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Rapport définitif - Rapport No. 360, Juin 2011

Cas no 2770 (Chili) - Date de la plainte: 27-MARS -10 - Clos

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345. La plainte figure dans une communication de la Fédération syndicale mondiale (FSM) en date du 29 mars 2010.

  1. 345. La plainte figure dans une communication de la Fédération syndicale mondiale (FSM) en date du 29 mars 2010.
  2. 346. Le gouvernement a fait parvenir ses observations par une communication en date du 11 février 2011.
  3. 347. Le Chili a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 348. Dans sa communication en date du 29 mars 2010, la Fédération syndicale mondiale (FSM) déclare que la législation chilienne comporte plusieurs dispositions qui contreviennent aux conventions et aux principes de la liberté syndicale. Dans ce cas-ci, la FSM conteste en particulier l’article 381 du Code du travail qui établit l’interdiction de remplacer les grévistes excepté sous certaines conditions.
  2. 349. Selon la FSM, il sera toujours possible pour l’employeur de recruter des briseurs de grève pour remplacer les travailleurs qui font usage de leur droit de grève de manière légale. Dans certains cas, il y est autorisé dès le premier jour, dans d’autres cas, à partir du quinzième jour de grève mais, dans la pratique, les briseurs de grève commencent à travailler dès le premier jour. La FSM allègue que ce qui s’est passé lors de la négociation engagée au sein de l’entreprise Cerámica Espejo Limitada, créée en 2002, entreprise qui a succédé à l’entreprise Cerámica Espejo S.A., qui existait depuis 1967, en est une démonstration. Les travailleurs ont présenté leur cahier de revendications à l’entreprise en janvier 2010 et celle-ci a déclaré qu’elle refusait de négocier, au motif qu’elle ne reconnaissait pas le syndicat. L’inspection du travail, lors d’une intervention prévue par la loi en cas de différend, l’a mise en demeure de négocier.
  3. 350. La FSM rapporte que l’entreprise a envoyé sa réponse, signifiant qu’elle refusait toute amélioration de salaire ou toute revalorisation par rapport à l’inflation passée ou future, et proposait de maintenir les conditions actuelles encore quatre ans, ce qui a conduit les travailleurs à se déclarer en grève. Les travailleurs ont épuisé toutes les instances de médiation existantes pour tenter de négocier avec l’entreprise, mais celle-ci s’est catégoriquement refusée à négocier quoi que ce soit, et cela a conduit à la grève. L’entreprise n’a pas respecté les dispositions de l’article 381 car, bien qu’elle ait payé le bon prévu pour pouvoir embaucher des travailleurs briseurs de grève, elle n’a pas respecté le reste des exigences du Code du travail, c’est-à-dire d’offrir une revalorisation. L’entreprise a embauché des briseurs de grève et a également affecté d’autres travailleurs à d’autres tâches pour remplacer les grévistes. Face à cette situation, une plainte a été déposée auprès de l’inspection pour qu’elle puisse constater les faits mais, lorsque l’inspecteur est arrivé dans l’entreprise, le moulin fonctionnait ainsi qu’un four et le sous-sol, et il a été constaté qu’un véhicule avec chauffeur avait été recruté, ainsi que d’autres travailleurs, dès la première semaine de grève; l’inspection n’a pu constater la présence que d’un seul briseur de grève, le gardien de l’entreprise; pour les autres, selon les fonctionnaires, ils devaient consulter leurs supérieurs pour savoir s’ils étaient des briseurs de grève ou non.
  4. 351. La FSM répète que l’entreprise ne pouvait pas engager de briseurs de grève et, suite à la pression exercée par les travailleurs, l’inspection a proposé une médiation pour que l’entreprise congédie le travailleur que l’inspection avait reconnu comme le seul briseur de grève, et pour tenter de parvenir à une solution négociée du conflit. Cette médiation s’est tenue au quatrième jour de grève, dans l’après-midi. Selon la FSM, l’entreprise avait obtenu ce qu’elle voulait pendant quatre jours. L’entreprise a déclaré qu’elle congédierait le briseur de grève, ce qu’elle a effectivement fait ce jour-là, mais au sixième jour elle l’a réembauché ainsi que d’autres travailleurs.
  5. 352. Plus tard, au neuvième jour de la grève, les dirigeants syndicaux se sont rendus à l’inspection pour demander que la présence de briseurs de grève soit constatée. L’inspection a refusé de faire ladite vérification parce qu’une médiation était prévue pour le jour suivant. Ladite médiation a eu lieu et l’entreprise a déclaré qu’il était de son devoir d’y participer mais que personne ne pourrait l’obliger à négocier, et a répété qu’elle ne reconnaissait pas le syndicat parce qu’il n’existait pas; cela faisait à ce moment-là dix jours qu’elle utilisait des briseurs de grève.
  6. 353. La FSM affirme que l’entreprise ne pouvait pas faire fonctionner les postes de travail qui étaient en grève, entre autres le secteur des transports et celui des livraisons, étant donné que lesdits travailleurs étaient en grève; cependant, les chefs d’entreprise faisaient sortir des marchandises de leurs magasins, sous la protection des Carabiniers du Chili. La police chargée de faire respecter l’ordre public a, dans la pratique, agi comme protectrice d’un acte illicite, à savoir le remplacement illégal du chauffeur de l’entreprise et du livreur qui étaient en grève. La FSM ajoute que, vu que ceci s’est produit à quatre reprises, les dirigeants de la Fédération unitaire des travailleurs ont indiqué aux carabiniers qu’ils commettaient un acte illégal. Face à cela, un sous-lieutenant a tenté d’effrayer lesdits dirigeants et de les arrêter, ce qui finalement n’a pas eu lieu. La police dirigeait les actions de protection pour que l’entreprise fasse sortir illégalement des produits de ses établissements. Pour mettre fin à la conduite irrégulière des carabiniers, le dirigeant coordinateur de la Fédération syndicale mondiale au Chili s’est présenté personnellement à la 11e section des Carabiniers de Lo Espejo pour protester contre l’assistance policière fournie à un chef d’entreprise. Dans ledit commissariat, un lieutenant lui a déclaré qu’il ne connaissait pas la loi régissant la situation des grévistes, que le déploiement de forces en dehors de la commune relevait de leur seule compétence et que leur tâche était de faire respecter l’ordre public. Selon la FSM, il s’agissait de faire croire qu’il y aurait eu des débordements au cours de la grève et que c’était la raison pour laquelle les carabiniers auraient agi, ce qui est totalement faux. Face au soutien apporté par le lieutenant de la section de Lo Espejo à l’action illégale de ses subordonnés, le dirigeant s’est adressé aux bureaux de la préfecture sud des Carabiniers de Santiago. Il a ensuite été dirigé vers une autre unité où se trouve le bureau de l’inspecteur des carabiniers, et c’est là qu’il a déposé une plainte écrite contre la participation des carabiniers à la protection de l’entreprise. La plainte a bien été reçue mais il lui a été déclaré qu’elle serait examinée plus tard et qu’il pourrait avoir une réponse dans les vingt jours.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 354. Dans sa communication en date du 11 février 2011, le gouvernement déclare, en ce qui concerne les commentaires relatifs à l’article 381 du Code du travail que, dans son premier alinéa, il est établi que: «Il sera interdit de remplacer des travailleurs en grève, excepté si la dernière offre proposée, dans la forme et dans les délais prévus par l’alinéa 3 de l’article 372 (2 jours), tient compte au minimum…». Selon le gouvernement, il est parfaitement clair que la règle générale en la matière est que le remplacement des travailleurs en grève est interdit, ce qui est parfaitement conforme aux dispositions des conventions nos 87, 98 et 135 de l’OIT.
  2. 355. Sans préjudice des affirmations antérieures, les alinéas suivants dudit article établissent qu’il sera possible de recruter des travailleurs de remplacement lorsqu’au moins les conditions suivantes établies formellement et expressément par la loi seront réunies:
    • a) Des dispositions identiques à celles contenues dans le contrat, la convention ou le jugement d’arbitrage en vigueur, revalorisées suivant le pourcentage de variation de l’indice des prix à la consommation déterminé par l’Institut national de statistiques ou celui qui en fait fonction, correspondant à la période comprise entre la date de la dernière revalorisation et celle de caducité de l’instrument pertinent.
    • b) Une revalorisation minimale annuelle suivant la variation de l’indice des prix à la consommation pour la période du contrat, à l’exclusion des douze derniers mois.
    • c) Un bon de remplacement qui atteindra le chiffre équivalent à quatre unités «d’encouragement» pour chaque travailleur recruté comme remplaçant. La somme totale dudit bon sera payée par parts égales aux travailleurs grévistes, dans un délai de cinq jours suivant la date de la fin de la grève.
      • Dans ce cas, l’employeur pourra embaucher les travailleurs qu’il estimera nécessaires pour remplir les tâches des grévistes, à partir du premier jour de ladite grève.
      • En outre, dans ce cas, les travailleurs pourront opter pour une réintégration individuelle à leur poste de travail, à partir du quinzième jour de grève.
      • Si l’employeur ne faisait pas une offre comportant les caractéristiques indiquées dans le premier alinéa, et dans les délais prévus, il pourra embaucher les travailleurs qu’il estimera nécessaires pour l’effet mentionné à partir du quinzième jour de grève effective, à la condition qu’il paie le bon auquel fait référence le paragraphe c) du premier alinéa dudit article. Dans ce cas, les travailleurs pourront opter pour une réintégration individuelle à partir du trentième jour de grève.
      • Si l’offre à laquelle se réfère le premier alinéa de cet article était proposée par l’employeur après les délais impartis, les travailleurs pourront opter individuellement pour une réintégration à leur poste de travail, à partir du quinzième jour après la concrétisation de l’offre en question ou du trentième jour de grève, quel que soit la première de ces actions. Néanmoins, l’employeur pourra embaucher les travailleurs qu’il estimera nécessaires pour remplir les tâches des travailleurs en grève, à partir du quinzième jour effectif de celle-ci.
      • Aux fins de l’application de cet article, l’employeur pourra formuler plus d’une offre, à condition que l’une au moins des propositions remplisse les conditions requises, selon le cas, ainsi que le paiement du bon auquel se réfère le paragraphe c) du premier alinéa dudit article.
      • Si les travailleurs décident de réintégrer individuellement leur poste de travail, conformément aux dispositions dudit article, cela se fera, au moins, dans les conditions contenues dans la dernière offre de l’employeur.
      • Une fois que l’employeur aura fait usage des droits établis dans ledit article, il ne pourra pas retirer les offres dont il est fait mention.
    • 356. A cet égard, le gouvernement du Chili prend note des commentaires contenus dans la plainte sur l’existence légale desdites exceptions à l’interdiction d’embaucher des travailleurs pour remplacer les grévistes. Cependant, il convient d’informer que le législateur a considéré ces exceptions exclusivement pour les situations consacrées strictement et expressément par la loi et dont l’application implique des dépenses extrêmement onéreuses pour l’employeur, ce qui décourage celui-ci de faire usage d’une telle prérogative, en particulier lorsque celle-ci est employée dès le premier jour de grève.
  3. 357. L’énoncé antérieur est confirmé par l’avis de la direction du travail no 2852/157 du 30 août 2002 qui indique: «… ceci a été conçu par le législateur dans le but de décourager le remplacement des travailleurs dès le premier jour de grève, car cela rend cette décision plus onéreuse… Le bon doit être contenu dans la dernière offre de l’employeur pour qu’il puisse exercer son droit à remplacer les travailleurs, et pour que les travailleurs grévistes puissent faire usage de la prérogative de réintégrer leurs tâches.»
  4. 358. En ce qui concerne les faits imputés à l’entreprise «Cerámica Espejo Limitada», le gouvernement signale que l’entreprise a déclaré dans sa lettre d’observations que, s’il est vrai qu’elle n’a pas proposé la revalorisation minimale annuelle de l’IPC, elle avait cependant offert le paiement du bon de remplacement de 4 UF («unités d’encouragement») par travailleur remplacé. Ladite offre lui donnait le droit de recruter légalement des travailleurs de remplacement à partir du quinzième jour de grève et à recevoir des grévistes à partir du trentième jour, selon les dispositions de l’article 381 du Code du travail chilien. Ceci, selon les indications de l’entreprise en question, peut être vérifié dans la note ORD no 272 du 10 mars 2010 de l’inspection communale du travail de Santiago Sur. L’entreprise a également indiqué qu’elle n’avait pas affecté ses travailleurs à d’autres tâches pour remplacer les grévistes vu que les équipes de travail comptaient davantage de travailleurs que ceux qui étaient en grève. En outre, elle a indiqué qu’elle n’aurait recruté qu’un travailleur de nuit le trentième jour de la grève lorsque légalement elle pouvait recruter des travailleurs de remplacement.
  5. 359. Le gouvernement, pour sa part, déclare que tout d’abord il est important d’indiquer qu’il n’est pas en mesure de se prononcer sur les faits contenus dans la présente plainte, étant donné que les observations qui y sont faites ne sont pas étayées par des documents permettant d’établir une présomption d’exactitude. Il ajoute que le Chili est doté d’institutions efficaces, en particulier la Direction nationale du travail, institution qui a rigoureusement respecté son mandat légal, en usant de ses fonctions d’inspection et de médiation pour que, au cas où il y aurait une situation demandant une sanction, elle puisse établir l’infraction pertinente et veiller à l’exercice régulier des droits en matière de travail. De ce qui précède, il appert que la direction a mis l’entreprise en demeure de négocier, elle a effectué des contrôles et a constaté l’existence d’un remplaçant, faisant usage du mandat établi dans la législation chilienne du travail.
  6. 360. Le gouvernement ajoute que, d’autre part, au Chili, une réforme substantielle en matière de tribunaux du travail a été entreprise, dans le but de protéger tous les droits en matière de travail établis tant dans les traités internationaux signés par le Chili que dans la Constitution politique de la République. Cette réforme est inspirée par des principes pédagogiques tels qu’une représentation bilatérale à l’audience, des procédures orales, la publicité, une impulsion procédurale d’office, la spécialisation, l’immédiateté, entre autres. Les plaignants n’ont pas fait valoir les mécanismes prévus par la loi pour faire respecter leurs droits en matière de travail.
  7. 361. Indépendamment de cela, il convient de signaler que la plainte ne précise pas de quelle manière il a été porté atteinte aux droits établis dans les conventions nos 87, 98 et 135 de l’OIT. A cet égard, le gouvernement ne peut qu’affirmer qu’il a respecté en tous points les dispositions et les principes consacrés dans lesdits instruments en reconnaissant la liberté syndicale, garantie fondamentale consacrée dans l’article 19, alinéa 16, de la Constitution politique de la République du Chili et en l’encourageant. Tout particulièrement, en ce qui concerne la convention no 87, le droit pour les travailleurs de constituer l’organisation syndicale en question et de s’y affilier a toujours été respecté et les autorités publiques se sont abstenues à tout moment de toute intervention visant à entraver ce droit. En ce qui concerne les dispositions de la convention no 98, en particulier l’article 4, la direction du travail a agi conformément audit instrument international, en adoptant les mesures nécessaires pour encourager entre les employeurs et les travailleurs le développement et l’utilisation des procédures de négociation collective. Enfin, le gouvernement rappelle qu’il a agi en conformité avec la convention no 135 de l’OIT, puisque les représentants des travailleurs de l’entreprise ont toujours joui d’une protection efficace face à tout acte préjudiciable. En particulier ils ont été protégés dans leur affiliation au syndicat, dans leur participation au syndicat et dans leurs activités en tant que telles et ils n’ont jamais été congédiés de l’entreprise.
  8. 362. Le gouvernement affirme que les principes directeurs de la négociation collective ont été pleinement respectés. Selon la doctrine, ces principes établissent que: 1) il s’agit d’un mécanisme de solution équitable et pacifique; 2) sa procédure doit permettre aux parties d’exercer les droits qui leur sont propres; 3) ses dispositions doivent faciliter une relation de travail flexible et éviter que les résultats de la négociation ne portent préjudice aux droits légitimes de tiers; 4) la procédure doit avoir un contenu technique, ce qui implique que les parties négocient en maîtrisant le contexte du cas et en bénéficiant de l’assistance nécessaire; et 5) ladite procédure doit, en outre, être responsable et participative, et encourager les parties à convenir de mécanismes de médiation et d’arbitrage, de façon à ce que la grève ne se produise qu’en cas d’impossibilité de parvenir à une solution.
  9. 363. En ce qui concerne le comportement du corps des Carabiniers du Chili, le gouvernement déclare que l’entreprise a fait savoir qu’elle a fait appel aux Carabiniers du Chili pour protéger la sortie de l’entreprise du camion qui, un jour, avait été endommagé par Luis Calderón, président du syndicat gréviste. L’entreprise a indiqué également que cette personne aurait coupé l’énergie électrique à quatre reprises et l’eau à trois reprises, ce qui, selon l’entreprise, aurait indiscutablement porté atteinte au droit au travail des employés non grévistes.
  10. 364. Le gouvernement signale que le corps des Carabiniers du Chili a déclaré qu’à cette occasion le lieutenant et son personnel se sont rendus sur les lieux, «… et se sont entretenus avec les deux parties en conflit, en expliquant l’intérêt qu’ils avaient à exprimer leurs positions dans la forme autorisée par la loi et en offrant de maintenir une communication harmonieuse avec les carabiniers dans le but de ne pas transgresser les normes sur l’ordre public, obligation constitutionnelle et légale des Carabiniers du Chili».
  11. 365. Dans cette perspective, des dispositifs de surveillance auraient été établis et des patrouilles préventives auraient été envoyées afin de préserver la sécurité et l’intégrité personnelle de tous les participants au conflit, selon les indications de l’institution de police dans le document en question. Pendant les événements, des carabiniers se seraient rendus dans l’entreprise pour constater la protestation des travailleurs qui n’adhéraient pas à la grève, travailleurs qui, eux-mêmes, ont manifesté leur préoccupation pour leur propre intégrité, étant donné qu’ils auraient été menacés par les travailleurs en grève, situation qui affecterait le droit au travail desdits travailleurs. Ceux-ci auraient par ailleurs été empêchés d’accéder aux locaux de l’entreprise ou d’en sortir, parce qu’ils ne faisaient pas grève. Il convient de signaler également que le corps de carabiniers a indiqué à cet égard qu’«il n’appartient pas aux Carabiniers du Chili d’intervenir dans la qualification légale des travailleurs, de sorte qu’il ne leur est pas possible de distinguer entre les travailleurs habituels et permanents et les remplaçants autorisés par la loi». Dans le but d’éviter de plus grands conflits, le lieutenant des carabiniers s’est constamment tenu en communication avec les deux parties au conflit.
  12. 366. Par ailleurs, le corps des Carabiniers du Chili a fait savoir que, le 29 mars 2010, M. José Luis Ortiz Arcos est arrivé dans leurs services et s’est présenté comme un important dirigeant de la Fédération syndicale mondiale au Chili; il aurait exigé d’être reçu par le haut commandement et se serait montré colérique et provocant. Enfin, ils ont indiqué pour leur défense que, dans tous ses agissements, le corps des Carabiniers du Chili est resté fidèle à la Constitution politique de la République et à la loi organique constitutionnelle no 19861 des Carabiniers du Chili, puisque cette institution est chargée de veiller à tout moment au respect de l’ordre public et à l’intégrité personnelle des intervenants dans les conflits ainsi qu’au respect de la propriété publique et privée.
  13. 367. Le gouvernement déclare qu’il est primordial de mentionner à nouveau le caractère institutionnel de l’Etat du Chili, car parmi cet ensemble d’organes se trouve le corps des Carabiniers du Chili. Son rôle primordial est de préserver et de garantir l’ordre public, ce qui a été fait, vu qu’il a été procédé à des patrouilles, et une surveillance préventive a été assurée pour préserver la sécurité et l’intégrité de tous les participants au conflit; il a eu des entretiens avec les deux parties, et s’est offert comme médiateur pour une communication harmonieuse; il a constaté les protestations des travailleurs qui n’adhéraient pas à la grève et, surtout, il a maintenu son indépendance et son impartialité en ne discriminant pas entre les travailleurs et en ne s’immisçant pas dans leur qualification juridique. L’attitude du corps des Carabiniers du Chili a été en parfaite conformité avec l’article 1 de la convention no 98 de l’OIT dans la mesure où les travailleurs ont joui à tout moment d’une protection adéquate contre tout acte de discrimination tendant à entraver la liberté syndicale dans leur emploi.
  14. 368. Par ailleurs, selon le gouvernement, il est important de signaler que l’attitude du corps des Carabiniers du Chili dans le cas en question s’accorde parfaitement aux critères que l’OIT a fixés pour mesurer l’intervention de la police pendant la grève, vu qu’à tout moment il a agi dans le sens du maintien de l’ordre public. Le gouvernement conclut en affirmant qu’à aucun moment il ne s’est éloigné des principes établis dans les conventions nos 87, 98 et 135 de l’OIT qu’il a ratifiées, et qu’il n’a pas non plus ignoré les principes et les normes qui inspirent et régissent la législation du travail. L’attitude des organes en question, le corps des Carabiniers du Chili et la direction du travail sont toujours restés dans le cadre de leurs attributions et de l’état de droit qui prévaut au Chili, dans le respect plein et entier des traités internationaux ratifiés.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 369. Le comité observe que, dans le présent cas, l’organisation plaignante conteste l’article 381 du Code du travail (qui, bien qu’il interdise le recrutement de travailleurs pour remplacer les grévistes, prévoit certaines exceptions, qui sont reprises dans la réponse du gouvernement), et allègue que l’entreprise Cerámica Espejo Limitada a embauché des travailleurs en remplacement des travailleurs qui s’étaient mis en grève pour revendiquer une augmentation de salaire, en janvier 2010, et que la force des Carabiniers du Chili a accordé son assistance à l’entreprise pour que celle-ci puisse faire sortir des marchandises de ses magasins de manière illégale vu que les travailleurs du secteur du transport étaient en grève.
  2. 370. En ce qui concerne l’article 381, contesté, du Code du travail concernant le remplacement de travailleurs grévistes, le comité prend note que le gouvernement déclare que: 1) la règle générale en la matière, prévue dans le premier alinéa de l’article en question, est que le remplacement des travailleurs en grève est interdit, mais que, sans préjudice de cela, les alinéas suivants dudit article prévoient qu’il sera possible de recruter des travailleurs de remplacement dans certaines conditions établies strictement et expressément par la loi; et 2) le législateur a considéré ces exceptions exclusivement pour les situations strictement et expressément prévues par la loi et dont l’application implique un coût extrêmement onéreux pour l’employeur, ce qui le décourage d’utiliser cette prérogative, en particulier lorsque celle-ci est utilisée dès le premier jour de grève (selon le gouvernement, l’avis de la Direction du travail no 2852/157 du 30 août 2002 exprime l’objectif de décourager le remplacement de grévistes).
  3. 371. A cet égard, le comité rappelle qu’à de nombreuses reprises il a souligné que, «si une grève est légale, l’utilisation d’une main-d’œuvre étrangère à l’entreprise afin de remplacer les grévistes, pour une durée indéterminée, comporte un risque d’atteinte au droit de grève qui peut affecter le libre exercice des droits syndicaux». [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 633.] Le comité observe également que la Commission d’experts pour l’application des conventions et des recommandations (CEACR) a indiqué à plusieurs reprises que l’article 381 du Code du travail n’est pas conforme à la convention no 87 ratifiée par le Chili.
  4. 372. Le comité souhaite rappeler également que «l’embauche de travailleurs pour briser une grève dans un secteur qui ne saurait être considéré comme un secteur essentiel au sens strict du terme, où la grève pourrait être interdite, constitue une violation grave de la liberté syndicale» et que l’utilisation de personnes pour remplir des fonctions abandonnées à l’occasion d’un conflit du travail ne saurait, si la grève est par ailleurs légale, être justifiée que par la nécessité d’assurer le fonctionnement de services ou d’industries dont l’arrêt créerait une situation de crise aiguë. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 632 et 636.] Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures qui s’imposent pour modifier l’article 381 du Code du travail de sorte que l’embauche de travailleurs pour remplacer des grévistes ne soit possible qu’en cas de grèves affectant des secteurs ou des services essentiels au sens strict du terme, dans le cas où le service minimum ne serait pas respecté ou en cas de crise aiguë, et de s’assurer que cette modification est mise en œuvre de manière effective.
  5. 373. En ce qui concerne les allégations relatives à l’embauche de travailleurs pour remplacer des grévistes par l’entreprise Cerámica Espejo Ltda (selon la FSM, l’inspection du travail a constaté l’embauche d’un travailleur pendant la grève), le comité prend note que le gouvernement fait savoir que l’entreprise a déclaré que: 1) s’il est vrai qu’elle n’a pas proposé la revalorisation minimale annuelle de l’IPC, elle a en revanche proposé de payer le bon de remplacement prévu pour chaque travailleur remplacé; 2) ladite proposition lui conférait donc le droit d’embaucher des travailleurs de remplacement à partir du quinzième jour de grève et de recevoir des grévistes à partir du trentième jour, comme établi dans l’article 381 du Code du travail (selon l’entreprise, ceci peut être vérifié dans la note no 272 de mars 2010 de l’inspection communale du travail de Santiago Sur); et 3) elle n’avait pas affecté ses travailleurs à d’autres tâches pour remplacer les grévistes vu que les équipes de travail comprenaient d’autres travailleurs qui n’étaient pas en grève et qu’elle n’a embauché qu’un «veilleur de nuit» le trentième jour de grève lorsque, légalement, elle avait la faculté d’embaucher des travailleurs de remplacement. Le comité prend note que, pour sa part, le gouvernement déclare que: 1) il n’est pas en mesure de se prononcer sur les faits étant donné que les observations ne sont pas étayées par des documents permettant d’établir une présomption d’exactitude; 2) la direction nationale au travail a pleinement respecté son mandat légal en faisant usage de ses fonctions d’inspection et de médiation; dans le cadre de ses fonctions, elle a mis l’entreprise en demeure de négocier, elle a effectué des contrôles et a constaté l’existence d’un remplaçant (embauché en vertu du mandat établi par la législation); 3) une réforme de fond a été entreprise en matière de tribunaux du travail afin de préserver intégralement les droits en matière de travail établis dans les traités internationaux ratifiés par le Chili ainsi que dans la Constitution politique, et les plaignants n’ont pas fait valoir les mécanismes prévus par la loi pour faire respecter leurs droits en matière de travail; et 4) les dispositions et les principes consacrés par les conventions nos 87, 98 et 135 ont été pleinement respectés.
  6. 374. Dans ces conditions, tout en observant que, dans le cadre du conflit, l’entreprise en question aurait embauché un travailleur (ce qui a été constaté par l’inspection du travail) pour remplacer un gréviste dans le secteur de la céramique, qui n’est pas un service essentiel au sens strict du terme, le comité demande au gouvernement de s’assurer qu’à l’avenir le remplacement des grévistes ne soit possible qu’en cas de grèves affectant les services essentiels au sens strict du terme, au cas où le service minimum ne serait pas respecté ou en cas de crise aiguë.
  7. 375. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle la force des Carabiniers du Chili a accordé son assistance à l’entreprise pour que celle-ci puisse faire sortir des marchandises de ses magasins de manière illégale étant donné que les travailleurs du secteur du transport étaient en grève, le comité prend note que le gouvernement fait savoir que l’entreprise a déclaré qu’elle avait fait appel aux carabiniers pour protéger la sortie de l’entreprise d’un camion vu que, par le passé, celui-ci avait été attaqué par le président du syndicat en grève. Le comité prend note également que le gouvernement indique que le corps des Carabiniers du Chili fait savoir que: 1) au moment des faits énoncés dans la plainte, ils se sont présentés sur les lieux, ils se sont entretenus avec les deux parties en conflit et leur ont expliqué l’intérêt qu’ils avaient à exprimer leurs positions dans la forme autorisée par la loi; ils se sont également offerts à maintenir une communication harmonieuse avec les parties dans le but de ne pas transgresser les normes sur l’ordre public, obligation constitutionnelle et légale qui incombe aux carabiniers; 2) dans ce but, ils ont établis des dispositifs de surveillance et envoyé des patrouilles préventives afin de préserver la sécurité et l’intégrité personnelle de tous les participants au conflit; 3) pendant le déroulement du conflit, des carabiniers se sont présentés dans l’entreprise pour constater la plainte des travailleurs qui n’adhéraient pas à la grève et avaient manifesté leur inquiétude pour leur propre intégrité, étant donné qu’ils avaient été menacés par les travailleurs en grève; 4) il n’incombe pas aux Carabiniers du Chili d’intervenir dans la qualification légale des travailleurs de sorte qu’il ne leur est pas possible de faire la distinction entre les travailleurs habituels et permanents et les remplaçants autorisés par la loi; 5) un dirigeant de la FSM s’est présenté le 29 mars 2010 dans les services des carabiniers et il se serait montré colérique et arrogant; et 6) toute l’attitude dudit corps a été conforme à la Constitution politique et à la loi organique constitutionnelle sur les Carabiniers du Chili étant donné que cette institution est chargée de veiller au respect de l’ordre public et de l’intégrité personnelle des intervenants dans les conflits, ainsi qu’au respect de la propriété publique et privée. Enfin, le comité prend note de ce que le gouvernement affirme que l’attitude des Carabiniers du Chili a été parfaitement conforme aux critères que l’OIT a fixés pour mesurer l’intervention de la police pendant la grève. Tenant compte de toutes ces informations et en particulier du fait que l’intervention des carabiniers n’a pas donné lieu à des désordres ni à des agressions et que, selon les affirmations des carabiniers, les non-grévistes auraient été menacés, le comité ne poursuivra pas l’examen de ces allégations.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 376. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
    • Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures qui s’imposent pour modifier l’article 381 du Code du travail, de sorte que l’embauche de travailleurs en remplacement des grévistes ne soit possible qu’en cas de grèves affectant des services essentiels au sens strict du terme, au cas où le service minimum ne serait pas respecté ou en cas de crise aiguë, et de s’assurer que cette modification est mise en œuvre de manière effective.
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