11, 18 et 24 janvier 2000, des négociations ont eu lieu dans les bureaux de la PDVSA; elles ont abouti à des accords sur le projet de convention à l'origine de toute la procédure. Le 17 novembre, les parties ont signé un accord au ministère du Travail sur des aspects controversés au cours de la négociation, à savoir le système des prestations sociales et le champ d'application des dispositions de la convention collective aux travailleurs des entreprises parties de la convention.
  3. 944. Cependant, le plaignant explique que, le 30 janvier 2000, l'Assemblée nationale (ANC), a adopté un décret qui a été publié dans le Journal officiel de la République bolivarienne du Venezuela no 36.904 du 2 mars 2000; il ordonne la suspension de la discussion de la convention collective de Petróleo de Venezuela S.A., et donne le pouvoir au gouvernement d'établir les conditions qui régiront la convention collective de l'Administration publique nationale. Le 24 janvier 2000, la PDVSA, Petróleo y Gas S.A., a suspendu unilatéralement les négociations, en principe pour respecter le décret contesté, qui n'avait pas été publié lors de la date de son approbation (30 janvier 2000). Le plaignant précise que le décret en question a les objectifs suivants: 1) adapter le cadre des relations de travail à l'ordre constitutionnel en vigueur; 2) maintenir et améliorer progressivement le niveau de vie des travailleurs; 3) traiter "l'état d'urgence qui prévaut dans le pays et qui est selon ce décret déclaré par l'Assemblée nationale". L'article 1 du décret suspend la négociation à cause de l'état d'urgence déclaré par l'ANC. Cependant, il ne cite pas l'acte normatif de cette déclaration; par conséquent, le décret est fondé sur une fausse supposition, ce qui est un motif suffisant pour qu'il soit déclaré nul et non avenu, comme cela est effectivement demandé dans les recours pour inconstitutionnalité interjetés auprès de la Cour suprême de Justice du Venezuela, et dont on trouvera des copies en annexe. A ce jour, ces recours n'ont toujours pas fait l'objet d'un jugement, non plus que les mesures provisoires demandées dans les deux cas à la Cour, pour rétablir immédiatement l'exercice du droit de négociation collective et de liberté syndicale.
  4. 945. En effet, la suspension du droit de négociation collective, qui est un élément essentiel et inaliénable de l'un des droits de l'homme fondamentaux, à savoir la liberté syndicale, et l'une des méthodes spécifiques et idoines pour améliorer les conditions de vie des travailleurs, ne pourrait avoir comme cause matérielle qu'un fait exceptionnel, comme la déclaration de l'état d'urgence, laquelle suppose une grave crise économique et l'impossibilité matérielle de la part de la République de satisfaire aux exigences fondamentales et élémentaires de ses travailleurs. Or ce décret a été prononcé dans une situation tout à fait différente et, par conséquent, il porte atteinte à un droit de rang constitutionnel en se fondant sur un motif faux et inexistant. En outre, l'article 3 de ce décret autorise le gouvernement à établir les conditions qui régissent la convention collective de l'Administration publique nationale, centralisée et décentralisée, y compris les entreprises d'Etat, conformément à l'ordre constitutionnel en vigueur. Ainsi le décret prévoit:
    • - que la négociation de la convention collective qui régira les conditions de travail des travailleurs de l'industrie du pétrole national est suspendue par la décision d'un organe du pouvoir public, en violation du droit d'autonomie collective qui est celui des parties et, en outre, du principe de non-ingérence qui régit le droit fondamental qu'est la liberté syndicale;
    • - il porte atteinte au droit de négocier collectivement les conditions de travail au sein de l'Administration publique nationale, centralisée et décentralisée, et il octroie au gouvernement le pouvoir de fixer les conditions qui régissent la convention collective, y compris celles des entreprises d'Etat qui sont organisées sous le régime sociétaire du droit privé;
    • - enfin, il déroge à toutes les dispositions juridiques et réglementaires qui vont à l'encontre du présent décret (art. 6) de sorte qu'il cesse d'appliquer ou qu'il déroge, selon le cas, à tout régime de négociation collective conforme à la loi organique du travail (LOT) qui va dans le sens de la Constitution, et aux conventions internationales qui ont été dûment ratifiées par la République, et qui portent sur le droit de négociation collective volontaire des conditions de travail.
  5. 946. Le plaignant précise que le décret de l'Assemblée nationale est du 30 janvier 2000, mais qu'il n'a été publié dans le Journal officiel que le 2 mars de la même année, c'est-à-dire un peu plus d'un mois plus tard, alors qu'un conflit social avait éclaté parmi les travailleurs du pétrole, qu'ils étaient en grève et que le fait était public et notoire. Un autre décret de la même date a entériné les mesures "visant à garantir la liberté syndicale". Le fondement juridique du décret en question découle, s'il faut en croire son entête, de l'article 1 du Statut du fonctionnement de l'Assemblée nationale d'une part et, d'autre part, de l'article unique du décret qui déclare la réorganisation de tous les organes du pouvoir public, approuvé le 12 août 1999 et publié dans le Journal officiel de la République bolivarienne du Venezuela no 36.764 du 13 août de la même année. Les considérants de ce décret précisent notamment:
    • a) que le Venezuela est membre fondateur de l'Organisation internationale du Travail et, qu'à ce titre, il a accepté les principes et droits énoncés dans sa Constitution et s'est engagé à faire des efforts pour atteindre les objectifs généraux de cette Organisation (deuxième);
    • b) que la liberté syndicale est l'un des droits fondamentaux établis dans la Constitution de la République bolivarienne du Venezuela et que ce pays a ratifié les conventions nos 87 et 98 de l'OIT, qui garantissent notamment le droit des travailleurs de constituer sans autorisation préalable les organisations de leur choix, de s'y affilier ou de s'en désaffilier et de choisir leurs représentants, sans ingérence des autorités publiques (troisième);
    • c) que la Constitution de la République bolivarienne du Venezuela, dans son article 23, octroie le rang constitutionnel aux traités, pactes et conventions concernant les droits de l'homme, ratifiés par le Venezuela, et déclare qu'ils ont en matière d'application, la préséance sur la législation nationale (quatrième);
    • d) que l'émancipation des travailleurs incombe aux travailleurs eux-mêmes et que, par conséquent, il doivent assumer l'engagement d'éliminer les défauts de comportement et de favoriser un changement radical à cet égard, afin d'engendrer une nouvelle culture de l'action syndicale (sixième);
    • e) que le progrès et le bien-être des travailleurs sont liés au pouvoir de leurs organisations syndicales, à l'honnêteté et à la légitimité de leurs dirigeants, et au degré d'indépendance dont ces organisations disposent vis-à-vis de l'Etat, des employeurs et des organisations politiques (septième);
  6. 947. Cependant, à l'encontre de ces considérants, des normes de rang constitutionnel, des conventions internationales relatives au droit de l'homme fondamental, de la liberté syndicale (qui est de rang constitutionnel au Venezuela) et à l'encontre également de la loi organique du travail (LOT) dont la modification n'est pas attribuée à l'ANC, ce décret prévoit:
    • - La constitution d'une Commission nationale électorale syndicale composée de quatre représentants de chacune des centrales nationales de travailleurs, à savoir, la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV), la Confédération générale des travailleurs (CGT) et la Confédération unitaire des travailleurs du Venezuela (CUTV), de quatre organisations syndicales non fédérées, de quatre appartenant au Nouveau syndicalisme et de quatre appartenant au Front constituant des travailleurs. Cette commission garantira la tenue d'élections libres, démocratiques universelles directes et secrètes pour choisir les dirigeants des organisations syndicales de travailleurs (art. 1). [Le plaignant signale que la Confédération des syndicats autonomes (CODESA), qui est une centrale syndicale légalisée, ne figure pas dans le décret sans qu'aucune justification de cette lacune ne soit mentionnée. Par contre, le plaignant précise que, deux organisations non enregistrées auprès du ministère du Travail, à savoir "le Nouveau syndicalisme" et "le Front constituant des travailleurs" y figurent, avec une représentation égale à celle des centrales syndicales légalisées, et notamment de la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV). Pourtant, le gouvernement a accrédité la CTV d'une manière permanente auprès de la Conférence de l'Organisation internationale du Travail, compte tenu de sa qualité de centrale syndicale la plus représentative.]
    • - L'octroi de l'autorité nécessaire à cette commission pour qu'elle puisse convoquer un référendum par lequel les travailleurs pourraient résoudre la question de l'unité syndicale; cette même disposition prévoit que, si une organisation syndicale prend la décision de se maintenir en marge du processus d'unification syndicale, elle sera automatiquement exclue de la Commission électorale syndicale nationale (art. 3).
    • - La Commission électorale syndicale nationale syndicale doit fixer la date des élections, convoquer les travailleurs, déterminer le lieu des bureaux de vote qui seront situés sur les lieux de travail sauf en cas de force majeure; elle organisera le scrutin et proclamera les résultats. Chaque liste de candidats disposera d'au moins un scrutateur dans chaque bureau de vote (art. 4).
    • - La liste ou le registre électoral sera constitué par tous les travailleurs actifs et retraités, qu'ils soient ouvriers, salariés, travailleurs ruraux, professionnels, scientifiques, hommes et femmes de culture affiliés aux organisations syndicales, et par les travailleurs qui s'y inscriront dans un délai approximatif fixé par la Commission électorale syndicale nationale, qui doit résoudre tout refus d'affiliation de ses travailleurs et organisations syndicales (art. 5).
    • - La Commission électorale syndicale nationale respectera strictement les dispositions de l'article 95 de la Constitution de la République bolivarienne du Venezuela. En ce qui concerne la déclaration assermentée relative au patrimoine, elle devra être présentée par toute personne se portant candidat à un poste de direction ou de représentation syndicale et par tous les élus à la fin de leur mandat. Par ailleurs, des comptes doivent être rendus périodiquement aux travailleurs sur l'administration des biens et des ressources des organisations, et des sanctions sévères seront établies contre tout acte contraire à la morale dans l'exercice des fonctions syndicales (art. 6).
    • - L'Assemblée nationale désignera trois membres en son sein qui, avec un membre désigné par le Conseil national électoral, se porteront garants de tout le processus de démocratisation et de réunification du mouvement syndical vénézuélien (art. 7).
  7. 948. L'organisation plaignante estime que les décrets auxquels il est fait référence constituent des violations expresses et directes des conventions nos 87 et 98 de l'OIT et de la Constitution de la République bolivarienne du Venezuela:
    • Article 95
    • Les travailleurs et les travailleuses, sans distinction d'aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer librement les organisations syndicales de leur choix pour défendre au mieux leurs droits et leurs intérêts; ils ont aussi le droit de s'affilier ou de se désaffilier à ces organisations conformément à la loi. Ces organisations ne sont pas sujettes à l'intervention, à la suspension ou à la dissolution par voie administrative. Les travailleurs et travailleuses sont protégés contre tout acte de discrimination ou d'ingérence contraire à l'exercice de ce droit. Les fondateurs et fondatrices de ces organisations syndicales, ainsi que leurs dirigeants/tes jouiront du droit d'inamovibilité professionnelle pendant toute la durée de leur mandat et ils assumeront leurs fonctions dans les conditions déterminées à cet effet.
    • En ce qui concerne l'exercice de la démocratie syndicale, les statuts et règlements des organisations syndicales établissent le principe selon lequel les mandats des membres des instances dirigeantes ne sont pas renouvelables et sont soumis au suffrage universel direct et secret. Les instances dirigeantes et les représentants et représentantes des syndicats qui abuseraient des avantages découlant de la liberté syndicale à des fins lucratives ou pour servir leurs intérêts personnels seront sanctionnés conformément à la loi. Les dirigeants et dirigeantes des organisations syndicales seront tenus de faire une déclaration de patrimoine assermentée.
    • Article 96
    • Tous les travailleurs et les travailleuses du secteur public et du secteur privé jouissent du droit de négociation collective volontaire et de celui de signer des conventions collectives de travail, sans satisfaire à d'autres exigences que celles qui sont prévues par la loi. L'Etat garantit le bon déroulement de la négociation collective et prend les mesures nécessaires pour favoriser les relations collectives et la résolution des conflits du travail. Les conventions protègent tous les travailleurs et travailleuses actifs/ves à partir du moment où elles entrent en vigueur et elles protègent également ceux qui sont partie à partir d'une date ultérieure.
  8. 949. Les décrets constituent également des violations de l'article 8.1 a) et c) du Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels (1966), ratifié par le Venezuela, à savoir:
    • Les Etats parties au présent Pacte s'engagent à assurer:
      • a) le droit qu'a toute personne de former avec d'autres des syndicats et de s'affilier au syndicat de son choix, sous la seule réserve des règles fixées par l'organisation intéressée, en vue de favoriser et de protéger ses intérêts économiques et sociaux. L'exercice de ce droit ne peut faire l'objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, dans l'intérêt de la sécurité nationale ou de l'ordre public ou pour protéger les droits et les libertés d'autrui; …
      • c) le droit qu'ont les syndicats d'exercer librement leur activité, sans limitations autres que celles qui sont prévues par la loi et qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, dans l'intérêt de la sécurité nationale ou de l'ordre public ou pour protéger les droits et libertés d'autrui.
    • 950. La CTV souligne que le rang constitutionnel des dispositions citées découle de l'article 23 de la Constitution de la République bolivarienne du Venezuela, selon lequel les traités, pactes et conventions relatifs aux droits de l'homme, auxquels a souscrit le Venezuela et qu'il a ratifiés, ont un rang constitutionnel et prévalent dans l'ordre interne, dans la mesure où ils contiennent des normes relatives à l'exercice de ces droits qui sont plus favorables que celles établies par la Constitution et la loi de la République; ils doivent être appliqués sans délai et directement par les tribunaux et autres organes des pouvoirs publics.
  9. 951. Dans sa communication datée du 29 août 2000, la CISL fait savoir que la haute direction de l'entreprise Petróleos de Venezuela, S.A. (PDVSA), a décidé de ne pas reconnaître le processus de négociation collective dans lequel elle s'est engagée avec ses travailleurs. A la suite du décret émanant de l'ancienne Assemblée nationale constituante, qui suspendait le processus de négociation collective entre la PDVSA et les organisations syndicales du secteur, la Fédération des travailleurs des pétroles (FEDEPETROL) a interjeté un recours constitutionnel auprès de la Cour suprême de Justice, et diverses organisations syndicales, y compris la CISL, ont présenté une plainte contre le gouvernement du Venezuela auprès du Comité de la liberté syndicale de l'OIT pour violation des conventions nos 87 et 98 de l'OIT. Etant donné que le délai fixé par le décret pour le réamorçage des négociations concernant la convention collective arrive à échéance, la CISL constate que les élections syndicales n'ont pas eu lieu dans le secteur; or il s'agissait d'une des conditions mentionnées dans le décret. On notera que ce processus électoral, auquel aucune des fédérations syndicales ne s'est opposée à aucun moment, n'a pas eu lieu pour des raisons étrangères à la dynamique syndicale et au secteur. Cependant, la haute direction de l'entreprise a effectué, sans la participation des syndicats ni celle du ministère du Travail et sans la surveillance du Conseil national électoral (qui est la seule entité compétente pour effectuer ce type de consultation), une "consultation" auprès de ses travailleurs et travailleuses concernant une "convention moderne" qui se substituerait en principe à celle qui est actuellement en négociation.
  10. 952. La CISL fait savoir que les résultats de cette consultation ont été annoncés et que, selon les employés de l'entreprise, la proposition a été approuvée par 56 pour cent des participants; c'est sur cette base que l'entreprise s'apprête à négocier la nouvelle convention avec ses travailleurs et travailleuses. Cependant, les syndicats allèguent qu'il y a eu fraude dans la consultation. En outre, sa légalité et sa légitimité sont remises en question même par le ministre du Travail. Compte tenu de ce qui précède, la CISL réprouve l'utilisation par la PDVSA de mécanismes qui falsifient le droit à la négociation collective des travailleurs et travailleuses, ainsi que la représentativité et la légalité de leurs organisations syndicales.
  11. 953. En annexe de sa communication du 19 septembre 2000, la CTV envoie un texte contenant des informations de nature agressive et hostile, rédigé par les autorités à l'encontre de la CTV; ces informations ont été recueillies auprès de divers médias (journaux) de la République bolivarienne du Venezuela, à titre de preuves, pour étayer la plainte. Elles indiquent la participation du Président de la République aux activités d'une organisation à la solde du gouvernement, la "Fuerza bolivariana de trabajadores", au cours desquelles il a critiqué la CTV.
  12. 954. Dans les communications datées du 17 et du 22 novembre 2000, la CTV et la Fédération syndicale des travailleurs des communications du Venezuela (FETRACOMUNICACIONES) critiquent le fait que le Conseil national électoral ait interdit pour la troisième fois consécutive la tenue d'élections syndicales; elles critiquent également l'envoi d'une convocation relative à un référendum à tous les électeurs du pays sur l'opportunité d'unifier et de légitimer à nouveau les instances dirigeants des syndicats, la convocation d'une assemblée constituante de travailleurs (organe inexistant dans la législation) et l'approbation en première discussion par l'Assemblée nationale d'un projet de loi visant la protection des garanties des libertés syndicales, qui porte atteinte, en fait, à la convention no 87.
  13. 955. Dans sa communication du 7 décembre 2000, la CISL envoie des copies de lettres provenant de diverses organisations syndicales (qui présentent des plaintes à l'OIT) concernant des actes qui constituent des violations aux conventions nos 87 et 98 et qui sont décrits ci-après:
    • - La Fédération des travailleurs de l'Etat de Yaracuy (FETRAYARACUY) allègue que le Conseil national électoral, composé de personnes à la solde du Président Chávez, a interdit, pour la troisième fois consécutive, la tenue d'élections syndicales, en se fondant sur des normes complètement contraires à la convention no 87, à la législation et à la Constitution. L'Assemblée nationale, dont l'immense majorité est contrôlée par le Président de la République, a appelé à un référendum dont l'objet est de consulter tous les électeurs du pays, y compris les employeurs, les étudiants, les maîtresses de maison, les militaires, les chômeurs, etc., quant à l'opportunité d'unifier, de restructurer, de démocratiser et de légitimer à nouveau les instances dirigeantes des syndicats et quant à la convocation d'une Assemblée constituante de travailleurs, figure inexistante dans la législation du pays. En outre, l'Assemblée nationale, dominée par la coalition du Président Hugo Chávez, a approuvé en première discussion un projet de loi visant la protection des garanties et des libertés syndicales, qui menace pourtant de faire disparaître les centrales syndicales existantes et de les remplacer par une entité quasi syndicale, conçue à l'image du gouvernement et de son président, et surtout pour leur usage. C'est là une attaque contre les libertés syndicales, contre la plus grande centrale syndicale du pays, à savoir la CTV, et contre toutes les instances dirigeantes des syndicats vénézuéliens dont la pensée est démocratique; en effet, les membres de ces instances sont traités de brigands et de corrompus, alors qu'à ce jour aucun d'entre eux n'a été dénoncé auprès des tribunaux ni emprisonné. La CTV est une centrale qui évolue et qui connaît des changements profonds dans son organisation; au cours des dernières années elle a fait d'énormes progrès sur le plan de la démocratisation et de la modernisation. Il faut souligner la gravité de la situation, compte tenu notamment de l'abus de pouvoir et de l'ingérence du gouvernement du Président Chávez dans le fonctionnement des organisations syndicales et du contrôle qu'il exerce sur le Conseil national électoral, l'Assemblée nationale législative et la Cour suprême de Justice, organes dont tous les membres sont désignés arbitrairement.
    • - Le Syndicat des travailleurs des télécommunications de l'Etat de Yaracuy déclare que le Venezuela vit une crise des valeurs démocratiques sur tous les plans, et que toute institution ou toute personne qui est en désaccord avec l'opinion du Président de la République est éliminée. Cette crise est aussi le théâtre de l'élimination des structures syndicales qui avaient jusque là difficilement résisté aux assauts impitoyables du régime politique opprimant aujourd'hui le peuple, et notamment les travailleurs. L'ingérence dans les affaires des travailleurs et de leurs syndicats de la part de ce gouvernement est tout simplement inacceptable, étant donné qu'il prétend, au moyen d'un référendum qui n'est pas constitutionnel, acquérir la maîtrise des instances dirigeantes des organisations syndicales, manipuler le droit d'affiliation et même celui de la rédaction des statuts; c'est un camouflet au respect des droits de l'homme les plus fondamentaux. Le peuple, et notamment la classe ouvrière, sont victimes d'un harcèlement constant dont le propos délibéré est de les effrayer pour éviter qu'ils descendent dans la rue défendre leurs droits sacrés; du coup, les instances dirigeantes des syndicats se retrouvent pratiquement sans défense dans ce moment critique.
    • - Le Syndicat des travailleurs au service du gouvernement régional de l'Etat de Yaracuy proteste contre les agressions et les impositions dont sont victimes les travailleurs vénézuéliens de la part du gouvernement du Président Hugo Chávez. En fait, étant donné le pouvoir qu'exerce le Président sur la majorité des députés de l'Assemblée nationale, ces derniers ont approuvé un référendum syndical qui doit avoir lieu le 3 décembre 2000; l'objectif est de déposséder de tous leurs pouvoirs les organisations syndicales, depuis la CTV jusqu'au syndicat le plus humble. Même les citoyens qui ne font pas partie de syndicat sont appelés à voter dans ce référendum. Par ailleurs, actuellement (c'est-à-dire à la fin de l'an 2000), l'Assemblée nationale discute d'un avant-projet de loi concernant la protection des garanties et des libertés syndicales, dont les articles 23 et 24 établissent clairement la suspension de toutes les instances dirigeantes des syndicats dont les mandats arrivent à échéance, stipulant que leurs membres ne pourront pas être réélus et qu'ils ne peuvent occuper d'autres charges au sein des organisations. Cette tentative aurait pour résultat d'annihiler toutes les instances dirigeantes syndicales; à trois occasions, par le biais de résolutions du Conseil national électoral, organe qui contrôle tous les processus électoraux et dont l'instance dirigeante est imposée par le gouvernement de Chávez, la tenue des élections a été suspendue dans toutes les organisations de travailleurs. Le but du Président Chávez est d'éliminer les dirigeants syndicaux actuels et d'imposer des dirigeants acquis à son gouvernement; d'où le référendum et l'approbation de la loi citée ci-dessus, qui vont de pair avec une campagne de dénigrement orchestrée par le Président de la République lui-même, qui n'hésite pas à taxer de corruption et de malhonnêteté les dirigeants syndicaux de la CTV.
    • - Le Syndicat des fonctionnaires de l'administration de l'Etat de Yaracuy (SEPGEY) déclare qu'il est à la fois incompréhensible et inouï que le gouvernement du Président Hugo Chávez prétende tenir des élections, et même un référendum, pour obliger l'ensemble du peuple à donner son opinion sur un sujet qui ne regarde que les travailleurs, puisqu'ils sont les seuls à connaître l'organisation à laquelle ils appartiennent; cette initiative est une violation des statuts de toutes les organisations syndicales, ainsi que de la loi-cadre du travail selon laquelle un travailleur doit être affilié à un syndicat pour avoir le droit de vote. Par ailleurs, la nature politique que le gouvernement donne à ce référendum apparaît clairement, et il constitue une violation de toutes les normes, de toutes les lois et de toutes les constitutions qu'a eues le pays.
    • - Le Syndicat unique des travailleurs de l'agriculture, des jardiniers et des travailleurs de métiers connexes de l'Etat de Yaracuy déclare que le Président de la République appelle à un référendum syndical tous les inscrits au registre électoral permanent, ce qui constitue une violation des conventions internationales auxquelles a souscrit la République du Venezuela. Ce syndicat n'est pas opposé à la démocratisation et à la modernisation des syndicats, à condition que ce soit les travailleurs organisés qui nomment leurs représentants.
  14. 956. Dans une communication du 9 novembre 2000, le Syndicat des employés de l'Assemblée nationale (SINOLAN) allègue le transfert de ses dirigeants, en violation de la convention collective en vigueur.
  15. 957. Dans sa communication du 13 décembre 2000, la CISL allègue que le référendum du 3 décembre 2000, imposé au peuple vénézuélien par le gouvernement du Président Chávez, a pour objectif d'attaquer directement le mouvement syndical élu statutairement et de le décapiter pour qu'il cède la place à un autre mouvement qui lui est favorable. Le 29 novembre, dans une tentative désespérée pour convaincre le Président Hugo Chávez de renoncer à son projet de démantèlement du mouvement syndical de son pays, une délégation syndicale internationale est partie en mission à Caracas. La CISL précise que le Président Hugo Chávez organise ce référendum - qui ne serait ni libre ni indépendant - en même temps que les élections locales, dans le but de dissoudre les quatre principales organisations syndicales du Venezuela et de les remplacer par une organisation à sa solde, conçue sur mesure pour servir les intérêts du gouvernement. La cible principale est la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV), qui est la première centrale syndicale du pays et qui est affiliée à la CISL. Le Procureur de la République du Venezuela, Javier Elechiguerra, a demandé hier au premier tribunal du pays, la Cour suprême de Justice, qu'elle suspende le référendum du 3 décembre, car il estime qu'il n'est pas constitutionnel. Le procureur déclare que le référendum constitue une attaque contre la liberté syndicale et contre l'exercice du droit du citoyen de participer aux affaires nationales, reconnu dans les articles 70 et 71 de la Constitution du Venezuela. La CISL craint que, si Chávez arrive à ses fins, sa tentative n'inspire d'autres gouvernements défavorables au syndicalisme. Récemment, le Président a attaqué publiquement les dirigeants de la CTV; dès le début du mois d'août 1999, il avait fait connaître ses intentions à l'égard du mouvement syndical vénézuélien avait menacé de le démanteler par la promulgation d'une législation par l'Assemblée et de déposséder de leurs mandats tous les dirigeants syndicaux. Cette déclaration avait soulevé une écrasante protestation de la part des centrales syndicales dans le monde entier, et avait convaincu l'OIT d'envoyer une première mission dans ce pays. Le projet de législation avait alors été abandonné, mais la tentative du Président Chávez a ressurgi au début de l'an 2000.
  16. 958. La CISL estime que le référendum - qui aura lieu en même temps que les élections municipales - est contraire aux conventions internationales ratifiées par le Venezuela. Dans une déclaration publique prononcée à Caracas aux termes de sa visite au Venezuela, la délégation syndicale internationale de la CISL a estimé que les actes autoritaires du gouvernement vénézuélien constituent une sérieuse menace contre la démocratie.

B. Réponses du gouvernement

B. Réponses du gouvernement
  1. 959. Dans ses communications du 16 mai 2000 et du 10 janvier 2001, le gouvernement déclare, en ce qui concerne le référendum national syndical, que les conventions internationales sont des instruments qui créent des obligations juridiques lorsqu'elles sont ratifiées. En vertu de l'article 19.5) d) de la Constitution de l'OIT, l'Etat qui ratifie une convention s'engage à prendre les mesures qui seront nécessaires pour rendre effectives les dispositions de ladite convention. L'obligation ne consiste pas uniquement à incorporer la convention au droit interne, mais encore à veiller à son application dans la pratique. Conformément aux dispositions constitutionnelles du Venezuela, les conventions ratifiées acquièrent la force et le rang de loi nationale. La convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, adoptée par la Conférence internationale du Travail lors de sa 31e session à San Francisco le 17 juin 1948, ratifiée par le Venezuela le 20 septembre 1982, et dont la ratification a été publiée dans le numéro extraordinaire du Journal officiel 3011 le 3 septembre 1982, est désormais incorporée dans l'article 95 de la Constitution bolivarienne de la République de Venezuela.
  2. 960. Pour ce qui est du thème du référendum national syndical au Venezuela, prévu pour le 3 décembre 2000, le gouvernement pose la question suivante:
    • Approuvez-vous le renouvellement des instances dirigeantes des syndicats au cours des prochains 180 jours, en vertu du statut spécial élaboré par le pouvoir électoral, conformément au principe selon lequel les mandats des membres de ces instances ne sont pas renouvelables et sont soumis au suffrage universel direct et secret, principe consacré par l'article 95 de la Constitution bolivarienne du Venezuela, ainsi que, par même temps, la suppressions des fonctions de tous les dirigeants des centrales, des fédérations et des confédérations syndicales établies dans le pays?
  3. 961. Le gouvernement fait savoir qu'à travers le référendum populaire, consacré par l'article 71 (deuxième section) de la Constitution bolivarienne du Venezuela, il est possible d'effectuer une consultation populaire si le sujet revêt une importance nationale. La convention no 87 établit dans ses articles 2, 3, 4 et 8 les droits des travailleurs à constituer des organisations syndicales, à s'y affilier, à rédiger leurs statuts et à faire reconnaître leurs droits, qui ne doivent être ni violés ni révoqués par la loi ou un acte administratif quelconque. Cependant, aucun organe du pouvoir public vénézuélien ne prétend méconnaître ou violer une quelconque de ces normes; ce que l'on souhaite au contraire, c'est que ces dispositions soient respectées dans la pratique et qu'une véritable liberté syndicale se crée, ce qui ne pourra se faire que par voie de consultation du peuple souverain, puisque les instances dirigeantes syndicales traditionnelles se sont tellement renforcées et incrustées qu'il n'est plus possible d'imaginer leur remaniement par la voie ordinaire de l'exercice des droits des travailleurs. Il est du devoir du gouvernement vénézuélien de veiller au respect des droits des travailleurs, et précisément de les aider à s'organiser librement sans être victimes de limitations en matière de liberté syndicale.
  4. 962. Le gouvernement signale qu'il n'y a pas de véritable liberté syndicale au Venezuela car pendant la quatrième République, le mouvement syndical a été (et continue d'être) monopolisé par des instances dirigeantes, issues de l'état major des partis qui dominaient d'une manière autoritaire, exclusive et hégémonique la scène politique, qui imposaient les règles du jeu aux syndicats qui n'étaient plus que des instruments en leur pouvoir. Ces instances dirigeantes ont manipulé la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV), elles se sont écartées de l'essence même de l'activité syndicale, ont tourné le dos aux intérêts de la classe ouvrière et se sont enrichies d'une manière illicite à ses dépens, sans qu'aucun organisme ou aucune institution internationale ne se préoccupe de condamner ces actes répréhensibles; ils ont au contraire gardé un silence complice. L'objectif du référendum est de faire en sorte que le peuple vénézuélien, qui est le seul maître de son destin, décide si ces instances dirigeantes doivent rester ou s'en aller, afin que la démocratie puisse s'implanter dans les milieux travailleurs du pays et que des dirigeants authentiques et librement élus puissent assumer la direction de la classe ouvrière organisée. Il n'est pas question de substituer un monopole syndical à un autre; il s'agit d'instaurer une liberté syndicale authentique qui, acheminée par des canaux organisateurs, pourra renforcer les travailleurs, garantir ainsi la paix sociale pour les employeurs ayant une sensibilité sociale et assurer un bon retour sur l'investissement.
  5. 963. Le gouvernement ajoute qu'il est très respectueux de l'accomplissement des obligations internationales contractées par la République mais qu'il défend par ailleurs jalousement la souveraineté du peuple, dont il est l'exécuteur de la volonté légitimement manifestée. Le référendum prévu pour décider du destin des instances dirigeantes syndicales en République bolivarienne du Venezuela ne va pas à l'encontre des obligations contractées par la ratification de conventions internationales avec l'OIT ni d'aucune disposition de la Constitution nationale en vigueur.
  6. 964. Dans des communications datées du 8 février 2001, le gouvernement déclare qu'au cours des trente dernières années, le mouvement syndical a été à l'encontre des intérêts de ses membres: détournement de l'intérêt syndical en faveur d'intérêts particuliers et partisans, méconnaissance de la démocratie sur le plan syndical, signature de conventions collectives au-delà de toute possibilité de les honorer, en particulier dans le secteur public, taux élevé de syndicalisation dans le secteur public et affiliation de travailleurs à des syndicats avec pour seul but d'être admis dans l'administration publique, traitement de faveur partisan en complicité avec les autorités publiques, énormes dettes accumulées qui n'ont jamais été reconnues dans les conventions collectives signées antérieurement (de 1975 à 1998, l'Etat devait à ses employés environ 13 millions de dollars), taux de syndicalisation dans le secteur privé pratiquement inexistant (3 pour cent); 250 000 travailleurs affiliés à des syndicats de base ou des syndicats au niveau national ne sont pas affiliés à un syndicat de niveau supérieur par absence de conditions minimales de crédibilité, d'autonomie et d'indépendance face aux intérêts particuliers, en plus d'un manque d'habilitation. Durant trente ans, les dirigeants de la CTV ont profité du financement de milliards de bolivars de la part de l'administration, tout en menant à la faillite à deux reprises la Banque des travailleurs du Venezuela ainsi que d'autres entreprises syndicales, sans jamais rendre de compte sur toutes ces dépenses. De plus, les dirigeants de la CTV ont accepté des changements dans la législation du travail au détriment de la classe ouvrière, par exemple, en matière d'indemnisation dans les cas de rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur ou en matière de sécurité sociale, suite à l'instauration d'un système privé tout à fait grotesque et contraire aux principes de l'OIT et des droits de l'homme en général. La CTV a déformé la réalité devant l'OIT, en laissant entendre qu'il existait des persécutions, sans présenter une seule preuve à l'appui de ces allégations (il n'y a eu aucun dirigeant syndical persécuté, assigné à résidence ou assassiné, et aucune organisation syndicale n'a été interdite) et elle a également fourni des informations fausses à la 14e Réunion régionale de l'OIT pour les Amériques à Lima en août 1999.
  7. 965. Par ailleurs, le gouvernement indique que, dans la plainte du 3 février 2000, la CISL a omis de joindre les décrets de l'Assemblée nationale et n'a pas démontré "qu'il n'y a pas eu de respect de l'accord entre les parties" et n'a donc pas apporté la preuve d'une violation de la liberté syndicale. De plus, le gouvernement n'a pas reçu copie de la demande du BIT à la CISL la priant de fournir des informations additionnelles et il ne sait pas si la CISL a répondu à cette demande.
  8. 966. Le gouvernement précise qu'en janvier 2000 il a présenté plusieurs projets de décrets à l'Assemblée nationale sur la question syndicale, qui se référaient à des avants-projets relatifs à des élections syndicales libres, à la démocratisation et à l'unification syndicale, lesquels ont été modifiés suite aux discussions avec les travailleurs; à cette occasion, la Commission des normes transitoires de l'Assemblée nationale est intervenue pour faciliter le dialogue, tout en respectant les décisions des organisations syndicales, la liberté syndicale et les droits de l'homme.
  9. 967. Le gouvernement fournit des explications concernant le processus d'élection de l'Assemblée nationale, ainsi que sur l'approbation du projet de nouvelle constitution par le peuple par voie de référendum le 15 décembre 1999. Le gouvernement cite par la suite les dispositions suivantes relatives aux droits de l'homme et à la liberté syndicale:
    • Article 23
    • Les traités, pactes et conventions relatifs aux droits de l'homme, auxquels a souscrit le Venezuela et qu'il a ratifiés, ont un rang constitutionnel et prévalent dans l'ordre interne, dans la mesure où ils contiennent des normes relatives à l'exercice de ces droits qui sont plus favorables que celles établies par la Constitution et la loi de la République; ils doivent être appliqués sans délai et directement par les tribunaux et autres organes des pouvoirs publics.
    • Article 31
    • Toute personne a le droit, en vertu des traités et conventions sur les droits de l'homme ratifiés par la République, de déposer plainte devant les organes internationaux compétents afin d'obtenir le respect de ses droits.
    • En vertu de la Constitution et des lois en vigueur, l'Etat adoptera les mesures nécessaires afin de donner effet aux décisions des organes internationaux prévus à cet article.
    • Article 95
    • Tous les travailleurs et travailleuses, sans distinction d'aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s'affilier ou de se désaffilier à ces organisations, afin de défendre leurs droits et intérêts, en conformité avec les lois en vigueur. Ces organisations ne sont pas sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative. Ces travailleurs bénéficient d'une protection contre les actes de discrimination antisyndicale ou d'ingérence contraire à l'exercice de ce droit. Les fondateurs et fondatrices de ces organisations ainsi que leurs dirigeants jouiront du droit d'inamovibilité professionnelle pendant toute la durée de leur mandat et ils assumeront leurs fonctions dans les conditions déterminées à cet effet.
    • En ce qui concerne l'exercice de la démocratie syndicale, les statuts et règlements des organisations syndicales établissent le principe selon lequel les mandats des membres des instances dirigeantes ne sont pas renouvelables et sont soumis au suffrage universel direct et secret. Les instances dirigeantes et les représentants et représentantes des syndicats qui abuseraient des avantages découlant de la liberté syndicale à des fins lucratives ou pour servir leurs intérêts personnels seront sanctionnés conformément à la loi. Les dirigeants et dirigeantes des organisations syndicales seront tenus de faire une déclaration de patrimoine assermentée.
  10. 968. Les articles de la Constitution mentionnée ci-dessus (23, 31 et 95), en plus des limites imposées à l'Assemblée nationale par les dispositions approuvées lors du référendum populaire du 25 avril 1999, constituent la garantie que l'Assemblée nationale ne peut poser des actes contraires aux conventions internationales ratifiées par le Venezuela, sous peine de les voir frappés de nullité. Ainsi, sur des bases de dialogue, de consensus et de participation, l'Assemblée nationale a été invitée à proposer et à adopter le décret sur les mesures visant à garantir la liberté syndicale.
  11. 969. S'agissant de ce décret, le gouvernement déclare que la Commission des normes transitoires de l'Assemblée nationale a entamé un processus de consultation, en date du 25 janvier 2000, avec les organisations représentatives de travailleurs, à savoir, la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV), la Confédération générale des travailleurs (CGT), la Confédération des syndicats autonomes (CODESA) et la Confédération unitaire des travailleurs du Venezuela (CUTV); de plus, dans un souci de pluralisme, de participation et de représentativité accrue, sans aucune forme de favoritisme, ont pleinement participé aux délibérations et aux processus décisionnel (en accord avec les confédérations syndicales CTV, CGT, CUTV et CODESA) les dirigeants du mouvement des travailleurs du Nouveau syndicalisme (NS) et le Front constituant des travailleurs (FCT), en plus des représentants des syndicats non affiliés aux confédérations; ces dernières organisations reflètent d'ailleurs un degré d'indépendance face aux confédérations traditionnelles et donnent une idée du degré de complexité du mouvement syndical vénézuélien des trente dernière années.
  12. 970. La Commission des normes transitoires s'est engagée à garantir des élections libres, démocratiques, universelles, directes et secrètes afin d'élire des nouveaux dirigeants syndicaux pour les travailleurs vénézuéliens.
  13. 971. L'objectif établi par l'Assemblée nationale et pour lequel tous les représentants de travailleurs étaient d'accord, ce qui a d'ailleurs été démontré puisque tous ces représentants ont participé de leur plein gré et sans aucune pression de la part du gouvernement ou de l'Assemblée nationale, était d'établir les accords sur lesquels reposeraient les bases de démocratie et de crédibilité du mouvement syndical vénézuélien.
  14. 972. La Commission des normes transitoires de l'Assemblée nationale a invité l'équipe multidisciplinaire de Lima à soumettre ses commentaires sur le projet de décret relatif à la démocratisation du mouvement syndical, et ce, afin d'élargir davantage le débat. Lors de cette réunion du 25 janvier 2000, ont été établies les bases d'un accord entre tous les acteurs du monde syndical qui étaient présents. Les parties ont conclu cet accord le 26 janvier 2000, après avoir discuté du processus de démocratisation du mouvement syndical. Les représentants de la CTV, de la CGT, du NS et du FCT, qui ont participé aux discussions, ont donc jeté les bases du décret sur la démocratisation du mouvement syndical qui s'est traduit par des mesures visant à garantir la liberté syndicale, approuvées le 28 janvier par l'Assemblée nationale et publiées par la suite dans le Journal officiel en date du 2 mars 2000 sous le numéro 36.904.
  15. 973. Si l'on compare le projet de décret envoyé au BIT par la Commission des normes transitoires (sur lequel des experts du Département des normes internationales du travail avaient formulé des commentaires techniques) et le décret approuvé et publié le 2 mars, il est permis de constater que le décret publié dans le Journal officiel est le résultat d'un dialogue et d'un accord signé le 26 janvier 2000 entre les différentes instances des organisations de travailleurs; cet accord a tenté de prendre en considération les avis exprimés par le BIT afin d'éviter les interventions prévisibles des organes de contrôle et afin de promouvoir des consultations avec les organisations de travailleurs les plus représentatives.
  16. 974. Le gouvernement indique que, suite à une erreur du secrétariat, le nombre de dirigeants de la Commission électorale a été établi à trois pour les représentants de la CTV et à quatre pour les autres organisations syndicales, en vertu de l'article 1 du décret approuvé par l'Assemblée nationale mais non publié dans le Journal officiel. Dans le contexte de pressions permanentes exercées par les organismes internationaux contre le gouvernement du Venezuela, suite à des allégations non fondées de violation de la liberté syndicale de la part de l'Assemblée nationale et du gouvernement, le Directeur général du BIT, M. Juan Somavia, a lancé un appel au ministre du Travail, le Dr Lino Antonio Martínez Salazar, afin de lui exprimer sa préoccupation face aux décrets mentionnés ci-dessus et qui pouvaient contrevenir aux principes de la liberté syndicale. Suite à cet appel, le ministre a immédiatement fait enquête et a tenté de trouver des solutions à travers le dialogue, en conformité avec les obligations internationales contractées par le Venezuela et en accord avec la politique de l'actuel gouvernement au pouvoir depuis le 2 février 1999. Ainsi, la décision a été prise de suspendre sans délai la publication dans le Journal officiel de tous les décrets et de ne pas publier le décret sur les affaires syndicales afin de s'assurer que ce décret ne comprenait pas d'élément venant à l'encontre des accords conclus avec les différents acteurs du monde syndical les 25 et 26 janvier 2000
  17. 975. Comme preuve additionnelle de la bonne volonté du gouvernement et de l'intérêt qu'il porte à la CTV, une réunion a eu lieu entre les représentants de la CTV, la direction de la Commission législative nationale, le ministre du travail et des anciens membres de l'Assemblée nationale, le samedi 5 février (à cette date la CISL avait déjà déposé sa plainte devant le BIT, plainte qui est devenue le cas no 2067), afin de trouver des alternatives pouvant mener à un consensus concernant les dispositions problématiques des décrets approuvés par l'Assemblée nationale. A cet égard, le secrétaire général de la CTV aurait déclaré "être satisfait de la suspension desdits décrets ainsi que de la modification apportée à l'article 1 du décret sur les mesures pour garantir la liberté syndicale, en accord avec le consensus qui avait été trouvé entre toutes les instances syndicales le 26 janvier dernier". Ceci démontre sans équivoque le consensus accepté par les représentants de la CTV, de la CGT, de la CUTV, du NS, du FCT et des autres organisations syndicales non affiliées à ces confédérations.
  18. 976. Les 15 et 16 février, suite à la demande du Directeur général du BIT et avec le consentement du gouvernement, une mission composée de MM. Victor Tockman, Directeur du Bureau régional du BIT pour les Amériques, Daniel Martínez, Directeur de l'équipe multidisciplinaire pour les pays de la région des Andes et Horacio Guido, spécialiste de la liberté syndicale au sein du Département des normes internationales du travail à Genève, s'est rendue dans le pays. La mission a eu des entretiens constructifs avec le ministre du travail et les autres autorités compétentes, réitérant à chaque occasion l'intention de trouver des solutions appropriées dans le cadre du dialogue, comme cela avait été le cas lors de l'élaboration des 350 articles de la Constitution. Durant ces entretiens, les autorités ont tenté de replacer le décret sur les mesures visant à garantir la liberté syndicale dans son contexte général et ont réaffirmé que la publication de ce décret refléterait avec justesse le processus de démocratisation et de re-légitimation du secteur public, auquel le secteur syndical ne pouvait échapper, et que ce processus était sans précédent dans l'histoire du pays. Les autorités ont déclaré que l'adoption de ce décret favoriserait un respect accru des normes nationales et internationales et améliorerait le processus de participation directe des travailleurs dans la paix et la démocratie. De plus, grâce au large consensus obtenu lors de la signature de l'accord du 26 janvier 2000, ledit décret permettrait une légitimation nouvelle du mouvement syndical et le début d'une vraie démocratie pour ce mouvement.
  19. 977. Selon le gouvernement, il apparaît étrange que la CISL ait déposé une plainte contre le Venezuela en date du 3 février 2000 alors qu'au même moment elle avait des entretiens en Europe avec le président de la CTV, M. Federico Ramírez León, ce qui explique par ailleurs pourquoi ce dernier n'a pas participé aux accords des 25 et 26 janvier. Huit jours avant le dépôt de la plainte par la CISL, des représentants de la CTV, soit MM. Carlos Navarro, secrétaire général, Emil Guevara, directeur des droits syndicaux, Pablo Castro, membre du comité exécutif et Freddy Iriarte, directeur de l'embauche et de la résolution des conflits, ont signé les accords des 25 et 26 janvier.
  20. 978. Encore plus surprenant est le soutien apporté à la plainte par MM. Carlos Navarro et Pablo Castro, en date du 22 août 2000, associant ainsi la CTV à cette plainte, cinq mois après avoir signé les accords qui ont mené l'Assemblée nationale à adopter le décret sur les mesures visant à garantir la liberté syndicale.
  21. 979. Le gouvernement insiste également sur la preuve irréfutable du consensus accepté par les syndicats les 25 et 26 janvier 2000, et qui a mené ultérieurement à l'adoption du décret, en soulignant les passages écrits les plus importants émanant des représentants de la CTV, de la CUTV, de la CGT, du NS, du FCT et de la CODESA. Ces passages ont été lus par le Vice-président de l'Assemblée nationale lors du débat ayant mené à l'adoption de l'accord signé par la CTV, la CGT, le NS et le FCT le 26 janvier 2000.
  22. 980. Il apparaît de la documentation soumise par le gouvernement qu'au cours des discussions ayant mené à l'adoption par l'Assemblée nationale du décret visant à garantir la liberté syndicale, plusieurs fédérations syndicales n'étaient pas en faveur de l'imposition d'une confédération syndicale unique. Certaines organisations ont souhaité plus de transparence au sein du mouvement syndical; d'autres ont estimé que le processus de réforme devrait s'effectuer au niveau des affiliés et non au niveau de tous les travailleurs; une organisation s'est opposée à un processus électoral unifié; une nouvelle fédération syndicale a sévèrement critiqué la CTV et le fait que les mêmes dirigeants syndicaux étaient au pouvoir depuis trente/quarante ans et s'étaient enrichis de façon illégale (à cet égard, une fédération a souhaité l'ouverture d'une enquête sur cette question). Cependant, toutes les fédérations sont tombées d'accord sur la nécessité de réformer, de moderniser et de démocratiser le mouvement syndical. Une fédération a même souhaité inclure les travailleurs non syndiqués dans ce processus. Les organisations syndicales ont par ailleurs demandé l'assistance technique et logistique de la Commission électorale nationale. Le gouvernement explique également que les fédérations syndicales ont signé un accord et que, par la suite, la CODESA s'est abstenue de signer le projet de décret. Le gouvernement ajoute que ce changement d'attitude de la part des syndicats ne résulte pas d'une absence d'accord de leur part mais résulte plutôt de leur incapacité à faire prévaloir l'intérêt général des travailleurs sur leur propre intérêt partisan. En conséquence, et tel que souhaité par le mouvement syndical, le projet de décret sur les mesures visant à garantir la liberté syndicale, adopté par l'Assemblée nationale le 28 janvier 2000 et publié dans le Journal officiel sous le no 36.904 le 2 mars 2000 n'a jamais été et ne sera jamais appliqué en pratique suite à l'attitude des organisations syndicales concernées.
  23. 981. Le gouvernement indique que le 21 octobre 2000, la convention collective pour le secteur pétrolier a été enregistrée grâce aux efforts de conciliation du ministère du Travail, suite à un conflit de travail et notamment suite à une grève, qui s'est terminée par la signature le 14 octobre 2000 de ladite convention collective. Enfin, le gouvernement insiste sur son intention de pleinement respecter les conventions nos 87 et 98.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 982. Le comité note avec une profonde préoccupation la gravité des allégations présentées dans ce cas: 1) la promulgation de décrets et de normes qui, selon les plaignants, constituent une violation aux conventions nos 87 et 98, et l'existence de projets de loi qui limitent gravement les droits consacrés dans ces conventions; 2) la convocation et la tenue, par les autorités, d'un référendum visant à imposer l'unicité syndicale, à destituer toutes les instances dirigeantes et à substituer les centrales syndicales existantes par une organisation favorable au gouvernement, qui a joué un grand rôle dans sa constitution; 3) les autorités mènent une campagne de harcèlement, de discrédit, d'insultes et d'intimidation contre la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV), qui est la centrale syndicale la plus représentative, dans le but de la détruire ainsi d'ailleurs que de détruire les autres centrales; 4) l'interdiction, pour la troisième fois consécutive, de tenir des élections syndicales; 5) la suspension de la négociation collective dans le secteur du pétrole et la tenue de "consultations" directes auprès des travailleurs concernant les conditions de travail, afin d'arriver à une "convention moderne"; 6) l'octroi, à l'exécutif, de la faculté de fixer les conditions qui régiront la convention collective dans le secteur public; et 7) le transfert des dirigeants syndicaux de SINOLAN en violation de la convention collective.
  2. 983. En premier lieu, le comité déplore que le gouvernement n'ait pas répondu à toutes les allégations.
  3. 984. Le comité prend note des déclarations du gouvernement selon lesquelles: 1) le mouvement syndical continue d'être monopolisé par des instances dirigeantes issues de l'état major des partis qui dominent d'une manière autoritaire, exclusive et hégémonique la scène politique, et qui imposent les règles du jeu afin que les syndicats ne soient plus que les instruments des partis; 2) ces instances dirigeantes syndicales ont manipulé la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV), l'ont détournée de l'essence véritable de l'activité syndicale, ont fait fi des intérêts de la classe ouvrière et se sont enrichies d'une manière illicite à ses dépends; 3) c'est au peuple vénézuélien qu'il incombe de décider (et c'est là l'objet du référendum) si ces instances dirigeantes doivent rester ou s'en aller; 4) il n'est pas question de substituer un mouvement syndical à un autre mais plutôt d'instaurer une véritable liberté syndicale; et 5) le référendum du 3 décembre 2000 s'est effectué dans le cadre de la Constitution. Le comité prend note de la communication du 8 février 2001 dans laquelle le gouvernement critique fermement le mouvement syndical et ses dirigeants qui ont fait preuve de corruption depuis trente ans. Le comité observe également que le gouvernement invoque l'absence de preuve concernant les allégations des organisations plaignantes et que ces dernières n'ont même pas jugé nécessaire d'envoyer lesdits décrets. Toutefois, le comité rappelle que le présent cas concerne des allégations relatives à des mesures récentes contraires à la liberté syndicale, que le gouvernement a reçu copie de toutes les communications des organisations plaignantes et que le texte des décrets de l'Assemblée nationale est de caractère public. Le comité estime que l'objectif de réforme du mouvement syndical, avec lequel selon la documentation transmise par le gouvernement les centrales syndicales sont d'accord, ne peut s'effectuer à l'aide de mesures incompatibles avec les conventions nos 87 et 98.
  4. 985. A cet égard, le comité souhaite signaler que, devant les critiques du gouvernement face au mouvement syndical, lorsque les affiliés d'une organisation syndicale estiment que cette organisation fait fi de leurs intérêts, ils disposent dans toutes les sociétés libres et démocratiques de divers moyens pour exprimer leur réprobation: désaffiliation, élection de nouvelles instances dirigeantes, modification des statuts syndicaux ou autodissolution de l'organisation. Le comité rappelle que, selon les articles 2 et 3 de la convention no 87, les travailleurs ont le droit de constituer des organisations de leur choix et ces dernières (à travers leurs affiliés) celui d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leurs activités, tandis que les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal. A cet égard, observant la teneur du référendum du 3 décembre 2000, le comité ne saurait accepter que les autorités prennent des mesures visant le renouvellement des instances dirigeantes des syndicats car, aux termes de la convention no 87, cette initiative n'est pas de leur ressort, et moins encore lorsque le référendum imposé par les autorités, ciblant tous les électeurs (et non pas seulement les affiliés des syndicats) envisage la suspension générale de toutes les instances dirigeantes de toutes les centrales, fédérations et confédérations ainsi que l'imposition du caractère non renouvelable des mandats, c'est-à-dire du fait que ces dirigeants ne pourraient plus l'être dorénavant.
  5. 986. Le comité déplore d'autant plus cette situation que ce processus est allé de pair avec un grand nombre de déclarations antisyndicales de la part des autorités aux moyens de communication; ces expressions de nature agressive et hostile à l'encontre de la CTV ont forcément eu l'effet d'intimidations et elles présentent un caractère générique alors que, comme le signalent les plaignants, à ce jour aucun procès n'a été entamé à l'encontre des dirigeants syndicaux, ni aucune condamnation prononcée contre eux. Par ailleurs, en ce qui concerne la neutralité supposée des intentions du gouvernement dans ce référendum, le comité observe, d'après la documentation et les coupures de presse qui lui ont été envoyées par le plaignant, que le Président de la République a participé aux journées de la "Fuerza bolivariana de trabajadores" (FBT), nouveau mouvement émergeant favorable au gouvernement, au cours desquelles il a attaqué la Confédération des travailleurs du Venezuela d'une manière qui donne à penser que son hostilité à l'égard de la CTV est en fait motivée par sa préférence pour la FBT. Cette hypothèse est confirmée en outre par les mesures prises par les autorités publiques pour réunifier le mouvement syndical, comme l'indique expressément le décret du 12 août 1999. Le comité estime que cette situation est incompatible avec les principes de la liberté syndicale et souligne que ce référendum constitue une éminente violation de ces principes. De l'avis du comité, le fait que le gouvernement indique que les centrales syndicales qui étaient parvenues à un accord ont par la suite changé d'avis concernant la réforme syndicale, ne permet pas de modifier ses conclusions.
  6. 987. Par ailleurs, le comité déplore que les autorités aient interdit la tenue d'élections syndicales pour la troisième fois consécutive, et qu'en violation de l'article 4 de la convention no 98 elles aient suspendu durant plusieurs mois la négociation collective dans le secteur du pétrole en invoquant un supposé état d'urgence national (bien que suite au conflit de travail, une convention collective ait été signée le 21 octobre 2000) et que les entreprises aient prétendu négocier directement avec les travailleurs en marge de leurs organisations syndicales. Le comité déplore également le manque de respect des autorités à l'égard de la délégation de la CISL qui s'est rendue dans le pays à la fin de novembre 2000.
  7. 988. Le comité souhaite attirer l'attention du gouvernement sur certains principes et en particulier souligner qu'"en favorisant ou en défavorisant une organisation donnée par rapport aux autres, un gouvernement pourra influencer le choix des travailleurs en ce qui concerne l'organisation à laquelle ils entendent appartenir" [voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 304]; il fait aussi observer que les pressions exercées par les autorités sur les travailleurs par le biais des déclarations publiques contre une organisation syndicale constituent une violation de l'article 2 de la convention no 87. Quoi qu'il en soit, l'unicité du mouvement syndical ne doit pas être imposée par une intervention de l'Etat par voie législative, car celle-ci irait à l'encontre des principes de la liberté syndicale [voir Recueil, op. cit., paragr. 289]; ce sont les organisations de travailleurs qui doivent déterminer la structure du mouvement syndical, et il est inadmissible que les travailleurs non affiliés participent à la modification de cette structure.
  8. 989. Par ailleurs, le comité souligne fermement que c'est aux organisations de travailleurs et d'employeurs qu'il incombe de déterminer les conditions régissant l'élection de leurs dirigeants syndicaux et les autorités devraient s'abstenir de toute ingérence indue dans l'exercice du droit des organisations de travailleurs et d'employeurs d'élire librement les représentants, droit qui est garanti par la convention no 87.
  9. 990. Dans ces conditions, tenant compte des conclusions exprimées ci-dessus et du fait que certaines allégations sont restées sans réponse, le comité prie instamment le gouvernement et les autorités de mettre un terme sans délai aux violations réitérées des conventions nos 87 et 98 qui se produisent dans le pays et il leur demande notamment:
  10. 1) d'abandonner l'idée d'imposer ou de favoriser de quelque manière que ce soit le monopole et l'unicité syndical, étant donné que l'un ou l'autre doit refléter la volonté des travailleurs affiliés;
  11. 2) de déclarer sans effet les résultats du référendum du 3 décembre 2000 et de s'abstenir de destituer les dirigeants syndicaux élus;
  12. 3) de s'abstenir de faire des déclarations hostiles à l'encontre de la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV);
  13. 4) de conserver leur neutralité vis-à-vis de l'ensemble des organisations syndicales et de s'abstenir de tout traitement discriminatoire, notamment à l'encontre de la CTV;
  14. 5) de permettre aux organisations syndicales de tenir leurs élections lorsqu'elles le désirent dans le cadre du respect des statuts syndicaux et d'abolir les fonctions de la Commission nationale électorale en matière d'élections syndicales;
  15. 6) d'assurer à l'avenir que les principes de la négociation collective soient respectés dans le secteur pétrolier et que toute négociation directe entre l'entreprise et les travailleurs ne vienne pas affaiblir la position des organisations syndicales;
  16. 7) de cesser de recourir à la pratique qui consiste à soumettre au jugement des travailleurs non affiliés la résolution des questions de nature syndicale;
  17. 8) de respecter à l'avenir les délégations que le mouvement syndical international enverra dans le pays;
  18. 9) d'annuler le transfert des dirigeants syndicaux de SINOLAN qui constitue une violation de la convention collective.
  19. 991. Quant aux allégations relatives à la législation, le comité a pris note des commentaires de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations lors de sa réunion de décembre 2000, et il s'y associe pleinement. Ces commentaires sont les suivants:
    • La commission note avec préoccupation que la nouvelle Constitution de décembre 1999 contient des dispositions qui ne sont pas conformes à celles de la convention:
    • Article 95
    • "Les statuts et règlements des organisations syndicales indiqueront que les mandats des membres de leurs instances dirigeantes ne sont pas renouvelables et qu'ils sont soumis au suffrage universel, direct et secret". La commission rappelle que, conformément à l'article 3 de la convention, les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs et d'élire librement leurs représentants. Par conséquent, imposer par la voie législative le caractère non renouvelable des mandats des membres des instances dirigeantes d'un syndicat constitue un grave obstacle à l'exercice des garanties consacrées par la convention.
    • Article 293
    • L'autorité électorale a pour fonction d'organiser les élections des syndicats, des corporations professionnelles et des organisations à but politique en fonction de ce que la loi établit; huitième disposition transitoire. En attendant la promulgation des nouvelles lois électorales prévues par la Constitution, les élections seront fixées, organisées, dirigées et supervisées par le Conseil national électoral (en vertu du décret, publié dans le Journal officiel, n° 36.904 du 2 mars 2000 sur les mesures visant à garantir la liberté syndicale, les membres de la Commission électorale ont été nommés et leurs fonctions précisées, entre autres celle de rechercher l'unification syndicale et de trancher les questions relatives à l'affiliation aux organisations de travailleurs). A ce sujet, la commission estime que la réglementation des procédures et modalités d'élection de dirigeants syndicaux doit correspondre aux statuts des syndicats et non à un organisme extérieur aux organisations de travailleurs. De plus, la commission estime que la question de l'unicité syndicale ou de la qualité des membres des syndicats doit être examinée par les organisations syndicales et, en aucune façon, faire l'objet de décisions imposées par la loi, ce qui constitue une des violations les plus graves que l'on puisse imaginer de la liberté syndicale.
    • Cela étant, la commission prie le gouvernement de prendre des mesures pour modifier les dispositions constitutionnelles susmentionnées et pour abroger le décret, publié dans le Journal officiel, no 36.904 du 2 mars 2000 sur les mesures visant à garantir la liberté syndicale. En outre, elle le prie de l'informer dans son prochain rapport de toute mesure adoptée à cet égard.
    • Enfin, la commission prend note avec une profonde préoccupation des avant-projets de loi relatifs à la protection des garanties et de la liberté syndicale, et aux "droits démocratiques" des travailleurs dans leurs syndicats, fédérations et confédérations, lesquels comportent des dispositions qui sont contraires aux garanties prévues dans la convention. La commission prend également note d'un accord conclu au sein de l'Assemblée nationale en vue de l'organisation d'un référendum national syndical le 3 décembre 2000, qui vise à unifier le mouvement syndical et à suspendre ou destituer les dirigeants syndicaux en place. Cette mesure constitue une intervention extrêmement grave dans les affaires internes des organisations syndicales et est totalement incompatible avec les exigences de l'article 3 de la convention.
  20. 992. Par ailleurs, le comité observe que, dans les décrets de l'Assemblée nationale, le mouvement syndical est accusé de malversations des finances syndicales, et que l'ordre a été donné aux organes du pouvoir public d'ouvrir des enquêtes sur les délits et les actes contraires à la morale et aux intérêts économiques des travailleurs qui auraient été accomplis par les dirigeants, de vérifier l'origine de leur fortune et de prendre les mesures de prudence nécessaires. A cet égard, les jugements de valeur prononcés sur les dirigeants syndicaux en fonction, l'accusation générique portée contre eux concernant des délits et des actes immoraux et l'ordre d'enquêter sur leur patrimoine, sont contraires à la présomption d'innocence et reflètent un harcèlement inacceptable qui ne peut qu'avoir l'effet d'une intimidation. Toutefois, le comité observe que, selon le gouvernement, suite à l'intervention du Directeur général du BIT, la décision a été prise de suspendre avec effet immédiat la publication desdits décrets et notamment celui relatif à la liberté syndicale. Le comité prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle il n'a jamais appliqué et n'appliquera jamais le décret en question (no 36.904) du 2 mars 2000 puisque les centrales syndicales, après avoir donné leur accord préalable concernant ce décret, se sont par la suite rétractées.
  21. 993. Le comité exige que le gouvernement prenne des mesures pour abroger ou modifier formellement les normes et décrets en matière syndicale contraires aux conventions nos 87 et 98, adoptés depuis l'arrivée du nouveau gouvernement. Selon les plaignants, ces normes et décrets auraient été adoptés sans que soit respecté le compromis, reflet du consensus atteint sur la matière couverte par ces décrets. Le comité exige également du gouvernement qu'il prenne des mesures pour que le projet de loi visant la protection des garanties et libertés syndicales et le projet de loi relatif aux droits démocratiques des travailleurs, qui contiennent des limitations aux droits syndicaux incompatibles avec les conventions nos 87 et 98 soient retirés. Le comité attire l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 994. Compte tenu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité souligne avec une profonde préoccupation la gravité des allégations et déplore que le gouvernement n'ait pas répondu à toutes les allégations.
    • b) Le comité demande instamment au gouvernement et aux autorités de mettre sans délai un terme aux violations réitérées des conventions nos 87 et 98 qui se produisent dans le pays, et notamment:
  2. 1) d'abandonner l'idée d'imposer ou de favoriser de quelque manière que ce soit le monopole et l'unicité syndicale, étant donné que l'un ou l'autre doit refléter la volonté des travailleurs affiliés;
  3. 2) de déclarer sans effet les résultats du référendum du 3 décembre 2000 et de s'abstenir de destituer les dirigeants syndicaux élus;
  4. 3) de s'abstenir de faire des déclarations hostiles à l'encontre de la Confédération des travailleurs du Venezuela;
  5. 4) de conserver leur neutralité vis-à-vis de l'ensemble des organisations syndicales et de s'abstenir de tout traitement discriminatoire, notamment à l'encontre de la CTV;
  6. 5) de permettre aux organisations syndicales de tenir leurs élections lorsqu'elles le désirent dans le cadre du respect des statuts syndicaux et d'abolir les fonctions de la Commission nationale électorale en matière d'élections syndicales;
  7. 6) d'assurer dans l'avenir que les principes de la négociation collective soient respectés dans le secteur pétrolier et que toute négociation directe entre l'entreprise et les travailleurs ne vienne pas affaiblir la position des syndicats;
  8. 7) de cesser de recourir à la pratique qui consiste à soumettre au jugement des travailleurs non affiliés la résolution des questions de nature syndicale;
  9. 8) de respecter à l'avenir les délégations que le mouvement syndical international enverra dans le pays;
  10. 9) d'annuler le transfert des dirigeants syndicaux de SINOLAN, qui constitue une violation de la convention collective.
    • c) Le comité exige que le gouvernement prenne des mesures pour abroger formellement ou modifier substantiellement les normes et décrets en matière syndicale qui sont contraires aux conventions nos 87 et 98, adoptés depuis l'arrivée du nouveau gouvernement. Selon les plaignants, ces normes et décrets auraient été adoptés sans que soit respecté le compromis, reflet du consensus atteint sur la matière couverte par ces décrets. Le comité exige également du gouvernement qu'il prenne des mesures pour que le projet de loi visant la protection des garanties et libertés syndicales et le projet de loi relatif aux droits démocratiques des travailleurs, qui contiennent des limitations aux droits syndicaux incompatibles avec les conventions nos 87 et 98, soient retirés.
    • d) Le comité prie le gouvernement de l'informer, pour sa session de mai-juin, des mesures qu'il aura prises dans le sens requis et il attire l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas.
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