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RECLAMATION (article 24) - VENEZUELA - C122 - 1998

Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT), Fédération latino-américaine des travailleurs du commerce (FETRALCOS)

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Rapport du comité chargé d'examiner la réclamation alléguant l'inexécution par le Venezuela de la convention (no 122) sur la politique de l'emploi, 1964, présentée en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT par la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) et la Fédération latino-américaine des travailleurs du commerce (FETRALCOS)

Rapport du comité chargé d'examiner la réclamation alléguant l'inexécution par le Venezuela de la convention (no 122) sur la politique de l'emploi, 1964, présentée en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT par la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) et la Fédération latino-américaine des travailleurs du commerce (FETRALCOS)

Decision

Decision
  1. Le Conseil d'administration a adopté le rapport du comité tripartite. Procédure close.

La procédure de plainte

La procédure de plainte
  1. I. Introduction
  2. 1. Par une lettre en date du 2 décembre 1996 adressée au Directeur général du Bureau international du Travail, la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) et la Fédération latino-américaine des travailleurs du commerce (FETRALCOS) ont présenté une réclamation fondée sur l'article 24 de la Constitution de l'OIT alléguant l'inexécution par le Venezuela de la convention (no 122) sur la politique de l'emploi, 1964.
  3. 2. La convention (no 122) sur la politique de l'emploi, 1964, a été ratifiée par le Venezuela le 10 août 1982 et est en vigueur dans ce pays.
  4. 3. Les dispositions de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail concernant la soumission des réclamations sont les suivantes:
  5. Article 24
  6. Toute réclamation adressée au Bureau international du Travail par une organisation professionnelle des travailleurs ou des employeurs, et aux termes de laquelle l'un quelconque des Membres n'aurait pas assuré d'une manière satisfaisante l'exécution d'une convention à laquelle ledit Membre a adhéré, pourra être transmise par le Conseil d'administration au gouvernement mis en cause, et ce gouvernement pourra être invité à faire sur la matière telle déclaration qu'il jugera convenable.
  7. Article 25
  8. Si aucune déclaration n'est reçue du gouvernement mis en cause dans un délai raisonnable, ou si la déclaration reçue ne paraît pas satisfaisante au Conseil d'administration, ce dernier aura le droit de rendre publique la réclamation reçue et, le cas échéant, la réponse faite.
  9. 4. La procédure à suivre pour l'examen des réclamations est régie par le règlement révisé adopté par le Conseil d'administration à sa 212e session (mars 1980).
  10. 5. Conformément aux articles 1 et 2 de ce règlement, le Directeur général a accusé réception de la réclamation, en a informé le gouvernement du Venezuela et l'a transmise au bureau du Conseil d'administration.
  11. 6. A sa réunion du 13 mars 1997, le bureau du Conseil d'administration a estimé qu'il ne disposait pas d'éléments suffisants pour faire rapport au Conseil d'administration sur la recevabilité de la réclamation.
  12. 7. Par des communications en date des 5 septembre 1997 et 19 septembre 1997, les organisations plaignantes ont fourni des informations complémentaires et transmis des documents à l'appui de leurs allégations. Par une communication en date du 30 octobre 1997, elles ont présenté de nouvelles allégations. Copie de ces communications a été adressée au gouvernement.
  13. 8. A sa 271e session (mars 1998), le Conseil d'administration, sur recommandation de son bureau, a décidé que la réclamation était recevable et désigné un comité chargé de l'examiner, composé de M. A. Ducreux (membre gouvernemental, Panama), M. W. Durling (membre employeur, Panama) et Mme M. Rozas (membre travailleuse, Chili).
  14. 9. Le gouvernement a présenté ses observations dans une communication en date du 15 mai 1998.
  15. 10. Le comité s'est réuni à Genève le 16 novembre 1998 pour la discussion et l'adoption du présent rapport.
  16. II. Examen de la réclamation
  17. 1. Allégations des organisations plaignantes
  18. 11. Dans leur communication en date du 2 décembre 1996, la CLAT et la FETRALCOS allèguent que l'approbation par le maire de la municipalité Libertador d'un projet d'ordonnance municipale interdisant la vente dans les rues est contraire aux dispositions de l'article 1 de la convention no 122, car il n'existe pas de projet de réinsertion dans l'emploi des personnes ainsi privées de leur travail dans un contexte où les taux de chômage et de sous-emploi sont déjà élevés. Une proposition alternative d'ordonnance qui aurait assuré aux travailleurs des rues des conditions d'emploi dignes présentée par la Coordination des organisations de travailleurs du commerce informel du Venezuela (COMIVE) a été ignorée, en dépit de son sérieux et de la disponibilité des travailleurs pour la recherche de solutions concertées dont elle témoignait. De surcroît, une manifestation pacifique de protestation contre l'approbation de l'ordonnance a été brutalement dispersée, occasionnant un mort et plus de 15 blessés.
  19. 12. Les organisations plaignantes font également état des menaces d'expulsion qui pèsent sur les travailleurs des marchés de la Hoyada, qui sont au nombre de 7 000 et auxquels s'ajoutent des milliers de travailleurs dont l'activité dépend indirectement de l'existence de ces marchés. A l'époque de la création de ces marchés, en 1989, les accords conclus avec les autorités prévoyaient qu'ils seraient la solution idéale du problème de la vente dans les rues. Des représentants des organisations des petits commerçants ont proposé de discuter avec le gouverneur des solutions structurelles à apporter au développement anarchique et démesuré de la vente de rue. A cet effet, elles ont présenté un projet de politique et de mesures. Les constructions promises à l'origine n'ont pas été réalisées et, en l'absence d'intervention cohérente des autorités, les marchés se sont développés de manière précaire et anarchique. Cette situation, qui est loin de correspondre au projet initial, est invoquée par le maire pour menacer de faire disparaître ces marchés en faisant prévaloir des considérations esthétiques sur le droit à l'emploi de milliers de travailleurs.
  20. 13. En conclusion, les organisations plaignantes soulignent l'importance du rôle des autorités dans la solution des problèmes interdépendants de la pauvreté, du chômage et de l'économie informelle, qui constitue une étape importante pour la mise en uvre d'une politique de l'emploi conforme à l'article 1 de la convention. Elles exigent du gouvernement qu'il respecte les normes de la convention en concevant une politique de l'emploi intégrée, créatrice de sources de travail dignes et respectant le droit au travail.
  21. 14. Dans leurs communications en date du 5 septembre 1997 et du 19 septembre 1997, la CLAT et la FETRALCOS font état de l'expulsion d'une partie des travailleurs des marchés de la Hoyada et de la destruction de leurs installations par les autorités de la municipalité, avec pour conséquence de priver les intéressés et leurs familles de leur seule source possible de revenu dans un contexte de détérioration de la situation sociale et de l'emploi et de progression de la précarité et de l'extrême pauvreté. Elles évoquent également de nouvelles menaces d'interdiction des activités des vendeurs des rues dans d'autres secteurs de la capitale. Soulignant l'importance prise par l'économie informelle dans la création d'emplois, notamment dans les activités de services, les organisations plaignantes exigent que les engagements pris lors de la création du marché de la Hoyada soient respectés et que cessent les expulsions. Elles insistent pour qu'une solution concertée soit recherchée par le dialogue avec les organisations représentatives des intéressés, que le droit au travail des commerçants indépendants soit respecté et qu'une véritable politique de promotion de l'emploi soit formulée et appliquée.
  22. 15. Dans leur communication en date du 30 octobre 1997, les organisations plaignantes estiment que l'expulsion de milliers de travailleurs du marché de la Hoyada en l'absence d'un plan concret et concerté de réinstallation des intéressés constituerait une violation flagrante de la convention no 122. Une telle mesure ne répond pas à l'objectif de l'article 1 de la convention de «résoudre le problème du chômage et du sous-emploi». L'absence de proposition, de la part des autorités nationales, régionales et locales, d'alternative sérieuse et durable à l'économie informelle, ainsi que la fermeture générale des espaces de dialogue n'obéissent pas à une véritable politique de promotion du «plein emploi, productif et librement choisi». Les organisations se réfèrent à cet égard aux dispositions relatives au secteur informel de la partie V de la recommandation (no 169) concernant la politique de l'emploi (dispositions complémentaires), 1984.
  23. 2. Déclaration du gouvernement
  24. 16. Dans sa communication en date du 15 mai 1998, le gouvernement souligne en premier lieu que les violations alléguées de la convention seraient le fait de la mairie et du conseil municipal de la municipalité Libertador, c'est-à-dire de pouvoirs publics locaux pleinement autonomes et distincts de l'exécutif national. Le droit au travail est consacré par l'article 85 de la Constitution et tout habitant de la République a la faculté de recourir auprès des organes juridictionnels pour en obtenir la protection effective. Les plaignants disposent donc de toutes les garanties offertes par l'ordre juridique interne pour la protection du droit auquel ils allèguent qu'il a été porté atteinte. L'exercice du droit au travail ne saurait toutefois être absolu; il ne peut porter atteinte à d'autres droits collectifs ou individuels d'importance au moins égale. En l'espèce, il est évident que la mairie et le conseil municipal ne cherchent pas à porter atteinte au droit au travail des personnes qui s'adonnent au commerce ou à de petits travaux indépendants, mais qu'ils entendent au contraire éviter que le centre de la capitale soit soumis à un chaos qui affecte l'ensemble de ses habitants, dans la mesure où le développement de telles activités porte un préjudice certain au commerce du secteur formel de cette zone, engendre des problèmes de sûreté publique, fait obstacle à la libre circulation pédestre et automobile et favorise des situations d'insalubrité. Il ne s'agit pas d'empêcher que tout habitant puisse déployer les activités qui lui permettent de subsister dignement, mais de faire en sorte que de telles activités s'exercent d'une manière qui ne porte pas atteinte à d'autres droits garantis aux citoyens et à la collectivité.
  25. 17. L'importance vitale de la convention no 122 est reconnue par le gouvernement national, qui estime qu'il doit mener des politiques visant à promouvoir le plein emploi, productif et librement choisi. Contrairement à ce qui est allégué, l'exécutif national consacre d'importantes ressources à des mesures, programmes et politiques de promotion de l'emploi. Sa préoccupation à cet égard se reflète dans le rapport de 1997 sur la politique concertée de l'emploi, qui n'est pas le seul fait du gouvernement mais le produit d'un consensus tripartite et comporte un ensemble de recommandations de court, moyen et long terme constituant une politique de l'emploi cohérente et efficace dont la mise en uvre a débuté cette année.
  26. 3. Conclusions du comité
  27. 18. Le comité constate que la réclamation comporte, d'une part, des allégations précises et documentées ayant trait à des mesures prises par des autorités locales dans un contexte particulier et, d'autre part, une allégation plus générale d'absence de politique nationale de l'emploi à l'égard du secteur informel. Les organisations syndicales allèguent principalement que les mesures d'interdiction de la vente dans les rues de la capitale et d'expulsion de travailleurs de marchés spécialement créés pour accueillir le commerce informel ont été prises sans consultation des intéressés, qu'elles compromettent gravement leurs possibilités d'emploi et de revenus en l'absence de mesures compensatoires de réinsertion et sont donc contraires aux dispositions de la convention.
  28. 19. En soulignant que les allégations portent sur des mesures prises par des pouvoirs publics autonomes et non par l'exécutif national, le gouvernement tend à suggérer que ces mesures ne sauraient engager sa responsabilité aux termes de la convention. Il justifie toutefois les mesures prises par les autorités locales par la nécessité de concilier le droit à l'exercice d'une activité avec d'autres impératifs. Il se réfère par ailleurs à l'adoption d'une politique concertée de l'emploi qui témoigne, selon lui, de son engagement global à se conformer aux dispositions de la convention.
  29. 20. Le comité rappelle qu'en ratifiant la convention l'Etat a souscrit à l'obligation de formuler et d'appliquer, comme un objectif essentiel, une politique active visant à promouvoir le plein emploi, productif et librement choisi (article 1) et de déterminer et revoir régulièrement les mesures à adopter à cet effet, dans le cadre d'une politique économique et sociale coordonnée (article 2) et en consultation avec les représentants des milieux intéressés (article 3). Les faits décrits, dont le gouvernement ne conteste pas la réalité, tendent à montrer qu'en l'espèce il aurait pu être mieux tenu compte des conséquences pour l'emploi des décisions prises, et que les organisations plaignantes sont fondées à estimer que ce sont d'autres considérations qui ont prévalu sur l'«objectif essentiel» de la promotion de l'emploi. En outre, il est allégué que les organisations représentatives des travailleurs intéressés n'ont pas été consultées, ce que le gouvernement ne conteste pas non plus.
  30. 21. Il revient au comité de déterminer dans quelle mesure la situation décrite constitue un manquement aux obligations de la convention. Certes, le gouvernement ne saurait être tenu pour responsable de tous les agissements susceptibles d'affecter la poursuite des objectifs de l'emploi prescrits par la convention. Un comité chargé par le Conseil d'administration d'examiner une autre réclamation alléguant l'inexécution de la convention no 122 a pu ainsi conclure que les agissements d'une personne privée, lors même qu'ils contribueraient à la dégradation de la situation de l'emploi, ne pouvaient suffire à mettre en cause la conduite par le gouvernement d'une politique de l'emploi conforme à la convention. Dans le cas présent, il convient de relever que les mesures visées ont été prises par des autorités publiques et qu'elles affectent une catégorie de travailleurs comptant plusieurs milliers de personnes. Le comité estime à cet égard qu'une situation qui permettrait que la poursuite des objectifs de la convention puisse être massivement contrariée par des décisions d'autorités locales, aussi indépendantes soient-elles du gouvernement, ne satisferait pas aux exigences de la convention.
  31. 22. Les organisations plaignantes allèguent également qu'aucune mesure de réinsertion dans l'emploi des personnes affectées par les décisions des autorités locales n'a été prise du fait de l'absence d'une politique de l'emploi à l'égard du secteur informel. Tout en relevant que la réponse aux besoins spécifiques des travailleurs du secteur informel figure expressément parmi les principaux objectifs énoncés dans le rapport sur la politique concertée de l'emploi que le gouvernement a joint à sa déclaration, le comité constate que le gouvernement ne fait état d'aucune mesure concrète qui aurait été prise dans le cas d'espèce.
  32. 23. Le comité rappelle que, bien que la convention n'énonce qu'en termes généraux les objectifs et méthodes d'application de la politique de l'emploi et laisse une grande latitude dans le choix des mesures à prendre, ces mesures doivent être adaptées aux conditions nationales, dont l'existence d'un important secteur informel fait partie. En adoptant la recommandation (no 169) concernant la politique de l'emploi (dispositions complémentaires), 1984, la Conférence internationale du Travail a souligné que la politique de l'emploi devrait reconnaître l'importance comme source d'emplois du secteur informel (paragraphes 27-29). Pour sa part, en approuvant le formulaire de rapport révisé pour la convention, le Conseil d'administration a estimé que les représentants des personnes occupées dans le secteur informel devaient faire partie des représentants des milieux intéressés qui, aux termes de l'article 3 de la convention, doivent être consultés au sujet des politiques de l'emploi, «afin qu'il soit pleinement tenu compte de leur expérience et de leur opinion, qu'ils collaborent entièrement à l'élaboration de ces politiques et qu'ils aident à recueillir des appuis en faveur de ces dernières». Dans le cadre de son examen des rapports soumis au titre de l'article 22 de la Constitution sur l'application de la convention, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations ne manque pas d'insister, chaque fois que les caractéristiques du marché du travail le justifient, pour que les représentants des travailleurs du secteur informel soient associés à la formulation et à l'application de la politique de l'emploi.
  33. 24. Le comité observe à cet égard que les organisations plaignantes soulignent l'ouverture au dialogue de la Coordination des organisations de travailleurs du commerce informel du Venezuela (COMIVE). Il note que, dans un rapport récent, le BIT a qualifié de «particulièrement intéressant» cet exemple d'organisation de travailleurs du secteur informel. De l'avis du comité, il serait conforme aux mesures requises par la convention que le gouvernement mette à profit cet effort d'organisation des travailleurs du secteur informel pour rechercher par la concertation, dans l'esprit de l'article 3 de la convention, une solution aux problèmes d'emploi soulevés par l'existence d'un secteur informel très important.
  34. III. Recommandations du comité
  35. 25. Le comité recommande au Conseil d'administration:
  36. (a) d'approuver le présent rapport;
  37. (b) d'inviter le gouvernement à fournir, dans son prochain rapport sur l'application de la convention soumis au titre de l'article 22 de la Constitution, des informations complètes et détaillées sur les mesures de politique de l'emploi qui sont mises en uvre à l'égard du secteur informel, ainsi que sur la manière dont les représentants des travailleurs intéressés sont consultés à leur sujet, afin que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations puisse poursuivre l'examen de cette question;
  38. (c) de déclarer close la procédure engagée devant le Conseil d'administration à la suite de la présente réclamation.
  39. Note 1
  40. Rapport du comité chargé d'examiner la réclamation présentée par la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT), en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT, alléguant l'inexécution par le Nicaragua de la convention (n° 95) sur la protection du salaire, 1949, de la convention (n° 117) sur la politique sociale (objectifs et normes de base), 1962, et de la convention (n° 122) sur la politique de l'emploi, 1964, nov. 1995 (doc. GB.264/16/3), paragr. 31 et 32.
  41. Note 2
  42. 202e session (mars 1977), doc. GB.202/11/23.
  43. Note 3
  44. BIT: Le travail dans le monde 1997-98. Relations professionnelles, démocratie et cohésion sociale, Genève, 1997, p. 217.
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