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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 386, Juin 2018

Cas no 3289 (Pakistan) - Date de la plainte: 15-JUIN -17 - En suivi

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Allégations: Les organisations plaignantes dénoncent une intervention militaire dans la négociation collective, le refus, par deux entreprises de construction d’appliquer une convention collective, ainsi que des licenciements antisyndicaux de membres syndicaux. Elles allèguent aussi des retards dans l’administration de la justice, de même que l’incapacité du gouvernement à garantir le respect des droits syndicaux

  1. 514. La plainte figure dans une communication en date du 15 juin 2017 de l’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB), appuyée par la Fédération des travailleurs du bois du Pakistan (PFBWW) dans une communication en date du 6 juillet 2017.
  2. 515. Le gouvernement a fourni ses observations dans des communications en date des 11 janvier et 9 mai 2018.
  3. 516. Le Pakistan a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 517. Dans leurs communications en date des 15 juin et 6 juillet 2017, les organisations plaignantes dénoncent une intervention militaire dans des négociations collectives, le refus, par deux entreprises de construction, d’appliquer une convention collective, ainsi que des licenciements antisyndicaux de membres syndicaux. Elles dénoncent aussi des retards dans l’administration de la justice, de même que l’incapacité du gouvernement à garantir le respect des droits syndicaux.
  2. 518. Les organisations plaignantes expliquent que les allégations dans le présent cas ont trait au projet hydroélectrique de Neelum-Jhelum, mené dans la région de Muzaffarabad, dans le district administratif d’Azad Jammu-et-Cachemire – un territoire autonome du Nord du Pakistan. Ce projet a été mis au point par l’Agence de développement des ressources hydrauliques et de l’énergie du Pakistan (WAPDA), et la construction de la centrale électrique a démarré sous la direction d’un consortium d’entreprises publiques chinoises constitué notamment de l’entreprise China Gezhouba Group et de l’entreprise China Machinery Engineering Corporation (ci après les entreprises de construction). Les organisations plaignantes allèguent, que depuis le début des travaux, les entreprises ont omis de respecter la législation nationale du travail (non-paiement des salaires minimums, non-établissement de contrats, etc.), ce qui a poussé les travailleurs à créer le syndicat Awami Labour Union (ALU NJHP) en 2010. Selon les organisations plaignantes, en février 2010, 700 à 800 travailleurs se sont mis en grève pour exiger le respect de la législation nationale, de même que la réintégration de 10 travailleurs précédemment licenciés de manière illégale. A la suite d’une rencontre entre les dirigeants syndicaux et la direction, un accord informel, attesté par la WAPDA, a été conclu, prévoyant le respect de la législation du travail, la réintégration des 10 travailleurs, des augmentations de salaires, ainsi que d’autres prestations. Néanmoins, la direction des entreprises de construction a refusé d’appliquer cet accord, à la suite de quoi un nouveau mouvement de grève a été lancé par le syndicat ALU NJHP en octobre 2011. A la suite de la grève, une réunion devait avoir lieu entre la direction et le syndicat pour reprendre les négociations, mais les organisations plaignantes allèguent qu’une protection insuffisante du droit à la liberté syndicale a compromis ces négociations. En particulier, elles dénoncent le fait que la réunion se soit déroulée en présence d’un certain nombre de responsables militaires – le chef de la direction du projet de construction, le général de corps d’armée Muhammad Zubair, le commandant de la zone, le général de brigade Saaed, le commandant Kiani et un capitaine dont le nom n’est pas connu – qui ont menacé les dirigeants syndicaux et exigé d’eux qu’ils signent un document concernant le licenciement d’un membre syndical accusé par les entreprises d’un prétendu vol d’essence, mais dont le licenciement repose sur des motifs antisyndicaux aux yeux du syndicat. Les organisations plaignantes considèrent que le fait que des militaires interviennent dans une réunion faisant suite à un mouvement de grève et menacent des dirigeants syndicaux constitue une grave violation du droit à la liberté syndicale.
  3. 519. Les organisations plaignantes indiquent en outre que, malgré l’intervention militaire alléguée et les menaces qui ont suivi, un accord a été conclu le 19 octobre 2011 entre l’ALU NJHP et la direction des entreprises sur un certain nombre de questions portant sur les conditions de travail sur le site de construction (délivrance de lettres d’engagement, prestations médicales, équipements de sécurité, prestations liées aux heures supplémentaires et aux congés, enfin respect de la législation du travail). Alors que l’accord devait être mis en œuvre avec effet immédiat, les organisations plaignantes dénoncent le fait que les entreprises ont manqué de l’appliquer pendant une longue durée, et ce bien qu’elles aient été appelées à le faire à plusieurs reprises par le syndicat, par l’administration régionale et par le pouvoir judiciaire. En particulier, en juin 2012, l’ALU NJHP a présenté une demande auprès du tribunal du travail de Muzaffarabad en vue d’obtenir l’exécution de l’accord d’octobre 2011; dans sa décision en date du 3 avril 2013, le tribunal a déclaré que les parties à l’accord étaient tenues de se conformer à ses termes et conditions. En mai 2013, le fonctionnaire principal auprès du Premier ministre du district d’Azad Jammu-et-Cachemire a envoyé une communication au secrétaire aux industries et au Département du travail à Muzaffarabad, indiquant qu’il avait reçu une lettre du président de l’ALU NJHP sollicitant son aide pour faire exécuter la décision judiciaire de 2013 ainsi que l’accord d’octobre 2011, et a demandé que les mesures nécessaires soient prises rapidement. En juin 2013, le directeur adjoint du travail de Muzaffarabad a enjoint les entreprises d’exécuter immédiatement la décision judiciaire et de lui faire rapport à ce sujet. Selon les organisations plaignantes, les entreprises ont néanmoins refusé d’appliquer l’accord, et la lettre susmentionnée du directeur adjoint du travail constitue le seul engagement du gouvernement à veiller au respect de la négociation collective. Les organisations plaignantes indiquent en outre que, devant ce refus continu de mettre en œuvre l’accord d’octobre 2011, le 20 février 2014, l’ALU NJHP a engagé un processus de négociation d’une nouvelle convention, transmis un cahier de revendications à la direction et demandé la tenue de négociations bilatérales dans un délai de dix jours, comme prévu par l’article 31(2), de l’ordonnance de 1974 sur les relations professionnelles. Le 3 mars 2014, les négociations ont commencé et, tandis qu’un certain nombre de points ont pu faire l’objet d’accords, d’autres sont demeurés en instance, et les parties étaient appelées à se rencontrer à nouveau dans un délai d’une semaine. Néanmoins les organisations plaignantes allèguent que, un mois plus tard, aucune réunion n’ayant été convoquée, le président de l’ALU NJHP a adressé une lettre aux entreprises de construction expliquant qu’il y avait une grande agitation parmi les personnes travaillant sur le projet.
  4. 520. Les organisations plaignantes allèguent aussi que, en réponse aux initiatives de l’ALU NJHP visant à améliorer les conditions de travail et à conclure une convention collective, les entreprises ont persécuté des dirigeants et des militants syndicaux. Selon les organisations plaignantes, environ 180 membres syndicaux ont été abusivement licenciés pendant les travaux de construction et, en juin 2012, sur demande du syndicat, le tribunal du travail du district d’Azad Jammu-et-Cachemire a rendu une ordonnance de suspension interdisant aux entreprises de licencier d’autres travailleurs. Malgré cela, en septembre 2012, un total de 64 autres travailleurs et membres syndicaux engagés par le sous-traitant des entreprises ont été licenciés, et l’ALU NJHP a saisi le juge de district de Muzaffarabad pour refus d’obtempérer à l’ordonnance du tribunal de juin 2012 et de faire délivrer une ordonnance de réintégration des 64 travailleurs. Les organisations plaignantes allèguent que parmi les travailleurs licenciés figurent quatre dirigeants et militants syndicaux particulièrement actifs – Muhammad Abdul Rasheed, Qamar Zaman, Ghulam Murtaza and Waqas Naseem – qui ont été licenciés en raison de leurs activités syndicales au mépris des règles de procédure prévues par la législation du travail du Pakistan. Ces derniers ont saisi la justice, mais leurs cas demeurent en instance, dans des conditions de retard jugées non raisonnables. Les organisations plaignantes fournissent les informations détaillées ci-après:
    • – Le 2 janvier 2013, Muhammad Abdul Rasheed, inspecteur de la sécurité employé sur le chantier depuis plus de trois ans, a été licencié en dehors de toute procédure régulière prévue par la législation du travail du Pakistan (l’employeur peut congédier un travailleur pour une raison autre que sa mauvaise conduite, à la condition que ce dernier reçoive un préavis d’un mois ou une indemnité égale à un mois de salaire; l’employeur est tenu de fournir par écrit les raisons justifiant sa décision). Selon les organisations plaignantes, M. Rasheed n’avait jamais fait l’objet d’aucune critique; au contraire, il avait reçu un certificat attestant que son travail était plus que satisfaisant. Le directeur du travail de Muzaffarabad et le président de l’ALU NJHP ont adressé une lettre à la direction des entreprises leur enjoignant de verser l’indemnité de départ de M. Rasheed, et une demande a été introduite auprès du tribunal en son nom pour exiger sa réintégration et dénoncer le refus d’obtempérer à l’ordonnance du tribunal de juin 2012 interdisant aux entreprises de licencier d’autres travailleurs. Cette demande a également été appuyée par un courrier du directeur adjoint du travail de Muzaffarabad. Les organisations plaignantes indiquent que, lorsque le 3 avril 2013, le tribunal a rendu sa décision ordonnant aux entreprises de respecter la convention collective d’octobre 2011, il ne s’est pas prononcé sur un éventuel refus d’obtempérer et a rejeté la demande visant à annuler la lettre de licenciement de M. Rasheed. L’ALU NJHP a donc interjeté un recours en appel devant la Haute Cour/le tribunal d’appel du district d’Azad Jammu et Cachemire du travail pour demander l’annulation de la décision du 3 avril 2013, déclarer le refus d’obtempérer et ordonner la réintégration de M. Rasheed. Le président de l’ALU NJHP a également envoyé une lettre au Premier ministre du district d’Azad Jammu-et-Cachemire pour solliciter son aide en la matière. Le cas de M. Rasheed est alors devenu une revendication essentielle, et son nom a figuré dans le cahier de revendications de février 2014. Le 3 septembre 2015, le tribunal d’appel du travail a estimé que la décision judiciaire du 3 avril 2013 ne tenait pas compte des motifs du recours, prononcé son annulation et ordonné que l’affaire soit réexaminée par le Tribunal du travail de Muzaffarabad dans un délai de soixante jours.
    • – Le 5 décembre 2013, une action en justice a été engagée concernant M. Qamar Zaman, qui aurait été renvoyé du service en raison de son affiliation syndicale et de sa participation à des activités syndicales, les entreprises interdisant toute affiliation syndicale, et ayant connaissance de l’identité des membres syndicaux et de leurs activités. Une action séparée a été engagée pour demander la délivrance d’une ordonnance suspensive interdisant aux entreprises de licencier tout nouveau travailleur tant que le cas de M. Zaman ne serait pas réglé. Le 10 septembre 2014, le tribunal du travail a constaté qu’une convention collective avait été conclue entre les parties en octobre 2011, qu’aucune notification écrite de licenciement n’avait été envoyée à M. Zaman et que le Département du bien-être au travail soutenait aussi le cas de M. Zaman. Le tribunal a donc déclaré le licenciement abusif et nul et non avenu et enjoint les entreprises à exécuter le jugement antérieur du 3 avril 2013 auxquelles tant l’ALU NJHP que les entreprises étaient parties.
    • – Des actions en justice ont été engagées auprès du tribunal du travail du district de Muzaffarabad concernant MM. Ghulan Murtaza et Waqas Naseem les 3 février et 17 mai 2014 respectivement. Toutes deux demandaient la mise en œuvre de l’accord d’octobre 2011, ainsi que la réintégration des deux travailleurs (qui auraient été licenciés verbalement sans avis d’exposé des motifs pour leur participation à la lutte pour les droits des travailleurs, les entreprises interdisant toute affiliation syndicale), ou le paiement à ceux ci de leurs indemnités de licenciement. A titre d’exemple, à plusieurs reprises, M. Murtaza avait contacté des entreprises pour leur demander d’appliquer l’accord d’octobre 2011. Des demandes séparées ont également été adressées au tribunal pour demander des ordonnances suspensives interdisant aux entreprises de licencier d’autres travailleurs durant l’examen des cas.
  5. 521. Enfin, les organisations plaignantes dénoncent le refus du gouvernement d’intervenir et de régler les différends en instance, de même que son rôle actif dans les mesures de discrimination et de répression antisyndicales, perçues par les organisations plaignantes comme une tentative délibérée de porter atteinte aux activités du PFBWW. Selon ces dernières, la protection insuffisante du droit à la liberté syndicale est synonyme d’une dégradation des normes de sécurité et de santé dans les projets d’infrastructure; elle a conduit au décès de plusieurs dizaines de travailleurs ces dernières années, et l’impossibilité pour les syndicats de la construction de conclure des conventions collectives et de les faire appliquer compromet toute amélioration du niveau de vie dans les régions concernées.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 522. Dans ses communications en date des 11 janvier et 9 mai 2018, le gouvernement indique que l’intervention militaire alléguée durant les négociations collectives d’octobre 2011 s’est limitée à la présence d’un représentant de l’armée pendant le conflit momentané avec les entreprises et qu’aucune action militaire d’aucune sorte n’a été entreprise à l’encontre d’un dirigeant syndical quelconque. Une fois la réunion terminée, l’armée n’est jamais intervenue dans aucune question ayant trait au projet hydroélectrique, la législation du Pakistan et du district d’Azad Jammu-et-Cachemire ne le permettant pas, à moins qu’elle ne soit appelée à porter assistance à l’administration civile en cas de trouble gravissime à l’ordre public.
  2. 523. Le gouvernement ajoute que, selon le contrat conclu avec l’une des entreprises, les contractants sont tenus de respecter les dispositions pertinentes de la législation du travail et les responsables du contrat n’ont jamais accepté de faire de concessions en la matière, car telle n’a jamais été la politique de la WAPDA. Si les organisations plaignantes donnent l’impression que les entreprises de construction ont violé l’ensemble des dispositions de la législation du travail et leurs engagements, le gouvernement indique que seules quelques erreurs mineures et involontaires ont pu avoir lieu. Le gouvernement fournit d’autres détails concernant le respect des dispositions pertinentes, en particulier le paiement de salaires journaliers et de primes, notamment pour les heures supplémentaires et les fêtes religieuses, le versement d’indemnités en cas de lésions, la fourniture de soins de santé gratuits, ainsi que la mise à disposition de résidences gratuites et d’équipements de sécurité. Il indique en outre que, les travaux sur le projet étant sur le point d’être achevés, l’ALU-NJHP et les travailleurs ont massivement réclamé le paiement des indemnités de fin de contrat par le contractant du projet lors de la cessation d’emploi. A cette fin, la WAPDA a organisé un certain nombre de réunions entre le syndicat et le contractant à la suite desquelles un accord a été signé entre les parties le 20 décembre 2017. Dans ledit accord, le contractant a accepté de payer toutes les prestations prévues par la loi et environ 4 000 travailleurs en ont déjà bénéficié. Le gouvernement ajoute que le processus a été mené à bien d’une manière équitable et transparente, qu’il n’y a actuellement aucune préoccupation au sujet de l’ALU NJHP et que les relations industrielles sont très satisfaisantes.
  3. 524. Par ailleurs, le gouvernement précise que, s’il est vrai que quatre travailleurs ont été licenciés, selon les registres des entreprises, ils ne l’ont pas été sur la base de leurs activités syndicales, mais en raison de leurs prestations insatisfaisantes. Selon les entreprises, la plainte déposée ne reflète pas précisément les faits, et elles fournissent les indications suivantes: les travailleurs n’étaient pas ponctuels et leurs prestations étaient insatisfaisantes, ils incitaient les autres travailleurs à ne pas suivre les procédures et portaient atteinte aux normes de sécurité. De plus, avant leur licenciement, ces travailleurs ont reçu plusieurs avertissements qui n’ont pas été suivis d’effet. Une fois licenciés, les travailleurs ont saisi les tribunaux, et leurs cas sont en instance, mais tout jugement ou décision judiciaire sera appliqué(e) conformément à la loi.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 525. Le comité note que les organisations plaignantes dans le présent cas dénoncent une intervention militaire dans les négociations collectives, le refus par deux entreprises de construction d’appliquer une convention collective, le licenciement antisyndical de membres syndicaux, des retards dans l’administration de la justice et l’incapacité du gouvernement à garantir le respect des droits syndicaux.
  2. 526. Le comité prend note des allégations des organisations plaignantes selon lesquelles une protection insuffisante du droit à la liberté syndicale a compromis les négociations collectives menées par le syndicat Awami Labour Union (ALU NJHP). Les organisations plaignantes allèguent en particulier que les négociations menées en octobre 2011 entre le syndicat et l’employeur (les entreprises de construction) en vue d’améliorer les conditions de travail sur le site de construction ont eu lieu en présence de plusieurs responsables militaires qui ont menacé les dirigeants syndicaux et exigé de ces derniers qu’ils signent un document portant sur le licenciement d’un membre du syndicat. Le comité note que, alors que les organisations plaignantes allèguent que cette intervention militaire faisant suite à un mouvement de grève équivaut à une grave violation des droits syndicaux, le gouvernement indique qu’un représentant de l’armée a certes participé à la réunion impliquant un conflit momentané avec l’employeur, mais qu’aucune action militaire n’a été entreprise et que l’intervention de l’armée n’est possible que si elle est appelée à apporter son assistance en cas de menace grave pour l’ordre public. Le comité croit comprendre à partir de cette information que la présence de militaires durant les négociations n’est contestée par aucune des parties, mais que leurs points de vue divergent quant au rôle exact joué par les militaires. Le comité note également que la raison pour laquelle la présence des militaires était nécessaire durant les négociations collectives entre le syndicat et l’employeur n’apparaît pas clairement dans les informations fournies, d’autant que le gouvernement ne laisse pas entendre qu’il y avait une menace quelconque pour l’ordre public durant cette période. A cet égard, le comité rappelle que la négociation volontaire des conventions collectives, et donc l’autonomie des partenaires sociaux à la négociation, constitue un aspect fondamental des principes de la liberté syndicale et que l’intervention de l’armée dans le règlement des différends collectifs ne favorise pas un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces, essentiel à l’exercice des droits syndicaux. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1313 et 929.]Le comité souhaite en outre souligner que la présence de militaires durant des négociations collectives peut avoir un effet intimidant sur les parties contribuant à avoir un impact significatif sur le processus de négociation collective dans son ensemble ainsi que sur le contenu de tout accord conclu. Compte tenu de ce qui précède, le comité s’attend à ce que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour veiller à ce que, à l’avenir, les militaires ne participent ni directement ni indirectement aux négociations collectives.
  3. 527. Le comité note en outre que, tandis que les organisations plaignantes dénoncent le refus prolongé des employeurs de mettre en œuvre l’accord conclu en octobre 2011 malgré une intervention de l’administration régionale à cet effet et malgré la délivrance d’une ordonnance judiciaire indiquant que les parties à l’accord sont tenues de se conformer à ses termes et conditions, le gouvernement pour sa part déclare que, si quelques infractions mineures à la législation du travail ont pu avoir lieu sur le site de construction, d’une manière générale, les entreprises ont respecté la législation nationale du travail. Le comité note aussi que le gouvernement fournit une liste de critères respectés par l’employeur, en particulier le paiement des salaires adéquats ainsi que de diverses indemnités, et relève que sa déclaration semble laisser entendre qu’à tout le moins certaines questions visées par l’accord de 2011 ou figurant dans le cahier de revendications de 2014 ont été, d’une manière générale, mises en œuvre par les employeurs. Le comité observe en outre, sur la base des informations fournies par le gouvernement, que suite à ses efforts, un accord a été signé entre le syndicat et le contractant en décembre 2017 prévoyant le paiement des indemnités de fin de contrat et que, le projet étant sur le point d’être achevé, environ 4 000 travailleurs en ont déjà bénéficié. Tout en notant avec intérêt que les parties ont finalement pu conclure un nouvel accord, mais compte tenu des points de vue divergents exprimés concernant la mise en œuvre de la convention collective de 2011, le comité considère important de rappeler que le respect mutuel des engagements pris dans les accords collectifs est un élément important du droit de négociation collective et doit être sauvegardé pour fonder les relations professionnelles sur des bases solides et stables. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 1336.] En ce qui concerne les allégations des organisations plaignantes selon lesquelles les entreprises n’ont pas pleinement participé aux négociations portant sur un nouvel accord en 2014, le comité rappelle que le principe selon lequel les employeurs comme les syndicats doivent négocier de bonne foi et s’efforcer de parvenir à un accord suppose que soit évité tout retard injustifié dans le déroulement des négociations. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 1330.] Au vu de ce qui précède, et tout en prenant dûment note du fait que le projet de construction est dans sa phase finale, le comité s’attend à ce que le gouvernement prenne toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que, pour le reste du projet, l’accord de décembre 2017 conclu entre le syndicat et les employeurs soit pleinement mis en œuvre et à ce que, au cas où de nouvelles négociations auraient lieu sur le site de construction, le principe de la négociation de bonne foi soit pleinement respecté par l’ensemble des parties. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau à cet égard.
  4. 528. Le comité note par ailleurs que les organisations plaignantes dénoncent des licenciements illégaux d’environ 180 travailleurs sur le site de construction au cours des dernières années sans que des précisions n’aient été données sur les raisons et les circonstances exactes de ces licenciements, à l’exception du cas de quatre dirigeants et militants syndicaux actifs. A cet égard, les organisations plaignantes allèguent qu’ils ont été licenciés verbalement, sans avis d’exposé des motifs et, en conséquence, en violation de la législation nationale du travail et que ces licenciements ont été motivés par l’affiliation et les activités syndicales des intéressés. Le comité note que des actions en justice ont été engagées pour déclarer les licenciements illégaux, que ces actions se fondent sur l’absence alléguée de préavis écrit de licenciement, mais qu’elles se réfèrent aussi aux activités syndicales des travailleurs, et que les procédures sont toujours en instance, ce qui a conduit les organisations plaignantes à dénoncer les retards considérables dans l’administration de la justice. Le comité note que, contrairement aux allégations susmentionnées, le gouvernement déclare que, selon les registres des entreprises, les quatre travailleurs ont été licenciés en raison de leurs prestations insatisfaisantes et de leur refus de suivre les procédures et que des avertissements leur avaient été adressés pour qu’ils modifient leur comportement avant d’être licenciés. Tout en constatant que les organisations plaignantes et le gouvernement ont des points de vue opposés sur la nature des licenciements des quatre syndicalistes, le comité estime que, lorsque des dirigeants syndicaux sont licenciés sans indication du motif, il devient extrêmement difficile pour ces derniers de prouver que le motif réel de leur licenciement se trouve dans leurs activités syndicales. Dans ces circonstances, le comité doit rappeler que nul ne doit faire l’objet de mesures préjudiciables en raison de l’exercice d’activités syndicales légitimes et les affaires de discrimination antisyndicale devraient être traitées de manière rapide et efficace par les institutions compétentes. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 1077.] Au vu de ce qui précède, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que les procédures judiciaires concernant les licenciements des quatre dirigeants syndicaux soient rapidement menées à bien, et veiller à ce que les décisions qui seront prises soient effectivement exécutées par l’ensemble des parties, et de lui fournir des copies des décisions définitives. Tout en notant que le projet de construction est dans sa phase finale, le comité prie le gouvernement de veiller à ce que les dirigeants syndicaux illégalement licenciés soient réintégrés sans délai ou, si le projet est terminé et que leur intégration est impossible pour des raisons objectives et impérieuses, de leur verser des indemnités adéquates ainsi que toute prestation appropriée.
  5. 529. Enfin, le comité prend note de l’allégation générale des organisations plaignantes selon laquelle le gouvernement n’a pas assuré le respect des droits syndicaux, car il n’a pas pris les mesures suffisantes pour réfléchir aux questions susmentionnées et trouver des solutions, y compris le refus par les entreprises de mettre en œuvre la convention collective et de réintégrer les travailleurs licenciés. Tout en observant que certaines mesures telles que les lettres, les appels envoyés aux entreprises de construction et l’organisation de réunions ont été prises par le gouvernement du district d’Azad Jammu-et-Cachemire et par la WAPDA, le comité doit rappeler que la responsabilité d’appliquer les principes de la liberté syndicale incombe en dernier ressort au gouvernement [voir Compilation, op. cit., paragr. 46] et qu’en conséquence il appartient au gouvernement de prendre toutes mesures nécessaires à cet égard.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 530. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité s’attend à ce que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour veiller à ce que, à l’avenir, les militaires ne participent ni directement ni indirectement aux négociations collectives.
    • b) Tout en prenant dûment note du fait que le projet de construction est dans sa phase finale, le comité s’attend à ce que le gouvernement prenne toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que, pour le reste du projet, l’accord de décembre 2017 conclu entre le syndicat et les employeurs soient pleinement mis en œuvre et à ce que, au cas où de nouvelles négociations auraient lieu sur le site de construction, le principe de la négociation de bonne foi soit pleinement respecté par l’ensemble des parties. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau à cet égard.
    • c) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que les procédures judiciaires concernant les licenciements des quatre dirigeants syndicaux soient rapidement menées à bien, et veiller à ce que les décisions qui seront prises soient effectivement exécutées par l’ensemble des parties, et de lui fournir des copies des décisions définitives. Tout en notant que le projet de construction est dans sa phase finale, le comité prie le gouvernement de veiller à ce que les dirigeants syndicaux illégalement licenciés soient réintégrés sans délai ou, si le projet est terminé et que leur intégration est impossible pour des raisons objectives et impérieuses, de leur verser des indemnités adéquates ainsi que toute prestation appropriée.
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