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Allégations: L’organisation plaignante dénonce le licenciement antisyndical et la suspension des contrats de travail des membres du bureau exécutif du Syndicat de l’entreprise de télécommunications
- 125. La plainte figure dans une communication de la Confédération des syndicats libres du Burundi (CSB) en date du 28 décembre 2015.
- 126. En l’absence de réponse du gouvernement, le comité a dû différer l’examen de ce cas à deux reprises. A sa réunion d’octobre-novembre 2016, le comité a lancé un appel pressant au gouvernement en appelant son attention sur le fait que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil d’administration, il pourrait présenter un rapport sur le fond de cette affaire à sa prochaine réunion si les informations et observations du gouvernement n’étaient pas envoyées à temps. [Voir 380e rapport, paragr. 8.] A ce jour, le gouvernement n’a pas envoyé ses observations.
- 127. Le Burundi a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (nº 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 128. Dans sa communication du 28 décembre 2015, l’organisation plaignante allègue que la société ECONET LEO SA (ci-après la nouvelle société) (ex-U-COM BURUNDI S.A. (ci après l’entreprise)) a: i) licencié abusivement un membre du bureau exécutif du Syndicat des travailleurs de U-COM BURUNDI «SYTCOM», affilié à la CSB; ii) suspendu pour une durée indéterminée les contrats des membres du bureau exécutif du syndicat; et iii) résilié de manière arbitraire les contrats de nombreux travailleurs de ladite société.
- 129. L’organisation plaignante précise que, à la suite de la fusion des entreprises ECONET WIRELESS BURUNDI et U-COM BURUNDI S.A., plus de 60 employés ont été licenciés au motif prétendu de difficultés économiques. Elle allègue que les membres du bureau exécutif du SYTCOM, alors qu’ils s’employaient à défendre les intérêts des travailleurs dans la procédure de fusion des entreprises en question, ont vu leurs contrats de travail être suspendus pour une durée indéterminée, à compter du 23 décembre 2015, au mépris des dispositions applicables, à savoir le règlement d’ordre intérieur de l’entreprise (art. 57, 58 et 59), le Code du travail du Burundi (art. 37 et 70) et l’article 24 de la convention collective interprofessionnelle du travail du 3 avril 1980 (art. 24). Les personnes concernées par cette mesure de suspension sont: MM. Alain Christophe Irakiza; Martin Floris Nahimana; Bernard Mdikabandi et Mme Bégnigne Nahimana. Selon la CSB, cette mesure vient s’ajouter au licenciement abusif d’un autre membre du bureau exécutif du SYTCOM, M. Alexis Bizimana, intervenu en août 2015.
- 130. L’organisation plaignante fait également observer que le SYTCOM avait déposé un préavis de grève en février 2015 pour s’opposer au processus de restructuration et que, en dépit de l’implication du Comité de dialogue social et des interventions des autorités publiques recommandant à l’employeur d’organiser un dialogue social franc et indiquant clairement un plan social, les négociations entamées en mars 2015 entre l’entreprise et le SYTCOM n’ont pas abouti. La CSB souligne en outre que, suite à la crise politique qui a commencé dans le pays en avril 2015, les autorités de la nouvelle société ont quitté le territoire national.
- 131. La CSB estime que ces décisions de licenciement et de suspension sont sans fondement et résultent en réalité de l’appartenance syndicale des intéressés. Selon l’organisation plaignante, de telles mesures témoignent d’une volonté délibérée de l’employeur d’intimider les autres membres du syndicat pour les empêcher de continuer à s’acquitter de leur mission de défense et de promotion des intérêts des travailleurs. Elle souligne à cet égard que le nouvel employeur a manifesté sa volonté de ne pas reconnaître le syndicat comme organe légitime de représentation des intérêts des travailleurs.
B. Conclusions du comité
B. Conclusions du comité- 132. Le comité regrette profondément le fait que, malgré le temps écoulé depuis la présentation de la plainte, le gouvernement n’ait pas fourni en temps voulu les observations et informations demandées, alors qu’il a été invité à les communiquer à plusieurs reprises, notamment sous la forme d’un appel pressant lancé à sa réunion d’octobre-novembre 2016. Dans ces conditions, et conformément à la règle de procédure applicable [voir 127e rapport du comité, paragr. 17, approuvé par le Conseil d’administration à sa 184e session], le comité est tenu de présenter un rapport sur le fond du présent cas en l’absence des observations du gouvernement qu’il avait espéré recevoir en temps voulu.
- 133. Le comité rappelle tout d’abord au gouvernement que le but de l’ensemble de la procédure instituée à l’OIT pour l’examen des allégations de violations de la liberté syndicale est d’assurer le respect des libertés syndicales en droit comme en fait. Si la procédure protège les gouvernements contre les accusations déraisonnables, ceux-ci doivent reconnaître à leur tour l’importance de présenter, en vue d’un examen objectif, des réponses détaillées aux allégations formulées à leur encontre. [Voir premier rapport du comité, paragr. 31.]
- 134. Le comité observe que dans le présent cas les allégations de l’organisation plaignante ont trait à la suspension et au licenciement de représentants syndicaux dans le contexte de la fusion de deux entreprises de télécommunications au Burundi qui a donné lieu à un processus de réduction de personnel (plus de 60 personnes selon l’organisation plaignante).
- 135. S’agissant des conséquences sociales de la fusion des deux entreprises, le comité considère qu’il ne peut se prononcer que sur les allégations concernant les programmes et les mesures de restructuration ou de rationalisation économique, que ceux-ci impliquent ou non des réductions de personnel, que dans la mesure où ils ont donné lieu à des actes de discrimination ou d’ingérence antisyndicaux. En outre, lorsqu’on applique de nouveaux programmes de réduction de personnel, le comité demande qu’on procède à des négociations ou consultations entre l’entreprise concernée et les organisations syndicales. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 1082.]
- 136. S’agissant précisément des allégations relatives à la suspension de quatre représentants syndicaux qui n’auraient fait qu’exercer des activités syndicales légitimes et à propos desquels il n’est pas fait état d’une quelconque levée de sanction, le comité, en l’absence de tout commentaire de la part du gouvernement, constate que cette suspension intervient dans un contexte de vive tension entre la direction de l’entreprise et des représentants du SYTCOM et quelques jours seulement après l’échec de la procédure de conciliation dans le dossier de demande de leur licenciement par la nouvelle société. Sans autres indications, le comité considère que ce type de mesures pourrait gravement porter atteinte à l’exercice des droits syndicaux au sein de l’entreprise en question. Le comité rappelle qu’un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi – licenciement, transfert, rétrogradation et autres actes préjudiciables – et que cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les délégués syndicaux, étant donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu’ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu’ils détiennent. Le comité a estimé que la garantie de semblable protection dans le cas de dirigeants syndicaux est en outre nécessaire pour assurer le respect du principe fondamental selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d’élire librement leurs représentants. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 799.] En conséquence, le comité prie le gouvernement de diligenter rapidement une enquête indépendante sur les allégations qui concernent la suspension de MM. Alain Christophe Irakiza; Martin Floris Nahimana; Bernard Mdikabandi et de Mme Bégnigne Nahimana. S’il est établi que des actes de discrimination antisyndicale ont été commis, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures de réparation nécessaires, y compris en assurant la réintégration des travailleurs concernés sans perte de salaire. Le comité demande au gouvernement de l’informer sur toutes mesures prises en ce sens et leurs résultats.
- 137. S’agissant du licenciement de M. Alexis Bizimana, également représentant syndical, intervenu en août 2015, le comité note que, dans une correspondance en date de décembre 2015, l’administrateur directeur général de la nouvelle société a reconnu que c’était par erreur que la lettre de licenciement avait été adressée à l’intéressé, les procédures concernant le licenciement des représentants du personnel n’ayant pas été épuisées. Le comité note que l’organisation plaignante ne fournit pas d’informations complémentaires à ce sujet. En conséquence, le comité prie le gouvernement de fournir des informations complètes sur la situation de M. Alexis Bizimanaet, le cas échéant, de prendre les mesures de réparation qui s’imposent.
- 138. Le comité regrette de n’avoir pu disposer d’éléments d’information de la part de l’entreprise en raison de l’absence de réponse du gouvernement. Il prie ce dernier de solliciter des informations auprès des organisations d’employeurs concernées, si elles le souhaitent, en vue de pouvoir disposer de leur version des faits ainsi que de celle de l’entreprise en cause sur les questions en instance.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 139. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité regrette profondément que le gouvernement n’ait pas répondu aux allégations, bien qu’il ait été invité à le faire en diverses occasions, y compris sous la forme d’un appel pressant, et le prie d’y répondre dans les plus brefs délais.
- b) Le comité prie le gouvernement de diligenter rapidement une enquête indépendante sur les allégations qui concernent, en particulier, la suspension de MM. Alain Christophe Irakiza; Martin Floris Nahimana; Bernard Mdikabandi et de Mme Bégnigne Nahimana. S’il est établi que des actes de discrimination antisyndicale ont été commis, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures de réparation nécessaires, y compris en assurant la réintégration des travailleurs concernés sans perte de salaire. Le comité demande au gouvernement de l’informer sur toutes mesures prises en ce sens et leurs résultats. Il le prie également de fournir des informations complètes sur la situation de M. Alexis Bizimana et, le cas échéant, de prendre les mesures de réparation qui s’imposent.
- c) Le comité prie le gouvernement de solliciter des informations auprès des organisations d’employeurs concernées, si elles le souhaitent, en vue de pouvoir disposer de leur version des faits et de celle de l’entreprise en cause sur les questions en instance.