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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 332, Novembre 2003

Cas no 2221 (Argentine) - Date de la plainte: 30-SEPT.-02 - Clos

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  1. 211. La plainte figure dans une communication du Syndicat des vendeurs de journaux et revues de la capitale fédérale et du Grand Buenos Aires (SIVENDIA) en date de septembre 2002.
  2. 212. Le gouvernement a adressé ses observations dans des communications des 9 mai et 30 septembre 2003.
  3. 213. L’Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 214. Dans sa communication de septembre 2002, le Syndicat des vendeurs de journaux et revues de la capitale fédérale et du Grand Buenos Aires (SIVENDIA) déclare que le décret no 1025 de 2000 adopté par le pouvoir exécutif national, la décision no 434 de 2001 du ministère du Travail et la décision no 256 de 2001 du ministère de l’Economie introduisent une dérogation au dispositif qui régissait l’activité de ces vendeurs, désormais considérée comme une activité commerciale régie par un système de libre concurrence (non réglementée par la législation du travail). L’organisation plaignante indique que la nouvelle législation est contraire à la Constitution, aux lois nationales sur les associations syndicales et la négociation collective et aux conventions nos 87, 98 et 154 de l’OIT et qu’elle enfreint de manière flagrante les droits du travail des vendeurs de journaux, de revues et autres catégories de la presse écrite et leur droit d’organisation et de négociation libre et volontaire des conditions d’emploi dans le secteur.
  2. 215. Concrètement, l’organisation plaignante allègue, d’une part, que cette activité étant devenue commerciale, les «travailleurs» qui l’exécutent deviennent des commerçants et sont donc privés du droit syndical; cette organisation et les organisations similaires du secteur opérant dans le pays sont ainsi pratiquement condamnées à disparaître. L’organisation plaignante affirme que le caractère éminemment lié au travail de cette activité a été déterminé par l’Etat lui-même qui, en 1945, lui a accordé la personnalité juridique (statut du syndicat le plus représentatif), conformément aux termes et à la portée de la loi sur les organisations syndicales, afin de défendre et de représenter les travailleurs du secteur de la vente de journaux et revues.
  3. 216. D’autre part, l’organisation plaignante indique que le décret no 1025 de 2000 rend inopérantes des décisions administratives relatives au secteur en question, adoptées par le ministère du Travail à la suite d’un processus de négociation collective dans le cadre d’une commission tripartite, ainsi que les dispositions établissant le cadre dans lequel s’inscrit ce processus de négociation, ce qui restreint le droit de négociation collective. Ces décisions avaient fixé des règles concernant les conditions de travail, le salaire et les congés ainsi que la procédure de reconnaissance du droit de vendre des journaux et revues à des endroits déterminés, ainsi que les modalités permettant de l’obtenir, de le conserver et de le transférer.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 217. Dans sa communication en date du 9 mai 2003, le gouvernement indique que le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale reconnaît aux vendeurs de journaux et revues le droit de constituer des syndicats en vertu de considérations historiques et normatives sans tenir compte, de manière exceptionnelle, de la qualité de travailleur autonome ou en relation de dépendance qui caractérise les travailleurs de ce secteur. En conséquence, le statut syndical («personería gremial») a été accordé aux syndicats qui en ont fait la demande et qui réunissaient les conditions nécessaires. Dans ce sens, le gouvernement indique que l’autorité d’application des normes en question (la Direction nationale des associations syndicales du ministère du Travail) s’est prononcée, en mars 2003, en faveur de l’octroi de la personnalité juridique aux syndicats de vendeurs de journaux et revues et autres catégories de presse écrite de la province de Jujuy.
  2. 218. Le gouvernement observe en outre que les normes régissant l’activité des vendeurs de journaux et revues supposent sans équivoque l’existence de syndicats dans ce secteur puisque, par exemple, la Commission de contrôle du registre national des vendeurs et distributeurs de journaux et revues, créée en vertu de la décision no 434 de 2001, est composée de représentants des éditeurs, des distributeurs et du Syndicat de vendeurs de journaux, revues et autres catégories de presse écrite de Buenos Aires ou de la Fédération argentine des vendeurs de journaux, revues et autres catégories de presse écrite, lorsqu’il s’agit de questions ne se rapportant pas à la ville de Buenos Aires.
  3. 219. Le gouvernement signale que l’objet du cas à l’étude ne réside pas dans la question de savoir si les travailleurs du secteur sont autonomes ou en relation de dépendance – matière qui ne relève pas à son sens de la compétence du comité –, mais dans celle de savoir s’ils bénéficient du droit syndical. Le gouvernement réaffirme également qu’il a été clairement démontré que le ministère du Travail reconnaît l’existence des syndicats qui représentent des travailleurs du secteur couvert par l’organisation plaignante et, par conséquent, le plein exercice de leurs libertés syndicales.
  4. 220. Enfin, dans sa communication du 30 septembre 2003, le gouvernement indique que les ministères du Travail et de la Production ont pris un arrêté conjoint (no 168, avril 2003) qui clarifie les différences d’interprétation concernant les normes du secteur et permet de surmonter les divergences entre les secteurs concernés. Cet arrêté a reçu l’appui de tous les membres de la Commission de contrôle, y compris celui des représentants de l’organisation plaignante.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 221. Le comité observe que les allégations soumises dans le présent cas ont trait à l’imposition de normes illégales et inconstitutionnelles (un décret et des décisions administratives) qui réglementent l’activité des travailleurs du secteur de la vente des journaux et revues; à l’impossibilité pour les organisations du secteur d’exercer le droit syndical; et à des restrictions du droit de négociation collective.
  2. 222. Dans ces circonstances, le comité n’est pas à même d’examiner la question relative à la qualité de travailleur autonome ou en relation de dépendance des travailleurs du secteur, et rappelle que son mandat consiste à déterminer si la situation est conforme aux dispositions des conventions nos 87 et 98 ratifiées par l’Argentine. En tout état de cause, le comité rappelle que, en vertu des principes de la liberté syndicale, tous les travailleurs – à la seule exception des membres des forces armées et de la police – devraient avoir le droit de constituer les organisations de leur choix et de s’y affilier. Le critère à retenir pour définir les personnes couvertes n’est donc pas la relation d’emploi avec un employeur; cette relation est en effet souvent absente, comme pour les travailleurs de l’agriculture, les travailleurs indépendants en général ou les membres des professions libérales, qui doivent pourtant tous jouir du droit syndical. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 235.]
  3. 223. En outre, le comité observe que, selon l’organisation plaignante, la nouvelle législation prive les travailleurs du secteur du droit syndical et condamne les organisations existantes à disparaître. A cet égard, le comité prend note du fait que le gouvernement nie cette allégation et affirme que le ministère du Travail reconnaît aux travailleurs du secteur le droit de constituer des syndicats et qu’il a accordé le statut syndical («personería gremial») (statut de syndicat le plus représentatif jouissant des droits exclusifs de négociation et de grève) à différents syndicats du secteur. Dans ce sens, le gouvernement ajoute que, récemment, la Direction nationale des associations syndicales a émis un avis indiquant le bien-fondé de l’enregistrement d’un autre syndicat du secteur (le Syndicat des vendeurs de journaux, revues et autres catégories de presse écrite de la province de Jujuy). De même, le comité prend note de l’affirmation du gouvernement selon laquelle les normes régissant l’activité des vendeurs de journaux et revues supposent sans équivoque l’existence de syndicats dans le secteur vu que, par exemple, la Commission de contrôle du registre national des vendeurs et distributeurs de journaux et revues, créée en vertu de la nouvelle décision no 434/01, est composée de représentants des éditeurs, des distributeurs et des organisations syndicales du secteur. Le comité estime que, compte tenu des informations soumises par le gouvernement, le nouveau dispositif ne prive pas du droit syndical les travailleurs et les organisations du secteur et que, par conséquent, il ne constitue pas une violation des principes de la liberté syndicale.
  4. 224. D’autre part, pour ce qui est des allégations relatives aux restrictions imposées à la négociation collective, le comité observe que, selon l’organisation plaignante, on a enfreint et modifié les normes contenues dans des décisions administratives du ministère du Travail adoptées à la suite d’un processus dit de négociation dans le cadre d’une commission tripartite (relatives à la reconnaissance du droit de vendre des journaux à des endroits déterminés et aux modalités permettant de l’obtenir, de le conserver et de le transférer, et aux règles sur les conditions de travail, de salaire et de repos). Le comité observe que le gouvernement n’a pas fait mention de ces allégations. A cet égard, s’il ne s’agit pas de négociation au sens de la convention no 98, s’agissant d’un organe tripartite (il est plutôt question d’un organe consultatif dont les conclusions doivent faire l’objet d’une décision administrative pour être contraignantes), le comité prie le gouvernement de respecter à l’avenir les accords conclus avec la participation des parties intéressées et de veiller à ne pas les rendre inopérants par voie de décret, en lui rappelant l’importance de promouvoir le dialogue et les consultations sur les questions d’intérêt commun entre les autorités publiques et les organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives du secteur en question. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 926.]
  5. 225. Pour ce qui est aussi des allégations concernant les restrictions imposées à la négociation collective, le comité observe que, de l’avis de l’organisation plaignante, on a dérogé au décret-loi no 24095 qui fixe la procédure mentionnée pour l’établissement de normes dans le secteur. En effet, les informations législatives adressées par l’organisation plaignante font ressortir que l’ancienne commission tripartite chargée d’élaborer et de proposer un système juridique n’existe plus. En lieu et place, une Commission de contrôle du registre national des vendeurs et distributeurs de journaux et revues a été créée, tripartite elle aussi, et dont les fonctions sont axées sur le «contrôle» du régime de l’activité définie dans la décision. Cette commission pourra au bout de cinq ans, ou lorsque la majorité de ses membres le jugeront nécessaire, réviser le système régissant cette activité. Le comité observe néanmoins que la commission en question est présidée par l’autorité administrative du travail et qu’elle est composée d’un représentant de l’Association des éditeurs de journaux, d’un représentant de l’Association des éditeurs de revues, d’un représentant de l’Association des distributeurs de journaux, revues et autres catégories de presse écrite et d’un représentant de l’organisation syndicale des vendeurs de journaux et revues. Le comité estime que cette composition n’établit pas un juste équilibre de représentation entre le syndicat et les employeurs, ce qui peut affecter de manière négative la confiance des syndicats dans cet organe. Le comité prie le gouvernement d’engager des consultations approfondies avec les parties intéressées afin d’adopter des mesures visant à remédier à cette situation et il rappelle que, indépendamment de ce système, les syndicats et les employeurs du secteur doivent pouvoir négocier collectivement les conditions de travail de manière libre et volontaire. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation.
  6. 226. Le comité prend note avec intérêt de l’arrêté no 168 qui, selon le gouvernement, aplanit les divergences entre les secteurs concernés. Le comité observe que, selon le gouvernement, cet arrêté bénéficie de l’appui de tous les membres de la Commission de contrôle, où les représentants de l’organisation plaignante sont représentés.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 227. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement de respecter à l’avenir les accords conclus avec la participation des parties intéressées, de s’abstenir de les rendre inopérants par voie de décret et de tenir compte de l’importance qu’il y a à promouvoir le dialogue et les consultations sur les questions d’intérêt commun entre les autorités publiques et les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives, au moment d’élaborer une nouvelle législation dans le secteur de la vente des journaux et revues.
    • b) En ce qui concerne les allégations relatives à des restrictions imposées à la négociation collective, le comité prie le gouvernement d’engager des consultations approfondies avec les parties intéressées afin d’adopter des mesures visant à remédier à la situation de déséquilibre dans la composition tripartite de la Commission de contrôle du registre des vendeurs et distributeurs de journaux et revues et de promouvoir une négociation collective libre et volontaire entre les syndicats de vendeurs de journaux et revues et les employeurs de ce secteur. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation.
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