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- 1011. La plainte est contenue dans une communication du Syndicat du personnel enseignant des universités (ASUU) datée du 6 juin 2005.
- 1012. Le comité a dû reporter l’examen de ce cas à deux reprises. [Voir 338e et 340e rapports, paragr. 5 et 6, respectivement.] A sa réunion de mai-juin 2006 [voir 342e rapport, paragr. 10], le comité a adressé au gouvernement un appel urgent dans lequel il indique que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvée par le Conseil d’administration, il pourra présenter un rapport sur le fond de cette affaire à sa prochaine réunion, même si les informations et observations demandées n’ont pas été reçues à temps. Aucune réponse du gouvernement n’est parvenue à ce jour.
- 1013. Le Nigéria a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant- 1014. Dans sa communication du 6 juin 2005, le Syndicat du personnel enseignant des universités (ASUU) allègue que la loi modifiant la loi sur les syndicats promulguée en 2005 sans consultations tripartites convenables viole les principes de la liberté syndicale et les droits de négociation collective des travailleurs. Plus précisément, le plaignant attire l’attention du comité sur les articles 6(a) et (b) et 9 de la nouvelle loi, qui concernent tous le droit de grève. Le plaignant ajoute que la nouvelle loi refuse aux employés de l’armée de terre, de la marine, de l’armée de l’air, de la police, des services de douanes et d’impôts, des services d’immigration, des prisons et des services de prévention le droit de former des syndicats.
- 1015. Selon le plaignant, l’article 6(a) de la loi d’amendement interdit les grèves dans les services essentiels, qui incluent des services qui ne sont pas des services essentiels au sens strict du terme. Plus précisément, le plaignant déclare que les services suivants sont considérés comme essentiels par la loi de 1990 sur les conflits du travail (Cap 432, lois de la Fédération) à laquelle la nouvelle loi se réfère: radio et télévision; services postaux; ports; services utilisant des combustibles de tous genres, transport de personnes, de biens ou de bétail par route, par rail, par mer, et par voie fluviale ou aérienne; réparation d’avions; banques et transports métropolitains.
- 1016. Le plaignant attire également l’attention du comité sur l’article 6(b) de la nouvelle loi, qui restreint le droit de grève aux problèmes qui constituent un conflit de droit. L’amendement entend par conflit de droit tout conflit du travail découlant de la négociation, de l’application, de l’interprétation ou de l’exécution d’un contrat de travail ou d’un accord collectif au sens de la loi ou de tout autre texte de loi régissant les questions qui touchent aux conditions d’emploi. Selon le plaignant, la nouvelle loi prive les travailleurs de leur droit de promouvoir leurs intérêts et de protester contre les conséquences sociales de la politique économique du gouvernement, telles que la pauvreté, la malnutrition et le chômage massif.
- 1017. Le ASUU ajoute qu’en vertu de l’article 9 de la loi portant amendement de l’article 42(1)(B) aucun syndicat ni fédération de syndicats enregistrés et aucun de leurs membres ne peut obliger des personnes qui ne sont pas membres de son syndicat à participer à une grève ou, de quelque façon que ce soit, à empêcher des avions de voler ou à obstruer les routes, institutions ou lieux publics pour donner effet à la grève, et que cet article accorde de ce fait au gouvernement une grande marge de manœuvre pour définir largement les activités liées à des grèves qui sont par ailleurs légales dans le cadre du libellé vague et trop général de la loi. Le plaignant en déduit que tout groupe de travailleurs en grève qui se rassemblent sur le lieu de travail ou dans la rue, même pacifiquement, risque de se voir accusé d’obstruer le lieu de travail et la voie publique simplement parce qu’ils se sont regroupés là.
- 1018. Le plaignant ajoute que la nouvelle loi refuse aux employés de l’armée de terre, de la marine, de l’armée de l’air, de la police, des services de douanes et d’impôts, des services d’immigration, des prisons et des services préventifs le droit de former des syndicats.
- 1019. Le plaignant pense que le véritable objectif du nouvel amendement est d’affaiblir les travailleurs unis du Nigéria et de continuer à autoriser le gouvernement à imposer les politiques économiques et sociales qui ont fait souffrir les travailleurs nigérians jusqu’ici. En outre, le plaignant considère qu’avec cette nouvelle loi c’est un coup d’arrêt qui est donné au processus d’examen général de la législation du travail du Nigéria que soutient l’OIT.
B. Conclusions du comité
B. Conclusions du comité- 1020. Le comité regrette profondément qu’en dépit du laps de temps écoulé depuis le premier examen de la plainte le gouvernement n’ait pas répondu aux allégations du plaignant, alors qu’il a été invité à plusieurs reprises, y compris par un appel urgent, à présenter ses commentaires et observations sur ce cas. Le comité prie instamment le gouvernement de se montrer plus coopératif à l’avenir.
- 1021. Ceci étant, et conformément aux règles de procédure applicables [voir 127e rapport, paragr. 17, approuvé par le Conseil d’administration à sa 184e session], le comité se voit contraint de présenter un rapport sur le fond de l’affaire, bien que les informations attendues du gouvernement n’aient pas encore été reçues.
- 1022. Le comité rappelle que le but de la procédure mise en place par l’Organisation internationale du Travail pour l’examen des allégations de violation de la liberté syndicale est d’assurer le respect de cette liberté en droit comme en fait. Le comité demeure convaincu que, si la procédure protège les gouvernements contre les accusations déraisonnables, ceux-ci doivent à leur tour reconnaître l’importance qu’il y a à formuler, en vue d’un examen objectif, des réponses détaillées concernant les allégations formulées à leur encontre. [Voir le premier rapport du comité, paragr. 31.]
- 1023. Le comité note que les allégations formulées dans ce cas concernent des restrictions imposées par la loi de 2005 modifiant la loi sur les syndicats au droit des travailleurs de constituer une organisation de leur choix et d’y adhérer, ainsi qu’à leur droit de grève. Le comité note également l’allégation du plaignant selon laquelle cette loi a été adoptée sans consultations tripartites préalables. A cet égard, le comité tient à souligner l’intérêt d’une consultation des organisations d’employeurs et de travailleurs lors de la préparation et de la mise en œuvre d’une législation touchant leurs intérêts. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 929 et 930.] Il compte que le gouvernement adhérera à ce principe à l’avenir.
- 1024. En ce qui concerne la définition des services essentiels, le comité souligne que toute loi qui interdit les grèves dans les services essentiels devrait restreindre la définition de ces services au sens strict, autrement dit aux services dont l’interruption mettrait en péril la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans une partie ou dans l’ensemble de la population. Le principe relatif à l’interdiction des grèves dans les services essentiels risquerait de perdre tout son sens s’il s’agissait de déclarer illégale une grève dans une ou plusieurs entreprises qui ne fournissent pas un service essentiel au sens strict du terme. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 542.] Le comité a déjà noté par le passé que ce que l’on entend par services essentiels au sens strict du terme dépendait largement des conditions spécifiques de chaque pays et qu’un service non essentiel pouvait devenir essentiel si la grève dépasse une certaine durée ou une certaine étendue, mettant ainsi en péril la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans une partie ou dans l’ensemble de la population [voir Recueil, op. cit., paragr. 541], mais il a ajouté qu’il ne considérait pas comme des services essentiels au sens strict les services suivants: la radiotélévision, les installations pétrolières, les ports (chargement et déchargement), les banques, les transports en général, les services postaux, l’Office de la monnaie, les transports métropolitains et la réparation d’avions. Par conséquent, le comité prie le gouvernement de modifier la définition des «services essentiels» de manière à limiter ces services aux situations où une menace claire et imminente met en péril la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans une partie ou dans l’ensemble de la population. Le comité rappelle à cet égard que le gouvernement pourrait par des consultations complètes et franches avec les partenaires sociaux établir un système de service minimum dans les services qui sont d’utilité publique au lieu d’imposer une interdiction immédiate des grèves, qui devrait se limiter aux services essentiels au sens strict du terme. Le comité rappelle aussi que le maintien de services minima en cas de grève ne devrait être possible que: 1) dans les services dont l’interruption risquerait de mettre en danger la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans une partie ou dans l’ensemble de la population (services essentiels au sens strict du terme); 2) dans les services qui ne sont pas essentiels au sens strict du terme mais où les grèves d’une certaine ampleur et durée pourraient provoquer une crise nationale aiguë menaçant les conditions normales l’existence de la population; et 3) dans les services publics d’importance primordiale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 556.]
- 1025. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle des restrictions auraient été apportées à l’objectif des grèves, le comité note que l’article 6 de la nouvelle loi limite les grèves légales aux conflits qui constituent un conflit de droit, celui-ci étant défini comme «un conflit du travail découlant de la négociation, de l’application, de l’interprétation ou de l’exécution d’un contrat de travail ou d’un accord collectif au sens de la loi ou de tout autre texte de loi régissant les questions qui touchent aux conditions d’emploi, ou un conflit découlant d’une rupture collective et fondamentale d’emploi ou de convention collective de la part du salarié, du syndicat ou de l’employeur». Il découle de cette définition que la loi exclurait toute possibilité de grève légitime ayant pour but de protester contre la politique sociale et économique du gouvernement qui touche les intérêts des travailleurs. Le comité rappelle que les organisations chargées de défendre les intérêts socio-économiques et professionnels des travailleurs devraient en principe pouvoir utiliser la grève non seulement pour appuyer leur position dans leurs revendications de meilleures conditions de travail et leurs revendications collectives d’ordre professionnel, mais aussi dans leur recherche de solutions aux problèmes posés par les grandes orientations de politique économique et sociale qui ont des répercussions immédiates pour leurs membres, et plus généralement pour les travailleurs, notamment en matière d’emploi, de protection sociale et de niveau de vie. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 480.] Le comité demande par conséquent au gouvernement d’amender l’article 6 de la nouvelle loi de manière à ce que les organisations de travailleurs puissent avoir recours, sans être sanctionnées, à des grèves de protestation destinées à critiquer les politiques économiques et sociales du gouvernement ainsi qu’en rapport avec des conflits d’intérêt.
- 1026. En ce qui concerne le nouvel article 42(1)(B), qui stipule qu’«aucun syndicat ni fédération de syndicats enregistrés et aucun de leurs membres ne peut obliger des personnes qui ne sont pas membres de son syndicat à participer à une grève ou, de quelque façon que ce soit, à empêcher des avions de voler ou à obstruer les voies, institutions ou lieux publics pour donner effet à la grève», le comité note l’allégation du plaignant selon laquelle ce libellé risque de restreindre le recours à des grèves par ailleurs légales ou à des rassemblements pacifiques. Le comité note que cet article contient deux interdictions: premièrement, l’interdiction d’obliger des personnes qui ne font pas partie d’un syndicat de participer à une grève et, deuxièmement, l’interdiction d’obstruer les voies, institutions ou lieux publics pour donner effet à la grève. Le comité estime que le seul fait de participer à un piquet de grève et d’inciter fermement, mais pacifiquement, les autres salariés à ne pas rejoindre leurs postes de travail ne peut être considéré comme une action illégitime. Le comité ajoute qu’il en va toutefois autrement lorsque le piquet de grève s’accompagne de violences ou d’entraves à la liberté du travail par contrainte exercée sur les non-grévistes. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 586.] En ce qui concerne la deuxième interdiction, le comité considère que le libellé très large de cet article risque de rendre illicites tout rassemblement et tout piquet de grève, et rappelle que les conditions posées par la législation pour qu’une grève soit considérée comme un acte licite doivent être raisonnables et, en tout cas, ne pas être telles qu’elles constituent une limitation importante aux possibilités d’action des organisations syndicales. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 498.] En outre, les services liés aux avions, exception faite des contrôleurs du trafic aérien, n’étant pas considérés en soi comme des services essentiels, une grève des travailleurs dans ce secteur ou dans des services apparentés ne devrait pas faire l’objet d’une interdiction générale, contrairement à ce que laisserait entendre le libellé de cet article. Le comité prie le gouvernement d’amender ce texte de loi de manière à le mettre en conformité avec les principes ci-dessus et à ce que les restrictions apportées aux grèves visant à garantir le maintien de l’ordre public ne rendent pas ce type d’action relativement impossible.
- 1027. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle les travailleurs employés dans l’armée de terre, la marine, l’armée de l’air, la police, les services de douanes et d’impôts, les services d’immigration, les prisons et les services préventifs n’auraient plus le droit de constituer des organisations de leur choix, le comité note que, dans les faits, l’article 11 de la loi de 1973 sur les syndicats refuse effectivement ce droit aux salariés des services susmentionnés, et à ceux de l’Office nigérian de la monnaie et des imprimeries de la sécurité, de la Banque centrale du Nigéria et des télécommunications externes du Nigéria, ainsi que d’autres établissements dont le nom sera précisé par le ministre. Le comité souligne que les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, ont le droit de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s’affilier à ces organisations. Il rappelle que les seules dérogations qui sont autorisées par la convention no 87 sont les membres de la police et des forces armées qui devraient être définis de manière restrictive et ne devraient pas comprendre, par exemple, les travailleurs civils des établissements manufacturiers des forces armées. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 222.] En outre, le comité estime que les fonctions exercées par le personnel des services de douanes et d’impôts, des services d’immigration, des prisons et des services préventifs ne justifient en aucun cas leur exclusion du droit de liberté syndicale consacré par l’article 9 de la convention no 87. Par conséquent, le comité prie le gouvernement d’amender l’article 11 de la loi de 1973 sur les syndicats afin que ces catégories de travailleurs aient le droit de constituer des organisations de leur choix et d’y adhérer.
- 1028. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé des mesures prises ou envisagées à l’égard des amendements législatifs demandés ci-dessus. Le comité rappelle au gouvernement qu’il peut solliciter l’assistance technique du Bureau. Il renvoie les aspects législatifs de ce cas à la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 1029. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité regrette profondément qu’en dépit du laps de temps écoulé depuis la première présentation de la plainte le gouvernement n’ait pas répondu aux allégations du plaignant. Le comité prie instamment le gouvernement de se montrer plus coopératif à l’avenir.
- b) Le comité s’attend à ce que le gouvernement fasse en sorte que des consultations complètes et franches aient lieu avec les organisations de travailleurs et d’employeurs avant l’adoption de tout texte de loi qui touche leurs intérêts.
- c) Le comité prie le gouvernement d’amender sa législation, conformément aux exigences des conventions nos 87 et 98, de manière:
- – à restreindre la définition des services essentiels au sens strict du terme, autrement dit aux services dont l’interruption mettrait en danger la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans une partie ou dans l’ensemble de la population;
- – à ce que les organisations de travailleurs puissent avoir recours, sans être sanctionnées, à des grèves de protestation destinées à critiquer les politiques économiques et sociales du gouvernement qui ont des répercussions immédiates pour leurs membres et pour les travailleurs, notamment en matière d’emploi, de protection sociale et de niveau de vie, ou qui sont liées à des conflits d’intérêt;
- – à ce qu’il ne soit pas interdit d’inciter pacifiquement des travailleurs à participer à une grève;
- – à ce que le libellé de l’article 42(1)(B) ne serve pas à rendre illicites les mouvements de grèves pacifiques, y compris les piquets de grève, l’occupation des lieux de travail et les rassemblements, et que les restrictions apportées aux grèves visant à garantir le maintien de l’ordre public ne rendent pas cette action relativement impossible; et
- – à amender l’article 11 de la loi de 1973 sur les syndicats de manière à ce que le personnel des services de douanes et d’impôts, des services d’immigration, des prisons, de l’Office nigérian de la monnaie et des imprimeries de la sécurité, de la Banque centrale du Nigéria et des télécommunications externes du Nigéria aient le droit de constituer des organisations de leur choix et d’y adhérer et le droit de négocier collectivement.
- Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
- d) Le comité rappelle au gouvernement qu’il peut avoir recours à l’assistance technique du Bureau.
- e) Le comité renvoie les aspects législatifs de ce cas à la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations.