ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 407, Juin 2024

Cas no 3388 (Albanie) - Date de la plainte: 25-JUIL.-20 - En suivi

Afficher en : Anglais - Espagnol

Allégations: L’organisation plaignante allègue qu’une entreprise du secteur minier a commis des actes d’ingérence et de discrimination antisyndicales, y compris des licenciements, et a porté atteinte au droit de négociation collective, et que la police, au cours d’une grève, a intimidé et placé en détention des syndicalistes et des militants syndicaux

  1. 75. Le comité a examiné pour la dernière fois ce cas (soumis par le Syndicat des mineurs unis de Bulqiza (SMBB) en juillet 2020) lors de sa réunion de juin 2023 et a présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration à cette occasion. [Voir 403e rapport, paragr. 70-97, approuvé par le Conseil d’administration à sa 348e session.] 
  2. 76. Le gouvernement a présenté ses observations dans une communication datée du 29 avril 2024.
  3. 77. L’Albanie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (nº 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 78. Lors du dernier examen du cas, en juin 2023, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 403e rapport, paragr. 97]:
    • a) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’issue du recours formé par le SMBB contre la décision du Commissaire à la protection contre la discrimination datée du 26 octobre 2020, ainsi que de toute mesure de réparation ou de sanction qui en résulterait. À la lumière des informations fournies par l’organisation plaignante, selon lesquelles celle-ci a également contesté ces licenciements devant les tribunaux ordinaires, le comité prie l’organisation plaignante de fournir des informations actualisées sur l’état d’avancement de ces affaires et copie de toute décision judiciaire rendue.
    • b) Le comité prie le gouvernement de mener une enquête indépendante sur les allégations selon lesquelles des syndicalistes ont été placés en détention provisoire, interrogés et intimidés par la police et des militants syndicaux ont été battus et incarcérés durant une grève organisée par le SMBB, et de fournir des informations détaillées sur l’issue de celle-ci.
    • c) Le comité prie le gouvernement de mener sans délai une enquête indépendante sur les allégations d’ingérence antisyndicale de la part de l’entreprise et de veiller à ce que tout acte d’ingérence constaté fasse l’objet de mesures correctives et de sanctions suffisamment dissuasives. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau à cet égard.
    • d) Notant, d’après les informations fournies par les parties, que les autorités judiciaires semblent être la voie de recours appropriée pour contester le statut de syndicat le plus représentatif de la FSPISH, le comité prie le gouvernement et l’organisation plaignante de l’informer de toute procédure judiciaire engagée à cet égard et de son résultat. Le comité s’attend à ce que la question de la représentativité du SMBB et de la FSPISH au sein de l’entreprise soit clarifiée sans délai soit par des procédures judiciaires, soit par d’autres moyens, et prie le gouvernement de fournir des informations détaillées à cet égard et de fournir des informations précises et actualisées sur la représentativité des deux organisations.
    • e) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir que les représentants du SMBB auront accès au lieu de travail de ses membres dans l’exercice de leurs fonctions. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 79. Dans une communication datée du 29 avril 2024, le gouvernement fournit les informations suivantes en réponse aux recommandations du comité.
  2. 80. Concernant la recommandation a), le gouvernement indique que MM. Elton Debreshi et Ali Gjeta, deux des dirigeants licenciés du SMBB, ont contesté la décision du 26 octobre 2020 du Commissaire pour la protection contre la discrimination (CPD) devant le Tribunal administratif de première instance de Tirana. Le gouvernement rapporte que le Tribunal administratif de première instance de Tirana a décidé, le 18 mars 2021, de rejeter leurs demandes. Le gouvernement ajoute que l’entreprise a également contesté la décision du CPD, devant le même tribunal, qui a décidé, le 19 mai 2021, «d’abroger les points 2 et 3 de la décision du CPD». Le Gouvernement précise que les quatre dirigeants licenciés du SMBB (à savoir MM. Elton Debreshi, Beqir Durici, Behar Gjimi et Ali Gjeta) ainsi que le CPD et le «Barreau» ont fait appel des décisions administratives susmentionnées. Le gouvernement indique que ces recours sont actuellement examinés par la Cour administrative d’appel de Tirana.
  3. 81. En réponse à la recommandation b), le gouvernement fournit des informations communiquées par la Direction générale de la police d’État, concernant l’intervention de la police lors de la grève organisée par le SMBB. La Direction générale de la police d’État indique que la police est intervenue après que l’entreprise s’est plainte que des manifestants obstruaient l’accès à la mine de Bulqiza, empêchant ainsi le personnel essentiel d’y pénétrer, ce qui pouvait entraîner la destruction de l’investissement de l’entreprise. La Direction générale de la police d’État indique que, comme les manifestants refusaient d’obtempérer aux demandes de la police de mettre fin au blocage, elle a escorté un total de sept manifestants au poste de police de Bulqiza, où ils ont été inculpés d’«organisation et participation à des rassemblements et manifestations illégaux» en vertu de l’article 262 du Code pénal. La Direction générale de la police d’État affirme que la police s’est conformée aux «Règles relatives au traitement des citoyens escortés dans les locaux de la police» et que les manifestants ont été poursuivis «en état de liberté», et relâchés après avoir rempli des documents procéduraux, y compris un formulaire dans lequel aucun d’entre eux n’a allégué avoir subi de mauvais traitements.
  4. 82. Concernant la recommandation c), le gouvernement fournit des informations communiquées par l’inspection publique du travail et des services sociaux (ci-après l’«inspection du travail»). L’inspection du travail rappelle qu’elle a investigué chaque plainte déposée par le SMBB et qu’elle n’a constaté aucune violation des droits syndicaux. L’inspection du travail rappelle également qu’elle a estimé que les licenciements des dirigeants du SMBB n’étaient pas discriminatoires et souligne que le Tribunal administratif de première instance de Tirana est parvenu à la même conclusion. L’inspection du travail ajoute que, bien que M. Elton Debreshi ait affirmé en 2021 que des explosifs avaient été placés dans sa voiture en raison de ses activités syndicales, le Tribunal de première instance de Dibër a conclu dans une décision no 33 2023 80 que l’attaque avait été mise en scène par M. Debreshi et son frère, dans le but de demander l’asile politique à l’Allemagne ou à la France.
  5. 83. En réponse à la recommandation d), le gouvernement fournit des informations communiquées par l’entreprise. L’entreprise réitère que, le 10 mai 2018, elle a conclu une convention collective avec la Fédération syndicale des travailleurs industriels de l’Albanie (FSPISH), convention qui est actuellement en vigueur et le restera jusqu’au 30 avril 2025. L’entreprise affirme qu’au moment de la signature, la FSPISH était le syndicat le plus représentatif au sein de l’entreprise et qu’actuellement 70 pour cent de ses employés sont membres de la FSPISH.
  6. 84. Concernant la recommandation e), le gouvernement indique que les inspections menées par l’inspection du travail dans l’entreprise en décembre 2021 n’ont révélé aucun élément permettant d’établir que le SMBB soit encore actif. L’inspection du travail indique en outre qu’elle n’est pas parvenue à contacter M. Elton Debreshi qui, selon ses informations, a quitté le pays. L’inspection du travail ajoute que, sur les 612 travailleurs employés par l’entreprise, 514 sont membres de la FSPISH, et que ces membres ont régulièrement payé leurs cotisations.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 85. Le comité rappelle que cette affaire concerne des allégations d’actes d’ingérence et de discrimination antisyndicales, y compris le licenciement de quatre dirigeants du SMBB (à savoir MM. Elton Debreshi, Beqir Durici, Behar Gjimi et Ali Gjeta) par une entreprise du secteur minier, ainsi que des allégations d’actes d’intimidation et de détention de syndicalistes par la police lors d’une grève organisée par le SMBB, et la violation du droit de négociation collective du SMBB tant par le gouvernement que par l’entreprise.
  2. 86. En ce qui concerne la recommandation a), le comité rappelle que, dans une décision du 26 octobre 2020, le CPD a conclu que deux des quatre dirigeants du SMBB avaient été licenciés pour des raisons antisyndicales. Le comité a précédemment pris note des indications du SMBB selon lesquelles: i) le SMBB fera appel de cette décision en vue d’obtenir justice pour les quatre dirigeants; et ii) il a également contesté les quatre licenciements devant les tribunaux ordinaires. Le comité comprend des informations fournies par le gouvernement, que suite aux recours introduits respectivement par l’entreprise et par des dirigeants du SMBB, le Tribunal administratif de première instance de Tirana a décidé en mars et en mai 2021: i) d’infirmer la conclusion du CPD selon laquelle MM. Beqir Durici et Behar Gjimi ont été licenciés en raison de leur affiliation syndicale; et ii) de confirmer la décision du CPD de rejeter les plaintes de MM. Elton Debreshi et Ali Gjeta. Le comité note, en outre, la déclaration du gouvernement selon laquelle les dirigeants licenciés du SMBB, le CPD et le Barreau ont fait appel de ces décisions devant la Cour administrative d’appel de Tirana qui n’a pas encore rendu sa décision. Le comité prie donc le gouvernement de le tenir informé de l’issue des recours introduits contre les décisions du Tribunal administratif de première instance de Tirana relatives à la décision du 26 octobre 2020 du CPD, et de fournir des copies des décisions rendues. À la lumière des informations précédemment fournies par l’organisation plaignante, selon lesquelles elle a également contesté les licenciements des dirigeants du SMBB devant les tribunaux ordinaires, le comité prie en outre une nouvelle fois l’organisation plaignante et le gouvernement de fournir des informations actualisées sur l’état d’avancement de ces affaires ainsi qu’une copie de toute décision judiciaire rendue.
  3. 87. Concernant la recommandation b), le comité rappelle qu’il a précédemment pris note des allégations de l’organisation plaignante selon lesquelles, lors d’une grève organisée en 2019 par le SMBB, des syndicalistes ont été placés en détention provisoire, interrogés et intimidés par la police, et des militants syndicaux ont été battus et incarcérés alors qu’ils participaient à la grève. Le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle la Direction générale de la police d’État a enquêté sur l’intervention de la police pendant la grève et n’a trouvé aucune preuve que les manifestants aient été privés de leur liberté ou maltraités. Le gouvernement n’a cependant fourni aucune information sur les efforts entrepris pour diligenter une enquête indépendante sur les allégations de l’organisation plaignante. Le comité prie donc à nouveau le gouvernement d’indiquer les mesures prises pour mener une enquête indépendante sur les allégations selon lesquelles des syndicalistes ont été placés en détention provisoire, interrogés et intimidés par la police et des militants syndicaux ont été battus et incarcérés lors d’une grève organisée par le SMBB, et de fournir des informations détaillées sur son issue.
  4. 88. En ce qui concerne la recommandation c), le comité rappelle qu’il a précédemment pris note des allégations de l’organisation plaignante selon lesquelles: i) l’entreprise et la FSPISH se sont concertées afin de nuire au SMBB; ii) les travailleurs ont été menacés de licenciement s’ils adhéraient ou continuaient à être membres du SMBB; iii) lorsque le SMBB est devenu le syndicat majoritaire, ses membres ont subi des pressions de la part de leurs supérieurs pour qu’ils quittent le SMBB et adhèrent à la FSPISH; et iv) l’entreprise a refusé d’appliquer le système de prélèvement à la source des cotisations syndicales aux membres du SMBB. Le comité note que le gouvernement réitère que l’inspection du travail a reçu des plaintes de la part du SMBB et n’a pas constaté de violations des droits syndicaux. Le comité note toutefois que le gouvernement n’a fourni aucune information sur les efforts entrepris pour diligenter une enquête indépendante sur les actes allégués d’ingérence antisyndicale. Le comité estime que le rôle du gouvernement par rapport à des actes de discrimination antisyndicale et d’ingérence ne se limite pas à la médiation et à la conciliation mais inclut également, le cas échéant, des enquêtes et une mise en œuvre de la loi pour assurer une protection efficace contre les actes de discrimination antisyndicale et d’ingérence, et en particulier de veiller à ce que de tels actes soient identifiés, fassent l’objet de mesures de réparation, que les parties coupables soient punies et que de tels actes ne se répètent pas à l’avenir. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1161.] Observant la nature contradictoire de la réponse du gouvernement et des allégations de l’organisation plaignante et notant en outre que le CPD et le Barreau ont également fait appel de la décision du Tribunal de première instance qui a annulé le constat de discrimination à l’encontre de certains dirigeants syndicaux, le comité considère qu’une enquête indépendante sur les allégations d’ingérence antisyndicale de la part de l’entreprise serait particulièrement utile pour établir les faits et prie donc à nouveau le gouvernement de prendre des mesures à cet égard.
  5. 89. En ce qui concerne les recommandations d) et e), le comité rappelle qu’il a précédemment pris note des allégations de l’organisation plaignante selon lesquelles i) l’entreprise et les autorités publiques refusent de reconnaître le SMBB aux fins de la négociation collective, bien que le SMBB soit le syndicat le plus représentatif au sein de l’entreprise, non la FSPISH; et ii) l’inspection du travail a informé le SMBB que l’entreprise était en droit de refuser l’accès à ses locaux aux représentants du SMBB, car seuls les représentants des syndicats signataires d’une convention collective peuvent rencontrer leurs membres sur leur lieu de travail. À cet égard, le comité rappelle que, pour que le droit syndical ait vraiment un sens, les organisations de travailleurs doivent être en mesure de promouvoir et de défendre les intérêts de leurs membres en bénéficiant des facilités nécessaires au libre exercice des activités liées à la représentation des travailleurs, incluant l’accès aux lieux de travail des membres du syndicat. [Voir Compilation, paragr. 1594]. Le comité prend note des informations fournies par le gouvernement concernant la représentativité de la FSPISH, ainsi que de l’indication du gouvernement selon laquelle, dans le cadre d’inspections menées en décembre 2021, l’inspection du travail n’a trouvé aucun élément permettant d’établir que le SMBB soit encore actif au sein de l’entreprise. Tout en regrettant qu’une enquête indépendante menée tôt sur ces allégations aurait pu fournir une image complète de la situation au sein de l’entreprise et permis un redressement si nécessaire, le comité note que ni le gouvernement ni l’organisation plaignante n’ont fourni d’informations sur des procédures judiciaires entreprises pour contester le statut de syndicat le plus représentatif de la FSPISH. À la lumière de l’indication du gouvernement selon laquelle le SMBB ne semble plus être actif, le comité prie l’organisation plaignante de fournir des informations actualisées à cet égard, faute de quoi le comité ne poursuivra pas plus avant l’examen de cette question.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 90. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’issue des recours introduits contre les décisions du Tribunal administratif de première instance de Tirana relatives à la décision du 26 octobre 2020 du Commissaire à la protection contre les discriminations (CPD), et de fournir des copies des décisions rendues.
    • b) À la lumière des informations précédemment fournies par l’organisation plaignante, selon lesquelles elle a également contesté les licenciements des dirigeants du Syndicat des mineurs unis de Bulqiza (SMBB) devant les tribunaux ordinaires, le comité prie à nouveau l’organisation plaignante et le gouvernement de fournir des informations actualisées sur l’état d’avancement de ces affaires ainsi qu’une copie de toute décision judiciaire rendue.
    • c) Le comité prie à nouveau le gouvernement d’indiquer les mesures prises pour mener une enquête indépendante sur les allégations selon lesquelles des syndicalistes ont été placés en détention provisoire, interrogés et intimidés par la police et des militants syndicaux ont été battus et incarcérés lors d’une grève organisée par le SMBB, et de fournir des informations détaillées sur son issue.
    • d) Le comité prie à nouveau le gouvernement d’indiquer les mesures prises pour mener une enquête indépendante sur les allégations d’ingérence antisyndicale de la part de l’entreprise.
    • e) À la lumière de l’indication du gouvernement selon laquelle le SMBB ne semble plus être actif, le comité prie l’organisation plaignante de fournir des informations actualisées à cet égard, faute de quoi le comité ne poursuivra pas plus avant l’examen de cette question.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer