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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 400, Octobre 2022

Cas no 3407 (Uruguay) - Date de la plainte: 19-AVR. -21 - En suivi

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Allégations: l’organisation plaignante allègue un favoritisme de la part du gouvernement envers une autre organisation syndicale, son exclusion des instances de négociation collective, l’ingérence du gouvernement dans des instances de négociation collective bipartite, ainsi que des questions relatives à la déclaration de service essentiel

  1. 689. La plainte figure dans une communication du Syndicat uruguayen des anesthésistes et des chirurgiens (SAQ), datée du 20 février 2020. Le SAQ a envoyé un complément d’information dans une communication datée du 28 mai 2021.
  2. 690. Le gouvernement a fait part de ses observations dans une communication datée du 30 septembre 2021.
  3. 691. L’Uruguay a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (nº 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 692. Dans sa communication du 20 février 2020, le SAQ indique qu’il a été créé en 1993 au moment où les anesthésistes et les chirurgiens ont décidé de modifier leur représentation syndicale, jusqu’alors assurée par le Syndicat des médecins d’Uruguay (SMU), au motif que celui-ci ne représentait ni ne défendait plus leurs intérêts. L’organisation plaignante indique qu’elle est un syndicat catégoriel réunissant plus de 2 000 médecins qui a conclu, depuis sa création, d’innombrables conventions collectives, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. Elle précise par ailleurs que coexistent dans le pays trois organisations syndicales représentant les médecins: le SMU (pour les médecins de Montevideo qui ne sont pas anesthésistes ni chirurgiens), la Fédération des médecins de l’intérieur (FEMI) (pour les médecins exerçant à l’extérieur de Montevideo) et le SAQ (pour les anesthésistes et les chirurgiens, dans tout le pays). L’organisation plaignante souligne que, comme ces organismes n’exigent pas l’exclusivité, il est courant que des médecins aient une double ou une triple affiliation.
  2. 693. L’organisation plaignante allègue que: i) jusqu’en 2005, elle a participé activement à la négociation collective en concluant d’innombrables conventions collectives dans le domaine de la santé, tant dans le secteur public que dans le secteur privé; ii) l’arrivée au pouvoir du Front élargi (Frente amplio), en 2005, a enclenché une série de changements dans les rapports avec le gouvernement; iii) il existait un lien particulier entre les anciens dirigeants du SMU et ceux qui étaient à la tête du nouveau gouvernement, au point que de nombreux hauts responsables du SMU en sont venus à occuper des fonctions au sein du gouvernement; et iv) ce lien particulier a conduit le gouvernement à privilégier le SMU par rapport aux autres associations professionnelles de médecins et à donner, à plusieurs reprises, son appui à la tentative faite par celui-ci pour éliminer le pluralisme syndical qui régnait dans le secteur.
  3. 694. L’organisation plaignante allègue que, à partir de 2005, le gouvernement a commencé à donner systématiquement la préférence au SMU, en tant qu’organisation représentant tous les médecins dans tous les domaines d’activité, et que celui ci est parvenu à signer des accords dans lesquels le travail d’anesthésiste et de chirurgien a été redéfini sans la participation du SAQ et même contre sa volonté. L’organisation plaignante allègue en outre que le gouvernement de l’époque a soumis ses dirigeants à des pressions et à un harcèlement, en faisant des déclarations et des accusations contre ceux ci, agissements qui ont été dénoncés devant l’ordre national des médecins.
  4. 695. Selon l’organisation plaignante, en 2005 le gouvernement a convoqué les conseils consultatifs de la santé et, alors qu’il avait invité plus de 30 organisations professionnelles et sociales afin de recueillir leurs vues sur une réforme du système national de santé, il l’avait spécifiquement exclue. L’organisation plaignante allègue que, après avoir déposé plainte à ce sujet devant le pouvoir judiciaire, elle avait finalement été conviée à participer à ces conseils. Elle allègue que même si, pendant la période 2007-2012, elle a réussi à continuer de participer à la négociation dans toutes les instances, il s’est engagé, à partir de 2012, un processus dans le cadre duquel elle a été, systématiquement et scrupuleusement, exclue de toute instance de négociation collective par le gouvernement, clairement à la satisfaction du SMU. Elle allègue en outre que, en 2012, le gouvernement et le SMU ont tenté de modifier la forme du travail et la rémunération des médecins de manière à fixer un salaire unique pour tous les médecins, sans qu’il soit tenu compte de la spécialisation et des risques, ce qui favorisait ceux qui se consacraient à la médicine générale au détriment des spécialités médicales. Elle allègue encore que le but ultime de cette modification était de supprimer l’accord visant expressément les anesthésistes et les chirurgiens qui avait été négocié par le SAQ pendant plus de deux décennies.
  5. 696. L’organisation plaignante indique que les conseils des salaires, organes tripartites de négociation collective dans le secteur privé, ont été rétablis dans le pays en 2005 et que, bien que ni le SAQ ni la FEMI ne fassent formellement partie du Groupe 15 (services de santé et services annexes) des conseils des salaires, ils étaient tous deux invités par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale (MTSS) à faire entendre leur voix sans avoir le droit de vote. L’organisation plaignante affirme que, jusqu’en 2012, le SAQ, la FEMI et le SMU participaient ensemble au Groupe 15 et que, même si les voix des travailleurs relevant de ce groupe revenaient au SMU, désigné par le pouvoir exécutif comme le syndicat le plus représentatif de par le nombre de ses adhérents, le SMU était coparticipant avec les autres syndicats et respectait la position de la FEMI et du SAQ.
  6. 697. L’organisation plaignante allègue qu’en 2010 il a été créé la Commission du travail de médecin et qu’il a été décidé qu’un délégué désigné par le SAQ allait pouvoir participer à la négociation portant sur des emplois dans une spécialité en anesthésie ou en chirurgie, mais que, en 2012, elle a été exclue de la série de négociations des conseils des salaires tandis que la Commission du travail de médecin a été renommée Commission consultative multipartite (CCM), le SAQ ayant été évincé de cette dernière. La plaignante allègue en outre qu’en 2015 les emplois à forte disponibilité professionnelle (EFDP) pour la spécialité en chirurgie générale, ont été négociés sans que le SAQ ait jamais été convoqué aux réunions de négociation et que même si, à la fin de 2015, il a été signé un accord qui lui a permis de participer aux réunions de la CCM quand des questions concernant les anesthésistes et les chirurgiens étaient inscrites à l’ordre du jour, le SAQ n’a eu que le droit d’y assister, sans avoir la possibilité d’intervenir.
  7. 698. L’organisation plaignante allègue que le SMU et le gouvernement ont planifié et imposé les EFDP dans le secteur privé, établissant un régime de quasi-exclusivité (ou d’exclusivité totale) dans le cadre duquel la productivité (mécanisme fondamental de la rémunération des anesthésistes et des chirurgiens, négocié par le SAQ) est devenue un aspect totalement accessoire, et ce qui était auparavant un stimulant s’est transformé en une sanction (selon laquelle les médecins qui n’atteignent pas les objectifs fixés perdent jusqu’à 25 pour cent de leur salaire fixe). L’organisation plaignante allègue que ces emplois ont été conçus sans sa participation et contre sa volonté expresse, alors qu’ils ont été établis expressément pour les anesthésistes et les chirurgiens.
  8. 699. L’organisation plaignante affirme que, comme elle a refusé que ses membres postulent aux EFDP, le pouvoir exécutif a obligé les entreprises à ne recruter du personnel que selon cette modalité de contrat, sous peine d’amendes et de sanctions. Elle indique que les EFDP ne pouvaient pas être mis en œuvre parce que le groupe des anesthésistes et des chirurgiens et le SAQ s’étaient opposés à ceux-ci et avaient dénoncé cette situation à maintes reprises, par des actions syndicales, raison pour laquelle il y avait peu ou pas d’anesthésistes ou de chirurgiens qui répondaient aux appels à candidature pour ces emplois. Face à cette situation, et parce que son action ne produisait pas d’effet, le pouvoir exécutif s’est accordé avec le SMU pour franchir, lors de la session des conseils des salaires de 2018, une nouvelle étape dans l’attaque portée au groupe des anesthésistes et des chirurgiens et pour décider de diminuer directement les salaires en empruntant la voie obscure et oblique de la redéfinition des catégories d’interventions chirurgicales, faisant baisser le total des salaires que les chirurgiens généralistes percevaient pour des opérations chirurgicales et obtenant ainsi une réduction salariale directe.
  9. 700. Dans une communication envoyée le 28 mai 2021, l’organisation plaignante indique que, s’il est vrai que le gouvernement actuel, en place depuis le 1er mars 2020, répond à des groupes de pouvoir différents de ceux qui occupaient les postes en question au moment du dépôt de la plainte et que le lien particulier qui existait entre les autorités du gouvernement précédent et le SMU, et le favoritisme particulier de l’État envers celui-ci, n’est plus ce qu’il était, il reste qu’il n’est accordé au SAQ que la participation que le SMU juge pertinente pour la négociation collective. L’organisation plaignante estime que même s’il est certain que c’est grâce au changement de gouvernement qu’elle a pu commencer à participer à la négociation collective dans le cadre des conseils des salaires, elle demeure de toute façon à la merci du SMU pour ce qui est de ses interventions devant les conseils des salaires; elle est invitée à ces conseils non pas par le MTSS, mais par le SMU (il est courant que celui ci la convoque de manière erronée et tardive) et elle ne peut que s’exprimer, sans avoir le droit de vote, par l’intermédiaire du SMU, lequel ne représente ni ne défend ses intérêts. L’organisation plaignante allègue qu’il lui a toujours été dit que, malgré son opposition, ce seraient le SMU et le gouvernement qui trancheraient en fin de compte. Elle estime en outre qu’il n’existe aucune garantie que le SMU ne va pas cesser, du jour au lendemain, d’autoriser sa participation aux conseils des salaires.
  10. 701. L’organisation plaignante allègue que: i) l’entreprise publique de santé de l’Administration des services de santé de l’État (ASSE), avec laquelle elle avait négocié de multiples accords au fil des années, l’a exclue des négociations dans le cadre desquelles les postes à forte disponibilité professionnelle (PFDP) ont été approuvés pour les spécialités médicales en anesthésie et chirurgie; et ii) en 2017, celle ci a signé des conventions collectives avec le SMU aux termes desquelles les PFDP ont été mis en œuvre pour les chirurgiens généralistes et les anesthésistes qui travaillent à l’ASSE, modifiant ainsi les accords passés entre l’ASSE et le SAQ en 2008, ce qui veut dire qu’une convention collective en vigueur a été enfreinte de manière unilatérale et illicite. L’organisation plaignante allègue que le SMU protège principalement les intérêts des médecins qui ne sont pas anesthésistes ni chirurgiens (et parmi eux, pas même ceux qui exercent à l’intérieur du pays), et ne défend pas le groupe des médecins anesthésistes.
  11. 702. L’organisation plaignante indique qu’elle a engagé devant le Tribunal du contentieux administratif (TCA) des actions en nullité contre les décisions de l’ASSE en vertu desquelles ont été adoptées les conventions collectives conclues avec le SMU, qui mettent en œuvre les PFDP dans les domaines de la chirurgie générale et de l’anesthésie, étant donné que ces conventions entraînent un préjudice au niveau des conditions de travail et qu’elles ont été adoptées sans sa participation. L’organisation plaignante indique que le TCA ne s’est pas encore prononcé sur lesdites actions en nullité.
  12. 703. L’organisation plaignante indique que la désignation de l’organisation la plus représentative ne fait pas de celle ci un organisme indépendant qui garantit l’impartialité nécessaire, mais que c’est le pouvoir exécutif qui désigne l’organisation la plus représentative de chaque secteur dans les groupes des conseils des salaires. D’après l’organisation plaignante, dans le cas du Groupe 15 des conseils des salaires, visant le secteur de la santé, le SMU a été désigné comme l’organisation de médecins la plus représentative, alors qu’il lui manque la nécessaire indépendance vis-à-vis du gouvernement.
  13. 704. L’organisation plaignante indique que, étant donné qu’elle avait été exclue du Groupe 15 et que la place de représentant des travailleurs médecins dans ce groupe était occupée par le SMU en tant qu’organisation la plus représentative, elle a évoqué la possibilité de créer un sous-groupe pour les anesthésistes et les chirurgiens à l’intérieur du Groupe 15, lequel serait composé des mêmes délégations que le groupe principal, mais – compte tenu de l’existence d’une place supplémentaire – avec la participation d’un délégué du SAQ, et ce serait dans cette instance que tout ce qui concerne les catégories, les salaires et les conditions de travail des anesthésistes et des chirurgiens devrait être traité et résolu. L’organisation plaignante indique que des solutions analogues ont été appliquées à d’autres secteurs d’activité dans lesquels aussi, en raison de l’existence de syndicats de corps de métier, il a été favorisé la mise en place de sous-groupes ou de chapitres, au titre desquels sont négociés des accords concernant l’ensemble des entreprises du secteur, visant expressément des professions ou des tâches déterminées. C’est le cas, par exemple, du Groupe 13 (transports) auquel est rattaché le sous groupe 12 (transport aérien), dans lequel coexistent de multiples chapitres qui portent sur les questions liées aux compagnies nationales et étrangères, mais également sur les différentes professions visées (pilotes de ligne aérienne, pilotes d’avions d’épandage, personnel au sol, etc.); chacun d’entre eux bénéficiant de sa propre instance de négociation dans laquelle interviennent des syndicats spécifiques pour représenter les travailleurs. L’organisation plaignante indique que le pouvoir exécutif s’est opposé à la création, à l’intérieur du Groupe 15, d’un sous-groupe dont le champ serait limité aux anesthésistes et aux chirurgiens, alors que tout type de problème de représentativité avec le SMU aurait pu être ainsi éliminé puisque ce sous groupe aurait permis la participation et la représentation du SAQ, lequel est indiscutablement l’organisation de travailleurs la plus représentative du groupe des anesthésistes et des chirurgiens.
  14. 705. L’organisation plaignante indique que: i) les conseils des salaires sont tripartites et que la plupart des votes se trouvent entre les mains du pouvoir exécutif, de sorte qu’il peut arriver, comme cela s’est déjà produit, que des travailleurs ou des employeurs ne soient pas d’accord sur une proposition, mais que celle-ci soit en fin de compte approuvée sans leur consentement grâce aux voix du gouvernement; ii) il existe, dans la meilleure des hypothèses, une sorte d’arbitrage obligatoire et, dans la pire, de dirigisme de la part du pouvoir exécutif; mais au-delà de cette violation générale, que la loi limite aux salaires minimaux et aux catégories d’activité, cette ingérence dans le secteur de la santé a été importante et a dépassé le cadre même de la loi, dans la mesure où celle-ci a été fondamentalement assujettie à la négociation collective et soumise à la politique de santé que prétend mettre en œuvre le pouvoir exécutif; et iii) celui-ci est intervenu de manière incessante sur des aspects qui vont au-delà des salaires minimaux et des catégories d’activité et les a favorisés, se mêlant constamment de questions qui, conformément à la réglementation nationale, relèvent exclusivement de la négociation collective sous forme bipartite, et portant atteinte de ce fait au principe de la bilatéralité et de la négociation libre et volontaire.
  15. 706. L’organisation plaignante allègue que le pouvoir exécutif a avancé des propositions qui modifient les conditions de travail et les rémunérations des travailleurs, un domaine qui doit relever exclusivement des organisations de travailleurs et d’employeurs concernés, et elle allègue que cela a été particulièrement mis en évidence avec deux thèmes que le pouvoir exécutif a imposés à la négociation collective:
    • Un premier exemple est la création et la mise en œuvre des EFDP, lesquels ont redéfini le travail des anesthésistes et des chirurgiens (ils encouragent et exigent même presque l’emploi unique, ce qui aboutit à une perte d’indépendance technique et à une dégradation de l’évolution professionnelle qui affecte les anesthésistes et les chirurgiens), intervenant ainsi sur des aspects qui vont au-delà des salaires minima et des catégories, et entraînant une sanction financière pour les établissements de santé qui ne recrutent pas les médecins selon cette modalité (ils étaient sanctionnés sur le plan financier car ils ne recevaient pas de fonds du Fonds national de la santé). Ces emplois ont été définis conjointement par le pouvoir exécutif et le SMU contre la volonté de bon nombre de travailleurs médecins, en général, et de la quasi-totalité du groupe des anesthésistes et des chirurgiens, et ils n’ont pas été non plus plébiscités par les entreprises qui, dans la plupart des cas, n’y sont pas favorables. Les EFDP perturbent les relations professionnelles dans le secteur de la santé et sont favorisés par le gouvernement dans la mesure où ils constituent sa politique de santé.
    • Un second thème sur lequel le pouvoir exécutif est intervenu dans le cadre de la négociation collective est celui de la redéfinition des catégories de chirurgies, un point qui a une incidence sur les rémunérations des anesthésistes et des chirurgiens. L’organisation plaignante allègue que: i) le pouvoir exécutif a élaboré et présenté aux entreprises et au SMU une proposition de redéfinition des catégories selon laquelle il modifie les différentes catégories de chirurgies générales, ce qui entraîne une réduction du total de la masse salariale qui est actuellement destinée au groupe des anesthésistes et des chirurgiens; ii) comme il n’y avait pas d’anesthésistes ni de chirurgiens qui souhaitent accepter les EFDP, le pouvoir exécutif a décidé d’attaquer directement la forme de rémunération en empruntant la voie obscure et oblique de la redéfinition des catégories d’interventions chirurgicales; et iii) la proposition de redéfinition des catégories tendait à abaisser les salaires que recevaient les chirurgiens généralistes afin de «les obliger» à accepter de transformer leur emploi en EFDP et, en même temps, elle allait servir à financer une proposition du SMU, qui visait à réduire le nombre de patients à quatre par heure pour chaque médecin en policlinique, pénalisant ainsi les médecins qui étaient membres du SAQ et avantageant ceux qui étaient représentés par le SMU, parce que cette réduction du nombre de patients par heure en policlinique bénéficiait uniquement aux médecins qui n’étaient pas anesthésiste ni chirurgien. L’organisation plaignante considère que la baisse des salaires a été proposée (et d’une certaine manière, imposée) par le pouvoir exécutif en violation du principe de la bilatéralité de la négociation collective.
  16. 707. L’organisation plaignante indique que: i) après d’intenses démarches, il lui a été finalement permis d’assister à la «Commission de redéfinition des catégories» en «accompagnant» le SMU, mais sans avoir le droit d’intervenir, c’est-à-dire, en restant simple spectatrice; ii) seules deux réunions de la commission se sont finalement tenues au cours desquelles il est apparu clairement que la redéfinition des catégories était déjà orchestrée par l’État et le SMU; iii) lors de la dernière réunion et malgré l’opposition du SAQ à l’approbation de la redéfinition des catégories des actes d’anesthésie et de chirurgie qui entraînait une baisse des salaires, le SMU a adopté unilatéralement le document, et iv) la gravité de la situation ne tient pas seulement à la réduction salariale directe, mais aussi au fait que celle ci a été formellement proposée (et d’une certaine manière imposée) par le pouvoir exécutif en violation du principe de la bilatéralité de la négociation collective, puisque la forme des rémunérations des travailleurs dans les entreprises a été modifiée par une intervention directe du gouvernement.
  17. 708. L’organisation plaignante indique qu’au cours de la dernière décennie elle a engagé plusieurs conflits, dont bon nombre étaient liés à la question de la représentativité, et elle allègue que, lors des conflits de 2007 et 2012 (entre autres), les activités d’anesthésie et de chirurgie ont été déclarées essentielles sans que les conditions préalables nécessaires pour ce faire aient été remplies. L’organisation plaignante allègue que: i) l’établissement du caractère essentiel de ces activités a eu une incidence non seulement sur les services d’urgence mais aussi sur toutes les activités de chirurgie et de policlinique, c’est-à-dire sur la prise en charge coordonnée en consultation, et elle estime que la mesure a été utilisée pour supprimer le droit de grève; et ii) la déclaration du caractère essentiel d’activités a été utilisée pour mettre fin au conflit, sans qu’il soit proposé de mécanismes alternatifs d’arbitrage ou de médiation; il a simplement été interdit de faire grève et le syndicat s’est vu empêché de faire valoir ses revendications. L’organisation plaignante indique que, même si la loi dispose que la déclaration du caractère essentiel d’une activité vise les services essentiels (minimums) et non toutes les activités, et que ces services doivent être «assurés par le maintien de permanences d’urgence», le pouvoir exécutif n’en a tenu aucun compte en établissant le caractère essentiel de toutes les activités d’anesthésie et de chirurgie (y compris, par exemple, les tâches normales accomplies en policlinique).
  18. 709. Eu égard à ce qui précède, l’organisation plaignante se demande: i) s’il est licite d’établir le caractère essentiel d’une activité, lorsque la prise en charge est maintenue au moyen d’un service de garde qui est assuré par le syndicat et dont l’existence n’est pas contestée; ii) s’il est licite de faire porter la déclaration du caractère essentiel et l’interdiction de prendre des mesures syndicales sur l’activité chirurgicale dans toutes les acceptions du terme, y compris les tâches de prise en charge en policlinique, coordonnées, etc., comme cela a été établi, et pas seulement sur les services qui sont de nature réellement essentielle; et iii) s’il est licite d’interdire l’exercice du droit de grève sans qu’aucun moyen alternatif ne soit proposé pour régler le conflit et prendre en considération la plate-forme de revendications du syndicat.
  19. 710. L’organisation plaignante indique que, par le décret n° 367/007 du 23 août 2007, il a été entériné l’accord conclu dans le cadre du Conseil des salaires correspondant au Groupe 15 «Services de santé», au titre duquel le Fonds de formation continue en médecine a été créé avec des contributions des entreprises, et elle allègue que le MTSS n’a versé de fonds qu’au SMU et que le SAQ n’a jamais reçu les fonds en question. Elle indique par ailleurs qu’en 2019 elle a engagé une procédure contre le MTSS pour réclamer le paiement de la somme qui, selon elle, aurait dû lui être remise par les institutions responsables, en application de la convention de 2007, et que cette somme ne lui est jamais parvenue. Selon l’organisation plaignante, d’après les accords conclus dans le cadre des conseils des salaires, ces fonds auraient dû être directement versés au SAQ et non au SMU. Il est indiqué que la procédure judiciaire est en cours.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 711. Dans sa communication du 30 septembre 2021, le gouvernement indique qu’il règne la liberté et l’autonomie syndicales les plus absolues dans le pays, lequel dispose de longue date d’un système de négociation collective et figure parmi les premiers pays qui ont accepté, favorisé et protégé non seulement la négociation collective, mais aussi les deux autres piliers du droit collectif du travail, à savoir le droit de grève et la liberté syndicale. Il souligne en outre que le système juridique uruguayen se caractérise par le pluralisme syndical et que, par conséquent, toutes les organisations collectives constituées jouissent des droits collectifs d’organisation et de négociation collective.
  2. 712. En ce qui concerne les liens allégués entre les autorités du gouvernement et celles du SMU, dont découlerait l’absence d’indépendance de ce dernier, le gouvernement souligne que, depuis le 1er mars 2020, la conduite politique de l’État est sous la responsabilité de partis politiques différents de ceux qui étaient à la tête de l’État lorsque les faits dénoncés se sont produits. Il indique que, toutefois, la conception de la représentation des intérêts professionnels devant les conseils des salaires ainsi que la structure des rémunérations et les conditions de travail convenues dans le cadre de ces conseils, n’ont pas été modifiées et que, par conséquent, l’affirmation selon laquelle il existerait une intention de favoriser l’autre organisation syndicale en raison d’une préférence alléguée envers celle ci, est dénuée de fondement. Le gouvernement déclare qu’en réalité le SAQ a participé au processus de négociation collective engagé formellement dans les instances des conseils des salaires, et que cette participation n’est pas due à une invitation du MTSS, mais du SMU, et permet au syndicat de s’exprimer, sans toutefois avoir le droit de vote. S’agissant des évaluations du SAQ concernant l’intention de l’État de modifier la forme du travail de médecin et sa rémunération pour favoriser ceux qui pratiquent la médecine générale par rapport à d’autres spécialités, ainsi que d’élaborer un accord unique pour le secteur, le gouvernement souligne qu’à la différence d’autres pays, en Uruguay, au-delà de la coexistence des sous secteurs de santé publics et privés, le financement des fournisseurs de services de santé complets qui offrent une couverture santé à la population est presque intégralement public, étant donné qu’il repose sur des fonds communs constitués par les contributions des travailleurs, des entreprises et de l’État, auxquelles s’ajoute une part du budget national directement allouée à cet effet. Pour cette raison, la forme sous laquelle les dépenses de santé sont effectuées par les fournisseurs de services est une variable pertinente, tant pour le ministère de la Santé publique (MSP) que pour le ministère de l’Économie et des Finances (MEF), lorsqu’il s’agit de garantir l’efficacité du système et une couverture santé universelle de qualité à la population. À cet égard, les instances de négociation collective constituent un cadre utile à la formulation de politiques publiques en matière de ressources humaines qui, par ailleurs, sont élaborées de manière concertée avec les principaux acteurs du secteur. Le gouvernement indique que ni le MEF ni le MSP ne font formellement partie des conseils des salaires, étant donné que, dans la négociation tripartite qui a lieu sous leur égide, la représentation du pouvoir exécutif revient au MTSS et que, de ce fait, l’invitation et la participation du MSP revêt un caractère d’observation et de conseil.
  3. 713. Sans préjudice de ce qui précède, le gouvernement souligne que la réforme du travail de médecin s’est déroulée dans le cadre d’un long processus de négociation au cours duquel, en toute occasion, un consensus s’est dégagé entre les parties à la négociation collective, à savoir des représentants qui n’ont pas été désignés de manière arbitraire mais selon les critères de représentativité établis par les dispositions juridiques applicables, sur lesquelles le MSP n’a aucune influence. Par ailleurs, il précise que tous les actes qui composent le nouvel accord concernant les médecins, établi dans le cadre des conseils des salaires, ont été approuvés par toutes les délégations, ce qui indique l’existence d’un consensus entre tous les participants.
  4. 714. Le gouvernement indique que le SAQ a participé aux discussions tenues dans des commissions qui ont mené leurs travaux sous l’égide du MSP et que c’est dans ces commissions que le nouveau régime de travail des médecins a été élaboré, et il mentionne les instances de négociation suivantes: i) de 2010 à 2012, était en place la Commission du travail des médecins qui faisait partie du Groupe 15 du conseil des salaires et dans laquelle il a été décidé que, lorsqu’il serait traité des questions liées à une spécialité, le représentant du SMU serait accompagné d’un représentant de celle ci et que, dans le cas des spécialités en anesthésie ou en chirurgie, ce représentant devait être désigné par le SAQ; et ii) de 2012 à 2019 a fonctionné la CCM, coordonnée par le MSP, avec le concours du pouvoir exécutif et du SMU et avec une large participation des institutions du secteur, afin de suivre les changement établis par l’accord signé dans le cadre des conseils des salaires, le 5 novembre 2012. La commission susmentionnée élaborait des propositions qui étaient ensuite présentées au Conseil des salaires, pour examen et approbation, et c’est dans cette enceinte qu’un accord a été conclu sur des propositions de réforme visant toutes les spécialités médicales et, s’agissant des spécialités en anesthésie et en chirurgie, il a été fait, en temps opportun, en 2015 une proposition concernant les EFDP en chirurgie générale, à l’élaboration de laquelle le SAQ a participé dans le cadre de diverses instances, mais sans prendre part à sa formulation finale, raison pour laquelle l’acte no 16 de la CCM, approuvé par le reste des parties, contient une disposition qui permettait la poursuite de la discussion pendant six mois après la conclusion de l’accord. Le gouvernement indique que la discussion ultérieure, autorisée par l’accord susmentionné, s’est tenue au MTSS avec la participation des membres du Groupe 15, de la Société uruguayenne de chirurgie et du SAQ. Le gouvernement estime par conséquent qu’on ne peut pas dire que le SAQ n’a pas eu la possibilité de participer au processus d’établissement des conditions de travail qui pouvait avoir une incidence sur les spécialités qu’il représentait.
  5. 715. Le gouvernement déclare que, durant toutes ces années, l’entreprise publique de santé, à savoir l’ASSE, a écouté le SAQ et que, en mai 2008, les trois organisations professionnelles de médecins ont conclu avec elle un accord-cadre qui établit les bases de la rémunération des emplois de médecins dans cette administration. Cet accord a en outre établi une commission de suivi, de laquelle sont issus de multiples actes qui rendent compte d’accords bipartites permettant de mettre en œuvre ce qui a été convenu dans l’accord cadre. Le gouvernement ajoute que l’ASSE a jugé essentiel de s’efforcer de retenir les professionnels qui travaillaient pour elle et de leur offrir des incitations, et à cet égard la création des EFDP (négociés pour le secteur privé dans le cadre des conseils des salaires) a donné à l’ASSE la possibilité d’engager de nouvelles ressources humaines dans certaines spécialités, lorsque la compétence dans des spécialités considérées comme vitales était déterminée par le prix que chaque institution pouvait payer. Le gouvernement indique que, de cette façon, il a été convenu que le cadre des discussions sur les PFDP devait correspondre exactement au cadre des discussions sur les EFDP relevant du Groupe 15 du conseil des salaires, raison pour laquelle il a été constitué une CCM dans le secteur public. Le gouvernement explique que les PFDP ne font que modifier le mode de travail, qu’ils ne sont pas obligatoires, qu’ils nécessitent un appel public à candidatures et qu’il y a eu ces dernières années une infinité d’instances de discussion avec des représentants du SAQ, et que plusieurs des propositions avancées par ceux ci ont été insérées dans les accords signés. Non seulement cela, mais le 4 septembre 2017, lorsque le MSP a demandé au MTSS de réunir la CCM du secteur public en vue de l’examen des postes à forte disponibilité professionnelle dans le domaine de l’anesthésie, le SMU a expressément indiqué qu’il avait invité la Société d’anesthésiologie et le SAQ, mais que ceux ci avaient exprimé par écrit leur refus de participer.
  6. 716. Le gouvernement indique que l’ASSE reçoit toutes les organisations professionnelles qui demandent la tenue de réunions afin de dialoguer avec elles, de recevoir les plaintes et de fournir des informations, conformément à la réglementation nationale et internationale en vigueur, de sorte à négocier de manière collective et à signer des accords, mais qu’elle tient des instances uniquement avec l’organisation syndicale la plus représentative. Le gouvernement croit comprendre que la plainte du SAQ fait référence à des relations difficiles entre des organisations professionnelles, dans lesquelles l’ASSE ne peut, ni ne doit, s’immiscer. Le gouvernement indique par ailleurs que, même si le SAQ a recouru à la voie judiciaire pour engager une action en nullité des accords signés par l’ASSE qui mettent en œuvre les PFDP, en faisant valoir le préjudice que ce type de postes engendrent pour son groupe, ceux ci ne portent atteinte à aucun des droits dont jouissent aujourd’hui les professionnels de l’anesthésie et de la chirurgie au sein de l’ASSE. Dans tous les cas, il est conféré un avantage pécuniaire à ceux qui répondent aux appels à candidatures concernant ces postes. Les PFDP ne font que modifier le mode de travail, ils ne sont pas obligatoires, et ils exigent un appel public à candidatures. Le gouvernement indique en outre que, par une résolution de l’assemblée du SAQ du 30 novembre 2015, il a été donné pour instruction aux membres de ne pas se présenter aux postes à forte disponibilité professionnelle, mis au concours par l’ASSE, et il a été déclaré que les membres qui le feraient seraient sanctionnés; la sanction pouvant aller jusqu’à la suspension de la qualité de membre, au cas où ils accepteraient le poste pour lequel ils s’étaient présentés.
  7. 717. Le gouvernement indique que la plus grande représentativité permet de concilier le pluralisme syndical avec la nécessité de disposer d’une représentation unitaire pour la réalisation de certains actes, mais il convient de souligner que la détermination de l’organisation la plus représentative se fait uniquement lorsqu’il n’existe pas d’accord entre les différentes organisations syndicales représentant le groupe; de cette manière, ce sont elles qui tranchent la question en unifiant les plateformes de revendications, en accordant les stratégies, etc. En l’absence d’accord, une fois qu’il a été déterminé l’organisation la plus représentative sur la base de critères objectifs (l’indépendance, comme le veut le SAQ, mais aussi l’ancienneté, la continuité et le nombre de membres) prévus par l’article 14 de la loi no 18566 (laquelle établit les principes et droits fondamentaux dans le système de négociation collective), cette détermination confère un statut juridico-syndical privilégié à certaines fins, sans que cela entraîne la non reconnaissance des droits dont jouit le reste des organisations syndicales, qui sont inhérents à la notion de liberté syndicale.
  8. 718. Le gouvernement indique que, dans le cadre légal actuel, l’organisation la plus représentative bénéficie des prérogatives suivantes: i) désigner les représentants non gouvernementaux auprès de l’OIT; ii) faire partie du Conseil supérieur de la négociation collective du secteur public et du Conseil supérieur tripartite (organe de coordination et de gouvernance du système de relations professionnelles, constitué de six délégués du pouvoir exécutif, de six délégués des organisations d’employeurs les plus représentatives et de six délégués des organisations de travailleurs les plus représentatives, qui est celui qui effectue le classement des groupes de négociation tripartite par branche d’activité ou chaîne de production et qui désigne les organisations négociatrices dans chaque instance); iii) participer aux conseils des salaires et aux instances de négociation au niveau de la branche dans le secteur public; les organisations les plus représentatives du secteur étant celles qui composent le Conseil des salaires respectif et les thèmes à aborder dans celui ci comme la création de sous groupes, les congés syndicaux, les catégories, les salaires, etc., devant faire l’objet de propositions avancées par celles-ci, et iv) négocier et signer des conventions collectives de portée générale au niveau de la branche ou de l’entreprise, ou de l’organisme dans les secteurs public et privé. Le gouvernement indique que, conformément aux dispositions de l’article 14 de la loi no 18566, le privilège de l’organisation la plus représentative se rapporte tant à la signature de la convention qu’à la représentation exclusive des travailleurs dans le processus de négociation collective, ce qui ne porte ainsi pas atteinte au droit au pluralisme syndical.
  9. 719. Le gouvernement indique que, le 3 octobre 2018, le SAQ a présenté une note demandant que soit soumise au vote du Groupe 15 la constitution d’un sous-groupe qui viserait les activités menées par les anesthésistes et les chirurgiens, et que cette note a donné lieu au dossier n° 2018-13-2-0002313 du MTSS, duquel il ressort que, le 7 novembre 2018, le Conseil des salaires du Groupe 15 s’est réuni et a déclaré entre autres choses que, conformément à la réglementation applicable, tous les groupes d’activité, ainsi que les sous groupes, devaient se rapporter à une branche d’activité ou à une chaîne de production, de sorte que l’établissement de sous groupes par profession ou métier n’était pas considéré comme pertinent. Le gouvernement a joint en annexe une copie du rapport établi par les déléguées désignées par le pouvoir exécutif auprès du Conseil des salaires du Groupe 15, lequel indique notamment que la classification des différents conseils des salaires est établie par branche d’activité ou chaîne de production; dans le cas du Groupe 15, la branche d’activité comprend ce qui suit: «Services de santé et services annexes. Hôpitaux, sanatoriums. Établissements de soins médicaux collectifs (mutuelles, coopératives médicales et centres de soins d’associations professionnelles ou de syndicats). Établissements de soins médicaux privés, particuliers, à couverture totale ou partielle, laboratoires d’analyses cliniques, cliniques médicales, centres de dialyse. Services mobiles d’urgence. Centres de réhabilitation. Services d’accompagnants, maisons de santé, résidences pour personnes âgées, cliniques de remise en forme qui fournissent des services médicaux et paramédicaux. Services odontologiques (y compris, services de techniciens, prothèses et cliniques dentaires). Cliniques et laboratoires d’analyses cliniques vétérinaires». Dans ce rapport, il est indiqué que, même si la loi no 10449 prévoit que les conseils des salaires peuvent former des «sous-conseils spéciaux ou d’experts» en vue de l’étude ou de l’analyse d’un problème quelconque, les sous-groupes devraient correspondre à l’un des domaines susmentionnés ou, à défaut, se rattacher à une chaîne de production.
  10. 720. Le gouvernement estime que l’existence d’un sous groupe se rapportant aux activités des anesthésistes et des chirurgiens ne résoudrait pas en soi le conflit de représentativité existant dans le secteur, étant donné que c’est la propre délégation du groupe d’activités qui désigne les représentants des sous groupes. Le gouvernement indique que la manière dont les délégués aux conseils des salaires sont choisis est expressément prévue à l’article 10 de la loi no 18566 et à l’article 6 de la loi no 10449, et que c’est le Conseil supérieur tripartite qui désigne les organisations d’employeurs et de travailleurs qui participeront à chaque instance; ces organisations sont celles qui communiquent au pouvoir exécutif les noms des délégués désignés. Le gouvernement explique que les délégués des sous groupes sont désignés par les représentants du groupe principal et remplissent une fonction de conseillers auprès de la délégation principale. Le Conseil supérieur tripartite ne désigne pas les organisations négociatrices pour les sous groupes, il fait seulement référence aux organisations les plus représentatives de chaque groupe d’activités.
  11. 721. Le gouvernement indique qu’en général il a été convenu que, lorsqu’il existe plus d’une organisation professionnelle dans un domaine donné, la première solution consiste en un accord intersyndical entre différentes organisations qui permet une participation commune à l’instance de négociation. Le gouvernement fait observer qu’il n’y a pas d’unanimité sur la question de savoir quel doit être l’organisme compétent pour déterminer l’organisation la plus représentative au niveau de l’entreprise ou de l’organisme en cas de contentieux, et qu’il existe différents points de vue à cet égard:
    • D’une part, la loi no 18566 sur la négociation collective dans le secteur privé établit que, aux fins de la négociation dans le cadre des conseils des salaires, c’est le Conseil supérieur tripartite qui désigne les organisations d’employeurs et de travailleurs qui participeront à chaque instance.
    • D’autre part, lorsque le différend se situe au niveau des instances bipartites, l’organe compétent devrait être la Direction nationale du travail car, en vertu de la loi no 18566, celle ci est l’organisme du MTSS chargé de la médiation et de la conciliation en cas de conflits collectifs, y compris de conflits entre syndicats. Toutefois, le fait qu’elle agit en qualité d’organisme de médiation et de conciliation ne signifie pas qu’elle a compétence pour trancher un différend entre deux organisations syndicales.
    • Selon un autre point de vue, l’autorité compétente serait l’Inspection générale du travail en raison de sa mission de contrôle du respect de la réglementation en matière de travail. De toute façon, comme on peut le penser, contrôler le respect de la réglementation n’est pas la même chose que se prononcer sur la question de savoir quelle est l’organisation la plus représentative sur la base des critères établis par la loi.
    • De nombreuses personnes font valoir que l’intervention du MTSS constituerait un acte d’ingérence et considèrent que l’affaire devrait être éclaircie devant la justice civile en raison de sa compétence résiduelle et compte tenu du caractère autonome du pouvoir judiciaire. Cette thèse rencontre aussi des oppositions dans la mesure où les conflits intersyndicaux sont des conflits collectifs atypiques qui, de ce fait, ne devraient pas être soumis à la compétence des juges.
  12. 722. Selon le gouvernement, la Direction nationale du travail aurait signalé que le fait que la définition soit établie par le MTSS constituerait un acte d’ingérence dans les activités des organisations syndicales qui serait contraire aux dispositions de la convention no 87 et que, pour cette raison, les conflits portant sur la représentativité doivent toujours, en premier lieu, être canalisés grâce au dialogue et à des mécanismes de règlement interne, et le gouvernement souligne que la délégation du pouvoir exécutif a toujours collaboré en ce sens, et constamment dans le cadre de son rôle de médiation et de conciliation, comme cela a été le cas en maintes occasions.
  13. 723. Le gouvernement souligne que: i) la négociation s’est toujours déroulée en commun entre toutes les organisations syndicales qui ont une représentation au niveau du conseil, durant tout le processus, et que cela découle en particulier de la signature d’un accord unique du 9 octobre 2018, traitant de questions salariales générales concernant les travailleurs médecins et non médecins, et créant une commission d’actualisation des catégories de classement des interventions chirurgicales avec la participation de délégués du SMU, accompagnés par la FEMI et par un délégué du SAQ; ii) cette instance prévoyait la participation du SAQ et a été créée en vue de «la révision du classement des interventions d’anesthésie et de chirurgie dans les catégories en vigueur, ainsi que l’éventuelle création de nouvelles catégories, y compris la révision de la liste en vigueur et l’incorporation d’interventions ne figurant pas sur celle ci», et iii) un autre objectif de l’instance était de définir les ajustements à accorder à partir de janvier 2019 au groupe des anesthésistes et des chirurgiens selon le système général d’ajustement prévu dans l’accord général, (quatrième clause de l’Accord du 9 octobre 2018 (partie générale)); ladite instance a été chargée d’examiner «les activités pratiquées par les médecins formés aux spécialités en anesthésie et en chirurgie» comme l’avait évoqué le SAQ.
  14. 724. Le gouvernement déclare que: i) selon les informations fournies par les délégués du Groupe 15, de 2015 à 2019, le SAQ a effectué des interventions, sans signer, dans le cadre de diverses instances (le gouvernement mentionne celles-ci dans sa réponse); ii) depuis 2020, il y a eu de nouveaux cas de participation active du SAQ aux instances tripartites de la négociation collective et des conseils des salaires, et iii) des audiences se sont tenues dans le cadre de la Division de la négociation collective avec plusieurs entreprises du secteur de la santé.
  15. 725. Le gouvernement indique que la loi no 10449 qui a créé les conseils des salaires à composition tripartite avait pour objectif fondamental l’établissement de salaires minima par catégorie dans chaque branche ou secteur d’activité et que, à cet égard, il est logique que la politique salariale du secteur soit harmonisée avec les objectifs du Système national de santé intégré, dont la mise en œuvre relève de la compétence du MSP. Le gouvernement indique qu’il ne souscrit pas aux affirmations de l’organisation plaignante selon lesquelles la conception des EFDP empêche l’emploi multiple, que ceux ci réduisent les incitations au travail et à la spécialisation et qu’ils compromettent l’indépendance technique. Il indique par ailleurs qu’en aucun cas il n’a été établi l’obligation d’exclusivité et que ces postes ont été conçus pour les services de soins, afin d’améliorer la qualité de la prise en charge et la sécurité du patient. Le gouvernement souligne que les EFDP, établis dans le cadre des conseils des salaires, n’ont pas d’incidence sur les droits acquis par les professionnels de la santé ayant conclu d’autres accords salariaux qu’ils considéraient comme plus avantageux et qui ne s’appliquent qu’aux contrats déjà signés, dans les cas où il y a eu un accord entre le travailleur et l’employeur. Il souligne également qu’il n’existe aucune restriction juridique qui empêche le fournisseur de services de santé dans le domaine privé de convenir, à titre individuel ou par une négociation bilatérale au niveau inférieur de négociation, de conditions salariales plus avantageuses que celles qui ont été définies dans le cadre des conseils des salaires, raison pour laquelle le gouvernement nie l’existence d’actes de coercition de la part de l’État envers les fournisseurs de services privés, visant à les empêcher de négocier lesdites conditions avec le SAQ. Le gouvernement indique que la justice pénale n’a eu à connaître d’aucune plainte portant sur des menaces ou des violences de la part de membres du pouvoir exécutif, qui seraient dirigées contre les fournisseurs de services de santé.
  16. 726. Quant à la redéfinition des catégories d’actes chirurgicaux, le gouvernement indique que le débat concernant la révision des catégories de classement des interventions chirurgicales a eu lieu dans le cadre des conseils des salaires, dans lesquels il a été décidé de créer une commission de travail pour la redéfinition des catégories chirurgicales, composée de représentants du MSP, du MEF et du SMU (lequel serait accompagné par un représentant de la FEMI et par un délégué du SAQ). Le gouvernement indique que, dans l’acte du 22 mars 2019 de la commission susmentionnée, ont été définies les nouvelles catégories concernant les interventions de chirurgie générale, ce qui a donné lieu à une modification de la structure entraînant une augmentation de la valeur de certaines interventions et une diminution de celle d’autres interventions. Il indique en outre que la redéfinition des catégories avait pour objectif d’ajouter des procédures qui ne figuraient pas dans l’accord antérieur, afin de tenir compte de changements au niveau de la complexité des interventions faisant déjà l’objet d’une convention, qui étaient dus à l’évolution des technologies. Le gouvernement souligne que la Société uruguayenne de chirurgie, qui fait partie du SAQ, a participé de manière active au processus de négociation dans son intégralité, et il joint en annexe une copie de la note établie par ladite société contenant une analyse de la proposition de redéfinition des catégories.
  17. 727. Selon le gouvernement, étant donné qu’il n’existe pas dans l’ordre juridique de définition légale de la notion de service essentiel, le MTSS jouit habituellement d’un certain pouvoir discrétionnaire au moment d’établir le caractère essentiel, avec le maintien de permanences d’urgence qu’il suppose, dont l’interruption détermine le caractère illicite de la grève ou du lock out, selon les dispositions de l’article 4 de la loi no 13720. Le gouvernement estime, à cet égard, que le caractère naturellement essentiel de l’activité de médecine est indiscutable dans certaines circonstances tout comme, par conséquent, la nécessité de maintenir la plus grande normalité possible dans les soins hospitaliers prodigués lors d’une hospitalisation et dans les cas d’urgences vitales et non vitales, en soulignant que le Tribunal du contentieux administratif n’a prononcé la nullité d’aucun des actes du pouvoir exécutif ayant établi le caractère essentiel du service de médecine.
  18. 728. Le gouvernement indique que: i) en 2019, le SAQ a engagé une procédure contre le MTSS, pour réclamer le paiement de la somme qui, selon lui, devait lui revenir en application d’un accord de 2007 au titre duquel le Fonds de formation continue en médecine avait été créé; et ii) le 9 septembre 2021, il a été rendu la décision no 51/2021 rejetant le recours dans sa totalité, étant donné que le SAQ avait reconnu que les fonds se trouvaient en la possession du SMU, lequel l’avait représenté lors de la signature de l’accord, et que le MTSS avait rempli l’engagement contracté et ne possédait aucune somme d’argent appartenant au SAQ.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 729. Le comité observe que, dans la présente plainte, l’organisation plaignante, qui représente les anesthésistes et les chirurgiens, allègue un favoritisme de la part du gouvernement envers une autre organisation syndicale, son exclusion des instances de négociation collective, l’ingérence du gouvernement dans des instances de négociation collective bipartite, ainsi que des questions relatives à la déclaration de service essentiel. Le comité note que le gouvernement fournit une réponse à ces allégations et qu’il indique qu’il règne la liberté et l’autonomie syndicales les plus absolues dans le pays, lequel dispose de longue date d’un système de négociation collective.
  2. 730. Le comité note que, dans la plainte, l’organisation plaignante allègue que, depuis 2005 et surtout à partir de 2012, le gouvernement l’a soumise à des pressions et à un harcèlement, et l’a exclue et laissée en marge de toute instance de négociation collective, en favorisant le SMU avec lequel il entretenait un lien particulier, mais que, dans une communication postérieure, elle indique que le gouvernement actuel, en place depuis le 1er mars 2020, répond à des groupes de pouvoir différents de ceux qui occupaient les postes en question au moment du dépôt de la plainte, et que le favoritisme particulier envers le SMU n’est plus ce qu’il était. Le comité note que, à cet égard, le gouvernement indique que, depuis le 1er mars 2020, la conduite politique de l’État est sous la responsabilité de partis politiques différents de ceux qui étaient à la tête de l’État lorsque se sont produits les faits visés dans la plainte, mais que la conception de la représentation devant les conseils des salaires, et ce qui a été convenu dans le cadre de ces conseils, n’a pas changé; l’allégation de favoritisme envers le SMU est donc dénuée de fondement. Le comité prend dûment note des éléments fournis par le gouvernement. Tout en rappelant que tout traitement favorable ou défavorable accordé par les pouvoirs publics à un syndicat donné par rapport à d’autres, si ce traitement ne se justifie pas selon des critères prédéfinis et objectifs de représentativité et va au-delà de certains droits préférentiels ayant trait à la négociation collective et à la consultation, constituerait une mesure discriminatoire de nature à porter atteinte au droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier [voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 515], le comité note que l’organisation plaignante indique qu’à l’heure actuelle la discrimination antisyndicale alléguée contre le SAQ et le favoritisme envers le SMU ne sont plus ce qu’ils étaient, et il ne poursuivra donc pas l’examen de cet aspect de la plainte.
  3. 731. Le comité note que l’organisation plaignante allègue que: i) aujourd’hui encore, elle demeure à la merci du SMU pour ce qui est de ses interventions devant les conseils des salaires; ii) elle ne peut que s’exprimer, sans avoir le droit de vote, par l’intermédiaire du SMU, lequel ne représente ni ne défend ses intérêts; et iii) il n’existe aucune garantie que le SMU ne va pas cesser, du jour au lendemain, d’autoriser sa participation aux conseils. Par ailleurs, elle allègue que le pouvoir exécutif désigne l’organisation la plus représentative dans les groupes des conseils des salaires, alors que c’est un tiers indépendant qui devrait le faire, et qu’il a refusé de créer un sous-groupe à l’intérieur du Groupe 15 (Services de santé et services annexes) des conseils pour les anesthésistes et les chirurgiens, grâce auquel les problèmes de représentativité auraient pu être éliminés, alors qu’il existe des sous groupes dans d’autres branches d’activité.
  4. 732. Le comité note que, à cet égard, le gouvernement indique que: i) depuis 2020, le SAQ a été invité aux conseils par le SMU et a pu s’exprimer, sans toutefois avoir le droit de vote; ii) les conseils des salaires comprennent les organisations les plus représentatives, qui négocient et signent des conventions collectives ayant un effet erga omnes; iii) il n’existe aucune restriction juridique qui empêche les fournisseurs de services de santé dans le domaine privé de convenir, à titre individuel ou par une négociation bilatérale au niveau inférieur de négociation, de conditions salariales plus avantageuses que celles qui ont été définies dans le cadre des conseils des salaires; iv) le Conseil supérieur tripartite, qui comprend le pouvoir exécutif et les organisations les plus représentatives, est celui qui désigne les organisations qui participent aux conseils des salaires; v) le privilège de l’organisation la plus représentative se rapporte tant à la signature de la convention qu’à la représentation dans le processus de négociation, ce qui ne porte pas atteinte au pluralisme syndical; vi) la détermination de l’organisation la plus représentative se fait lorsqu’il n’existe pas d’accord entre les organisations syndicales, permettant ainsi que ce soient elles qui tranchent la question; vii) en l’absence d’accord, il est reconnu à l’organisation la plus représentative la capacité de négocier, compte tenu des critères objectifs prévus à l’article 14 de la loi no 18566 (ancienneté, nombre de membres…); viii) il n’y a pas d’unanimité sur la question de savoir quel doit être l’organisme compétent pour déterminer l’organisation la plus représentative au niveau de l’entreprise ou de l’organisme en cas de contentieux, et les conflits portant sur la représentativité devraient toujours, en premier lieu, être canalisés grâce au dialogue; le pouvoir exécutif ayant toujours collaboré dans le cadre de son rôle de médiation; ix) le SAQ est intervenu dans différentes instances du Groupe 15 et, dans certaines d’entre elles, il a décidé de ne pas signer les actes; et x) en 2018, le Groupe 15 a examiné la possibilité de créer des sous groupes et a conclu que l’établissement de sous groupes par profession ou métier n’était pas pertinent.
  5. 733. Le comité observe que: i) l’article 11 de la loi no 18566 sur la négociation collective dans le secteur privé établit que la négociation collective au niveau de la branche d’activité ou de chaînes de production peut être menée à bien dans le cadre des conseils des salaires ou par une négociation collective bipartite; ii) la négociation des conditions de travail des anesthésistes et des chirurgiens dans le cadre des conseils des salaires fait partie d’une instance de négociation plus large qui couvre la totalité des spécialités médicales et dont le négociateur est, à l’heure actuelle, le SMU; et iii) selon le gouvernement, il n’existerait aucune restriction juridique qui empêche l’organisation plaignante de convenir, par une négociation bilatérale avec les fournisseurs de services de santé privés, de conditions salariales plus avantageuses que celles qui ont été définies dans le cadre des conseils des salaires. Le comité observe également que, bien que le gouvernement assure que, depuis 2020, le SAQ a été invité par le SMU et a pu s’exprimer devant le Groupe 15 des conseils des salaires, sans toutefois avoir le droit de vote, l’organisation plaignante allègue que le SMU ne représente pas ni ne défend ses intérêts, et qu’il n’existe pas de garantie que le SMU ne va pas cesser d’autoriser sa participation aux conseils.
  6. 734. Le comité rappelle à cet égard que sont compatibles avec la convention no 98 tant le système du négociateur unique (l’organisation la plus représentative) que celui d’une délégation composée de toutes les organisations ou seulement des plus représentatives en fonction de critères clairs définis au préalable pour déterminer les organisations habilitées à négocier. Il rappelle en outre que l’octroi de droits exclusifs à l’organisation la plus représentative ne devrait pas cependant signifier que l’existence d’autres syndicats auxquels certains travailleurs concernés souhaiteraient s’affilier soit interdite. Les organisations minoritaires devraient être autorisées à exercer leurs activités et à avoir au moins le droit de se faire les porte-parole de leurs membres et de les représenter. Par ailleurs, le comité a estimé que la détermination des organisations susceptibles de signer seules des conventions collectives devrait être établie sur la base d’un double critère, celui de la représentativité et celui de l’indépendance. Selon le comité, les organisations répondant à ces critères devraient être déterminées par un organisme présentant toutes garanties d’indépendance et d’objectivité. [Voir Compilation paragr. 1360, 1388 et 1374.]
  7. 735. Étant donné que la loi no 18566 établit que la collaboration et la consultation sont des principes et droits fondamentaux dans le système de négociation collective et qu’elle préconise la compréhension mutuelle et les bonnes relations entre les organisations elles-mêmes, le comité veut croire que, dans le cadre du système de relations collectives en vigueur dans le pays, le SAQ continuera d’avoir la possibilité de faire entendre sa voix dans les instances qui le concernent. De même, reconnaissant l’autonomie dont jouissent dans le pays les organisations de travailleurs et d’employeurs pour désigner leurs représentants dans les processus de négociation collective, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, en pleine consultation avec les partenaires sociaux, afin de garantir que, en l’absence d’accord entre les parties concernées, la détermination de l’organisation d’employeurs ou de travailleurs la plus représentative ne soit pas laissée à la discrétion du gouvernement, mais confiée à un organisme présentant toutes garanties d’indépendance et d’objectivité. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  8. 736. Le comité note que l’organisation plaignante allègue qu’en 2017, l’ASSE a signé des conventions collectives avec le SMU qui mettaient en œuvre les PFDP pour les spécialités médicales en anesthésie et en chirurgie, et que ces PFDP avaient modifié les accords passés entre l’ASSE et le SAQ en 2008, enfreignant ainsi une convention en vigueur de manière unilatérale et illicite. Le SAQ aurait engagé devant le TCA des actions en nullité contre les décisions de l’ASSE en vertu desquelles avaient été adoptées les conventions collectives conclues entre l’ASSE et le SMU dans les domaines de la chirurgie générale et de l’anesthésie, étant donné que ces conventions entraînaient un préjudice au niveau des conditions de travail et qu’elles avaient été adoptées sans sa participation.
  9. 737. Le comité note que, à cet égard, le gouvernement indique que: i) l’ASSE reçoit toutes les organisations professionnelles afin de dialoguer avec elles, de sorte à négocier de manière collective et à signer des accords, mais elle tient des instances uniquement avec l’organisation syndicale la plus représentative; ii) en mai 2008, les trois organisations professionnelles de médecins ont conclu avec l’ASSE un accord-cadre qui établit les bases de la rémunération des emplois de médecins dans cette administration, lequel accord a en outre établi une commission de suivi, de laquelle sont issus de multiples actes qui rendent compte d’accords bipartites permettant de mettre en œuvre ce qui a été convenu dans l’accord-cadre; et iii) il existe des relations difficiles entre des organisations professionnelles, dans lesquelles l’ASSE ne peut, ni ne doit, s’immiscer.
  10. 738. Le comité observe que, selon des informations de notoriété publique, en décembre 2021 et en avril 2022, le TCA a rendu ses décisions sur les recours interjetés par le SAQ et a tranché en faveur de celui ci, en annulant les résolutions de l’ASSE qui entérinaient les accords conclus entre elle et le SMU en 2017 et 2018, et qui mettaient en œuvre les PFDP pour les chirurgiens généralistes, les anesthésistes et les spécialistes en gynécologie-obstétrique qui travaillent à l’ASSE. Le comité observe que, dans les décisions en question, le TCA a indiqué que les accords passés entre l’ASSE et le SMU avaient modifié les conditions de travail convenues dans des accords antérieurs conclus entre l’ASSE et le SAQ, supprimant de ce fait les augmentations de salaires qui y avaient été convenues.
  11. 739. Le comité rappelle, comme cela a été précédemment mentionné, que tant les systèmes de négociation collective accordant des droits exclusifs au syndicat le plus représentatif que les systèmes permettant à plusieurs syndicats d’une entreprise de conclure des conventions collectives différentes sont compatibles avec les principes de la liberté syndicale. Le comité rappelle également que le respect mutuel des engagements pris dans les accords collectifs est un élément important du droit de négociation collective et doit être sauvegardé pour fonder les relations professionnelles sur des bases solides et stables. [Voir Compilation, paragr. 1351 et 1336.] Observant que les décisions du TCA rétablissent la situation antérieure et disposent que, aux fins de leur application, il devra être posé les bases d’une négociation entre l’ASSE et le SAQ, le comité veut croire que les négociations se dérouleront de manière harmonieuse.
  12. 740. Le comité note que l’organisation plaignante allègue que le pouvoir exécutif a porté atteinte au principe de la bilatéralité de la négociation collective et au principe de la négociation libre et volontaire, parce qu’il a avancé des propositions qui modifient les conditions de travail et les rémunérations des travailleurs, un domaine qui doit, selon elle, relever exclusivement des organisations de travailleurs et d’employeurs concernés. Le comité note que l’organisation plaignante allègue que: i) les EFDP, conçus par le pouvoir exécutif et le SMU contre sa volonté, ont redéfini le travail des anesthésistes et des chirurgiens, intervenant ainsi sur des aspects qui vont au-delà des salaires minima et des catégories et entraînant une sanction financière pour les établissements de santé qui ne recrutent pas les médecins selon cette modalité; et ii) le pouvoir exécutif est intervenu dans la redéfinition des catégories de chirurgies, laquelle n’est rien de moins qu’une baisse de salaire cachée, puisqu’elle a une incidence sur les rémunérations des anesthésistes et des chirurgiens; et même si, après d’intenses démarches, il lui a été finalement permis d’assister à la Commission de redéfinition des catégories en accompagnant le SMU, elle n’a pas eu le droit d’intervenir.
  13. 741. À cet égard, le comité note que le gouvernement indique que: i) le financement des fournisseurs de services de santé complets qui offrent une couverture santé à la population est presque intégralement public et, pour cette raison, la forme sous laquelle les dépenses de santé sont effectuées par les fournisseurs de services est une variable pertinente afin de garantir l’efficacité du système et une couverture santé universelle de qualité; et ii) les instances de négociation collective constituent un cadre utile à la formulation de politiques publiques en matière de ressources humaines qui sont élaborées de manière concertée avec les principaux acteurs du secteur. Il indique également que: i) les fournisseurs de services de santé dans le domaine privé peuvent convenir, à titre individuel ou par une négociation bilatérale, de conditions salariales plus avantageuses que celles qui ont été définies dans le cadre des conseils des salaires, raison pour laquelle le gouvernement nie l’existence d’actes de coercition de la part de l’État envers les fournisseurs de services privés, visant à les empêcher de négocier lesdites conditions avec le SAQ; ii) le SAQ a participé à des discussions au cours desquelles ont été élaborées des propositions concernant les EFDP, qui ont été conçus pour les services de soins, afin d’améliorer la qualité de la prise en charge et la sécurité du patient, et qui n’ont pas d’incidence sur les droits acquis au titre d’accords salariaux plus avantageux; et iii) la redéfinition des catégories d’actes chirurgicaux a eu lieu dans le cadre des conseils des salaires au sein d’une commission dans laquelle le SMU a été accompagné par un délégué du SAQ.
  14. 742. Le comité rappelle que, dans un cas antérieur concernant l’Uruguay, il a indiqué que, même si la fixation des salaires minima pouvait faire l’objet d’une décision d’instances tripartites, l’article 4 de la convention no 98 encourageait la négociation bipartite en matière de fixation des conditions de travail, de sorte que toute convention collective relative à la définition des conditions d’emploi devrait être le fruit d’un accord entre les employeurs ou organisations d’employeurs d’une part, et les organisations de travailleurs d’autre part. [Voir 356e rapport du comité, cas no 2699.] Le comité rappelle que le suivi des aspects législatifs du cas en question a été confié à la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations et que, depuis lors, cette question a été examinée par ladite commission dans le cadre de l’application de la convention no 98.
  15. 743. Le comité note que l’organisation plaignante allègue qu’au cours de la dernière décennie, elle a engagé plusieurs conflits, et qu’il y a eu un recours illicite et abusif au mécanisme de déclaration de service essentiel étant donné que, lors des conflits de 2007 et 2012 (entre autres), les activités d’anesthésie et de chirurgie ont été déclarées essentielles dans leur totalité (y compris, par exemple, les tâches normales accomplies en policlinique) sans qu’il soit proposé de mécanismes alternatifs d’arbitrage ou de médiation. À cet égard, le comité note que le gouvernement indique que, étant donné qu’il n’existe pas dans l’ordre juridique de définition légale du service essentiel, le MTSS jouit d’un certain pouvoir discrétionnaire au moment d’établir le caractère essentiel, avec le maintien de permanences d’urgence qu’il suppose, dont l’interruption détermine le caractère illicite de la grève ou du lock-out. Il indique en outre que le TCA n’a prononcé la nullité d’aucun acte relatif à la déclaration du caractère essentiel du service de médecine. Le comité rappelle qu’il a estimé que le secteur hospitalier pouvait être considéré comme un service essentiel et admis que le droit de grève pourrait faire l’objet de restrictions, voire d’interdictions, dans la fonction publique ou les services essentiels dans la mesure où la grève pourrait y provoquer de graves préjudices pour la collectivité nationale et pourvu que ces limitations soient accompagnées de certaines garanties compensatoires. [Voir Compilation, paragr. 840 et 827.] Le comité veut croire que le gouvernement s’assurera de l’octroi aux travailleurs concernés desdites garanties compensatoires.
  16. 744. Le comité note que, selon les informations fournies par le gouvernement, le 9 septembre 2021, il a été rendu la décision no 51/2021 qui a rejeté le recours formé par le SAQ contre le MTSS concernant des fonds qui, selon les allégations, avaient été remis au SMU et non au SAQ. Le comité note que, dans ladite décision, il a été indiqué que le SAQ avait affirmé que le MTSS aurait versé au SMU la totalité des fonds déposés par les entreprises, ceci donnant à conclure que le MTSS ne possédait aucune somme d’argent appartenant au SAQ. Le comité prend dûment note de la décision et rappelle qu’une situation qui n’implique pas de différend entre le gouvernement et les organisations syndicales, mais ne résulte que d’un conflit au sein même du mouvement syndical, est du seul ressort des parties intéressées. [Voir Compilation, paragr. 1610.]
  17. 745. Enfin, et de manière générale, voulant croire que la prise des mesures susmentionnées, en consultation avec les partenaires sociaux, contribuera au maintien de la promotion efficace de la négociation collective dans le pays, le comité rappelle au gouvernement qu’il peut se prévaloir de l’assistance technique du Bureau.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 746. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité veut croire que, dans le cadre du système de relations collectives en vigueur dans le pays, le SAQ continuera d’avoir la possibilité de faire entendre sa voix dans les instances qui le concernent.
    • b) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, en pleine consultation avec les partenaires sociaux, afin de garantir que, en l’absence d’accord entre les parties concernées, la détermination de l’organisation d’employeurs ou de travailleurs la plus représentative ne soit pas laissée à la discrétion du gouvernement, mais confiée à un organisme présentant toutes garanties d’indépendance et d’objectivité. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • c) Le comité veut croire que les négociations entre le SAQ et l’ASSE se dérouleront de manière harmonieuse.
    • d) Le comité veut croire que, en cas d’imposition de restrictions au droit de grève dans les activités d’anesthésie et de chirurgie, le gouvernement s’assurera de l’octroi aux travailleurs concernés des garanties compensatoires nécessaires.
    • e) Voulant croire que la prise des mesures susmentionnées, en consultation avec les partenaires sociaux, contribuera au maintien de la promotion efficace de la négociation collective dans le pays, le comité rappelle au gouvernement qu’il peut se prévaloir de l’assistance technique du Bureau.
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