Allégations: Les organisations plaignantes dénoncent des violations de droits
syndicaux commises par le gouvernement en lien avec l’arrestation et la détention de
dirigeants et de militants syndicaux, des actes de discrimination antisyndicale et des
pratiques antisyndicales
- 224. Le comité a examiné pour la dernière fois ce cas (présenté en mars
2022) à sa réunion d’octobre-novembre 2023, à l’occasion de laquelle il a présenté un
rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 404e rapport, approuvé par le
Conseil d’administration à sa 349e session (octobre-novembre 2023), paragr. 185-207)
.]
- 225. L’Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de
l’agriculture, de l’hôtellerie restauration, du tabac et des branches connexes (UITA) a
envoyé de nouvelles allégations dans une communication datée du 29 février 2024.
- 226. Le gouvernement a transmis ses observations dans des communications
en date des 20 mai et 9 et 23 septembre 2024.
- 227. Le Cambodge a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale
et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit
d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas- 228. À sa réunion d’octobre-novembre 2023, le comité a formulé les
recommandations ci-après sur les questions en suspens [voir 404e rapport,
paragr. 207]:
- a) Le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de
veiller à la libération immédiate et inconditionnelle de Chhim Sithar et de fournir
toutes les décisions judiciaires relatives à la condamnation des dirigeants et des
membres du Syndicat pour les droits du travail des employés khmers de l’hôtel
Naga.
- b) Le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de veiller à ce
que l’élection d’avril 2022 des dirigeants du syndicat soit dûment reconnue afin
qu’ils puissent défendre efficacement les intérêts de leurs membres et que les
mesures nécessaires soient prises pour que les cotisations des membres soient dûment
transférées au syndicat. Dans le contexte actuel, notamment au vu de la
non-reconnaissance de l’élection des dirigeants en avril 2022, le comité prie le
gouvernement de veiller à ce que le syndicat ait au moins le droit de présenter des
demandes au nom de ses membres et de les représenter en ce qui concerne leurs
réclamations individuelles.
- c) Le comité prie à nouveau instamment le
gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour mener une enquête indépendante
sur les allégations détaillées fournies par les organisations plaignantes concernant
les interventions, les violences et les harcèlements de la part du gouvernement, de
l’armée et de la police lors de l’action syndicale menée par le syndicat, de
transmettre les résultats et de veiller à ce que les autorités compétentes reçoivent
les instructions appropriées afin d’éviter tout risque de violence. Il prie le
gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
- d) Le
comité prie à nouveau instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires
pour qu’une enquête indépendante soit menée sur les divers actes de discrimination
et d’ingérence antisyndicale que les organisations plaignantes allèguent avoir été
commis par l’employeur depuis le début du conflit et de le tenir informé des
résultats.
- e) En ce qui concerne les allégations selon lesquelles
l’entreprise a déposé une plainte officielle contre 18 femmes grévistes, dont Chhim
Sithar, le comité prie à nouveau le gouvernement et les organisations plaignantes de
fournir des informations détaillées sur la nature des accusations et sur le statut
actuel de ces cas.
- f) Étant donné que les allégations en l’espèce se
rapportent à une entreprise, le comité prie instamment le gouvernement de solliciter
des informations auprès de l’organisation d’employeurs concernée afin de disposer
des points de vue de l’organisation et de l’entreprise concernée sur les questions
en cause.
B. Informations complémentaires et nouvelles allégations des organisations
plaignantes
B. Informations complémentaires et nouvelles allégations des organisations
plaignantes- 229. Dans sa communication en date du 29 février 2024, l’UITA rappelle
l’historique du cas et fournit des informations complémentaires alléguant que, en dépit
des recommandations formulées par le comité, la situation des membres du Syndicat pour
les droits du travail des employés khmers de l’hôtel Naga (LRSU), affilié à l’UITA, ne
s’est pas améliorée. Elle affirme que: i) en novembre 2023, plus de 70 membres du
syndicat ayant participé à la grève de 2021-22 qui faisait l’objet de la plainte
initiale, ont été licenciés après avoir refusé de renoncer à leurs activités syndicales;
et ii) en février 2024, l’entreprise a incité les membres du syndicat à résilier leur
adhésion en échange de la restitution des cotisations syndicales prélevées sur leurs
salaires et retenues depuis mai 2022.
- 230. En ce qui concerne le licenciement des membres du syndicat en
novembre 2023, l’UITA allègue qu’en mars 2022, à la suite de la grève de 2021-22,
l’entreprise a mis en demeure les grévistes de reprendre le travail sous peine de
licenciement. L’UITA allègue que 73 membres du syndicat qui s’étaient exécutés et
avaient repris le travail ont été envoyés au centre de formation (Academy) de
l’entreprise qui est situé dans une aile du bâtiment réservée aux nouveaux employés,
mais séparée des autres locaux du personnel. Les intéressés y recevaient peu de travail
mais touchaient leur salaire, l’entreprise étant censée dans le même temps enquêter sur
leur participation aux activités du syndicat. Malgré leurs demandes répétées concernant
leur statut d’emploi, les travailleurs n’ont reçu aucune réponse. En novembre 2023,
dix-huit mois après avoir été séparés des autres travailleurs, 72 d’entre eux ont été
licenciés sans motif, et une femme qui était en congé de maternité a par la suite
accepté de toucher des indemnités pour son licenciement. Durant cinq jours, les
travailleurs ont été convoqués à des entretiens, seuls ou par deux, par des
représentants de l’entreprise qui leur ont dit qu’ils pourraient conserver leur emploi
s’ils renonçaient à toute activité syndicale et résiliaient leur adhésion au syndicat.
S’ils poursuivaient leurs activités syndicales, ils se verraient intimer l’ordre de
signer un accord mutuel de rupture de leur contrat et toucheraient une indemnité de
départ; mais, en cas de refus de leur part, ils seraient licenciés sans indemnité. Sur
les 72 travailleurs, quatre ont refusé de signer l’accord; leur carte d’identité leur a
été confisquée et ils ont été escortés hors du bâtiment. Selon l’organisation
plaignante, au cours des dix-huit mois qui s’étaient écoulés, le syndicat n’a été ni
consulté ni autorisé à négocier au nom de ses membres. En janvier 2024, le syndicat a
publié une lettre ouverte exigeant la réintégration de chacun des 72 membres du
syndicat. Il compte également déposer une plainte officielle auprès du ministère du
Travail et de la Formation professionnelle pour demander la réintégration de tous les
travailleurs licenciés.
- 231. Pour ce qui est de la retenue des cotisations syndicales et des
incitations antisyndicales, l’UITA allègue que, depuis mai 2022, l’entreprise refuse de
reverser au syndicat les cotisations syndicales prélevées sur les salaires des
travailleurs. Ce gel temporaire du transfert des cotisations syndicales a été annoncé
par le ministère du Travail et de la Formation professionnelle en juin 2022, et notifié
aux travailleurs par l’entreprise quelques jours plus tard, par courrier. En février
2024, les travailleurs qui étaient membres du syndicat ont été informés par l’entreprise
que, s’ils résiliaient leur adhésion au syndicat, les cotisations prélevées au cours des
vingt et un mois précédents leur seraient restituées. En réponse, le syndicat a publié
une déclaration demandant le transfert immédiat des cotisations gelées au syndicat.
- 232. L’UITA affirme par conséquent que la mise en demeure de reprendre le
travail sous peine de licenciement adressée par l’entreprise aux travailleurs en mars
2022, le licenciement de 73 travailleurs ayant refusé de résilier leur adhésion au
syndicat en novembre 2023, et les pressions exercées sur les travailleurs en février
2024 en vue de les contraindre à quitter le syndicat en échange de la restitution de
leurs cotisations syndicales sont une violation claire de la liberté syndicale et du
droit d’organisation.
C. Réponse du gouvernement
C. Réponse du gouvernement- 233. Dans ses communications en date des 20 mai et 9 et 23 septembre
2024, le gouvernement fournit des informations sur la plupart des questions en suspens.
Concernant le refus de reconnaître l’élection des dirigeants du LRSU en avril 2022, la
compétence du syndicat à représenter ses membres et le gel des cotisations des membres,
le gouvernement répète les informations fournies précédemment qui visent à souligner la
non conformité des élections avec la législation applicable, du fait que certains
dirigeants du syndicat n’étaient pas considérés comme étant employés par l’entreprise,
et à justifier le gel des cotisations syndicales. Il ajoute qu’il encourage le syndicat
à rectifier les documents d’enregistrement et à soumettre à nouveau sa demande.
- 234. En ce qui concerne la détention de Chhim Sithar, la présidente du
syndicat, le gouvernement rappelle les circonstances de son arrestation, de son procès
et de sa condamnation. Il fournit aussi une note explicative du tribunal de première
instance de Phnom Penh, datée du 7 août 2023. Dans cette note, le tribunal rappelle le
contexte de l’arrestation de Chhim Sithar et constate, en s’appuyant sur des extraits
d’enregistrements vocaux de la présidente du syndicat réalisés lors des réunions de
préparation à la grève de 2021-22, que les actions de cette dernière constituaient une
incitation à perturber gravement la sécurité nationale. Le tribunal estime également
que, pendant la procédure d’instruction, l’accusée qui avait bénéficié d’une mise en
liberté sous caution n’a pas respecté les conditions auxquelles elle était assujettie,
puisqu’elle a quitté le pays en novembre 2022 sans en avoir averti au préalable les
autorités judiciaires ni reçu d’elles une autorisation. L’intéressée a donc été placée
en détention provisoire, conformément à la procédure judiciaire applicable (article 230
du Code de procédure pénale). Le gouvernement indique que la condamnation de Chhim
Sithar le 25 mai 2023 à deux ans d’emprisonnement a été confirmée par la Cour d’appel
dans un arrêt du 19 octobre 2023 et par la Cour suprême le 3 mai 2024. Selon le
gouvernement, le procès s’est déroulé en public et de manière légale, avec tous les
droits et l’accès à un avocat. Le gouvernement indique en outre qu’il a fourni le
jugement pénal rendu le 25 mai 2023 (jugement non soumis avec la communication). Dans sa
dernière communication, le gouvernement informe que Chhim Sithar a été libérée de prison
le 16 septembre 2024 après avoir purgé sa peine de deux ans.
- 235. En ce qui concerne les allégations concernant les interventions, les
violences et les harcèlements de la part du gouvernement, de l’armée et de la police
lors de l’action syndicale menée par le LRSU, le gouvernement déclare que, si les
manifestations impliquent des actions violentes, les manifestants doivent être tenus
pour responsables devant la loi applicable. Il ajoute que le gouvernement est tenu de
prendre les mesures nécessaires pour maintenir l’ordre public, la paix et la stabilité
du pays, comme cela a été le cas lors de la grève et de la manifestation illégales du
syndicat.
- 236. En ce qui concerne la plainte officielle déposée par l’entreprise
contre 18 travailleuses, dont la présidente du syndicat, le gouvernement indique qu’il
communique avec l’entreprise pour obtenir plus de détails à cet égard et qu’il en
informera le comité.
D. Conclusions du comité
D. Conclusions du comité- 237. Le comité rappelle que ce cas porte sur des allégations de
représailles, de discrimination antisyndicale et de licenciements, ainsi que
d’arrestations et de détentions de travailleurs qui ont participé à une action de grève,
dans un contexte où le cadre législatif ne garantit pas de manière adéquate la
reconnaissance effective de la liberté syndicale et où le syndicat en question, le LRSU,
créé en 2000, s’est heurté à plusieurs reprises à des obstacles l’empêchant d’obtenir sa
pleine reconnaissance en tant que syndicat.
- 238. En ce qui concerne la recommandation a) (libération de Chhim Sithar,
la présidente du syndicat, et décisions judiciaires relatives à la détention des membres
du syndicat), le comité rappelle que, à la suite d’une grève des travailleurs en
décembre 2021 et janvier 2022, 29 grévistes ont été arrêtés. Neuf d’entre eux ont été
inculpés pour incitation à commettre un crime ou à perturber la sécurité publique,
reconnus coupables et condamnés à des peines d’un à deux ans d’emprisonnement – parmi
eux se trouvait Chhim Sithar, la présidente du syndicat, condamnée à deux ans
d’emprisonnement en mai 2023. Le comité note que bien que les décisions judiciaires
relatives à la condamnation des membres du syndicat n’aient pas été soumises avec le
rapport du gouvernement, ce dernier a transmis une note explicative du tribunal de
première instance de Phnom Penh, dans lequel celui-ci: i) rappelle que les actions de
Chhim Sithar constituaient une incitation à perturber gravement la sécurité nationale,
infraction passible de sanction pénale; et ii) précise qu’elle a été arrêtée la seconde
fois, en novembre 2022, après avoir quitté le pays sans en avoir averti au préalable les
autorités judiciaires ni reçu d’elles une autorisation, ce qui constituait une
infraction aux conditions auxquelles elle était assujettie dans le cadre de sa
libération sous caution pendant l’instruction de son affaire. Le comité observe que,
selon la note explicative, le tribunal a considéré les extraits d’enregistrements vocaux
de la présidente du syndicat comme des éléments apportant la preuve que les actions
organisées constituaient une incitation à perturber gravement la sécurité nationale.
Bien qu’il n’ait pas accès à l’intégralité des transcriptions, le comité constate que
les extraits contenus dans la note explicative concernent les préparatifs des
manifestations, notamment le choix des dates et les objectifs visés, ainsi que des
consignes enjoignant aux travailleurs à agir de concert, à poursuivre les manifestations
jusqu’à ce que leurs problèmes soient réglés et à répondre à la violence par la
non-violence, et que l’accent est mis sur le fait que les manifestants peuvent être
violemment réprimés ou arrêtés. Le comité prend note de l’indication du gouvernement
selon laquelle la Cour d’appel et la Cour suprême ont confirmé la condamnation de Chhim
Sithar en octobre 2023 et en mai 2024, respectivement. Le comité note toutefois les
informations du gouvernement selon lesquelles Chhim Sithar a été libérée en septembre
2024 après avoir purgé sa peine de deux ans d’emprisonnement. Rappelant que la
Conférence internationale du Travail a signalé que le droit de réunion, la liberté
d’opinion et d’expression et, en particulier, le droit de ne pas être inquiété pour ses
opinions et celui de chercher, de recevoir et de divulguer, sans considération de
frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit
constituaient des libertés civiles qui sont essentielles à l’exercice normal des droits
syndicaux (résolution concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les
libertés civiles, adoptée à la 54e session, 1970) [voir Compilation des décisions du
Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 77], et regrettant que
Chhim Sithar ait été contrainte de purger entièrement sa peine, malgré ses
recommandations répétées, le comité veut croire que la présidente du syndicat pourra
participer librement à des activités syndicales légitimes sans que ses libertés civiles
fondamentales ou ses droits syndicaux ne soient menacés.
- 239. En ce qui concerne la détention de huit autres membres du syndicat
et en l’absence des décisions judiciaires intégrales qui pourraient mieux éclairer la
raison et les circonstances de l’arrestation de membres du syndicat, et de leur
condamnation à des peines d’emprisonnement, le comité se voit dans l’obligation de
rappeler une fois de plus que nul ne devrait pouvoir être privé de liberté ni faire
l’objet de sanctions pénales pour le simple fait d’avoir organisé une grève pacifique ou
d’y avoir participé. [Voir Compilation, paragr. 971.] Le comité observe en outre que la
question de la détention de membres du LRSU a également été examinée par la Commission
d’experts pour l’application des conventions et recommandations, et évoquée lors de la
discussion qui a eu lieu au sein de la Commission de l’application des normes au sujet
de l’application de la convention no 87, lesquelles ont instamment prié le gouvernement
de veiller à ce que l’exercice pacifique d’activités syndicales n’entraîne pas de
poursuites ni de sanctions pénales et à ce que les syndicalistes détenus pour avoir mené
des activités syndicales légitimes soient immédiatement libérés. Le comité veut croire
que les accusations restantes portées contre les membres du syndicat ont été abandonnées
et, si tel n’est pas le cas, enjoint au gouvernement de fournir des informations
détaillées sur toute autre action prise à cet égard.
- 240. En ce qui concerne la recommandation b) (reconnaissance des
dirigeants du syndicat élus en avril 2022, représentation des membres par le syndicat et
transfert des cotisations des membres au syndicat), le comité note que le gouvernement
ne fournit aucune nouvelle information à cet égard et se contente de reprendre sa
précédente réponse, en soulignant que les élections d’avril 2022 n’étaient pas conformes
avec la législation applicable du fait que certains dirigeants et certains participants
à l’élection n’étaient pas considérés comme étant employés par l’entreprise, en
justifiant le gel des cotisations syndicales et en encourageant le syndicat à rectifier
les documents d’enregistrement et à soumettre à nouveau sa demande. Le comité doit
rappeler ses précédentes conclusions selon lesquelles l’examen de la demande relative à
la reconnaissance de l’élection d’avril 2022 des dirigeants du syndicat aurait dû tenir
compte du fait que le statut d’emploi des membres votants et des dirigeants élus n’avait
pas encore été finalisé à la lumière du litige en cours et de la longue histoire de non
reconnaissance et de licenciement des dirigeants du syndicat remontant à la plainte
précédente de 2011, et qu’une application stricte des articles 4 et 9 de la loi sur les
syndicats concluant que ces dirigeants élus, ainsi que certains participants à
l’élection, n’étaient plus employés par l’entreprise, ne devrait donc pas s’appliquer.
Rappelant également que les travailleurs et leurs organisations doivent avoir le droit
d’élire leurs représentants en toute liberté et ces représentants le droit d’exprimer
les revendications des travailleurs [voir Compilation, paragr. 586], le comité prie à
nouveau instamment le gouvernement de veiller à ce que l’élection d’avril 2022 des
dirigeants du syndicat soit dûment reconnue afin qu’ils puissent défendre efficacement
les intérêts de leurs membres, et notamment présenter des demandes au nom des membres et
les représenter en ce qui concerne leurs réclamations individuelles.
- 241. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles l’entreprise
refuse de reverser au syndicat les cotisations des membres prélevées depuis mai 2022, le
comité rappelle qu’un retard considérable dans l’administration de la justice en
relation avec le reversement des cotisations syndicales retenues par une entreprise
équivaut en fait à un déni de justice. [Voir Compilation, paragr. 702.] Le comité note
en outre les allégations supplémentaires présentées à cet égard, selon lesquelles, en
février 2024, l’entreprise aurait proposé de restituer, de manière individuelle, aux
travailleurs alors membres du syndicat, les cotisations prélevées au cours des vingt et
un mois précédents s’ils résiliaient leur adhésion au syndicat. En l’absence
d’informations de la part du gouvernement sur cette question et gardant à l’esprit sa
précédente conclusion selon laquelle le fait de retenir les cotisations prélevées et la
non-reconnaissance des dirigeants du syndicat entravent effectivement la capacité du
syndicat à défendre ses membres et pourrait entraîner l’éradication totale du syndicat
[voir 401e rapport, paragr. 266], le comité prie instamment le gouvernement de veiller à
ce que les mesures nécessaires soient prises pour que les cotisations des membres qui
ont été retenues soient dûment transférées au syndicat sans plus tarder, et ne soient
pas utilisées comme moyen de pression pour contraindre les travailleurs à résilier leur
adhésion au syndicat. Le comité attend du gouvernement qu’il prenne des mesures
proactives pour régler ce problème de longue date et qu’il le tienne informé de tout
fait nouveau à cet égard.
- 242. En ce qui concerne la recommandation d) préconisant qu’une enquête
soit menée sur les divers actes de discrimination et d’ingérence antisyndicale allégués
dans la plainte, le comité note que le gouvernement ne fournit aucune information à ce
sujet. Le comité note les allégations supplémentaires soumises par les organisations
plaignantes à cet égard, qui portent en particulier sur le licenciement, en novembre
2023, de 72 travailleurs ayant participé à la grève de 2021-22 et qui, après s’être
pliés à la mise en demeure de reprendre le travail sous peine de licenciement adressée
par l’entreprise, ont été séparés des autres travailleurs à partir de mars 2022, le
temps, semble-t-il, que soient menées les enquêtes sur leur participation aux activités
du syndicat. Le comité note avec préoccupation qu’il aurait été dit à ces travailleurs
qu’ils pourraient garder leur emploi s’ils renonçaient à toute activité syndicale et
résiliaient leur adhésion au syndicat, mais que, s’ils poursuivaient leurs activités
syndicales, ils se verraient intimer l’ordre de signer un accord mutuel de rupture de
leur contrat. Quatre syndicalistes ayant refusé de signer cet accord auraient été
escortés hors du bâtiment et leur carte d’identité leur aurait été confisquée. Rappelant
que les menaces directes et les actes d’intimidation à l’encontre des membres d’une
organisation de travailleurs et le fait de les forcer à s’engager à rompre tout lien
avec l’organisation sous la menace d’un renvoi équivalent à nier les droits syndicaux de
ces travailleurs [voir Compilation, paragr. 1100], le comité prie le gouvernement de
prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce qu’une enquête indépendante soit menée
sur ces actes ainsi que sur les autres actes présumés de discrimination et d’ingérence
antisyndicale commis par l’employeur depuis le début du conflit et, si ces allégations
étaient avérées, de s’assurer qu’une indemnisation adéquate sera versée afin de réparer
tous les préjudices subis et de prévenir tout nouveau recours à des actes antisyndicaux
à l’avenir. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat des enquêtes
menées et de toutes les mesures prises.
- 243. Pour ce qui est de la recommandations c), relative à l’enquête à
mener sur les allégations concernant les interventions, les violences et les
harcèlements de la part du gouvernement, de l’armée et de la police lors de l’action
syndicale menée par le LRSU, le comité note que le gouvernement ne donne aucune
précision sur les mesures prises pour enquêter sur ces graves allégations et se contente
d’indiquer que, si les manifestations impliquent des actions violentes, les manifestants
doivent être tenus pour responsables devant la loi applicable et le gouvernement est
tenu de prendre les mesures nécessaires pour maintenir l’ordre public, la paix et la
stabilité dans le pays. Tout en rappelant que les principes de la liberté syndicale ne
protègent pas les abus dans l’exercice du droit de grève qui constituent des actions de
caractère délictueux [voir Compilation, paragr. 965], le comité doit souligner que
l’intervention de la police doit être proportionnelle à la menace pour l’ordre public.
De plus, dans les cas où la dispersion d’assemblées publiques ou de manifestations par
la police a entraîné la perte de vies humaines ou des blessures graves, le comité a
attaché une importance spéciale à ce qu’on procède immédiatement à une enquête
impartiale et approfondie des circonstances et à ce qu’une procédure légale régulière
soit suivie pour déterminer le bien-fondé de l’action prise par la police et pour
déterminer les responsabilités. [Voir Compilation, paragr. 104.] En l’absence d’un
engagement clair du gouvernement à cet égard, le comité prie à nouveau instamment le
gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que soit menée une
enquête indépendante sur les allégations détaillées fournies par les organisations
plaignantes concernant les interventions, les violences et les harcèlements de la part
du gouvernement, de l’armée et de la police, lors de l’action syndicale menée par le
LRSU. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet
égard.
- 244. Concernant la recommandation e) relative à la plainte officielle
déposée par l’entreprise contre 18 femmes grévistes, dont Chhim Sithar, pour – entre
autres – effraction et intention de causer des dommages, le comité prend note de
l’indication du gouvernement selon laquelle il communique avec l’entreprise pour obtenir
plus de détails à cet égard et en informera le comité. Le comité s’attend donc à ce que
le gouvernement fournisse des informations actualisées à cet égard et prie également les
organisations plaignantes de fournir toute autre mise à jour pertinente sur cette
question.
- 245. Étant donné que les allégations dans le présent cas concernent une
entreprise, le comité prie instamment le gouvernement de solliciter des informations
auprès de l’organisation d’employeurs concernée afin de disposer du point de vue de
l’organisation, ainsi que de celle de l’entreprise concernée, sur les questions en
cause.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 246. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil
d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Regrettant que
Chhim Sithar ait été contrainte de purger entièrement sa peine, malgré ses
recommandations répétées, le comité veut croire que la présidente du Syndicat pour
les droits du travail des employés khmers de l’hôtel Naga (LRSU) pourra participer
librement à des activités syndicales légitimes sans que ses libertés civiles
fondamentales ou ses droits syndicaux ne soient menacés.
- b) Le comité veut
croire que les accusations restantes portées contre les membres du LRSU ont été
abandonnées et, si tel n’est pas le cas, enjoint au gouvernement de fournir des
informations détaillées sur toute autre action prise à cet égard.
- c) Le
comité prie à nouveau instamment le gouvernement de veiller à ce que l’élection
d’avril 2022 des dirigeants du syndicat soit dûment reconnue afin qu’ils puissent
défendre efficacement les intérêts de leurs membres, et notamment présenter des
demandes au nom des membres et les représenter en ce qui concerne leurs réclamations
individuelles.
- d) Le comité prie instamment le gouvernement de veiller à ce
que les mesures nécessaires soient prises pour que les cotisations des membres qui
ont été retenues soient dûment transférées au syndicat sans plus tarder, et ne
soient pas utilisées comme moyen de pression pour contraindre les travailleurs à
résilier leur adhésion au syndicat. Le comité attend du gouvernement qu’il prenne
des mesures proactives pour régler ce problème de longue date et qu’il le tienne
informé de tout fait nouveau à cet égard.
- e) Le comité prie le gouvernement
de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce qu’une enquête indépendante
soit menée sur les nouvelles allégations d’actes antisyndicaux qui auraient été
commis en novembre 2023 ainsi que sur les autres actes présumés de discrimination et
d’ingérence antisyndicale commis par l’employeur depuis le début du conflit et, si
ces allégations étaient avérées, de s’assurer qu’une indemnisation adéquate sera
versée afin de réparer tous les préjudices subis et de prévenir tout nouveau recours
à des actes antisyndicaux à l’avenir. Le comité prie le gouvernement de le tenir
informé du résultat des enquêtes menées et de toutes les mesures prises.
- f)
Le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de prendre les mesures
nécessaires pour veiller à ce que soit menée une enquête indépendante sur les
allégations détaillées fournies par les organisations plaignantes concernant les
interventions, les violences et les harcèlements de la part du gouvernement, de
l’armée et de la police lors de l’action syndicale menée par le syndicat. Il prie le
gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
- g) Le
comité s’attend à ce que le gouvernement fournisse des informations actualisées sur
la nature des accusations portées contre 18 femmes grévistes, dont Chhim Sithar,
dans le cadre de la plainte déposée par l’entreprise, et sur le statut actuel de ces
cas. Il prie également les organisations plaignantes de fournir toute autre mise à
jour pertinente sur cette question.
- h) Étant donné que les allégations dans
le présent cas concernent une entreprise, le comité prie instamment le gouvernement
de solliciter des informations auprès de l’organisation d’employeurs concernée afin
de disposer du point de vue de l’organisation, ainsi que de celle de l’entreprise
concernée, sur les questions en cause.