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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 376, Octobre 2015

Cas no 3055 (Panama) - Date de la plainte: 19-NOV. -13 - Clos

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Allegations: Licenciement de syndicalistes, détention de syndicalistes et amendes pour participation à un mouvement de protestation syndical, introduction d’une plainte au pénal suite à l’exercice d’activités syndicales et perquisition au siège syndical de l’Association des pompiers de la République du Panama

  1. 805. La plainte figure dans une communication de la Confédération des travailleurs de la République du Panama (CTRP), en date du 19 novembre 2013.
  2. 806. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications en date des 15 mai 2014 et 30 janvier 2015.
  3. 807. Le Panama a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 808. Dans sa communication en date du 19 novembre 2013, la Confédération des travailleurs de la République du Panama (CTRP) allègue qu’en décembre 2012, et en janvier et février 2013, les pompiers de la garde permanente du service des pompiers de la République du Panama, regroupés dans l’Association des pompiers de la République du Panama, ont pris part à des mouvements de protestation pour exiger de meilleures conditions de travail et des ajustements de salaires, établis par la loi, mais non appliqués par l’administration. Ces protestations ont abouti à des accords signés par les parties et qui portent sur l’application de la loi sur les salaires et la promesse de l’administration d’essayer d’améliorer les conditions de travail des protestataires.
  2. 809. L’organisation plaignante affirme que, dans le cadre de ces mouvements de protestation, plusieurs pompiers (plus d’une douzaine) ont entamé une grève de la faim et se sont établis à proximité de certaines casernes de pompiers. L’administration les a tous licenciés. Face à la pression exercée par les protestataires et grâce à la médiation de l’Eglise catholique, ils ont presque tous été réintégrés, excepté deux membres du syndicat, MM. Cruz Gómez et Raúl Marshall, que l’administration n’a pas voulu réintégrer, parce qu’ils avaient été les plus vindicatifs lors de ces manifestations.
  3. 810. La CTRP ajoute qu’en février 2013, suite à ces manifestations, le directeur général du service des pompiers de la République du Panama a introduit une plainte au pénal à l’encontre des protestataires au motif qu’ils auraient utilisé indûment le patrimoine de l’institution; cette procédure a été rejetée par les autorités judiciaires.
  4. 811. Par ailleurs, selon les allégations, en février 2013, la protestation pacifique des pompiers à proximité de certaines casernes a été réprimée par la police nationale qui a emprisonné 18 d’entre eux et les a mis à la disposition des autorités de la police administrative (Corregidor de Calidonia) qui leur a infligé des amendes pour «désordres sur la voie publique». Il a fallu s’acquitter desdites amendes pour qu’ils soient libérés.
  5. 812. En outre, selon la CTRP, le bureau de l’Association des pompiers a également été perquisitionné par l’administration du service des pompiers, sans aucun motif, en l’absence de ses dirigeants et après en avoir forcé les portes, ce qui a motivé le dépôt d’une plainte devant les autorités compétentes pour ce délit.
  6. 813. La CTRP observe que, dans la République du Panama, aucune loi ne stipule que les pompiers seraient exclus de l’exercice de la liberté syndicale ni des mouvements de protestation. Bien au contraire, l’article 192 de la loi sur la carrière administrative (loi no 9 de 1994) inclut le service des pompiers dans les institutions qui sont tenues de fournir un service minimum pendant la grève, d’où il ressort que le droit de grève, et par conséquent l’exercice de la liberté syndicale, est reconnu par la loi à ces fonctionnaires publics.
  7. 814. La CTRP prie le Comité de la liberté syndicale de l’OIT d’exiger du gouvernement national qu’il cesse de persécuter les dirigeants syndicaux du secteur public, qu’il respecte l’exercice de la liberté syndicale des pompiers de la garde permanente, regroupés dans l’Association des pompiers de la République du Panama, et demande qu’il ne soit pas donné suite aux mesures décidées en représailles à l’encontre de ses dirigeants.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 815. Dans ses communications en date des 15 mai 2014 et 30 janvier 2015, le gouvernement déclare qu’au moment où les mouvements de protestation de l’Association des pompiers de la République du Panama ont débuté, en décembre 2012, le service des pompiers de la République du Panama n’appliquait pas les ajustements de salaire établis par la loi no 10 du 16 mars 2010, parce qu’il ne disposait pas de l’enveloppe budgétaire correspondante nécessaire. Le gouvernement fait savoir que, fin octobre 2012, les pompiers ont annoncé la présentation d’un cahier de revendications comportant 13 points, auquel il a été répondu le 29 novembre 2012, et ont mené différentes actions de protestation et manifestations avant et après. Le gouvernement ajoute que les mouvements de protestation ont abouti à la signature, par les parties, d’accords visant à appliquer la législation sur les salaires et à introduire des améliorations dans les conditions de travail, les uniformes, les équipements de lutte contre les incendies, les véhicules et la formation, améliorations qui ont été appliquées en 2013 et 2014, ainsi que des aménagements en matière de promotion, changements de catégories pour les aspirants, homologations de salaires – qui ont été appliquées selon la fonction –, gratifications et retenues sur salaires. Le gouvernement affirme également que, des neuf personnes licenciées suite aux mouvements de protestation du 9 janvier 2013, sept ont été réintégrées à leurs postes de travail après que le service des pompiers a reconsidéré sa position à la demande des intéressés; deux syndicalistes (MM. Cruz Enrique Gómez et Raúl Marshall) ont été réintégrés plus tard, sans interruption de leur période de travail.
  2. 816. Le gouvernement déclare, en ce qui concerne ces licenciements, que, dans le cadre de ces protestations et manifestations syndicales, plusieurs pompiers ont entamé une grève de la faim et se sont établis à proximité de certaines casernes de pompiers, et que les manifestants ont utilisé sans autorisation les camions de pompiers, concentré tous les véhicules dans une station et déclenché les sirènes pendant des heures; ils ont apposé des banderoles diffusant des propos diffamatoires et scandé des slogans hostiles aux autorités de l’institution; lors de la seconde vague de protestations il y a eu des marches, des arrêts de travail, des grèves, des appels à l’anarchie et à la désobéissance aux autorités, qui ont conduit à la protestation du 13 mars 2013; celle-ci n’a pas du tout été pacifique vu qu’il y avait des individus masqués qui arboraient des objets contondants, utilisaient les véhicules de l’institution et bloquaient la voie publique, c’est pourquoi la police a dû intervenir afin de restaurer l’ordre public.
  3. 817. Le gouvernement ajoute que l’affirmation contenue dans la plainte selon laquelle la plainte au pénal introduite par le directeur général du service des pompiers contre les protestataires au motif qu’ils auraient utilisé indûment des véhicules de l’institution a été rejetée par les autorités n’est pas tout à fait exacte. En effet, suite à cette plainte, les autorités compétentes ont diligenté des enquêtes et, dans certains cas, les bureaux du procureur ont émis une ordonnance de non-lieu provisoire; il ne convient donc pas de considérer la plainte comme rejetée par les autorités; au contraire la procédure est toujours en cours d’instruction. Cela a entraîné la détention temporaire de 18 manifestants et le paiement d’amendes pour désordres sur la voie publique.
  4. 818. En ce qui concerne l’allégation de perquisition au bureau de l’Association des pompiers, sans aucun motif et en l’absence de ses dirigeants, après en avoir forcé les portes, ce qui a motivé le dépôt d’une plainte au pénal, le gouvernement fait savoir que cette affirmation n’est pas exacte étant donné que lesdits locaux avaient été cédés à la Direction nationale de lutte contre les incendies, de recherche et de sauvetage, à la demande de son directeur qui ne disposait pas de suffisamment de locaux. Cette disposition avait été communiquée à l’Association des pompiers en temps utile, même si elle n’a pas été appliquée par les dirigeants de ladite association. Le gouvernement ajoute que l’administration du service des pompiers a appris que l’association avait introduit une plainte lorsque le personnel du ministère public s’est présenté pour effectuer une inspection oculaire; cependant, à ce jour, l’administration du service des pompiers n’a pas été considérée comme coupable de ladite accusation.
  5. 819. Le gouvernement conclut en assurant qu’il s’est engagé à respecter les conventions nos 87 et 98, à les encourager et à les appliquer de manière pleine et entière, et qu’il s’efforce de renforcer les mécanismes de dialogue tripartite. Ainsi, en vue de parvenir à un consensus, il a soumis le présent cas à la Commission de traitement rapide des plaintes relatives à la liberté syndicale et à la négociation collective.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 820. Le comité observe que l’organisation plaignante allègue, dans le présent cas, des représailles antisyndicales dans le cadre d’un conflit ayant débuté en 2012 suite au non-paiement des ajustements de salaires établis par la législation (question que le gouvernement reconnaît) et à certaines revendications syndicales concernant les conditions de travail. Le comité observe que tant l’organisation plaignante que le gouvernement s’accordent sur le fait que les parties sont parvenues à des accords qui ont pu apporter des solutions aux revendications qui étaient à l’origine du conflit, et que les syndicalistes licenciés ont été réintégrés à leurs postes de travail; le gouvernement signale que lesdites mesures de licenciement et celles de détention temporaire de 18 manifestants assorties d’amendes sont dues à des abus commis par des manifestants, selon les cas: utilisation et concentration de véhicules officiels dans une station, appels à l’anarchie ou blocage de la voie publique, port d’objets contondants par des individus masqués et divers troubles sur la voie publique.
  2. 821. Le comité note que l’organisation plaignante affirme que les autorités judiciaires ont rejeté la plainte au pénal introduite par le directeur général du service des pompiers au motif qu’ils auraient utilisé indûment des véhicules officiels, alors que le gouvernement soutient que la procédure est toujours en cours d’instruction et que, dans certains cas, les bureaux du procureur ont émis une ordonnance de non-lieu provisoire. Etant donné que les points du conflit ont fait, dans leur grande majorité, l’objet d’accords entre les parties et tenant compte de la situation de demande de non-lieu provisoire par les bureaux du procureur, le comité, tout en signalant que des véhicules officiels ne devraient pas être utilisés sans autorisation dans le cadre de l’exercice de la liberté syndicale, accueille favorablement la soumission du cas à la Commission de traitement rapide des plaintes relatives à la liberté syndicale et à la négociation collective (dont le comité rappelle qu’il s’agit d’un mécanisme qui est le résultat de l’assistance technique du BIT et d’un accord tripartite), et suggère, en vue de restaurer pleinement l’harmonie dans les relations de travail, que, dans la mesure du possible, le recours à des mécanismes de dialogue soit privilégié aux procédures pénales.
  3. 822. Quant à l’allégation de perquisition au siège de l’Association des pompiers de la République du Panama, le comité note que le gouvernement déclare que la cession à la Direction nationale de lutte contre les incendies, de recherche et de sauvegarde, sur décision du directeur de cette entité, est due au fait que ladite direction ne disposait pas d’assez de locaux et que cette décision avait été communiquée à l’association en temps utile. Le comité observe que, selon ce qui ressort de la réponse du gouvernement, l’association a introduit une plainte devant le ministère public pour perquisition au siège syndical.
  4. 823. Le comité prie l’organisation plaignante et le gouvernement de le tenir informé du jugement qui sera rendu à cet égard et, étant donné le préjudice causé à l’association en vertu de la décision administrative qui l’a privée de son siège, invite le gouvernement à prendre des mesures pour que, dans l’attente de la décision judiciaire, un local soit accordé à l’association pour lui permettre d’exercer ses activités.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 824. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité accueille favorablement la soumission du cas à la Commission de traitement rapide des plaintes relatives à la liberté syndicale et à la négociation collective et suggère aux autorités, afin de restaurer pleinement l’harmonie dans les relations de travail, de privilégier, dans la mesure du possible, les mécanismes de dialogue aux procédures pénales.
    • b) Le comité prie l’organisation plaignante et le gouvernement de le tenir informé du jugement qui sera rendu en ce qui concerne la présumée perquisition au siège syndical ainsi que le fait que l’Association des pompiers ait été privée de siège syndical et invite le gouvernement à prendre des mesures, en attendant la décision judiciaire, afin qu’un local soit mis à la disposition de l’association pour permettre l’exercice de ses activités.
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