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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 367, Mars 2013

Cas no 2930 (El Salvador) - Date de la plainte: 07-FÉVR.-12 - Clos

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Allégations: Initiative législative du gouvernement portant sur la composition du conseil de direction d’une structure de formation professionnelle sans avoir mené de consultations avec les organisations de travailleurs et d’employeurs; composition déséquilibrée dudit conseil

  1. 716. La plainte figure dans une communication de l’Association nationale des entreprises privées (ANEP) en date du 7 mars 2012.
  2. 717. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en date du 25 février 2013.
  3. 718. El Salvador a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 719. Dans sa communication en date du 7 mars 2012, l’Association nationale des entreprises privées (ANEP) allègue que, le 6 mars 2012, le gouvernement a pris l’initiative de lancer, sans avoir consulté les organisations d’employeurs et de travailleurs, une réforme de la loi sur la formation professionnelle visant à modifier la structure du conseil de direction de l’Institut national de formation professionnelle (INSAFORP) pour qu’il soit constitué: de dix directeurs répartis de la manière suivante: cinq représentants du gouvernement, nommés par les ministères des Relations extérieures, de l’Economie, du Tourisme, de l’Education, du Travail et de la Prévision sociale; d’un représentant nommé par le Président de la République; de deux représentants nommés par le secteur privé; et de deux représentants nommés par le monde du travail. Le projet de réforme prévoit un nombre égal de remplaçants répartis de la même façon et dispose, en outre, que le président et le vice-président dudit conseil de direction seront nommés par le Président de la République parmi les membres représentant le gouvernement. Il importe de souligner que l’institut en question a été créé lors de la promulgation de la loi sur la formation professionnelle, aux termes de l’article 1 de ladite loi. Il s’agit d’une loi relevant du droit du travail qui a pour objet de répondre aux besoins en ressources humaines qualifiées exigé par le développement économique et social du pays et de favoriser l’amélioration des conditions de vie du travailleur et de son groupe familial.
  2. 720. L’ANEP indique qu’El Salvador a également ratifié la convention (no 142) sur la mise en valeur des ressources humaines, 1975, dont l’article 5 déclare expressément: «Les politiques et les programmes d’orientation et de formation professionnelles seront élaborés et appliqués en collaboration avec les organisations d’employeurs et de travailleurs et, le cas échéant, conformément à la loi et à la pratique nationales, avec d’autres organismes intéressés.» Cette disposition établit clairement l’obligation, pour les Etats qui ont ratifié cette convention, de mettre en œuvre de façon conjointe les politiques de formation professionnelle. Cette mise en œuvre comporte logiquement la participation équitable des institutions publiques, des employeurs et des travailleurs, et il en va de même de la prise de décisions se rapportant à la mise en œuvre desdites politiques. L’initiative portant sur la loi susmentionnée rompt de manière drastique avec ledit principe puisque, au sein du conseil de direction de l’INSAFORP, responsable de la prise de décisions dans le cadre de la mise en œuvre des politiques de formation du personnel, la majorité constituée des secteurs des employeurs et des travailleurs est soumise au pouvoir du gouvernement, sa collaboration et sa participation devenant dès lors inutiles.
  3. 721. L’ANEP ajoute que, lorsqu’un pays comme El Salvador a ratifié la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, ladite ratification implique que l’Etat a l’obligation de mener des consultations nationales tripartites sur les projets de réformes ou de mesures liées aux conventions en question ou à leur application à l’intérieur de son territoire, en particulier celles qui font référence à la composition tripartite des institutions publiques chargées de mettre en œuvre des politiques telles que celles régies par la convention no 142 précitée.
  4. 722. L’ANEP allègue que l’adoption de la réforme de la loi sur la formation professionnelle violerait les dispositions de l’article 3 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, puisqu’elle porte atteinte à la capacité de représentation des employeurs au sein de l’INSAFORP et enfreint également les conventions nos 142 et 144. L’ANEP souligne que le projet de loi visant à réformer la composition du conseil de direction de l’INSAFORP n’a même pas été préalablement présenté au Conseil supérieur du travail, organe tripartite, ni aux organisations d’employeurs et de travailleurs, ce qui constitue une infraction à l’article 7 c) du règlement du Conseil supérieur du travail, qui stipule: «Le Conseil supérieur du travail aura les attributions suivantes… c) Donner son avis sur les avant-projets de réforme de la législation du travail et de la prévision sociale et sur les mesures réglementaires pertinentes qui, du fait de leur importance, lui seront soumises par le gouvernement.»
  5. 723. Cette obligation de consultation, selon l’ANEP, a été reconnue dans la recommandation (no 152) sur les consultations tripartites relatives aux activités de l’Organisation internationale du Travail, 1976 (paragr. 5 c)), laquelle préconise que soient consultés les représentants des organisations d’employeurs et de travailleurs, compte tenu de la pratique nationale, sur la préparation et la mise en œuvre des mesures législatives ou autres tendant à donner effet aux conventions – en particulier aux conventions ratifiées – et l’application des recommandations, en particulier celles relatives à la consultation et à la collaboration avec des représentants des employeurs et des travailleurs. De même, en vertu de l’article 19, paragraphe 5 d), de la Constitution de l’OIT, l’Etat qui ratifie une convention s’engage à prendre les mesures nécessaires pour rendre effectives les dispositions de ladite convention. L’obligation ne consiste pas uniquement à incorporer la convention dans le droit interne mais implique également de veiller à son application dans la pratique et à lui donner effet par voie législative ou par toute autre voie en conformité avec la pratique nationale.
  6. 724. L’ANEP signale que l’application des conventions nos 142 et 144 comporte l’obligation de mener une consultation tripartite pour tout projet visant à réformer la loi sur la formation professionnelle et que, de ce fait, l’Etat a l’obligation primordiale, avant de lancer des projets de loi, de procéder à ladite consultation, ce qui n’a été fait avec aucune des organisations d’employeurs ou de travailleurs, violant ainsi la lettre et l’esprit des conventions susmentionnées ainsi que de la convention no 87.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 725. Dans sa communication en date du 27 février 2013, le gouvernement indique avoir soumis à l’Assemblée législative le 5 mars 2012 un projet de décret législatif contenant des amendements à la loi sur la formation professionnelle conformément à l’article 133, paragraphe 2, de la Constitution qui confère au Président de la République, par le biais des ministères, le pouvoir d’initiative législative sur tous les sujets du ressort de l’exécutif. L’objectif du projet est de permettre à l’INSAFORP de mieux remplir son mandat, en renforçant l’institution via des ajustements et des modifications de ses structures de direction et d’administration, de manière à ce qu’il remplisse son rôle ou sa raison d’être de satisfaire aux besoins de ressources humaines qualifiées pour le développement économique et social du pays et l’amélioration des conditions de vie des travailleurs et de leurs familles.
  2. 726. Le gouvernement ajoute que le projet de décret législatif maintient la structure tripartite du Conseil de direction de l’INSAFORP, telle que prévue depuis sa création par le décret législatif no 554 du 2 juin 1993; la proposition de modification ne concerne que le nombre des membres du conseil par secteur.
  3. 727. S’agissant des allégations de l’organisation plaignante selon lesquelles le projet de réforme porte atteinte à la capacité de représentation des employeurs et enfreint également les conventions nos 87, 142 et 144, le gouvernement considère qu’elles n’ont pas de fondement ni de pertinence dans la mesure où le projet de décret découle de la compétence et des obligations qui incombent au Président de la République en vertu de l’article 168, paragraphe 5, de la Constitution d’El Salvador qui prévoit que: «les obligations et les responsabilités du Président de la République incluent: d’assurer l’administration et le fonctionnement effectif des affaires publiques».

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 728. Le comité observe que, dans le présent cas, l’organisation plaignante allègue que, en violation de la convention no 87 et des conventions nos 142 et 144, le gouvernement a présenté une initiative législative pour la réforme de la loi sur la formation professionnelle, qui modifie la structure du conseil de direction de l’Institut national de formation professionnelle (INSAFORP). Le comité note que, selon les allégations, cette initiative: 1) viole le principe de la consultation tripartite puisqu’elle a été présentée sans consultation préalable des organisations d’employeurs et de travailleurs et sans avoir été soumise au Conseil supérieur du travail (organe tripartite), bien que l’article 7 de son règlement inclue dans ses attributions celle de «donner son avis sur les avant-projets de réforme de la législation du travail et de la prévision sociale»; et 2) entraîne une majorité excessive de représentants gouvernementaux au sein du conseil de direction de l’INSAFORP, de sorte qu’elle empêche une participation équitable des représentants des organisations d’employeurs et de travailleurs aux processus de prise de décisions.
  2. 729. Le comité prend note des observations du gouvernement selon lesquelles:
    • i) le projet de réforme législative est conforme à la Constitution et vise à permettre à l’INSAFORP de mieux remplir ses obligations et ses objectifs en renforçant l’institution via des ajustements et des modifications apportés à ses structures de direction et d’administration; et
    • ii) le projet de réforme maintient la structure tripartite du conseil de direction de l’INSAFORP, tout en modifiant le nombre des membres.
  3. 730. Le comité observe que, d’après ce qu’indiquent les allégations, l’initiative législative contestée par l’ANEP cherche à ce que le conseil de direction de l’INSAFORP soit constitué de dix directeurs répartis de la manière suivante: cinq représentants du gouvernement, nommés par les ministères des Relations extérieures, de l’Economie, du Tourisme, de l’Education, du Travail et de la Prévision sociale; un représentant nommé par le Président de la République; deux représentants nommés par le secteur privé; et deux représentants nommés par le monde du travail; le projet de réforme prévoit un nombre égal de remplaçants répartis de la même façon et dispose en outre que le président et le vice-président dudit conseil de direction seront nommés par le Président de la République parmi les membres représentant le gouvernement.
  4. 731. Le comité constate que la composition du conseil de direction de l’INSAFORP est en effet véritablement déséquilibrée, tant au niveau des titulaires que des remplaçants, et devrait être modifiée afin que la représentation des autorités, des employeurs et des travailleurs soit plus équitable. Par ailleurs, compte tenu du fait que le gouvernement n’a pas nié l’absence de consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives, le comité regrette que l’initiative législative visant à la modification de ce conseil de direction n’ait pas été soumise au Conseil supérieur du travail, comme allégué, bien que cet organe ait pour mandat spécifique d’examiner les projets de législation dans le domaine du travail, notamment du fait que, comme le précise l’ANEP, El Salvador a ratifié les conventions nos 87, 98, 142 et 144.
  5. 732. Dans ces conditions, le comité attire l’attention du gouvernement sur le principe selon lequel la consultation tripartite doit se dérouler avant que le gouvernement ne soumette un projet à l’Assemblée législative ou n’élabore une politique de travail, sociale ou économique, et sur le fait qu’il est essentiel que l’introduction d’un projet de loi affectant la négociation collective ou les conditions d’emploi soit précédée de consultations complètes et détaillées avec les organisations intéressées d’employeurs et de travailleurs. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 1070 et 1075.] Le comité rappelle que de telles consultations doivent être franches, complètes et sans entraves [voir Recueil, op. cit., paragr. 1074 et 1075], et aussi que le processus de consultation en matière de législation et de salaire minimum contribue à ce que les lois, les programmes et les mesures devant être adoptés ou appliqués par les autorités publiques aient un fondement plus solide et soient respectés et appliqués. Dans la mesure du possible, le gouvernement devrait chercher le consensus général, étant donné que les organisations d’employeurs et de travailleurs doivent pouvoir contribuer au bien-être et à la prospérité de la communauté en général. Ce processus est d’autant plus fondé que les problèmes se posant dans les sociétés sont de plus en plus complexes. Aucune autorité publique ne peut prétendre avoir réponse à tout ni laisser entendre que ce qu’elle propose répondra de façon pleinement adaptée aux objectifs à atteindre. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 1076.] Le comité demande au gouvernement de respecter pleinement ces principes à l’avenir.
  6. 733. Au vu de tout ce qui précède, le comité prie le gouvernement d’engager des consultations approfondies avec les organisations d’employeurs et de travailleurs dans le cadre du Conseil supérieur du travail, afin de parvenir à une décision commune qui garantisse une composition tripartite équilibrée du conseil de direction de l’INSAFORP, et demande que ladite décision commune soit soumise sans délai à l’Assemblée législative dans le cadre de l’examen de l’initiative législative préalablement présentée par le gouvernement.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 734. Au vu des conclusions qui précédent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité attire l’attention du gouvernement sur les principes mentionnés dans ses conclusions en matière de consultations tripartites et lui demande de respecter pleinement ces principes à l’avenir.
    • b) Le comité prie le gouvernement d’engager des consultations approfondies avec les organisations d’employeurs et de travailleurs dans le cadre du Conseil supérieur du travail, afin de parvenir à une décision commune qui garantisse une composition tripartite équilibrée du conseil de direction de l’INSAFORP, et demande que ladite décision commune soit soumise sans délai à l’Assemblée législative dans le cadre de l’examen de l’initiative législative préalablement présentée par le gouvernement.
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