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- 842. Le comité a examiné ce cas à ses réunions de mars 2002 et juin 2003, et présenté à ces deux occasions un rapport provisoire. [Voir 327e rapport, paragr. 525 à 547, et 331e rapport, paragr. 396 à 415, approuvés par le Conseil d’administration lors de ses 283e et 287e réunions en mars 2002 et juin 2003, respectivement.]
- 843. Le gouvernement a adressé de nouvelles observations dans des communications des 16 septembre 2003 et 13 avril 2004.
- 844. L’Equateur a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas- 845. Lorsqu’il a examiné ce cas à sa réunion de juin 2003, le comité a formulé les recommandations suivantes concernant les questions restées en suspens [voir 331e rapport, paragr. 415]:
- a) Le comité demande au gouvernement de lui communiquer le rapport de l’inspection du travail sur les allégations relatives à des pressions exercées par l’entreprise COSMAG sur les travailleurs, pour qu’ils renoncent à leur affiliation au syndicat, et pour empêcher ainsi l’enregistrement du syndicat en formation, dont le nombre des membres est inférieur au minimum légal requis.
- b) Le comité demande au gouvernement de lui communiquer le texte mis à jour de la loi de promotion de l’investissement et de participation des citoyens.
- [Selon les plaignants, les articles 190 et 191 permettent à l’employeur de négocier un pacte collectif avec les travailleurs, sans exiger qu’ils soient membres d’un syndicat.]
- c) S’agissant des allégations relatives à l’article 94 de la loi sur la transformation économique qui prévoit une «unification salariale», le comité demande aux organisations plaignantes d’indiquer spécifiquement en quoi l’application de cette disposition viole les droits syndicaux. Le comité demande également au gouvernement de préciser sa position en fournissant à cet égard de plus amples renseignements.
- d) Le comité demande à nouveau au gouvernement de lui communiquer ses observations sur les allégations relatives à l’Hôtel Chalet Suisse.
- [Les allégations se réfèrent à la non-convocation par l’autorité administrative du tribunal de conciliation et d’arbitrage, suite à la demande déposée par le comité d’entreprise des travailleurs de l’Hôtel Chalet Suisse.]
- e) Le comité demande au gouvernement de lui faire savoir si les 11 dirigeants syndicaux de l’IESS (Roberto Checa, Ana Herrera, Marlene Cartagena, José Ortiz, Gloria Correa, Wilson Salguero, Lenín Villalba, Bolívar Cruz Vásquez, Judith Chuquer, Angel López et Adolfo Nieto) sont victimes de poursuites pénales et, dans l’affirmative, de lui faire connaître les motifs d’accusations et les charges qui leur sont imputés. De même, le comité demande au gouvernement de lui faire connaître toute décision ou jugement prononcé à cet égard.
- B. Nouvelle réponse du gouvernement
- 846. Dans ses communications des 16 septembre 2003 et 13 avril 2004, le gouvernement déclare que les travailleurs de l’entreprise COSMAG ont expressement renoncé en 2000 à leur intention de se syndiquer; il y a même eu des actes volontaires de cessation (cessation de la relation de travail aux termes d’un accord entre les parties) sans que, pour autant que l’on sache, des anciens travailleurs de l’entreprise COSMAG aient présenté collectivement ou individuellement un recours administratif ou judiciaire pour exiger que l’on respecte ou que l’on cesse de transgresser un droit quelconque. Le ministère du Travail s’est limité à suivre la procédure administrative prévue pour l’admission des organisations syndicales, au cours de laquelle il a constaté que le nombre minimum de membres n’était pas atteint, outre le fait que certains des travailleurs concernés avaient été embauchés à l’essai et qu’ils n’étaient donc pas restés assez longtemps dans l’entreprise pour confirmer leur demande de création d’une organisation syndicale. Ainsi qu’il ressort du rapport d’inspection, une rencontre a eu lieu avec quatre des travailleurs précédemment intéressés à se syndiquer et, de la même façon, et en leur présence, l’employeur a été informé sur la liberté syndicale et l’obligation de non-ingérence dans les affaires syndicales, de sorte que si l’intention d’une syndicalisation se manifeste de nouveau dans l’avenir on devra procéder selon la loi. Le gouvernement transmet un rapport de l’inspection du travail, un document signé du dirigeant de l’entreprise (tous deux datés de mars 2003), plus une copie de six documents de cessation de quatre contrats d’embauche à l’essai.
- 847. Dans le cas des allégations relatives à l’Hôtel Chalet Suisse, le gouvernement signale que l’autorité s’est limitée à appliquer la loi et que les relations entre travailleurs et employeurs dépendent du lien contractuel établi dans le cadre de la loi. Il a été en l’occurrence constaté que les travailleurs eux-mêmes en conflit interne se sont déclarés entre eux incompétents en tant que représentants et ont même exprimé explicitement devant l’administration du travail leur renoncement à l’action collective dans leur majorité; la partie qui a engagé l’action administrative n’a fait connaître aucun motif, vu qu’elle ne s’est pas présentée devant l’administration du travail pour exposer son argumentation juridique, ainsi qu’il ressort du rapport du 14 septembre 2000 de la Direction du travail de Quito; dans ces circonstances, le ministère ne peut donner suite à l’affaire puisqu’il a été reçu une demande expresse d’annulation de la pétition collective revêtue des signatures correspondantes, et qu’il n’existe pas de contradicteur légitime. Le gouvernement joint une communication d’août 2000 signée par les travailleurs de l’Hôtel Chalet Suisse, dans laquelle ces derniers indiquent que la pétition collective a été présentée sans qu’ils aient été consultés et demandent le classement de cette pétition. Le gouvernement joint aussi un rapport de la Direction générale du travail datée du 14 septembre 2000 dans lequel il est constaté que les auteurs de la réclamation collective n’ont pas comparu bien qu’ils aient été invités et convoqués à une réunion sur la communication d’août susmentionnée.
- 848. Concernant l’article 94 de la loi de transformation économique de l’Etat, le gouvernement déclare qu’elle ne contrevient pas aux principes fondamentaux des travailleurs et qu’elle vise uniquement à uniformiser les éléments de la rémunération, vu qu’ont été créées durant des années, au cours des deux dernières décennies, diverses indemnités à caractère général et, dans certains cas, uniquement dans le cadre institutionnel ou local, sans que ces primes influent sur la rémunération de base; par conséquent, la seule chose que l’on a cherché à faire, c’est d’intégrer ces éléments à la rémunération, pour former une masse salariale unique, et débloquer les ressources budgétaires nécessaires pour pouvoir payer les agents publics, sans pour autant toucher au montant des rémunérations versées jusque-là. Cette unification des rémunérations n’a aucunement pour objet de restreindre la négociation ni les augmentations de salaire qui peuvent être obtenues dans le secteur privé par le biais de la négociation collective. L’article 94 de la loi mentionnée dit ceci: «UNIFICATION DES REMUNERATIONS – Dès l’entrée en vigueur de la présente loi, seront unifiés et intégrés aux rémunérations perçues par les travailleurs du secteur privé du pays les montants correspondant aux quinzième et seizième mois, en vertu de quoi lesdites primes ne seront plus versées dans le secteur privé.»
- 849. Le gouvernement remet à l’OIT le texte de la loi de promotion de l’investissement et de participation des citoyens, en signalant qu’elle ne contrevient pas aux principes relatifs aux droits des travailleurs. L’article 190 de cette loi se substitue à l’article 224 du Code du travail, qui disait ceci:
- Art. 224 – On entend par contrat ou accord collectif l’accord passé entre un ou plusieurs employeurs et une ou plusieurs associations de travailleurs légalement constituées, selon le cas, dans le but de fixer les conditions ou les bases en vertu desquelles seront conclus les contrats individuels de travail prévus dans l’accord.
- L’article 191 de la loi supprime l’article 225 du Code du travail, qui disait ceci:
- Art. 225 – L’employeur qui engagera au moins quinze travailleurs membres d’une association sera tenu de conclure un contrat collectif lorsque cette dernière le lui demandera. Lorsqu’il existera un comité d’entreprise, il incombera à la direction du comité de représenter les travailleurs dans le cadre du contrat collectif. En l’absence d’un tel comité, la représentation des travailleurs dépendra de ce qu’aura décidé l’association contractante, conformément à ses statuts.
- Le gouvernement joint un jugement de la Cour constitutionnelle dans lequel elle déclare l’inconstitutionnalité de l’article 190.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 850. Le comité note que le présent cas concerne: 1) les pressions que la société COSMAG aurait exercées en l’an 2000 pour que les travailleurs quittent le syndicat, empêchant ainsi l’enregistrement du syndicat en voie de formation faute d’atteindre le nombre minimum légal de membres; 2) les articles 190 et 191 de la loi de promotion de l’investissement qui, selon les plaignants, permettent des négociations collectives avec des travailleurs non syndiqués; 3) l’article 94 de la loi sur la transformation économique de l’Etat, qui limiterait les négociations salariales.
- 851. Concernant les pressions alléguées que l’entreprise COSMAG aurait exercées en 2000 pour que les travailleurs quittent le syndicat, empêchant ainsi l’enregistrement du syndicat en formation faute d’atteindre le nombre minimum légal de membres, le comité prend note des indications suivantes fournies par le gouvernement: 1) aucun travailleur n’a engagé d’action en justice sur cette question; 2) certains travailleurs avaient été embauchés à l’essai et, de ce fait, ne sont pas restés dans l’entreprise et n’ont pas confirmé leur demande de création d’une organisation syndicale; 3) quatre des travailleurs intéressés par la création d’un syndicat sont restés dans l’entreprise. Selon un document d’inspection (mars 2003), le directeur actuel a indiqué que la majorité des travailleurs organisés avaient été abusés par leur supérieur, lequel leur avait fait signer des feuilles en blanc qui ont ensuite servi à constituer le syndicat, et que l’entreprise ne s’est jamais opposée à la liberté syndicale. Dans un rapport daté de mars 2003, l’inspection du travail présente les conclusions suivantes:
- S’il est vrai que M. Mayor José Cano (actuellement directeur général de l’entreprise) affirme que les travailleurs ayant constitué une organisation ont décidé de démissionner de l’entreprise, ce qui explique qu’il n’en reste aujourd’hui plus que quatre, et s’il est clair qu’ainsi le syndicat n’a pu être légalement reconnu faute d’avoir atteint le nombre minimum de membres prescrit par la loi il semble toutefois curieux que, après être allés jusqu’à annoncer la formation d’une organisation syndicale, tous les travailleurs se soient retirés brutalement; dans ces circonstances, il n’est pas possible aujourd’hui de savoir ce qui s’est passé exactement, lesdits travailleurs n’étant plus dans l’entreprise, et étant donné qu’il existe pour ces travailleurs des déclarations «pour solde de tout compte» rédigées dans les formes et détaillées, comme le prévoit l’article 592 du Code du travail.
- De même, il ressort des documents fournis par le gouvernement que six travailleurs ont mis fin à leur relation avec l’entreprise par un accord mutuel (la majorité d’entre eux en décembre 2000) et que quatre autres travailleurs avaient signé un contrat de travail à l’essai daté de 1995 (pour deux d’entre eux), de 1998 (pour l’un d’entre eux) et de 2000 (pour l’un d’entre eux).
- 852. Dans ces conditions, compte tenu du fait que l’explication donnée par le nouveau directeur de l’entreprise sur les allégations n’a pas été retenue par l’inspection du travail, le comité n’exclut pas que, en 2000, à la suite de pratiques antisyndicales, le syndicat en formation ait été privé du nombre minimum légal de membres nécessaire à son enregistrement. Les faits remontant à l’an 2000, il serait difficile de réintégrer les travailleurs congédiés, d’autant plus que le rapport de l’inspection du travail semble indiquer que l’on ne connaît pas le domicile des intéressés. Le comité demande toutefois au gouvernement de s’assurer que nul ne fait l’objet de discrimination dans l’emploi en raison de son affiliation ou de ses activités syndicales légitimes, présentes ou passées et rappelle que, lorsqu’un gouvernement s’est engagé à garantir par des mesures appropriées le libre exercice des droits syndicaux, cette garantie, pour être réellement efficace, devrait, s’il est besoin, être assortie de mesures comportant la protection des travailleurs contre tout acte de discrimination antisyndicale en matière d’emploi. Ce principe revêt une importance particulière quand des actes de discrimination font obstacle à l’enregistrement d’un syndicat. Le comité demande donc au gouvernement de faire tous les efforts voulus pour localiser les travailleurs en question afin qu’ils puissent être réintégrés dans l’entreprise ou, si cela s’avère impossible, qu’ils reçoivent une indemnisation adéquate.
- 853. Concernant l’allégation relative à l’Hôtel Chalet Suisse (non-convocation du Tribunal de conciliation et d’arbitrage par l’autorité administrative en vertu de la demande effectuée par l’organisation syndicale à la suite de la présentation d’un contrat collectif), le comité prend note de la déclaration du gouvernement et des documents joints selon lesquels: 1) les travailleurs intéressés n’ont pas été consultés sur la demande de l’organisation syndicale et ont émis le souhait que ladite demande ou pétition syndicale soit classée; 2) les signataires de la ladite demande ne se sont pas présentés devant l’autorité administrative lorsqu’elle les a convoqués en 2002 à propos de la demande de classement formulée par les travailleurs intéressés.
- 854. Concernant l’allégation relative à l’article 94 de la loi de transformation économique de l’Etat (dont le texte est reproduit par le gouvernement dans sa réponse), le comité prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle cette disposition ne restreint pas la négociation d’augmentations de salaires mais vise à unifier les éléments de la rémunération. Le comité comprend que cette disposition a pour but de simplifier la fixation des rémunérations des travailleurs et que, si elle n’interdit pas d’augmenter les rémunérations, elle semble néanmoins interdire les augmentations salariales supplémentaires en fonction de critères spécifiques.
- 855. Concernant l’allégation relative aux articles 190 et 191 de la loi de promotion de l’investissement et de participation des citoyens (qui, selon les plaignants, permettent les négociations collectives avec des travailleurs non syndiqués), dont le texte est joint à la réponse du gouvernement, le comité prend note du fait que la Cour constitutionnelle a déclaré l’article 190 inconstitutionnel au motif qu’il contrevient au principe de garantie constitutionnelle de la négociation collective et à la convention no 98, et que l’article 191 annule purement et simplement l’article 225 du Code du travail. En conséquence, le comité prie le gouvernement de modifier l’article 190 en question afin de le mettre en conformité avec les conventions nos 87 et 98 ratifiées par l’Equateur. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 856. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité demande au gouvernement de garantir que nul ne fait l’objet de discrimination dans l’emploi en raison de son affiliation ou de ses activités syndicales légitimes, présentes ou passées. Le comité demande au gouvernement de faire les efforts voulus pour localiser les travailleurs victimes d’actes de discrimination, afin qu’ils puissent être réintégrés dans la société COSMAG ou, si cela s’avère impossible, qu’ils reçoivent une indemnisation adéquate.
- b) Le comité prie le gouvernement de modifier l’article 190 de la loi sur la promotion de l’investissement et la participation citoyenne (déclarée inconstitutionnelle par la Cour constitutionnelle) afin de le mettre en conformité avec les conventions nos 87 et 98, ratifiées par l’Equateur. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.