Allégations: L’organisation plaignante dénonce une campagne de harcèlement et les
intimidations d’une entreprise du secteur de l’énergie à l’encontre de ses dirigeants et
adhérents, le refus d’exécuter des décisions de justice de réintégration de travailleurs
licenciés abusivement, ainsi que le refus des pouvoirs publics de faire cesser les
violations des droits syndicaux
- 86. Le comité a examiné ce cas (présenté en 2016) pour la dernière fois à
sa réunion de juin 2023 et il a présenté à cette occasion un rapport intérimaire au
Conseil d’administration. [Voir 403e rapport, approuvé par le Conseil d’administration
lors de sa 348e session (juin 2023), paragr. 98 à 134.]
- 87. L’organisation plaignante a fourni des informations complémentaires
dans une communication en date du 17 août 2024.
- 88. Le gouvernement a fourni ses observations dans des communications en
date des 8 septembre 2023, 26 novembre 2023, 15 avril 2024 et 8 septembre 2024.
- 89. L’Algérie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et
la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation
et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (no 135) concernant les
représentants des travailleurs, 1971.
A. Examen précédent du cas
A. Examen précédent du cas- 90. Lors du dernier examen du cas en juin 2023, le comité a formulé les
recommandations suivantes [voir 403e rapport, paragr. 134]:
- a) Le comité exhorte
le gouvernement à prendre immédiatement toutes les mesures nécessaires pour mettre à
exécution les décisions de justice de réintégration, notamment concernant M. Kouafi
Abdelkader et Mme Sarah Benmaiche. Le comité prie le gouvernement de le tenir
informé sans délai des mesures prises à cet égard.
- b) Le comité prie le
gouvernement de le tenir informé des décisions de justice finales qui seront rendues
dans les cas concernant M. Guebli Samir et M. Araf Imad.
- c) Le comité prie
instamment le gouvernement de fournir ses observations concernant la situation de M.
Hichem Khayat, dirigeant syndical du SNATEG qui ferait l’objet d’une enquête
judiciaire à cause de ses activités syndicales.
- d) Le comité attend du
gouvernement qu’il s’engage à assurer à M. Mellal la possibilité d’un retour au pays
pour exercer ses activités syndicales dans un climat exempt de violence, de
pressions ou menaces.
- e) Le comité se voit obligé à nouveau de prier
instamment le gouvernement de diligenter une enquête indépendante pour déterminer
les circonstances ayant abouti à la décision administrative entérinant la
dissolution du SNATEG. Par ailleurs, le comité attend du gouvernement qu’il revoie
sans délai la décision de dissoudre le SNATEG et le prie instamment de le tenir
informé de toute action entreprise dans ce sens.
- f) Le comité prie
instamment le gouvernement de transmettre ses observations concernant les
allégations de fermeture du siège du SNATEG à Alger le 21 février 2021 par une
simple décision administrative.
- g) Le comité exhorte de nouveau le
gouvernement à mettre en œuvre sans délai ses recommandations afin d’assurer au sein
de l’entreprise un environnement où les droits syndicaux sont respectés et garantis
pour toutes les organisations syndicales, et où les travailleurs ont la possibilité
d’adhérer au syndicat de leur choix, d’élire leurs représentants et d’exercer leurs
droits syndicaux sans crainte de représailles et d’intimidation.
- h) Le
comité rappelle au gouvernement qu’il peut se prévaloir, s’il le souhaite, de
l’assistance technique du Bureau.
B. Informations additionnelles de l’organisation plaignante
B. Informations additionnelles de l’organisation plaignante- 91. Dans une communication en date du 17 août 2024, l’organisation
plaignante fournit les précisions suivantes concernant la situation de syndicalistes
licenciés:
- 92. Cas de M. Abdelkader Kouafi. Ce dernier a bénéficié d’un jugement du
Tribunal social de Larbaa du 19 décembre 2019 annulant son licenciement et lui octroyant
des indemnités pour licenciement abusif. L’organisation plaignante soumet un
procès-verbal d’huissier constatant le refus de l’employeur d’exécuter le volet de la
décision relatif à la réintégration. En outre, l’organisation plaignante conteste les
explications fournies par le gouvernement selon lesquelles M. Kouafi aurait accepté de
recevoir des indemnités pour les préjudices subis en lieu de sa réintégration.
L’organisation plaignante indique ne pas connaître la décision du 18 février 2021 du
tribunal de Larbaa à laquelle le gouvernement se réfère dans la mesure où, à sa
connaissance, M. Kouafi n’a fait aucun recours contre le jugement du 19 décembre 2019
ordonnant sa réintégration.
- 93. Par ailleurs, l’organisation plaignante indique que le traitement
subi par M. Abdelkader Kouafi est extrêmement alarmant, dans la mesure où, à la suite de
l’examen de son cas par le comité, ce dernier a fait l’objet d’une perquisition à son
domicile par les services de renseignement militaire et a fait l’objet d’une détention
du 6 au 14 juillet 2023. Selon l’organisation plaignante, M. Kouafi a fait l’objet de
mauvais traitement et de torture lors de cette détention, a été accusé de haute trahison
et d’espionnage pour des institutions étrangères et de collaboration avec des
terroristes résidant à l’étranger. Ce dernier a aussi fait l’objet de menace
d’emprisonnement pour donner suite à une condamnation pour diffamation à trois mois de
prison par la cour de Blida le 27 février 2018. L’organisation plaignante indique que
M. Kouafi a été contraint de signer une déclaration sur l’honneur dans laquelle il
atteste ne plus militer au sein du SNATEG ou de la COSYFOP en échange de sa libération.
À la suite de ces faits, M. Kouafi a décidé de fuir le pays et est réfugié en Europe
depuis octobre 2023. M. Kouafi demande cependant à pouvoir retourner en Algérie sous
condition d’être garanti de pouvoir exercer ses activités syndicales au sein du SNATEG
dans un environnement exempt de vengeance, violence et de menaces d’emprisonnement.
- 94. Cas de Mme Sarah Benmaiche. L’organisation plaignante indique que
Mme Benmaiche, ancienne militante du SNATEG, a subi de fortes pressions policières
durant des années, ce qui l’a poussée à démissionner de l’organisation. Cette dernière
demande que le comité cesse d’examiner son cas qui a traîné pendant plusieurs années.
Selon l’organisation plaignante, cette situation est représentative de la pression et du
harcèlement subis par de nombreux militants du SNATEG qui sont contraints de
démissionner de l’organisation, voire de quitter le pays. L’organisation plaignante
demande au comité de condamner cette pratique et préserver le droit des organisations de
saisir les organes de contrôle de l’OIT sans entraîner le harcèlement des militants
syndicaux en Algérie.
- 95. Cas de M. Samir Guebli. Ce dernier bénéficiait d’un arrêt exécutoire
du Tribunal social d’Amechdallah du 19 juillet 2020. Selon l’organisation plaignante, il
a décidé de prendre ses distances avec le SNATEG sans avoir officiellement notifié sa
démission. L’organisation plaignante indique ignorer la teneur du pourvoi en cassation
qu’il aurait introduit ainsi que de l’arrêt de la Cour en date du 9 septembre 2021 dont
il a été fait mention lors du précédent examen du cas par le comité.
- 96. Cas de M. Imad Araf. Licencié le 11 juin 2017, ce dernier a bénéficié
d’une décision de réintégration du Tribunal social de Biskra du 20 mai 2019. L’employeur
s’est pourvu en cassation et a obtenu gain de cause lorsque la Cour suprême a annulé le
jugement dans une décision du 4 février 2021. La cour a demandé le réexamen du cas en
considérant que le SNATEG n’était pas une organisation syndicale agréée ayant qualité
pour être partie au procès. Le Tribunal social de Biskra a réexaminé le cas pour
parvenir à la même conclusion dans jugement du 4 juillet 2021 et confirmer
l’irrecevabilité d’un procès dans lequel le SNATEG est partie. Malgré la saisine de la
Cour suprême en mars 2022 par le SNATEG afin de lui présenter tous les documents
prouvant sa légitimité, la cour a déclaré le recours irrecevable dans une décision du
8 septembre 2022 en s’appuyant sur la décision administrative de dissolution du SNATEG.
Selon l’organisation plaignante, le dernier jugement signifie que M. Imad Araf n’est pas
considéré comme un délégué syndical et ne peut contester son licenciement en tant que
tel avec le soutien du SNATEG. Il a ainsi été invité à recommencer la procédure en tant
que simple travailleur. Selon l’organisation plaignante, M. Imad Araf ne dispose plus de
moyens financiers suffisants pour continuer à saisir la justice.
- 97. Cas de M. Hicham Khayat. Selon l’organisation plaignante, ce dernier
est un ancien membre du SNATEG accusé à tort de terrorisme. M. Khayat a démissionné et a
rompu tout contact avec le SNATEG à la suite de menaces et de chantage exercés par les
services de sécurité.
- 98. L’organisation plaignante indique que les demandes du comité pour
l’exécution des décisions de justice favorables aux syndicalistes demeureront
inefficaces tant que les demandes d’exécution au niveau national se solderont par son
annulation du jugement par la Cour suprême au motif que le SNATEG n’est pas légitime.
Cette position se base malheureusement sur un arrêté ministériel de dissolution.
- 99. L’organisation plaignante se déclare en outre préoccupée par le fait
que les recommandations du comité formulées depuis 2017 en faveur de ses membres vivant
en Algérie augmente les risques auxquels ces derniers sont exposés et les persécutions à
leur encontre.
- 100. En conséquence, l’organisation plaignante demande au comité
d’intensifier sa pression sur le gouvernement afin de l’amener à entamer des
négociations avec le SNATEG en vue d’annuler sa dissolution administrative et à fournir
des garanties de sécurité au président et au secrétaire général du SNATEG, actuellement
en exil, pour leur retour au pays. Résoudre cette question rendra ensuite possible la
résolution des problèmes liés aux licenciements et aux poursuites judiciaires touchant
d’autres dirigeants du SNATEG, dont certains ont été condamnés à des peines de
prison.
- 101. Ces pratiques doivent cesser afin de garantir le respect des droits
syndicaux et des libertés fondamentales, comme le stipulent les instruments juridiques
internationaux auxquels l’Algérie est partie prenante.
C. Réponse du gouvernement
C. Réponse du gouvernement- 102. Dans ses communications en date des 8 septembre 2023, 26 novembre
2023, 15 avril 2024 et 8 septembre 2024, le gouvernement fournit des éléments de réponse
aux recommandations du comité.
- 103. S’agissant de la situation de dirigeants du Syndicat national
autonome des travailleurs de l’électricité et du gaz (SNATEG) licenciés par différentes
entreprises du groupe SONELGAZ (ci après «l’entreprise»), le gouvernement fournit les
éléments suivants.
- 104. Cas de M. Abdelkader Kouafi (recommandation a)). Le gouvernement
indique que, pour donner suite à un jugement du 19 décembre 2019 annulant son
licenciement, son employeur, la société Shariket Amn el mounchaate el Takawiya (SAT), a
exécuté l’indemnisation ordonnée qui s’élevait à 400 000 dinars algériens (DA)
(équivalent à 2 972 dollars des États-Unis (dollars É.-U.)) pour licenciement abusif et
100 000 DA (équivalent à 743 dollars É.-U.) pour réparation du préjudice matériel subi.
M. Kouafi Abdelkader a intenté une nouvelle action en justice pour demander sa
réintégration en décembre 2020, cependant le tribunal a rejeté la demande dans une
décision en date du 18 février 2021 au motif que l’affaire avait déjà été jugée et que
l’employeur avait exécuté la décision de justice en indemnisant le plaignant. Le
gouvernement indique que, par ailleurs, M. Kouafi Abdelkader a été condamné pour
diffamation dans une autre affaire à deux mois de prison ferme et à une amende de
50 000 DA (équivalent à 371 dollars É.-U.). Ce dernier a fait appel, mais a été débouté.
Le gouvernement considère que M. Kouafi Abdelkader a épuisé toutes les voies de recours
et que son cas devrait être clos.
- 105. Cas de Mme Sarah Benmaiche (recommandation a)). Le gouvernement
rappelle les informations fournies précédemment selon lesquelles Mme Benmaiche
bénéficiait d’un jugement de réintégration prononcée le 4 juillet 2016. Son employeur
avait partiellement exécuté ladite décision de justice en lui versant une indemnisation
de 100 000 DA (équivalent à 743 dollars É.-U.). Ayant constaté le refus de son employeur
pour sa réintégration malgré plusieurs tentatives, Mme Sarah Benmaiche a intenté une
action en justice pour obtenir l’exécution totale de la décision réintégration en
réclamant une astreinte journalière contre l’employeur. Le tribunal d’Annaba a rendu un
jugement le 14 novembre 2016, ordonnant sa réintégration sous astreinte. Le 29 novembre
2017, son employeur a exécuté ce dernier jugement en lui versant une indemnité de
90 000 DA (équivalent à 669 dollars É.-U.). Le gouvernement considère que le cas de
Mme Benmaiche a été traité équitablement par les juridictions et les voies de recours
ont été épuisées. En conséquence, le cas de Mme Sarah Benmaiche devrait être clos.
- 106. Cas de M. Samir Guebli (recommandation b)). Le gouvernement indique
que le tribunal de Bouira a rendu, le 19 juillet 2020, un jugement ordonnant sa
réintégration ainsi que le versement d’une indemnité de 540 072 DA (équivalent à
4 012 dollars É-U.) M. Guebli a introduit un pourvoi en cassation devant la Cour suprême
qui, par décision du 9 septembre 2021, a annulé le jugement du 19 juillet 2020 et
renvoyé l’affaire pour réexamen devant le Tribunal de Bouira. Mais à ce jour, M. Guebli
n’a pas saisi le tribunal de l’affaire. Le cas échéant, le gouvernement informera le
comité de tout fait nouveau sur cette affaire.
- 107. Cas de M. Imad Araf (recommandation b)). Le gouvernement indique que
M. Araf a bénéficié d’un jugement du tribunal de Biskra en date du 20 mai 2019 ordonnant
sa réintégration assortie d’une indemnité de 121 420 DA (équivalent à 902 dollars É-U.)
Son employeur n’a exécuté que partiellement la décision de justice en versant
l’indemnité. M. Araf Imad a intenté un pourvoi en cassation pour obtenir sa
réintégration. Cependant, le tribunal de Biskra a rendu un jugement du 4 juillet 2022 en
faveur de l’employeur. En conséquence, le gouvernement demande que le cas de M. Araf
Imad soit clos compte tenu de l’épuisement des voies de recours.
- 108. Cas de M. Hicham Khayat (recommandation c)). Le gouvernement
rappelle que, dans le cadre d’une enquête menée par la section de lutte contre le
terrorisme et le crime près le Tribunal de Sidi M’hamed, concernant l’appartenance à une
organisation terroriste, il a été établi que certains inculpés mentionnés dans les
rapports, y compris M. Hicham Khayat, étaient en contact avec un individu lié au groupe
terroriste, et certains d’entre eux ont fait l’apologie des actes du groupe en question
en rediffusant le contenu édité par leurs chefs poursuivis par la justice algérienne. Le
24 octobre 2022, le juge d’instruction a rendu une ordonnance de non lieu partiel en
faveur des inculpés, incluant M. Hicham Khayat, abandonnant les poursuites pénales liées
au terrorisme et requalifiant les faits en délit de diffusion et d’apologie
d’informations fausses et malveillantes portant atteinte à l’ordre public, conformément
à l’article 196 bis du Code pénal. Le gouvernement ajoute que M. Khayat est par ailleurs
poursuivi devant le tribunal de Blida dans une autre affaire liée à son appartenance à
l’organisation terroriste Rachad. Dans son jugement du 8 juin 2022, le tribunal a
condamné M. Khayat à six mois de prison ferme et une amende de 200 000 DA (équivalent de
1 486 dollars É.-U.) pour le motif d’outrage à une institution publique. À la suite d’un
recours en appel, le tribunal de Blida a rendu un jugement en date du 19 juin 2023
condamnant M. Khayat pour les délits de diffusion de publications préjudiciables à
l’intérêt national et d’incitation à un rassemblement non armé, le condamnant à deux ans
de prison ferme et une amende de 50 000 DA (équivalent de 371 dollars É.-U.). M. Khayat
a introduit un pourvoi en cassation devant la Cour suprême qui n’a pas encore rendu sa
décision. Le gouvernement indique qu’il tiendra le comité informé de la décision de la
Cour suprême. Selon le gouvernement, il ressort clairement de ce qui précède que les
condamnations de M. Hicham Khayat sont liées à des actes répréhensibles par la loi et
n’ont aucun lien avec ses activités syndicales. Par ailleurs, le gouvernement indique
que, selon son employeur (SONELGAZ-Services), M. Kayath travaille toujours dans
l’entreprise et il a été promu cadre supérieur le 1er mai 2023, en tant que chef de
service du contrôle de gestion à l’École technique de Blida. L’entreprise a en outre
indiqué qu’aucun dossier litigieux concernant M. Kayath n’a été reçu à ce jour et qu’il
exerce toujours une activité au sein de l’entreprise.
- 109. Par ailleurs, le gouvernement réitère ses observations en ce qui
concerne la décision administrative entérinant la dissolution du SNATEG
(recommandation e)). Selon le gouvernement, la dissolution du SNATEG était volontaire et
conforme aux dispositions de la loi no 90-14 du 2 juin 1990 relative à l’exercice du
droit syndical, alors en vigueur, et aux statuts du syndicat. Cette dissolution s’est
déroulée lors d’un congrès tenu en assemblée générale des membres dudit syndicat et
constatée par un huissier de justice. Le gouvernement déclare que la décision de
dissolution étant souveraine et prise par l’instance suprême du syndicat concerné
conformément à ses statuts, elle ne peut être contestée ni revue par aucune entité,
y compris le gouvernement.
- 110. Enfin, le gouvernement fournit ses observations concernant la
recommandation f) relative aux allégations de fermeture ordonnée par l’administration du
siège du SNATEG. Le gouvernement observe qu’aucune plainte pour annulation d’une
décision administrative de fermeture du siège du syndicat dissout correspondant à
l’adresse mentionnée dans son récépissé n’a été enregistrée auprès des tribunaux.
Ensuite, le gouvernement souligne que la législation en vigueur impose à toute
organisation syndicale d’informer l’autorité compétente de tout changement survenu dans
l’adresse du siège du syndicat, accompagné d’un document légal justificatif. Le SNATEG
n’aurait pas transmis de document attestant d’un changement de domiciliation du siège du
syndicat. Par ailleurs, le gouvernement indique que le local en question a été loué par
des individus pour des usages non liés aux activités syndicales. Selon le gouvernement,
ce lieu était utilisé pour des activités de propagande et de diffusion de fausses
informations, visant à nuire à la sécurité nationale et à l’ordre public. Le
gouvernement déclare que les individus en question ont été condamnés pour avoir commis
des actes en violation de la loi, tout en bénéficiant de toutes les garanties légales
garantissant un procès équitable et impartial.
D. Conclusions du comité
D. Conclusions du comité- 111. Le comité rappelle que le présent cas porte sur des allégations de
refus d’une entreprise du secteur de l’énergie de permettre à un syndicat officiellement
enregistré de développer ses activités. Les allégations concernent en outre le
harcèlement de l’entreprise à l’encontre des dirigeants et adhérents de ce syndicat, y
compris par des mesures de licenciement, le refus des pouvoirs publics de faire cesser
les violations des droits syndicaux et de faire appliquer des décisions de justice en
faveur du syndicat, et l’enregistrement par les pouvoirs publics de la dissolution du
syndicat malgré des preuves contraires présentées.
- 112. Le comité rappelle que, à l’origine, la plainte se référait à de
nombreux licenciements présumés antisyndicaux de dirigeants et délégués du SNATEG à
partir de 2016-17. Le comité avait rappelé que le respect des principes de la liberté
syndicale exige qu’on ne puisse ni licencier des travailleurs, ni refuser de les
réintégrer en raison de leurs activités syndicales et a demandé au gouvernement de faire
état régulièrement des mesures concernant les travailleurs licenciés dans cette affaire.
[Voir 403e rapport, paragr. 123.] Le comité observe que si, selon les rapports
régulièrement fournis par le gouvernement, une majorité des cas de licenciements des
adhérents et dirigeants du SNATEG a semble-t-il été résolue par la réintégration au
poste de travail, certains cas n’étaient pas encore réglés malgré le laps de temps
écoulé. Lors de son précédent examen du cas, le comité avait demandé au gouvernement de
fournir des informations sur la situation de certains délégués syndicaux qui, selon
l’organisation plaignante, n’avaient pas été réintégrés malgré des décisions de justice
ou de l’inspection du travail en leur faveur. Le comité note les informations mises à
jour fournies par l’organisation plaignante et par le gouvernement sur la situation des
syndicalistes suivants:
- a) Cas de M. Kouafi Abdelkader, secrétaire général du
SNATEG. Le comité rappelle qu’il avait précédemment noté l’indication de
l’organisation plaignante selon laquelle M. Kouafi Abdelkader, licencié par la
société Shariket Amn el mounchaate el Takawiya (S.A.T.) en 2017, bénéficiait d’un
arrêt exécutoire du Tribunal social de Larbaa (Blida) du 19 décembre 2019 qui a
annulé son licenciement considéré comme arbitraire, car intervenu lors d’un congé
maladie certifié et sans en informer le syndicat. Selon l’organisation plaignante,
le tribunal aurait en outre condamné l’employeur à verser une indemnité pour
licenciement abusif de 400 000 DA (équivalent à 2 972 dollars É.-U.), ainsi qu’une
indemnité de 100 000 DA (équivalent à 743 dollars É.-U.) pour préjudice matériel.
Mais l’entreprise n’aurait exécuté que le volet financier en versant les indemnités
tout en refusant de le réintégrer. Le comité note que, dans sa dernière réponse, le
gouvernement réitère que, si le jugement du 19 décembre 2019 a bien annulé le
licenciement de M. Kouafi, il n’a ordonné que le versement d’une indemnité dont
l’employeur s’est acquitté et non la réintégration. Le gouvernement se fonde sur la
décision en date du 18 février 2021 du tribunal de Larbaa qui a rejeté le recours de
M. Kouafi au motif que l’affaire a déjà été jugée, qu’il a été indemnisé et que
l’employeur a ainsi intégralement exécuté la décision de justice. Le gouvernement
considère que M. Kouafi Abdelkader a épuisé toutes les voies de recours et que son
cas devrait être clos.
- Le comité observe que le jugement du 18 février 2021
du tribunal de Larbaa fait état de sa saisine par M. Kouafi pour demander sa
réintégration dans l’entreprise en plus de l’exécution du volet financier du
précédent jugement. Dans sa décision, le tribunal constate que si le licenciement de
M. Kouafi a bien été annulé, la décision de décembre 2019 doit être interprétée
comme ordonnant l’entreprise à accomplir les procédures légalement applicables en
versant les indemnités à M. Kouafi. Compte tenu de ces éléments, le comité ne
poursuivra pas l’examen du cas de M. Kouafi en ce qui concerne son licenciement. Le
comité observe toutefois que bien qu’il ait constaté l’illégalité de la mesure de
licenciement de M. Kouafi et qu’il l’ait annulée, le tribunal de Larbaa dans sa
décision du 19 décembre 2019 n’a non seulement pas ordonné sa réintégration, mais il
a de plus limité l’indemnisation à verser à hauteur de six mois de salaire malgré le
fait que le plaignant réclamait le versement de ses arriérés de salaires pour les
vingt-huit mois depuis son licenciement en mai 2017 et pendant lesquels il est
demeuré sans ressources. Le comité rappelle sa position selon laquelle le
gouvernement doit prendre des mesures pour que les syndicalistes qui le souhaitent
soient réintégrés dans leurs fonctions lorsqu’ils ont été licenciés pour des
activités liées à la création d’un syndicat. Au cas où l’autorité judiciaire
constaterait que la réintégration des travailleurs licenciés en violation de la
liberté syndicale est impossible, des mesures devraient être prises pour qu’ils
soient indemnisés intégralement. Les indemnités perçues devraient être appropriées
compte tenu du préjudice subi et de la nécessité d’éviter qu’une telle situation ne
se reproduise à l’avenir. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté
syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1184, 1172 et 1173.] Le comité note à cet
égard la promulgation d’une nouvelle loi no 23-02 d’avril 2023 sur l’exercice du
droit syndical, qui comprend des dispositions relatives à l’application des
décisions de justice pour la réintégration en cas de licenciements antisyndicaux. Le
comité veut croire que la nouvelle loi garantira dans le futur que les décisions de
réintégration dans les cas de discrimination antisyndicale sont effectivement mises
en œuvre et que les mesures de compensation sont suffisamment
dissuasives.
- Par ailleurs, le comité note avec une profonde préoccupation
les allégations de l’organisation plaignante concernant le traitement subi par
M. Kouafi lors de sa détention en juillet 2023. Selon l’organisation plaignante,
M. Kouafi aurait fait l’objet de mauvais traitement, de torture et de menace l’ayant
contraint à signer une déclaration sur l’honneur dans laquelle il atteste ne plus
militer au sein du SNATEG en échange de sa libération. À cet égard, le comité doit
rappeler que dans un cas récent il a relevé avec une profonde préoccupation le
contexte d’intimidation entravant la liberté syndicale ayant contraint M. Kouafi
Abdelkader à l’exil et a prié instamment le gouvernement de s’engager à lui assurer
la possibilité d’un retour au pays pour exercer leurs activités syndicales dans un
climat exempt de violence, de pressions ou menaces (cas no 3434, 405e rapport, mars
2024, paragr. 180 et 188).
- b) Cas de Mme Sarah Benmaiche, membre du comité
des femmes du SNATEG. Le comité rappelle que, à la suite d’un jugement en date du
4 juillet 2016 annulant son licenciement, l’employeur avait fait état de
l’impossibilité de réintégrer Mme Benmaiche au sein des différents sites du groupe
ou parmi l’effectif administratif du fait de son caractère agressif. Dans sa
dernière communication, le gouvernement réitère que son employeur avait
partiellement exécuté la décision de justice en lui versant une indemnisation de
100 000 DA (équivalent à 743 dollars É. U.). Mme Benmaiche a ensuite bénéficié d’une
décision de justice en date du 14 novembre 2016 ordonnant sa réintégration sous
astreinte. Selon le gouvernement et l’organisation plaignante, son employeur a
simplement versé une indemnité de 90 000 DA (équivalent à 669 dollars É.-U.) au
titre de liquidation de l’astreinte pour non-réintégration. De l’avis du
gouvernement, la décision de justice ayant été exécutée par le versement du
dédommagement et de l’indemnisation pour non réintégration, le cas de Mme Benmaiche
devrait être clos. Le comité regrette qu’en l’espèce la réintégration d’une
dirigeante syndicaliste n’ait pas été exécutée malgré deux décisions de justice en
ce sens. Exprimant sa profonde préoccupation devant cette situation, le comité veut
croire que la nouvelle loi garantira dans le futur que les décisions de
réintégration dans les cas de discrimination antisyndicale sont effectivement mises
en œuvre et que les mesures de compensation sont suffisamment dissuasives.
Cependant, le comité note que, dans sa dernière communication, l’organisation
plaignante insiste sur le fait que Mme Benmaiche a démissionné du SNATEG après avoir
subi de fortes pressions policières et qu’elle demande au comité de cesser
d’examiner son cas. Dans ces conditions, le comité ne poursuivra pas l’examen du cas
de Mme Sarah Benmaiche.
- c) Cas de M. Guebli Samir, président du bureau
national du centre. Le comité rappelle qu’il avait précédemment noté que M. Guebli
Samir bénéficiait d’un arrêt exécutoire du Tribunal social d’Amechdalah du
16 juillet 2020 ordonnant sa réintégration, après son licenciement en juin 2017.
Selon le gouvernement, ce dernier s’était pourvu en cassation devant la Cour suprême
qui, le 9 septembre 2021, a annulé le jugement et renvoyé l’affaire devant le
tribunal d’Amechdalah. Le gouvernement déclare se tenir prêt à informer le comité de
tout fait nouveau à cet égard. Cependant, le comité observe que, dans sa dernière
communication, l’organisation plaignante indique que M. Guebli aurait décidé de
prendre ses distances avec le SNATEG. Il croit comprendre que l’organisation
plaignante ne compte plus aborder la situation de M. Guebli dans le présent cas.
Dans ces conditions, le comité ne poursuivra pas l’examen du cas de
M. Guebli.
- d) Cas de M. Araf Imad, président du bureau national du sud. Le
comité avait précédemment noté que M. Araf Imad, licencié en juin 2017, bénéficiait
d’un arrêt exécutoire du Tribunal social de Biskra du 20 mai 2019 ordonnant sa
réintégration, mais que l’entreprise n’avait exécuté que partiellement le volet
financier – une indemnisation de 121 420 DA (équivalent de 902 dollars É.-U.) – tout
en refusant de le réintégrer. Selon l’organisation plaignante, l’employeur s’est
pourvu en cassation et a obtenu l’annulation du jugement par la Cour suprême dans
une décision du 4 février 2021 au motif que le SNATEG n’était pas une organisation
syndicale agréée ayant qualité pour agir dans le procès. Le SNATEG aurait saisi la
Cour suprême en mars 2022 pour présenter tous les documents prouvant sa légitimité,
mais la cour a déclaré le recours irrecevable en septembre 2022 en s’appuyant sur la
décision administrative de dissolution du SNATEG. Entre-temps, dans un jugement du
4 avril 2022, le tribunal de Biskra a confirmé l’irrecevabilité d’un recours auquel
le SNATEG serait partie. Selon l’organisation plaignante, M. Araf a été épuisé par
les procédures de justice et ne dispose plus de moyens financiers suffisants pour
continuer à saisir la justice de manière individuelle. Le comité note que, dans sa
dernière réponse, le gouvernement demande que le cas de M. Araf soit considéré clos
compte tenu de l’épuisement des procédures judiciaires. Le comité observe avec
préoccupation qu’en l’espèce un cas de de licenciement antisyndical dûment reconnu
dont le jugement a été annulé pour des raisons de formes ne pourra pas faire l’objet
d’un réexamen par la justice à cause essentiellement de la longueur de la procédure
dont les coûts financiers ne peuvent plus être supportés par le dirigeant syndical
licencié. Le comité rappelle que le respect des principes de la liberté syndicale
exige que les travailleurs qui estiment avoir subi des préjudices en raison de leurs
activités syndicales disposent de moyens de recours expéditifs, peu coûteux et tout
à fait impartiaux. Les affaires soulevant des questions de discrimination
antisyndicale devraient être examinées promptement afin que les mesures correctives
nécessaires puissent être réellement efficaces et qu’une lenteur excessive dans le
traitement de tels cas constitue une violation grave des droits syndicaux des
intéressés. Enfin, le comité rappelle fermement que l’administration dilatoire de la
justice constitue un déni de justice. [Voir Compilation, paragr. 1142, 1139 et 170.]
Dans ces conditions, à moins que l’organisation plaignante n’informe que l’affaire a
été de nouveau porté devant la justice par M. Araf, le comité ne poursuivra pas
l’examen de ce cas.
- e) Cas de M. Hicham Khayat, membre dirigeant de la
section syndicale du SNATEG-COSYFOP de l’Institut de formation en électricité et
gaz, et délégué syndical de la wilaya de Blida. Le comité rappelle qu’il avait
précédemment demandé instamment au gouvernement de fournir des informations compte
tenu des allégations de l’organisation plaignante faisant état de l’arrestation et
de la mise sous contrôle judiciaire de M. Hicham Khayat aux motifs d’un appel à
rejoindre un groupe terroriste via les réseaux sociaux, de formation d’un groupe
terroriste via les réseaux sociaux et de formation d’une association criminelle via
les médias sociaux pouvant porter atteinte à l’unité nationale. Le comité note les
précisions du gouvernement selon lesquelles M. Khayat a bénéficié d’une ordonnance
de non-lieu partiel le 24 octobre 2022 avec l’abandon des poursuites pénales liées
au terrorisme Cependant, M. Khayat a été condamné le 8 juin 2022 pour outrage à une
institution publique à six mois de prison ferme et une amende de 200 000 DA
(équivalent de 1 486 dollars É.-U.). À la suite d’un recours en appel, M. Khayat a
été condamné par le tribunal de Blida le 19 juin 2023, pour les délits de diffusion
de publications préjudiciables à l’intérêt national et d’incitation à un
rassemblement non armé, à deux ans de prison ferme et une amende de 50 000 DA
(équivalent de 371 dollars É.-U.). Selon le gouvernement, M. Hicham Khayat a
introduit un pourvoi en cassation, et la procédure est en cours. Le gouvernement
souligne que les condamnations de M. Khayat sont liées à des actes répréhensibles
par la loi et n’ont aucun lien avec ses activités syndicales. Le comité note avec
préoccupation que, selon l’organisation plaignante, M. Khayat n’est plus membre du
SNATEG et a rompu tout contact avec l’organisation à la suite de menaces et de
chantage exercés par les services de sécurité. Le comité note aussi l’information du
gouvernement selon laquelle M. Khayat a été réintégré dans l’entreprise où il exerce
toujours et a même été promu. En l’espèce, le comité observe que les jugements
rendus par la justice condamnant M. Khayat – dont copie lui a été fournie – font
référence à des publications et déclarations diverses sur les réseaux sociaux qui
ont été considérées comme répréhensibles par la loi. Sans revenir sur les décisions
prononcées, le comité tient toutefois à rappeler l’importance qu’il attache au
respect des libertés publiques fondamentales des syndicalistes et pour les
organisations d’employeurs, notamment la liberté d’expression, qui sont essentielles
au plein exercice de la liberté syndicale. Et cette la liberté d’expression dont
devraient jouir les organisations syndicales et leurs dirigeants devrait également
être garantie lorsque ceux-ci veulent formuler des critiques à l’égard de la
politique économique et sociale du gouvernement. Aussi, la menace des autorités
d’engager des poursuites pénales en réponse à des opinions légitimes de
représentants syndicaux peut avoir un effet d’intimidation et est préjudiciable à
l’exercice des droits syndicaux. Enfin, le comité considère que le plein exercice
des droits syndicaux exige la libre circulation des informations, des opinions et
des idées, de sorte que les travailleurs et les employeurs, tout comme leurs
organisations, devraient jouir de la liberté d’opinion et d’expression dans leurs
réunions, publications et autres activités syndicales. Néanmoins, dans l’expression
de leurs opinions, lesdites organisations ne devraient pas dépasser les limites
convenables de la polémique et devraient s’abstenir d’excès de langage. [Voir
Compilation, paragr. 234, 244, 237 et 236.]. Le comité veut croire que le
gouvernement veillera au respect des principes de la liberté syndicales relatifs à
la liberté d’expression rappelés ci-dessus.
- 113. Le comité apprécie les informations actualisées fournies tant par
l’organisation plaignante que par le gouvernement qui lui ont permis de clarifier la
situation de certains dirigeants du SNATEG qui font l’objet d’un suivi depuis plusieurs
années. Si cette clarification lui a permis de clore l’examen de ces cas, Le comité
demeure cependant préoccupé par le fait que, plus de six ans après les faits allégués de
licenciements antisyndicaux, et malgré une décision de justice de réintégration rendue
depuis plusieurs années, une procédure judiciaire n’a pas encore aboutie (cas de
M. Guebli). Le comité demeure particulièrement préoccupé par le fait que, dans plusieurs
cas confirmés par le gouvernement, en dépit de décisions de justice ordonnant la
réintégration, les entreprises concernées ont refusé de les appliquer, se bornant à
verser la partie financière des sanctions. Aussi, le comité ne peut que réitérer son
étonnement de la possibilité des entreprises concernées de ne pas mettre à exécution les
injonctions des autorités judiciaires sans subir de sanction. Le comité rappelle que nul
ne devrait faire l’objet de discrimination antisyndicale en raison de ses activités
syndicales légitimes, et la possibilité d’être réintégré dans leur poste de travail
devrait être ouverte aux personnes qui ont été l’objet de discrimination antisyndicale.
[Voir Compilation, paragr. 1163.] Le comité rappelle une nouvelle fois sa position que,
s’il apparaît que des licenciements ont eu lieu à la suite de la participation des
travailleurs concernés à des activités syndicales, le gouvernement doit faire en sorte
que ces travailleurs soient réintégrés dans leur emploi sans perte de rémunération.
Cependant, au cas où l’autorité judiciaire constaterait que la réintégration des
travailleurs licenciés en violation de la liberté syndicale est impossible, des mesures
devraient être prises pour qu’ils soient indemnisés intégralement. Les indemnités
perçues devraient être appropriées compte tenu du préjudice subi et de la nécessité
d’éviter qu’une telle situation ne se reproduise à l’avenir. [Voir Compilation,
paragr. 1169, 1172 et 1173.]
- 114. Le comité accueille favorablement le fait que la nouvelle loi
no 23-02 d’avril 2023 sur l’exercice des droits syndicaux semble traiter un certain
nombre des questions soulevées dans le présent cas en garantissant que les décisions
judiciaires annulant un licenciement pour motifs antisyndicaux ont pour effet la
réintégration (articles 141 et 146) et en établissant une compensation pécuniaire
(articles 142 et 147). Le comité veut croire que ces nouvelles dispositions seront
pleinement appliquées de manière à éviter que toute situation d’impunité ne se
reproduise à l’avenir.
- 115. Le comité est particulièrement préoccupé par les allégations
réitérées selon lesquelles de nombreux dirigeants et militants du SNATEG font l’objet de
pressions et de harcèlement de la part des autorités ou de chantage de la part de
l’employeur, ce qui les contraint à démissionner de l’organisation, voire à l’exil dans
certains cas. Le comité est d’autant plus préoccupé par les cas de harcèlement qui ont
abouti à la démission de dirigeants syndicaux examiné dans le présent cas qui ont par la
suite rompu contact avec l’organisation ou qui ont demandé que leur cas ne soit plus
examiné par le comité. Le comité rappelle fermement que les dirigeants syndicaux ne
devraient pas être soumis à des mesures de rétorsion, et notamment des arrestations et
des détentions, pour avoir exercé des droits découlant des instruments de l’OIT sur la
liberté syndicale, en l’occurrence pour avoir déposé plainte auprès du Comité de la
liberté syndicale. [Voir Compilation, paragr. 135.] Le comité attend du gouvernement et
le prie instamment qu’il garantisse pleinement le respect de ce principe.
- 116. À plusieurs reprises précédemment, le comité a noté avec
préoccupation l’allégation que M. Raouf Mellal, président du SNATEG, avait fait l’objet
d’une répression intense, de mesures de discrimination antisyndicale continues
(licenciement) et de harcèlement judiciaire systématique (condamnations successives pour
diffamation, détention illégale de documents, et usurpation d’identité), en partie pour
avoir porté plainte contre son pays devant les instances internationales. Un tel
acharnement avait forcé M. Mellal à s’exiler hors du pays en 2020. [Voir 392e rapport,
paragr. 208; 403e rapport, paragr. 128.] Le SNATEG demande l’abandon de toutes les
charges contre M. Mellal et se déclare prêt à engager un dialogue avec le gouvernement
afin de permettre à M. Mellal de retourner au pays pour exercer son mandat de dirigeant
syndical. Rappelant en ce sens que la liberté syndicale ne peut s’exercer que dans une
situation de respect et de garantie complets des droits fondamentaux de l’homme, en
particulier du droit à la vie et du droit à la sécurité de la personne. [Voir
Compilation, paragr. 82.] Le comité réitère qu’il s’attend à ce que le gouvernement
s’engage à assurer de manière urgente à M. Mellal la possibilité d’un retour au pays
pour exercer ses activités syndicales dans un climat exempt de violence, de pressions ou
menaces.
- 117. Dans ses examens antérieurs de la question, le comité avait procédé
à un examen approfondi des informations fournies par l’organisation plaignante et le
gouvernement qui maintiennent des positions divergentes concernant la dissolution du
SNATEG en octobre 2017. Le comité avait demandé au gouvernement de diligenter une
enquête indépendante afin de déterminer les circonstances ayant abouti à la décision
administrative entérinant la dissolution du SNATEG, cela malgré des éléments contraires
présentés aux autorités qui n’en avait pas tenu compte, ce qui avait alors amené le
comité à considérer que cette situation était de nature à soulever des interrogations
sur une possible ingérence des autorités. [Voir 392e rapport, paragr. 209 à 212.] Le
comité avait ainsi indiqué attendre du gouvernement qu’il revoie sans délai la décision
de dissolution du SNATEG. Or, le comité note avec un profond regret que, dans sa
réponse, le gouvernement se borne une nouvelle fois à maintenir que la dissolution du
SNATEG est conforme aux dispositions légales en vigueur et aux statuts du syndicat. Le
gouvernement réitère que la décision de dissolution étant souveraine et prise par
l’instance suprême du syndicat concerné conformément à son statut, elle ne peut être
contestée ni revue par aucune entité, y compris le gouvernement. Dans ces conditions, le
comité se voit obligé de réitérer qu’il attend du gouvernement qu’il revoie sans délai
la décision de dissolution du SNATEG, compte tenu des éléments factuels rappelés, et
conformément aux principes de la liberté syndicales et ses obligations
internationales.
- 118. À cet égard, le comité souhaite rappeler que, dans un autre cas à
l’examen concernant l’Algérie [voir cas no 3434, 405e rapport, mars 2024, paragr. 184 et
188], il a demandé au gouvernement d’envisager, en consultation avec les partenaires
sociaux, la meilleure façon de garantir que les sanctions en vertu de la loi relative à
l’exercice du droit syndical (qui réprime tout syndicaliste s’opposant, même
verbalement, à la dissolution de son syndicat et qui pourrait être utilisée pour viser
directement les membres syndicaux qui refusent la dissolution de leurs syndicats) ne
peuvent être imposées dans les cas de positions divergentes concernant la dissolution
volontaire d’un syndicat.
- 119. Par ailleurs, le comité avait prié instamment le gouvernement de
transmettre ses observations concernant les allégations de fermeture du siège du SNATEG
à Alger le 21 février 2021 par une simple décision administrative. Le comité note
l’indication du gouvernement qu’aucune plainte pour annulation d’une décision
administrative de fermeture du siège du SNATEG correspondant à l’adresse mentionnée dans
son récépissé n’a été enregistrée auprès des tribunaux. Le gouvernement ajoute que la
loi fait obligation à une organisation syndicale d’informer l’autorité compétente de
tout changement de l’adresse du siège, accompagné d’un document légal justificatif. Le
gouvernement déclare que le SNATEG n’a pas transmis de document attestant d’un
changement de domiciliation du siège du syndicat. Par ailleurs, le gouvernement déclare
que le local fermé par décision administrative était occupé pour des usages non liés aux
activités syndicales, mais pour des activités de propagande et de diffusion
d’informations destinées à nuire à la sécurité nationale et à l’ordre public. Le
gouvernement déclare que les individus en question ont été condamnés pour avoir commis
des actes en violation de la loi, tout en bénéficiant de toutes les garanties légales
garantissant un procès équitable et impartial. Le comité croit comprendre en vertu des
pièces fournies par l’organisation plaignante que le siège du SNATEG correspond au siège
de la Confédération syndicale des forces productives (COSYFOP), organisation faitière à
laquelle elle est affiliée. Le comité rappelle que l’inviolabilité des locaux et des
biens syndicaux, notamment son courrier, constitue l’une des libertés publiques
essentielles pour l’exercice des droits syndicaux. Un contrôle judiciaire indépendant
devrait être exercé par les autorités concernant l’occupation ou la mise sous scellés de
locaux syndicaux, étant donné les risques importants de paralysie que ces mesures font
peser sur les activités syndicales. Les perquisitions des locaux syndicaux ne devraient
avoir lieu que sur mandat de l’autorité judiciaire ordinaire, lorsque cette autorité est
convaincue qu’il y a de solides raisons de supposer qu’on trouvera sur les lieux les
preuves nécessaires à la poursuite d’un délit de droit commun, et à la condition que la
perquisition soit limitée aux objets qui ont motivé la délivrance du mandat. Enfin,
l’accès des membres d’un syndicat aux locaux de leur organisation ne devrait pas être
restreint par les autorités de l’État. [Voir Compilation, paragr. 276, 283, 287 et 290.]
Dans ces conditions, le comité poursuivra l’examen de la question du siège dans le cadre
de la plainte concernant la COSYFOP (cas no 3434). Entre-temps, le comité s’attend à ce
que le gouvernement garantisse le plein respect des principes rappelés ci-dessus
concernant le droit des organisations syndicales de disposer librement d’un siège et d’y
tenir, sans aucune ingérence, des réunions syndicales.
- 120. De manière générale, le comité tient à exprimer de nouveau sa
profonde préoccupation devant le présent cas caractérisé par un cumul de difficultés
rencontrées par les dirigeants du SNATEG pour exercer leurs droits syndicaux légitimes.
Ces difficultés ont porté préjudice à la conduite des activités d’un syndicat mais aussi
constitué une intimidation entravant le libre exercice de la liberté syndicale dans
l’entreprise. En conséquence, le comité exhorte de nouveau le gouvernement à mettre en
œuvre sans délai ses recommandations afin d’assurer au sein de l’entreprise un
environnement où les droits syndicaux sont respectés et garantis pour toutes les
organisations syndicales, et où les travailleurs ont la possibilité d’adhérer au
syndicat de leur choix, d’élire leurs représentants et d’exercer leurs droits syndicaux
sans crainte de représailles et d’intimidation.
- 121. Le comité attire l’attention de la Commission d’experts pour
l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs du présent
cas.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 122. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil
d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité attend
du gouvernement et le prie instamment qu’il garantisse pleinement le respect du
principe selon lequel les dirigeants syndicaux ne devraient pas être soumis à des
mesures de rétorsion, et notamment des arrestations et des détentions, pour avoir
exercé des droits découlant des instruments de l’OIT sur la liberté syndicale, en
l’occurrence pour avoir déposé plainte auprès du Comité de la liberté
syndicale.
- b) Le comité veut croire que le gouvernement veillera au respect
des principes de la liberté syndicale relatifs à la liberté d’expression.
- c)
Le comité veut croire que les dispositions de la nouvelle loi no 23-02 du 25 avril
2023 relative à l’exercice du droit syndical concernant la mise en œuvre des
décisions de justice ordonnant la réintégration des travailleurs/fonctionnaires et
agents publics en cas de licenciements antisyndicaux seront pleinement appliquées de
manière à éviter que toute situation d’impunité ne se reproduise à
l’avenir.
- d) Le comité attend du gouvernement qu’il s’engage de manière
urgente à assurer à M. Mellal la possibilité d’un retour au pays pour exercer ses
activités syndicales dans un climat exempt de violence, de pressions ou
menaces.
- e) Le comité attend du gouvernement qu’il revoie sans délai la
décision de dissolution du SNATEG, compte tenu des éléments factuels rappelés, et
conformément aux principes de la liberté syndicales, et ses obligations
internationales.
- f) Le comité s’attend à ce que le gouvernement garantisse
le plein respect des principes concernant le droit des organisations syndicales de
disposer librement d’un siège et d’y tenir, sans aucune ingérence, des réunions
syndicales.
- g) Le comité exhorte de nouveau le gouvernement à mettre en
œuvre sans délai ses recommandations afin d’assurer au sein de l’entreprise un
environnement où les droits syndicaux sont respectés et garantis pour toutes les
organisations syndicales, et où les travailleurs ont la possibilité d’adhérer au
syndicat de leur choix, d’élire leurs représentants et d’exercer leurs droits
syndicaux sans crainte de représailles et d’intimidation.
- h) Le comité
attire l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et
recommandations sur les aspects législatifs du présent cas.