Afficher en : Anglais - Espagnol
- 189. La présente plainte figure dans une communication de mai 2008 de la Fédération nationale des enseignants, chercheurs et créateurs universitaires (Fédération historique des enseignants) et de l’Association des enseignants universitaires de La Rioja (ARDU).
- 190. Le gouvernement a adressé ses observations dans une communication du 27 mai 2009.
- 191. L’Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants- 192. Dans leur communication de mai 2008, la Fédération nationale des enseignants, chercheurs et créateurs universitaires (Fédération historique des enseignants) et l’Association des enseignants universitaires de La Rioja (ARDU) indiquent qu’elles présentent la plainte afin de mettre un terme aux pratiques antisyndicales, à la persécution syndicale et à la violation de normes de protection nationales et internationales auxquelles se livrent l’Université nationale de La Rioja (UNLaR), le Conseil interuniversitaire national – association professionnelle d’employeurs qui regroupe les universités nationales de l’Argentine, entre autres l’UNLaR –, et le ministère de l’Education de la nation.
- 193. L’UNLaR est une personne juridique de droit public (art. 48 de la loi nationale no 24521 sur l’enseignement supérieur), qui est la continuité de l’Université provinciale de La Rioja. Le pouvoir exécutif national – le ministère de la Culture et de l’Education – en tant qu’autorité d’application de la loi susmentionnée, a approuvé le statut de fonctionnement de l’UNLaR. Par ailleurs, l’article 19 de la loi no 24447 sur le budget national a établi les modalités de la négociation collective dans les universités nationales. Ultérieurement, le Congrès national a garanti la pérennité de cette norme en l’incluant dans l’article 54 de la loi complémentaire permanente no 11672 sur le budget. En définitive, les normes susmentionnées disposent que le rôle de l’employeur, dans les négociations collectives, est assumé par le Conseil interuniversitaire national, association professionnelle d’employeurs, dont l’un des membres est l’UNLaR. Les plaignants indiquent que les trois entités gouvernementales susmentionnées ont été saisies d’une plainte et que, les voies de recours devant les instances nationales ayant été épuisées, ils sont obligés de soumettre la plainte au Comité de la liberté syndicale.
- 194. Les plaignants rappellent que, le 26 février 1999, le Conseil supérieur de l’UNLaR avait ordonné l’ouverture d’une procédure interne à l’encontre de l’enseignante Estela Cruz de García en tant que militante syndicale et au motif de l’exercice de ses fonctions de représentante syndicale, et que l’UNLaR avait agi à la suite de la parution d’un article dans l’édition du 17 février 1999 du journal local El Independiente. Les plaignants indiquent que le Comité de la liberté syndicale a examiné cette allégation et donné une suite favorable à la plainte (cas no 2065) dans sa recommandation du 6 avril 2001.
- 195. Les plaignants affirment que ce fait n’a été que le début des pratiques antisyndicales qui ont abouti au licenciement de presque tous les membres de la Commission directive de l’ARDU. Concrètement, les plaignants font état des faits suivants:
- – en avril 2000, la secrétaire générale de l’ARDU, Mme Estela Cruz de García, la secrétaire adjointe, María Alonso, et le secrétaire aux finances, Eduardo Berra, ont été licenciés. Un recours en amparo a été intenté et une mesure provisoire sollicitée devant la juridiction fédérale de La Rioja (dossier no 20261/00), qui a ordonné de réintégrer ces personnes dans leurs fonctions;
- – en février 2002, à la suite d’une protestation d’enseignants, de parents d’élèves et d’élèves du Collège universitaire, l’UNLaR a déposé une plainte au pénal contre les membres de l’ARDU pour «violation du système démocratique constitutionnelle» (dossier no 2397/02), plainte que le juge fédéral de La Rioja a rejetée;
- – en août 2005, l’UNLaR a licencié trois enseignants du Collège universitaire, qui étaient des délégués syndicaux de l’ARDU, enfreignant ainsi leur immunité syndicale – la Cour fédérale de Córdoba examine actuellement ce cas;
- – enfin, en juillet 2007, l’UNLaR a diminué la durée de service, affectant ainsi leurs conditions d’emploi, de trois membres de la Commission directive de l’ARDU; le ministère du Travail de la nation a été saisi et, faute de réponse, des actions en amparo ont été intentées devant la juridiction fédérale de La Rioja qui y a fait droit, mais l’UNLaR a interjeté un recours;
- – en août 2007, le secrétaire aux finances de l’ARDU, M. J. C. Ruiz, a été licencié. La Cour d’appel de Córdoba, le 22 février 2008, dans le dossier no 108-P-1007, a fait droit aux recours. Elle a déclaré que l’université, en privant l’enseignant d’emploi, avait commis un «manquement arbitraire et illégitime». Elle a ordonné la compensation du manque à gagner pour 2007 et critiqué sévèrement l’attitude de l’université et de ses fonctionnaires;
- – le même mois, le temps de service de quatre membres de la Commission de direction et de vérification des comptes du syndicat a été diminué. Des actions en amparo ont été intentées devant la juridiction fédérale de La Rioja. L’UNLaR a interjeté un recours. La justice s’est prononcée en faveur des enseignants et a reconnu leur immunité syndicale;
- – en décembre 2007, sept membres de la Commission de direction et de vérification des comptes ont été licenciés, dont la secrétaire générale de l’ARDU et membre du bureau exécutif de la Fédération historique des enseignants; et
- – en janvier 2008, la secrétaire syndicale de l’ARDU a été licenciée (deux mois avant l’âge de la retraite) ainsi qu’une vérificatrice des comptes; parce qu’il s’agissait de deux chercheuses ayant plus de 24 ans d’ancienneté, des actions en amparo ont été intentées devant la juridiction fédérale.
- 196. Les plaignants affirment que, en Argentine, il n’y a pas d’activité plus précaire en matière d’emploi que l’activité privée, où l’employeur peut, en respectant toutefois certaines conditions, licencier librement le travailleur. L’une des limites auxquelles il se heurte est précisément le régime de protection de l’activité syndicale: même dans le cas des contrats «à l’essai», dernier degré de la précarité de l’emploi, dont la durée est de trois mois initialement, la loi interdit de priver les travailleurs de leur droit de s’affilier à un syndicat ou d’en constituer un. La protection syndicale que prévoit l’article 14 bis de la Constitution nationale de l’Argentine – «les représentants syndicaux jouissent des garanties nécessaires pour s’acquitter de leur activité syndicale et des garanties ayant trait à la stabilité dans l’emploi» – est intégrée dans la loi no 23551 sur les syndicats.
- 197. Le cadre juridique sur la protection syndicale s’applique au domaine des relations professionnelles dans les universités, sur la base et dans les limites que la loi fixe. Cette garantie ne prend fin qu’en cas de cessation ou de suspension générale des activités de l’entreprise.
- 198. D’une manière générale, les spécificités de l’université, liées à la stabilité relative des postes, n’entravent pas l’application du principe général de protection contenue dans la loi no 23551. Que le poste ait été attribué à la suite d’un concours ou à titre provisoire, il ne s’agit pas, comme dans le cas soumis au comité, de la cessation ou de la suspension générale des activités dans l’université ou l’unité universitaire en question.
- 199. La justice du travail a analysé les cas des secteurs maritime et de la construction, et établi que les dirigeants syndicaux doivent bénéficier d’une protection, y compris s’ils ont été élus à l’occasion d’activités spécifiques qui ont pris fin. La protection est renforcée, dans des cas comme celui-ci, lorsqu’il s’agit d’engagements successifs au même poste, et par le même employeur, comme dans le présent cas. Pour l’organisation syndicale, accepter les licenciements mentionnés dans ce cas reviendrait à accepter une politique constante de faits accomplis, qui va à l’encontre des principes juridiques, syndicaux et universitaires les plus élémentaires.
- 200. Dans le système juridique argentin, la protection de l’activité syndicale n’est pas contraire aux principes qui régissent l’activité universitaire, et n’affecte pas la titularité des droits des universitaires, en particulier les droits des candidats à des postes d’enseignants et les droits des étudiants à bénéficier d’un enseignement universitaire d’excellence. L’obtention d’une fonction syndicale ne suffit pas à obtenir la stabilité dans l’emploi étant donné que ces fonctions ne sont ni «stables» ni perpétuelles. En revanche, refuser la protection syndicale dans les relations professionnelles universitaires compromet l’existence même de l’activité syndicale, que la Constitution garantit. Au-delà de la nature de la relation professionnelle universitaire, la loi no 23551 prévoit une procédure spécifique que l’employeur doit suivre s’il veut exclure le travailleur de l’immunité syndicale. L’employeur n’a pas non plus suivi cette procédure. Au contraire, le recteur de l’UNLaR, par le biais de licenciements répétés, injustifiés et illégitimes des dirigeants syndicaux, et sans consultations, prétend jeter à bas le système de la protection syndicale et a décidé en un seul acte de licencier la femme en question et plusieurs des membres de la commission de direction, et de suspendre ou d’éliminer – dans les faits – les activités de l’ARDU.
- B. Réponse du gouvernement
- 201. Dans sa communication du 27 mai 2009, le gouvernement indique qu’il ressort de la plainte que la charge horaire de travail de plusieurs membres de l’ARDU – des enseignants universitaires nommés à titre provisoire même s’ils travaillaient depuis plusieurs années à l’UNLaR – a été réduite avant le terme de leurs contrats, lesquels n’ont pas été renouvelés. Les organisations plaignantes affirment que ces faits sont antisyndicaux et que l’immunité syndicale dont bénéficieraient plusieurs des enseignants en question n’a pas été respectée. Le gouvernement indique qu’il adresse ces observations à titre préliminaire et qu’il les complétera par la suite. Il indique que les actes en question sont le fait d’une université nationale dans un Etat provincial, qui jouit de l’autonomie et de l’autarcie en ce qui concerne son gouvernement et les mesures qu’il prend. En vertu des principes d’autonomie et d’autarcie des universités nationales, le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale a adressé copie de la plainte à l’UNLaR afin que celle-ci fournisse les éléments à décharge nécessaires, ce qu’elle a fait au moyen de la résolution no 2415 du Conseil supérieur en date du 15 août 2008, résolution qui est jointe à la présente communication en tant qu’indication de l’université qui fait l’objet de la plainte.
- 202. Le gouvernement ajoute que les mesures qui ont été mises en cause ont fait l’objet d’un recours en amparo devant le pouvoir judiciaire, procédure simplifiée que la législation prévoit en cas d’actes ou de manquements qui compromettent les droits constitutionnels; dans certains cas, la justice s’est prononcée et dans d’autres la procédure suit son cours. Dans le cas présent, où l’association syndicale n’a pas le statut syndical, la protection contre les actes antisyndicaux est prévue à l’article 47 de la loi no 23551.
- 203. A ce sujet, la Cour fédérale d’appel de Córdoba, dans l’affaire «Alonso María E. (une des dirigeantes syndicales licenciées) et autres contre Université nationale de La Rioja», en seconde instance, a statué dans le sens de la protection juridique des enseignants ayant des fonctions syndicales. Cette décision indique ce qui suit:
- … Ce dossier a la particularité que les demandeurs sont des enseignants intérimaires et que, par conséquent, leur situation administrative est précaire, transitoire et instable, mais qu’ils sont titulaires de fonctions syndicales. Ils font donc valoir l’immunité syndicale que leur donnent les articles 52 et concordants de la loi no 23551 sur les associations professionnelles. Ainsi, il s’agit d’établir si cette immunité propre au droit collectif du travail doit prévaloir dans une relation d’emploi public (comme c’est le cas des enseignants universitaires), à caractère intérimaire dans ce cas. Aux fins de cette analyse, on soulignera qu’il faut prendre tout particulièrement en compte que, dans le présent différend, le temps de service des demandeurs dans des fonctions intérimaires crée en leur faveur l’espoir légitime de les exercer de façon permanente, situation que ce tribunal ne peut pas négliger au moment de se prononcer sur la conformité de la portée de l’immunité syndicale que les demandeurs invoquent et sur laquelle ils fondent leur requête.
- Bien qu’elle vise un cadre différent, la loi sur les associations professionnelles, en établissant le «privilège syndical», crée une garantie qui est accordée à certains travailleurs, en raison de leur condition de représentants syndicaux, afin qu’ils ne soient pas licenciés ou mutés et que leurs conditions d’emploi ne soient pas modifiées sans un motif juste. Le privilège syndical est un droit du travailleur qui empêche le patron ou l’employeur, pendant la période que la loi indique, ou tant que cette garantie de protection subsiste, de licencier librement le travailleur ou de modifier ses conditions d’emploi, à moins d’avoir l’autorisation correspondante et sous la forme déterminée par la loi (voir Cabanellas, Guillermo, «Tratado de Derecho Laboral», Editorial Heliasta S.R.L., Buenos Aires, 1989, tome III, p. 555).
- En ce sens, l’article 47 de la loi no 23551 dispose expressément que «tout travailleur ou association syndicale dont serait empêché ou entravé l’exercice régulier des droits de liberté syndicale garantis par la présente loi pourra demander la protection de ces droits devant le tribunal compétent…». Par ailleurs, l’article 52, d’une façon concordante, indique que «les travailleurs protégés … ne peuvent pas être licenciés ou suspendus, et leurs conditions d’emploi ne peuvent pas être modifiées, à moins d’une résolution judiciaire préalable qui les prive de cette garantie, conformément à la procédure établie à l’article 47…».
- On le voit, le texte juridique est catégorique et rien ne laisse présumer qu’il faille exclure les employés publics de son champ d’application et de ses effets juridiques, pas plus que, parmi ceux-ci, les enseignants intérimaires. Bien que ces derniers travaillent dans un cadre précaire, dont le caractère est souvent dénaturé en raison d’une durée excessive, ils peuvent espérer légitimement avoir une situation stable, sauf dans certains cas – par exemple, lorsque le poste qu’ils occupent est couvert à la suite d’un concours ou en cas de manquements constatés dans leurs fonctions.
- Par ailleurs, rappelons que la stabilité syndicale a un rang constitutionnel. L’article 14 bis de la Constitution nationale dispose que «… Les représentants syndicaux jouissent des garanties nécessaires pour s’acquitter de leur activité syndicale et des garanties ayant trait à la stabilité dans l’emploi…». Au sujet de cette disposition, il a été estimé qu’il s’agit d’une garantie accordée au travailleur non à titre personnel mais en raison de la fonction syndicale qu’il exerce, et que son but est d’éviter des représailles ou des mesures qui nuisent arbitrairement aux droits du travailleur pendant qu’il exerce la représentation syndicale ou, alors que son mandat est terminé, qui découlent de cette représentation (voir Badeni, Gregorio, «Tratado de Derecho Constitucional», La Ley, Buenos Aires, 2004, tome I, p. 656).
- Même si, dans ce dossier, il n’y a pas d’élément probant qui permette d’affirmer que la réduction de la charge horaire des demandeurs résulte d’une pression ou d’une pratique antisyndicale exercées par les autorités universitaires et, par conséquent, même si nous nous trouvions en présence – c’est une hypothèse – d’un cas de «ius variandi», qui est une prérogative contractuelle propre aux contrats de droit public, dans le cas du personnel bénéficiant de la stabilité syndicale, toute modification des conditions d’emploi aurait dû être préalablement abordée par le biais de l’article 52 de la loi no 23551. Autrement dit, il aurait fallu obtenir une décision judiciaire d’exclusion de l’immunité syndicale, ce qui n’a pas été le cas et ce qui rend illégitime l’action du défendeur.
- Ainsi, il a été estimé que «… toute action de l’employeur visant à modifier le contrat doit être effectuée selon les modalités mentionnées à l’article 52 de la loi no 23551 … sans que la tentative de modification ne comporte nécessairement le but subjectif et contraire à la loi de nuire à la liberté syndicale…» (CNTRab, chambre IV, «Palmer, Alfredo Mateo contre Kraft Suchard Argentina, recours en amparo», jugement interlocutoire no 32938, cité par la CSJN dans les décisions 326:2325 du 4 juillet 2003). Cela ne revient pas à affirmer que l’employeur ne peut ni modifier la relation d’emploi ou exercer la capacité d’organisation et de direction, ni émettre un jugement sur la conduite de l’employé, mais à souligner que l’initiative de l’employeur aurait dû être menée selon les termes de l’article 52 de la loi no 23551.
- Dans ces conditions, et pour les raisons exprimées ci-dessus, étant donné que le défendeur n’a pas respecté l’immunité syndicale des demandeurs puisqu’il a modifié leurs conditions d’emploi sans respecter les procédures prévues par la loi, il convient de rejeter le recours intenté par l’Université nationale de La Rioja et, en conséquence, de confirmer la décision qui a fait l’objet du recours, et par laquelle il a été ordonné de payer aux demandeurs le manque à gagner entraîné par la réduction de la charge horaire dans les fonctions qu’ils ont occupées jusqu’au 12 août 2007.
- 204. Le gouvernement indique que, comme on le voit, par cette décision il a été clairement ordonné à l’employeur de respecter les conditions de travail dont bénéficiaient les enseignants en question, et que le point qui fait l’objet des allégations a été ou est examiné par la justice, comme il ressort de la décision susmentionnée de la Cour fédérale d’appel de Córdoba. Par conséquent, la justice a examiné ces actes.
- 205. L’UNLaR indique dans son rapport que, avant toute autre considération, il est indispensable d’indiquer en premier lieu que ses autorités, à titre individuel et collectif, ont été élues démocratiquement et à l’unanimité dans le cadre du vote qui a eu lieu le 18 mai 2007, et que ces élections n’ont pas fait l’objet d’objection judiciaire ou administrative. Par conséquent, les décisions adoptées dans cette université et dans ses organes internes sont non seulement conformes au droit mais ont aussi la légitimité que donne une base démocratique entière et véritable. Conformément aux dispositions des universités nationales, elles sont habilitées à désigner des enseignants «intérimaires» pour une durée déterminée, ce qui ne suppose pas la stabilité dans l’emploi. Il convient aussi de souligner à ce stade que la condition et la qualité de représentant syndical dont font mention les plaignants ne prévalent pas, ne compromettent pas le caractère strictement temporaire de la nomination à titre intérimaire et ne changent rien à l’absence de stabilité. C’est ce qu’ont souligné sans contestation la doctrine et la jurisprudence du pays.
- 206. L’UNLaR indique par exemple que, conformément à ce qui précède, la Cour fédérale d’appel de Córdoba a déclaré dans l’affaire no 153 – C2007 («Chade Juan et autres contre Université nationale de La Rioja, amparo») ce qui suit: «… Le fait que les demandeurs bénéficient de l’immunité syndicale ne modifie en rien ce qui est mentionné précédemment: l’immunité ne peut pas donner à ses destinataires – enseignants intérimaires – des droits comparables à ceux des enseignants nommés à la suite d’un concours…». La cour souligne ensuite: «… L’objet de l’immunité syndicale est de garantir à son titulaire l’exercice des droits syndicaux afin qu’il puisse exercer librement sa fonction syndicale sans représailles ni pressions de la part de l’employeur mais, dans le cas des enseignants intérimaires, elle ne se traduit pas par une amélioration de leur situation administrative, comme s’ils étaient des enseignants qui ont accédé à leur fonction à la suite d’un concours. Dans ce cas, à l’évidence, ni la durée ni les conditions d’exercice de la fonction ayant fait l’objet d’un concours ne peuvent être modifiées…».
- 207. L’UNLaR affirme que rien ne permet, avec un minimum de réflexion et de raison, de contredire ces prémisses. En effet, il suffirait qu’un très petit nombre d’enseignants universitaires intérimaires «montent» un syndicat pour prétendre éliminer l’obligation d’avoir les qualités universitaires requises. L’UNLaR indique que, pour résumer concrètement et préalablement la question, il faut prendre en compte les points suivants: a) les enseignants «intérimaires» sont désignés pour «une durée déterminée», ce qui «ne suppose pas la stabilité dans l’emploi»; et b) cette «précarité» de la relation d’emploi des enseignants «intérimaires» n’est pas subordonnée à l’immunité syndicale qui est mentionnée, laquelle s’applique seulement et exclusivement pendant la période de leur nomination d’enseignant. L’université a respecté strictement cette situation. Une fois arrivée à son terme exprès leur nomination, les enseignants «intérimaires» n’ont nullement le droit d’exiger, comme ils le font, une nouvelle nomination dans des conditions identiques à celle qui est arrivée à son terme, au seul motif d’être des «syndicalistes». En effet, la situation d’enseignant intérimaire – comme l’indique l’article 51 susmentionné de la loi no 24521 sur l’enseignement supérieur – ne suppose pas la stabilité dans l’emploi. L’université, depuis l’adoption de cette législation tout à fait claire, a la capacité en vertu de la réglementation objective interne et externe de renouveler ou non la nomination de ses enseignants. Dans toutes les universités publiques, seuls les concours, et non la simple «syndicalisation», permettent d’acquérir la stabilité dans l’emploi.
- 208. Quant à la méthodologie de nomination des enseignants dans l’université, et selon les dispositions expresses du statut de celle-ci, dont la dernière réforme a été approuvée par le ministère de l’Education de la nation et publiée dans le Journal officiel de la nation no 29838 du 14 février 2002, les enseignants de l’institution sont nommés par le conseil de direction de chaque département universitaire «… sur proposition du doyen». Etant donné que les ex-enseignants prétendument «licenciés» appartenaient, selon les attestations et les registres vérifiés, à trois départements universitaires (Sciences sociales, juridiques et économiques; Sciences de la santé et Education; et Humanités), pour mener à bien les actes de harcèlement qui sont dénoncés, 39 personnes honorables, élues de façon tout à fait démocratique et à l’unanimité, auraient dû «comploter». Par ailleurs, les plaignants ayant saisi la justice, et en ce qui concerne un point étroitement lié à celui qui est exposé préalablement, la juridiction fédérale locale, dans sa décision no 94/08 du 9 avril 2008, qui figure dans le dossier no 24872/08 («Olmedo Orello María Cecilia et autres contre Université nationale de La Rioja, amparo»), a rejeté la mesure sollicitée en vue du renouvellement de la nomination de la personne susmentionnée, d’Aníbal Magno et d’Estela Cruz de García en tant qu’enseignants intérimaires, et a indiqué ce qui suit au paragraphe 1 du point 6 de sa décision: «… Compte tenu de ce qui est indiqué, il est nécessaire de préciser à propos de la situation des enseignants que, au-delà de leur qualité d’intérimaires, ils ont été liés par une relation d’emploi pendant des périodes considérables. Il devient donc impératif, afin de démontrer qu’elle agit légitimement, dans le cas où elle ne souhaiterait pas renouveler l’engagement des enseignants qui font ou ont fait partie récemment de ses effectifs, que l’institution universitaire prenne la décision administrative correspondante et dûment fondée, dans laquelle elle en donnera les motifs universitaires…».
- 209. L’université a indiqué que le pouvoir judiciaire ne lui a ordonné à aucun moment de renouveler la nomination des enseignants intérimaires qui présentent aujourd’hui la plainte. La décision judiciaire a été dûment respectée par les départements de l’université, par le biais des résolutions correspondantes. Dans ces documents administratifs, l’université a insisté tout particulièrement sur les manquements flagrants des plaignants à leurs obligations universitaires. Dans le même sens, soulignant notamment que les performances individuelles, évaluées de façon objective, sont celles qui comptent pour renouveler la nomination des enseignants intérimaires, les départements universitaires des Sciences de la santé et Education se sont prononcés à ce sujet (résolutions, en date du 29 avril 2008, no 381/08 sur le non-renouvellement de la nomination de Estela Cruz de García; no 382/08 sur Cecilia Olmedo Orello; et no 383/03 sur Aníbal Magno), ainsi que le département des Humanités (résolution no 290/08 dans laquelle il décide de ne pas nommer Elena del Carmen Camisassa et résolution no 291/08 sur Eduardo José Berra).
- 210. L’université affirme que les prétendus «licenciements» n’ont pas eu lieu. Par ailleurs, il convient de souligner que le recteur de l’université n’intervient pas – et ne peut pas intervenir – dans les nominations, non-nominations et/ou radiations du corps enseignant car il n’a ni la juridiction ni la compétence pour le faire. Il va de soi que les enseignants de toute l’université et, par conséquent, de l’UNLaR doivent avoir les qualités et l’excellence universitaires inhérentes à leurs fonctions.
- 211. L’UNLaR indique que les ex-enseignants en question n’ont jamais cherché à bénéficier des autres possibilités prévues, conformément à la loi dans le Plan institutionnel d’accroissement des activités d’excellence dans l’enseignement et la recherche. Ainsi, il convient d’indiquer aussi que les plaignants (qui étaient alors enseignants intérimaires, comme on l’a dit) ont exercé leurs fonctions pendant plusieurs années et refusé systématiquement que leurs chaires fassent l’objet de concours, et n’ont pas effectué de travaux de recherche, d’accroissement et/ou de formation de ressources humaines. Pourtant, ils saisissent l’OIT, s’attribuent fallacieusement une carrière d’enseignant sans faille et se posent en victimes en raison de leurs «activités syndicales». C’est loin d’être le cas. Aucun droit ne permet de demeurer dans l’enseignement universitaire sans le mériter. L’UNLaR indique aussi que l’ARDU ne représente que 3,64 pour cent des enseignants de l’université, laquelle compte 1 118 enseignants. L’université veille, sans hésitation et sans exception aucune, au respect le plus absolu de la garantie de l’organisation syndicale libre et démocratique, telle qu’elle est prévue à l’article 14 bis de la Constitution. Jamais elle n’a effectué ou décidé des actes qui pourraient la compromettre, aussi peu que ce soit. De plus, il existe une autre organisation syndicale d’enseignants, le Syndicat des enseignants et chercheurs de l’Université nationale de La Rioja (SIDIUNLAR), qui compte 962 affiliés, soit 86 pour cent des enseignants. Il faut aussi prendre en compte que, comme le fait l’honorable conseil dans la résolution no 2208/08, le SIDIUNLAR est inscrit en tant que syndicat devant le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale de la nation, conformément à ce qu’indique la résolution no 137/08 du 26 février 2008.
- 212. L’université affirme que, en raison du nombre infime de ses affiliés, l’ARDU n’est pas réellement représentative des enseignants de l’université et, même si cette situation ne compromet pas en soi la garantie constitutionnelle dont elle bénéficie en tant qu’association syndicale, il est nécessaire de prendre en compte l’existence d’un autre syndicat d’enseignants, à savoir le SIDIUNLAR. Selon l’université, cette situation va à l’encontre de l’affirmation selon laquelle les plaignants ont été harcelés et victimes de prétendues violations de l’association syndicale libre. Par ailleurs, le SIDIUNLAR, qui est l’organisation la plus représentative, n’a jamais fait état d’actes de cette nature.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 213. Le comité note que, dans le présent cas, les organisations plaignantes font état d’actes de discrimination antisyndicale de l’Université nationale de La Rioja (UNLaR) depuis 1999, année où elle a ordonné l’ouverture d’une procédure interne à l’encontre de l’enseignante Estela Cruz de García, secrétaire générale de l’Association des enseignants universitaires de La Rioja (ARDU) (allégation que le comité a déjà examinée dans le cadre du cas no 2065). Concrètement, les organisations plaignantes font état des actes antisyndicaux suivants: 1) les licenciements antisyndicaux en avril 2000 de la secrétaire générale de l’ARDU, Mme Estela Cruz de García; de la secrétaire adjointe, María Alonso, et du secrétaire aux finances, M. Eduardo Berra (selon les plaignants, un recours en amparo a été intenté et une mesure provisoire sollicitée, et il a été ordonné de réintégrer ces personnes dans leurs fonctions); 2) en août 2005, ont été licenciés trois enseignants du Collège universitaire, délégués syndicaux de l’ARDU (selon le plaignant, une procédure judiciaire est en cours au sujet de ces licenciements); 3) en août 2007, le secrétaire aux finances de l’ARDU, M. J. C. Ruiz, a été licencié (selon les plaignants, dans le cadre d’une procédure judiciaire, l’université a été critiquée sévèrement et il lui a été ordonné de compenser le manque à gagner pour 2007 et les préjudices économiques subis); 4) en décembre 2007, sept membres de la Commission de direction et de vérification des comptes ont été licenciés, dont la secrétaire générale de l’ARDU et membre du Bureau exécutif de la Fédération historique des enseignants; 5) en janvier 2008, la secrétaire syndicale de l’ARDU et une vérificatrice des comptes ont été licenciées (selon les plaignants, un recours en amparo est en cours); 6) en février 2002, à l’occasion d’une protestation d’enseignants, de parents d’élèves et d’élèves, l’UNLaR a déposé une plainte au pénal contre les membres de l’ARDU pour violation du système démocratique constitutionnelle, plainte que l’autorité judiciaire a rejetée; et 7) en juillet 2007, ont été affectées les conditions d’emploi (réduction du nombre d’heures de travail rémunéré) de trois membres de la Commission directive de l’ARDU et, en août 2007, de quatre autres membres de la commission (selon les plaignants, des recours judiciaires ont été intentés à ce sujet et, les décisions de la justice ayant été favorables aux travailleurs, l’UNLaR a intenté un recours). Le comité note enfin que les organisations plaignantes affirment que les licenciements ont été effectués sans que ne soit respecté le régime de protection de l’activité syndicale, et que la justice du travail a établi dans certains cas que les dirigeants syndicaux doivent bénéficier de cette protection, y compris s’ils ont été élus à l’occasion d’activités spécifiques qui ont pris fin.
- 214. Le comité prend note des indications suivantes du gouvernement: 1) les actes en question ont été effectués par une université nationale d’un Etat provincial, qui jouit de l’autonomie et de l’autarcie en ce qui concerne son gouvernement et les mesures qu’il prend; 2) en vertu des principes d’autonomie et d’autarcie, le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale a adressé copie de la plainte à l’université afin que celle-ci fournisse les éléments à décharge nécessaires; 3) les actes mis en cause par les organisations plaignantes ont fait l’objet de recours devant le pouvoir judiciaire – dans certains cas, la justice s’est prononcée et, dans d’autres, les recours sont en instance; 4) dans le présent cas, à savoir que l’organisation syndicale ne jouit pas du statut syndical (qui est accordé à l’organisation la plus représentative), la protection de la loi contre les actes syndicaux est prévue à l’article 47 de la loi no 23551; 5) la Cour fédérale d’appel de Córdoba – en seconde instance –, en ce qui concerne l’une des procédures intentées par plusieurs dirigeants syndicaux, a statué dans le sens de la protection juridique des enseignants ayant des fonctions syndicales. Par exemple, elle a estimé que «dans le cas du personnel bénéficiant de la stabilité syndicale, toute modification des conditions de travail aurait dû être préalablement abordée par le biais de l’article 52 de la loi no 23551. Autrement dit, il aurait fallu obtenir une décision judiciaire d’exclusion de l’immunité syndicale, ce qui n’a pas été le cas et ce qui rend illégitime l’action du défendeur» et que «dans ces conditions, et pour les raisons exprimées ci-dessus, étant donné que le défendeur n’a pas respecté l’immunité syndicale des demandeurs puisqu’il a modifié leurs conditions d’emploi sans respecter les procédures prévues par la loi, il convient de rejeter le recours intenté par l’université et, en conséquence, de confirmer la décision qui a fait l’objet du recours, et par laquelle il a été ordonné de payer aux demandeurs le manque à gagner entraîné par la réduction de la charge horaire dans les fonctions qu’ils ont occupées jusqu’au 12 août 2007»; 6) cette décision de justice fait clairement obligation à l’employeur de respecter les conditions de travail dont bénéficient les enseignants en question; et 7) les questions ayant trait aux allégations ont été examinées par la justice ou le sont encore.
- 215. Le comité note aussi que l’université déclare ce qui suit dans le rapport que le gouvernement a joint: 1) les universités nationales sont habilitées à désigner des enseignants intérimaires pour une durée déterminée, ce qui ne suppose pas la stabilité dans l’emploi (la relation d’emploi n’est pas subordonnée à l’immunité syndicale qui est mentionnée, laquelle s’applique seulement et exclusivement pendant la période de leur nomination d’enseignant); 2) la condition et la qualité de représentant syndical des dirigeants en question ne prévalent aucunement et ne compromettent pas le caractère strictement temporaire de la nomination à titre intérimaire de l’enseignant (selon l’université, cela a été confirmé par l’autorité judiciaire); 3) une fois arrivée à terme la nomination en tant qu’enseignant intérimaire, aucun droit n’est reconnu à exiger une nouvelle nomination dans des conditions identiques au simple motif d’être syndicaliste; 4) dans toutes les universités publiques, la stabilité dans l’emploi est acquise à la suite d’un concours et non en raison de la syndicalisation; 5) les enseignants prétendument licenciés appartenaient à trois départements universitaires différents; ainsi, pour mener à bien le prétendu harcèlement, 39 personnes élues démocratiquement auraient dû comploter; 6) à aucun moment le pouvoir judiciaire n’a ordonné à l’université de nommer les enseignants intérimaires en question; 7) les enseignants en question ont commis des manquements flagrants à leurs obligations universitaires; 8) l’université respecte la garantie constitutionnelle de l’organisation syndicale libre et démocratique; et 9) l’ARDU représente 3,64 pour cent des 1 118 enseignants de l’université, et une autre organisation syndicale regroupe 86 pour cent des enseignants.
- 216. Le comité prend note des arguments de l’université, à savoir la qualité d’«intérimaires» des dirigeants syndicaux qui font l’objet de mesures préjudiciables et le fait que l’organisation plaignante ARDU est peu représentative. Toutefois, le comité constate que, comme il ressort de la décision judiciaire que le gouvernement transcrit, en vertu de l’immunité syndicale des dirigeants que prévoit la législation – même s’il s’agissait d’enseignants intérimaires et non permanents –, l’université aurait dû solliciter à la justice l’exclusion de cette immunité avant de procéder aux licenciements ou aux modifications des conditions d’emploi. Dans ce contexte, le comité se dit préoccupé par le fait que, comme il ressort de la décision judiciaire transcrite par le gouvernement, l’université n’a pas respecté les procédures qui protègent les dirigeants syndicaux, lesquelles exigent une autorisation judiciaire pour les licencier ou pour modifier leurs conditions d’emploi. Le comité se dit préoccupé en particulier par le fait que, entre avril 2000 et janvier 2008, plusieurs dirigeants syndicaux de l’organisation ont été licenciés, ou que leurs conditions d’emploi ont été modifiées, ce qui a donné lieu à différentes procédures judiciaires, dont certaines sont en cours.
- 217. Dans ces conditions, notant que les plaignants ont recouru au système juridique de protection contre les violations des droits syndicaux dans les différents cas signalés depuis 2000, le comité demande au gouvernement de le tenir informé du résultat de l’ensemble des procédures judiciaires en cours ayant trait aux allégations. De plus, il lui demande de prendre des mesures pour garantir qu’à l’avenir, si l’université prévoit de licencier des dirigeants syndicaux qui jouissent de la protection syndicale ou de modifier leurs conditions d’emploi, cela soit fait conformément à la protection des syndicalistes prévue dans la législation.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 218. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé du résultat de l’ensemble des procédures judiciaires en cours ayant trait aux allégations présentées par les plaignants contre l’Université nationale de La Rioja.
- b) Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour garantir qu’à l’avenir, si l’université prévoit de licencier des dirigeants syndicaux qui jouissent de la protection syndicale, ou de modifier leurs conditions d’emploi, cela soit fait conformément à la protection des syndicalistes prévue dans la législation.