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Rapport définitif - Rapport No. 377, Mars 2016

Cas no 3053 (Chili) - Date de la plainte: 12-NOV. -13 - Clos

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Allégations: L’organisation plaignante allègue des licenciements antisyndicaux et d’autres pratiques antisyndicales au sein des entreprises Carozzi S.A.

  1. 271. La plainte figure dans une communication du Syndicat no 1 des travailleurs des entreprises Carozzi S.A. en date du 24 mai 2013, appuyée par la Centrale unitaire des travailleurs du Chili (CUT) dans une communication en date du 12 novembre 2013.
  2. 272. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en date du 26 février 2015.
  3. 273. Le Chili a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 274. Dans une communication en date du 4 mai 2013, le Syndicat no 1 des travailleurs des entreprises Carozzi S.A. allègue des pratiques antisyndicales ayant cours au sein desdites entreprises depuis le mois d’août 2010 (date de la fin d’un processus de négociation collective au cours duquel l’organisation plaignante a mené une grève (du 14 juillet au 6 août 2010)) dans le but de mettre en péril l’existence du syndicat et d’entraver les activités de ce dernier.
  2. 275. L’organisation plaignante indique avoir déposé une plainte administrative en date du 11 mars 2011 auprès de l’inspection du travail pour les pratiques antisyndicales suivantes: discrimination économique et pressions exercées par l’entreprise afin de dissuader les travailleurs de s’affilier à l’organisation plaignante ou de les encourager à s’en désaffilier ou à changer de syndicat, et licenciements motivés par la participation à la grève de 2010 et par le refus de donner suite à une demande formulée par l’entreprise visant à ce que le changement de tenue de travail soit effectué en dehors des heures de travail.
  3. 276. L’organisation plaignante indique que l’inspection du travail (rapport d’enquête no 0506/2011/578) a constaté les faits suivants: i) le syndicat a exercé son droit de grève dans le cadre d’un processus de négociation collective du 14 juillet au 6 août 2010 au cours duquel le syndicat s’est prévalu de la possibilité prévue à l’article 369 du Code du travail d’exiger de l’entreprise que soit conclue une nouvelle convention collective dont les dispositions seraient les mêmes que celles des conventions qui étaient alors en vigueur; ii) en janvier 2011, le syndicat et l’entreprise ont mené à bien un nouveau processus de négociation collective à partir d’une plainte pour pratiques antisyndicales déposée par le syndicat auprès de l’inspection du travail; ce processus a abouti à la conclusion d’une convention collective en date du 17 janvier qui prévoyait, entre autres, le versement d’une prime de fin de conflit de 200 000 pesos chiliens; iii) entre la fin de la grève au mois d’août 2010 et le mois de février 2011, 123 ruptures de contrat de travail ont été annoncées par l’entreprise, dont 83 en invoquant des raisons économiques (concernant 53 membres de l’organisation plaignante), 16 par accord mutuel, 16 pour départ volontaire (concernant 4 membres de l’organisation plaignante) et 8 en invoquant un abandon de poste (3 membres); iv) au cours de cette même période, 168 nouveaux contrats ont été conclus (y compris pour 141 agents chargés de la protection alors qu’il avait été mis fin au contrat de travail de 53 travailleurs qui exerçaient ces fonctions); v) entre le mois d’août 2010 et le mois de février 2011, 126 travailleurs ont renoncé à leur affiliation à l’organisation plaignante, qui est passée de 552 à 345 membres; vi) en 2010, il a été procédé à deux réajustements de salaires en faveur des adhérents à une autre organisation syndicale présente au sein de l’entreprise; le premier en juillet 2010 (il s’agissait selon l’entreprise d’un réajustement légal appliqué à tous les travailleurs, à l’exception des affiliés à l’organisation plaignante qui ont été exclus au motif que l’article 369 du Code du travail, qui avait sous-tendu l’élargissement de la convention demandé par l’organisation plaignante, disposait que cet élargissement ne s’appliquerait pas aux dispositions relatives au réajustement des rémunérations et à d’autres avantages) et le second en décembre 2010 (fruit de la négociation collective menée par cet autre syndicat qui a abouti à la conclusion d’une convention collective le 16 décembre 2010 prévoyant, entre autres, le versement d’une prime de fin de conflit de 320 000 pesos chiliens aux adhérents); et vii) il ressort de l’analyse de la rémunération versée au mois de janvier 2011 à dix travailleurs qui avaient renoncé à leur affiliation à l’organisation plaignante que, sur les dix travailleurs ayant reçu la somme de 200 000 pesos chiliens, un seul s’est vu prélever 75 pour cent de la cotisation syndicale en faveur de l’organisation plaignante tandis que, pour les autres travailleurs, ce prélèvement a été effectué en faveur des autres organisations syndicales présentes au sein de l’entreprise.
  4. 277. L’organisation plaignante fait valoir les conclusions juridiques suivantes formulées par l’avocat chargé de l’enquête de l’inspection du travail: i) le fait que l’entreprise n’ait pas procédé au réajustement du salaire du mois de juillet 2010 des travailleurs affiliés à l’organisation plaignante n’est pas justifié puisque, contrairement à ce que l’entreprise a avancé, les dispositions du Code du travail invoquées (article 369) ne proscrivent pas de tels réajustements; ii) tous les travailleurs ayant bénéficié de la prime de 200 000 pesos chiliens négociée par l’organisation plaignante auraient dû être soumis au prélèvement de 75 pour cent de la cotisation syndicale en faveur de l’organisation en question, la décision de l’entreprise étant par conséquent peu raisonnable; et iii) le fait que, alors que 53 des 70 licenciements ont été dictés par des motifs économiques et par les besoins de l’entreprise, ces mêmes facteurs ont permis le recrutement de 168 nouveaux travailleurs au cours de la même période, pose problème.
  5. 278. L’organisation plaignante précise que, lors d’un processus de médiation mené le 10 mai 2011, l’entreprise a réfuté les constatations de l’inspection du travail et les indices mis en évidence par cette dernière et que, de ce fait, une plainte a été déposée auprès du tribunal compétent le 17 mai 2011. L’organisation plaignante joint à sa plainte le jugement rendu le 12 décembre 2011 par le Tribunal du travail de Valparaíso selon lequel l’entreprise s’est livrée à des pratiques antisyndicales à l’égard de l’organisation plaignante dans la mesure où il a été prouvé que les licenciements auxquels il a été procédé concernaient majoritairement des membres de l’organisation plaignante, que des pressions ont été exercées pour faire en sorte que les membres renoncent à leur affiliation à l’organisation et qu’une discrimination économique a été opérée, pratiques qui ont entravé le bon fonctionnement du syndicat en dissuadant les travailleurs de s’affilier à l’organisation plaignante ou en incitant les membres à se désaffilier de cette dernière. Par conséquent, le tribunal a infligé à l’entreprise une amende de 30 unités fiscales.
  6. 279. Par ailleurs, l’organisation plaignante dénonce le fait que certains de ses affiliés ont été licenciés pour avoir exercé leur droit d’endosser leur tenue de travail durant les heures de travail (l’entreprise avait déclaré que les travailleurs devaient changer de tenue avant d’accéder au lieu de travail). Pour appuyer sa position, l’organisation plaignante fait référence à l’avis rendu par la division juridique de la Direction du travail en date du 4 janvier 2011 qui confirme le bien-fondé du paiement du temps destiné au changement de tenue auquel les travailleurs sont tenus de procéder pour accomplir leurs fonctions. Pour étayer ses allégations, l’organisation plaignante joint à sa plainte un jugement rendu par le Tribunal du travail de Valparaíso en date du 27 novembre 2012 selon lequel le licenciement de trois travailleurs affiliés à l’organisation plaignante (M. Torres Gajardo, M. Azúa Flores et Mme Silva Flores) au motif qu’ils avaient persisté, après trois avertissements, à entrer sur le lieu de travail et à le quitter en vêtements de ville et non en vêtements de travail, était injustifié.
  7. 280. Enfin, l’organisation plaignante fournit un exemple supplémentaire de discrimination antisyndicale: une travailleuse (Mme Tabilo Cisternas) a été licenciée le 19 octobre 2011, 13 jours après avoir rejoint le syndicat (qui enregistrait alors sa première affiliation depuis la grève de 2010). L’organisation plaignante joint à sa plainte le jugement rendu par le Tribunal du travail de Valparaíso en date du 21 juin 2012 qui a considéré que ce licenciement constituait un acte de discrimination antisyndicale et a condamné l’entreprise à verser des indemnités pour licenciement abusif majorées de 30 pour cent (929 162 pesos chiliens) ainsi qu’un dédommagement de 3 786 474 pesos chiliens (soit un total d’environ 6 400 dollars E. U.).

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 281. Dans une communication en date du 26 février 2015, le gouvernement indique que, outre la plainte du 11 mars 2011 mentionnée précédemment, entre 2012 et 2014 l’organisation plaignante a déposé plusieurs plaintes pour atteinte aux droits fondamentaux à l’issue desquelles différentes procédures administratives et judiciaires ont été engagées, notamment: i) une plainte déposée le 18 juillet 2012 pour licenciement de membres du syndicat du fait de leur affiliation et non-prélèvement de 75 pour cent de la cotisation syndicale (l’inspection du travail a constaté uniquement le licenciement de membres du syndicat, et le Tribunal du travail de Valparaíso, par jugement du 29 juin 2013, a considéré que l’existence d’une pratique antisyndicale n’était pas prouvée); ii) une plainte déposée le 24 mai 2012 pour licenciement illégal de travailleurs protégés par l’immunité syndicale durant une négociation collective (il a été demandé à l’entreprise de mettre un terme à cette pratique, de réintégrer les travailleurs et de leur verser leur rémunération, demandes auxquelles l’entreprise s’est conformée); iii) une plainte déposée le 5 août 2013 alléguant le non-paiement intégral des permis syndicaux (l’inspection du travail n’a pas confirmé l’existence d’une telle pratique); iv) une plainte déposée le 26 septembre 2013 pour discrimination fondée sur des actes d’organisation (l’inspection du travail a constaté l’existence d’un mécanisme distinct de traitement des travailleurs affiliés à l’organisation plaignante et, bien que les parties ne soient pas parvenues à un accord, l’inspection a estimé que la mesure de compensation offerte par l’entreprise était suffisante et a décidé de ne pas porter la plainte devant le tribunal compétent); v) une plainte déposée le 28 octobre 2013 pour actes de discrimination (l’inspection du travail a mis en évidence des indices de pratiques pouvant porter atteinte aux droits syndicaux du fait de l’inclusion dans la convention collective d’une clause sur le paiement des heures de congés syndicaux plus avantageuse pour l’un des syndicats que pour les deux autres, ce qui a donné lieu à une conciliation judiciaire à l’issue de laquelle l’entreprise s’est engagée à garantir un traitement égalitaire entre les différents syndicats); et vi) une plainte déposée le 26 février 2014 pour pratiques antisyndicales et discriminatoires fondées sur l’affiliation syndicale (le Tribunal du travail de Valparaíso, dans son jugement rendu le 26 janvier 2015, a conclu que l’existence d’activités antisyndicales n’était pas prouvée).
  2. 282. Le gouvernement fait valoir que, par courrier daté du 5 février 2015, l’entreprise a indiqué que les faits dénoncés par l’organisation plaignante en ce qui concerne les licenciements ne sont pas avérés, que, outre l’organisation plaignante, elle compte deux autres syndicats et qu’elle s’est toujours engagée à respecter les formes d’organisation de ses travailleurs en leur offrant tous les moyens nécessaires pour qu’ils puissent exercer leurs activités syndicales.
  3. 283. Le gouvernement conclut en soulignant que l’inspection du travail a effectué toutes les démarches nécessaires, conformément à la législation en vigueur, et que les plaintes concernant des indices de violation de la liberté syndicale ont été portées devant les tribunaux compétents. Le gouvernement ajoute que le tribunal compétent a pour sa part débouté le syndicat de ses plaintes à l’issue d’une procédure régulière.
  4. 284. Enfin, le gouvernement indique qu’il a déposé une proposition de révision de la réglementation relative à la qualification des pratiques antisyndicales et déloyales pendant les processus de négociation collective et aux sanctions visant de telles pratiques dans le cadre du projet de loi destiné à moderniser le système des relations professionnelles qui a été porté devant le pouvoir législatif le 29 décembre 2014 et grâce auquel le gouvernement espère pouvoir corriger les lacunes de la législation en ce qui concerne la protection de la liberté syndicale.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 285. Le comité note que les allégations de pratiques antisyndicales présentées par l’organisation plaignante ont fait l’objet d’enquêtes de la part de l’inspection du travail et prend note des différentes décisions judiciaires rendues. S’agissant des résultats des procédures engagées, le comité note que l’inspection du travail a mis en évidence dans ses rapports des indices de discrimination antisyndicale à différentes occasions. Bien que dans deux jugements cités par le gouvernement concernant des plaintes postérieures à celles mentionnées par l’organisation plaignante dans la présente plainte, et auxquelles cette dernière n’avait pas fait référence, le tribunal compétent ait estimé que l’existence d’une discrimination syndicale n’avait pas été prouvée, dans d’autres jugements présentés par l’organisation plaignante le tribunal compétent a considéré que l’entreprise s’était livrée à des actes de discrimination antisyndicale, tant de manière générale (citant diverses pratiques visant à entraver le bon fonctionnement du syndicat et à amoindrir l’affiliation à ce dernier) que concrète (licenciements d’affiliés au syndicat).
  2. 286. Tout en observant que les allégations de l’organisation plaignante ont été portées devant les autorités administratives et judiciaires nationales compétentes et en exprimant sa préoccupation au sujet des actes de discrimination antisyndicale constatés parles décisions rendues par ces autorités, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires (par exemple en facilitant le dialogue entre l’entreprise et l’organisation plaignante) pour prévenir l’apparition de nouveaux conflits analogues et en particulier pour empêcher tout acte de discrimination antisyndicale au sein de l’entreprise en question.
  3. 287. Le comité observe, d’une part, que le tribunal compétent a infligé à l’entreprise concernée une amende s’élevant selon le gouvernement à l’équivalent de 2 000 dollars E.-U. et que, d’autre part, il a été prouvé que les licenciements auxquels il a été procédé concernaient majoritairement des membres de l’organisation plaignante, que des pressions ont été exercées pour faire en sorte que les membres renoncent à leur affiliation à l’organisation et qu’une discrimination économique a été opérée, pratiques qui ont entravé le bon fonctionnement du syndicat et ont amoindri l’affiliation à ce dernier. Compte tenu de la gravité des faits, le comité exprime sa préoccupation quant au fait que la sanction imposée n’est pas suffisamment dissuasive pour empêcher que de tels actes se reproduisent à l’avenir, étant donné notamment le caractère réitéré des actes qualifiés par le tribunal de pratiques antisyndicales. A cet égard, le comité salue la volonté exprimée par le gouvernement de réviser la réglementation relative à la qualification des pratiques antisyndicales et aux sanctions visant de telles pratiques afin de corriger les lacunes de la législation, en pleine consultation avec les partenaires sociaux, et prie le gouvernement de faire état des mesures adoptées à cet égard à la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR) dont l’attention est attirée sur les aspects législatifs du présent cas.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 288. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Tout en observant que les allégations de l’organisation plaignante ont été portées devant les autorités administratives et judiciaires nationales compétentes et en exprimant sa préoccupation au sujet des actes de discrimination antisyndicale mis en évidence dans les décisions rendues par ces autorités, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, par exemple en facilitant le dialogue entre l’entreprise et l’organisation plaignante, pour prévenir l’apparition de nouveaux conflits analogues et en particulier pour empêcher les actes de discrimination antisyndicale au sein de l’entreprise en question.
    • b) Le comité accueille favorablement la volonté exprimée par le gouvernement de réviser la réglementation relative à la qualification des pratiques antisyndicales et aux sanctions visant de telles pratiques afin de corriger les lacunes de la législation, en pleine consultation avec les partenaires sociaux, et le prie de faire état des mesures adoptées à cet égard à la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR) dont l’attention est attirée sur les aspects législatifs du présent cas.
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