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- 248. La plainte figure dans une communication du Syndicat de policiers de Buenos Aires (SIPOBA) et de la Fédération argentine des syndicats de policiers et du personnel pénitentiaire (FASIPP), datée du 17 décembre 2002. Le SIPOBA et la FASIPP ont soumis par la suite des informations complémentaires dans une communication en date du 21 janvier 2003. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication datée du 27 mai 2003.
- 249. L’Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants - 250. Dans leur communication du 17 décembre 2002, le Syndicat de policiers de Buenos Aires (SIPOBA) et la Fédération argentine des syndicats de policiers et du personnel pénitentiaire (FASIPP) font valoir que, le 4 avril 1989, une assemblée ayant pour but la constitution du Syndicat de policiers de Buenos Aires (SIPOBA) a eu lieu, à la suite de quoi la direction de la police de la province de Buenos Aires a ouvert une enquête administrative à l’encontre des membres du comité du syndicat en faisant valoir qu’ils avaient enfreint les dispositions de l’alinéa 10 de l’article 53 et de l’alinéa 15 de l’article 58 du décret-loi provincial no 9550/80. Cette enquête a débouché sur la mise à pied (le licenciement) du président de la Commission de promotion provisoire, l’officier principal, Nicolás Alberto Masi, pour avoir mené, selon la direction de la police, «… une activité de propagande et de recherche d’adhérents au sein des forces de police en vue de créer un syndicat de policiers …, ce qui a gravement affecté la discipline et la responsabilité de la répartition, cette faute étant atténuée par ses états de service qui ne signalent aucune sanction antérieure et aggravée par l’importance publique du fait».
- 251. Les plaignants ajoutent que, le 13 août 1997, l’enregistrement du Syndicat de policiers de Buenos Aires (SIPOBA) a été demandé et que, en vertu de la décision no 169/98 du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, cette demande a été rejetée. Il a été fait appel de cette décision auprès des autorités judiciaires et la Cour d’appel nationale du travail, chambre V, a débouté les demandeurs de leur appel, considérant qu’il était irrecevable dans sa forme, étant donné que la décision contestée n’est pas un jugement définitif mais une décision n’ayant pas d’effets définitifs et étant donné que la confirmation du rejet administratif repose sur des faits et que le droit des agents n’a été interprété que de façon subsidiaire, cet aspect pouvant être débattu devant les instances judiciaires si les conditions de base propres à rendre la demande viable étaient remplies.
- 252. Afin de remplir les conditions de base mentionnées par la Cour d’appel nationale du travail, le 6 avril 1999 une liste des adhérents au syndicat a été soumise au ministère, accompagnée des fiches d’adhésion et de la liste des membres du comité directeur, jointes aux statuts du syndicat et aux autres documents exigés par l’article 21 et les conclusions de la loi no 23551, toutes les conditions exigées par cette loi pour l’octroi du statut syndical étant ainsi remplies. Les plaignants indiquent que malgré cela, le 17 juillet 2002, par la décision no 500, la ministre du Travail et de la Sécurité sociale de l’Argentine a rejeté la demande d’enregistrement du Syndicat de policiers de Buenos Aires (SIPOBA). Le 31 juillet 2002, une demande de réexamen de cette décision de rejet a été introduite.
- 253. Les plaignants indiquent que, développant la présentation antérieure, le 22 octobre 2002, au moyen du dossier no 1063741, une copie de l’avis no 32251 du Procureur général a été transcrite devant la Cour d’appel nationale du travail, favorable à l’octroi de l’enregistrement syndical, à la réforme des statuts conformément aux observations formulées par les fonctionnaires du ministère du Travail et de la Sécurité sociale de l’Argentine, et à la communication d’une liste des adhérents conformément à la décision DNAS no 36/98. Malgré cela, par la décision no 661 du 30 septembre 2002, la ministre du Travail et de la Sécurité sociale a rejeté la demande de réexamen.
- 254. Les plaignants indiquent que l’article 14bis de la Constitution nationale prévoit sans distinction d’aucune sorte le droit des travailleurs de constituer des organisations syndicales, abstraction faite de conditions limitatives. De même, les normes internationales, qui ont valeur constitutionnelle (alinéa 22 de l’article 75 de la Constitution), prévoient la liberté syndicale et le droit de constituer des syndicats sans ingérence des pouvoirs publics (Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme, Déclaration universelle des droits de l’homme et Pacte de San José de Costa Rica). A cet égard, les organisations plaignantes rappellent que, comme le reconnaît expressément l’autorité administrative, il n’existe pas de loi qui soustrait les agents des forces de sécurité à l’application des dispositions de la loi no 23551, ou qui affecte ou conditionne de façon générique leur droit de constituer une organisation syndicale. Face à cette omission, il convient de faire prévaloir ce qui est prévu par les garanties constitutionnelles, notamment si l’on tient compte du principe de légalité et de réserve qui découle de l’article 19 de la Constitution nationale. Le vide juridique allégué ne peut être interprété comme créant une interdiction.
- 255. Dans une communication datée du 21 janvier 2003, le SIPOBA et la FASIPP indiquent que l’autorité administrative a rejeté la demande d’enregistrement syndical présentée par l’Association professionnelle des policiers de la province de Santa Fe (APROPOL) (il a été fait appel contre cette décision auprès des tribunaux en septembre 2002). Les organisations plaignantes indiquent également que le secrétaire général de cette association, M. Miguel Orlando Salazar, a été mis en disponibilité sans traitement, son arme et son permis lui ayant été retirés, pour avoir provoqué le mécontentement des travailleurs devant le retard intervenu dans le paiement des salaires et pour avoir commenté devant la presse le manque d’équipement des policiers.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement - 256. Dans sa communication du 27 mai 2003, le gouvernement rappelle que la convention no 87 permet que les dispositions législatives en vigueur dans les Etats Membres de l’OIT admettent ou non la constitution de syndicats pour les forces armées et pour la police, et que l’article 8 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels garantit la liberté de constituer des syndicats, en acceptant comme seule restriction celle dont la société démocratique a besoin pour assurer la sécurité nationale ou le respect de l’ordre public. De même, l’article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques reconnaît pleinement le droit de constituer librement des syndicats, tout en préservant la restriction légale de l’exercice de ce droit lorsqu’il s’agit de membres des forces armées et de la police, et l’article 16 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme (Pacte de San José de Costa Rica) dispose ce qui suit au point 3: «Les dispositions du présent article n’empêchent pas l’imposition de restrictions légales aux membres des forces armées et de la police, et même leur privation de l’exercice du droit d’organisation.»
- 257. Le gouvernement juge fondamental de rappeler que ces traités internationaux constituent le noyau normatif de l’Argentine et que ces instruments ont valeur constitutionnelle, conformément à l’alinéa 22 de l’article 75 de la Constitution. Il ne fait donc pas de doute que la syndicalisation des forces de sécurité et de la police est prévue dans le droit argentin avec la portée indiquée dans les instruments internationaux, et qu’il n’existe pas à ce jour d’autres textes législatifs spécifiques sur la question. Le gouvernement ajoute que la liberté syndicale étant pleinement reconnue, et limitée exclusivement dans les circonstances précitées, il a été décidé que, en raison de la nature de l’activité des membres des forces armées et de la police, il n’est pas souhaitable qu’ils puissent s’organiser en syndicats.
- 258. Il existe dans les forces de sécurité un principe de hiérarchisation qui contredit le principe de la démocratisation syndicale, lequel est un présupposé essentiel aux fins de la reconnaissance de la tutelle des organisations syndicales en tant que sujets collectifs du droit du travail. Une organisation syndicale est un groupe de travailleurs unis par affinité et par solidarité qui fonctionne indépendamment des employeurs et de l’Etat.
- 259. L’autonomie par rapport aux employeurs et à l’Etat, qui est expressément réglementée à l’article 6 de la loi no 23551 sur les organisations syndicales, est une condition essentielle. Aucun pouvoir ne peut assujettir une organisation syndicale ni s’ingérer dans son fonctionnement de façon à empêcher l’accomplissement de son objectif principal. Les forces armées et la police ne sont pas indépendantes de l’Etat; au contraire, elles le représentent et le composent, car elles sont les dépositaires exclusives du monopole de la force publique et les garantes de la sécurité interne. Par ailleurs, lorsqu’il a ratifié la convention no 154, le gouvernement a établi, à l’article 2 de la loi no 23544, que cette convention ne serait pas applicable aux forces armées et de sécurité. La convergence entre les lois nos 23551, 14250 (sur la négociation collective) et 23544 et les instruments internationaux cités qui ont valeur constitutionnelle indique que l’ordre juridique a exercé le droit de restreindre l’exercice de la liberté syndicale par les membres des forces armées, de sécurité et de police, et que cette restriction ne constitue en aucune façon une violation de la lettre et de l’esprit de la convention no 87.
- 260. Le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale s’est expliqué à maintes reprises à ce sujet, d’une part, en rappelant que la tâche du maintien de la sécurité que la loi impose aux forces armées de police, à partir d’une organisation hiérarchique verticale, est essentielle au maintien de l’ordre interne de ces forces et à l’accomplissement des objectifs qu’elles doivent remplir, et que ces objectifs seraient beaucoup plus difficiles à atteindre si un syndicat existait pour ces catégories, et en rejetant, en conséquence, les demandes d’enregistrement de syndicats. La position du ministère a été entérinée à plusieurs reprises par le pouvoir judiciaire.
- 261. Octroyer le droit d’organisation aux forces de sécurité est une question hautement complexe compte tenu de la situation et des particularités du pays. De même, cela engendrerait un état de délibération qui affecterait la sécurité des personnes, plus encore si l’on considère que les forces armées et de police détiennent le monopole de la force publique à cette fin. Cet exposé n’implique pas que les droits des membres des forces précitées ne sont pas reconnus: ils le sont à partir de la mise en œuvre de mécanismes administratifs appropriés qui les garantissent. Enfin, le gouvernement signale que, compte tenu des dispositions internationales susmentionnées qui ont valeur constitutionnelle, du droit comparé et des décisions opportunes du Comité de la liberté syndicale ainsi que des tribunaux, on ne peut considérer comme violation de la convention no 87 la non-reconnaissance du droit des forces armées et de police de se syndiquer.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité - 262. Le comité observe que, selon les organisations plaignantes, l’autorité administrative nationale a rejeté les demandes d’enregistrement du Syndicat de policiers de Buenos Aires (SIPOBA) et de l’Association professionnelle des policiers de la province de Santa Fe (APROPOL). En outre, les organisations plaignantes font valoir que, à titre de représailles, à la suite de la constitution du SIPOBA, l’un des membres du comité de ce syndicat, l’officier principal, Nicolás Alberto Masi, a été licencié et que le secrétaire général d’APROPOL, M. Miguel Orlando Salazar, a été mis en disponibilité pour avoir réclamé au nom des travailleurs le versement d’arriérés de salaires et dénoncé le manque d’équipement de la police. Le comité prend note de la réponse générale du gouvernement sur la question du droit syndical de la police.
- 263. Le comité rappelle que l’Argentine a ratifié la convention no 87 qui dispose, à l’article 9, que la législation nationale devra déterminer dans quelle mesure les garanties prévues par la convention s’appliqueront aux forces armées et à la police.
- 264. En vertu de ce texte, il ne fait aucun doute que la Conférence internationale du Travail a souhaité laisser à chaque Etat le soin de décider dans quelle mesure il lui paraît opportun d’accorder aux membres des forces armées et de la police les droits prévus dans la convention, ce qui implique que les Etats qui ont ratifié la convention ne sont pas tenus de reconnaître à ces catégories de travailleurs les droits qui y sont mentionnés. [Voir 145e rapport, cas no 778 (France), paragr. 19.] Toutefois, plusieurs Etats Membres ont reconnu le droit syndical à la police et aux forces armées.
- 265. Dans ces circonstances, compte tenu du fait que la convention a laissé cette question à l’appréciation des Etats Membres, le comité recommande au Conseil d’administration de décider que ce cas n’appelle pas d’examen plus approfondi.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 266. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à décider que ce cas n’appelle pas un examen plus approfondi.