Jugement n° 4003
Décision
1. La CPI versera à la requérante une indemnité pour tort moral d’un montant de 200 000 euros. 2. Elle versera à M. P. L. une indemnité pour tort moral d’un montant de 140 000 euros. 3. Elle versera à la requérante la somme de 20 000 euros et à M. P. L. la somme de 500 euros à titre de dépens. 4. Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. 5. La demande d’intervention de M. K. est rejetée.
Synthèse
La requérante demande à être indemnisée pour les préjudices liés à son arrestation et sa détention en Libye alors qu’elle était en mission officielle.
Mots-clés du jugement
Mots-clés
Requête admise; Voyage autorisé; Imputable au service; Réparation
Considérant 11
Extrait:
Le Tribunal estimant que les écritures sont suffisantes pour lui permettre de statuer en toute connaissance de cause, la demande de débat oral est rejetée.
Mots-clés
Débat oral
Considérant 12
Extrait:
Il est fait droit à la demande d’intervention de M. P. L. dans la mesure où elle porte sur l’allégation de manquement de l’organisation à son devoir de sollicitude et où la CPI l’a acceptée. La demande d’intervention de M. K. est rejetée, car il ne se trouve pas dans une situation similaire en droit et en fait à celle de la requérante, dès lors que, contrairement à lui, la requérante a déposé une demande d’indemnisation en temps utile.
Mots-clés
Intervention
Considérant 13
Extrait:
En ce qui concerne les exceptions d’irrecevabilité soulevées par la CPI, le Tribunal estime que les conclusions relatives à l’allégation de représailles sont recevables. La requérante avait soulevé cette question dans sa demande de réexamen et son recours interne, et la Commission de recours l’avait examinée dans son rapport. Partant, la requérante a épuisé les voies de recours interne.
Mots-clés
Epuisement des recours internes
Considérant 15
Extrait:
Le Tribunal estime que les motifs invoqués dans la décision [...] pour justifier le refus opposé à la demande d’indemnisation de la requérante n’étaient étayés par aucune pièce du dossier. De surcroît, le Greffier s’est appuyé sur des documents qu’il avait refusé de communiquer à la requérante, tout en déformant les constatations faites dans ces documents, en violation manifeste de son droit à une procédure régulière. Il a aussi donné de fausses informations à la requérante en lui disant qu’il avait été tenu de détruire le rapport du consultant et ne pouvait donc pas lui en donner une copie, alors qu’il savait pertinemment que la communication du rapport à la requérante avait déjà été approuvée. Il s’agit là d’un acte de mauvaise foi. Il ressort des échanges de correspondance entre le Greffier et la requérante qu’il l’avait menacée à plusieurs reprises de l’accuser de faute et de prendre d’éventuelles sanctions disciplinaires si elle n’acceptait pas l’offre faite par la CPI lors de la procédure de conciliation. Il s’agissait là d’un détournement de pouvoir et d’une nouvelle preuve de mauvaise foi.
Mots-clés
Pièce confidentielle; Production des preuves; Détournement de pouvoir; Mauvaise foi; Abus de pouvoir
Considérant 16
Extrait:
Le Tribunal reconnaît que l’épreuve endurée par la requérante en Libye était une conséquence directe du fait que la CPI n’avait pas convenablement préparé la mission et n’avait en particulier pas fait le nécessaire pour : a) établir des relations diplomatiques en veillant à ce qu’un mémorandum d’accord soit mis en place et/ou que des notes verbales soient échangées avec les autorités libyennes avant le début de la mission; b) établir un plan de mission qui précisait les objectifs de la mission, les lieux à visiter et les personnes à rencontrer, et qui désignait un chef de mission et précisait les responsabilités spécifiques des membres de l’équipe; c) s’assurer que tous les protocoles de sécurité étaient suivis et que les conseils donnés avaient été mis en oeuvre afin de garantir la sécurité des fonctionnaires participant à la mission. En raison de ces manquements et compte tenu du préjudice subi par la requérante et M. P. L. pendant leur période de confinement, le Tribunal leur accorde à chacun 140 000 euros à titre d’indemnité pour tort moral. Cette somme couvre le préjudice causé à leur bien-être psychologique ainsi qu’à leur vie publique et privée en raison du stress qu’ils subissent et des difficultés qu’ils rencontrent dans leurs déplacements du fait que des charges pèsent toujours contre eux en Libye et qu’il a été porté atteinte à leur réputation, situation que la CPI aurait pu atténuer si elle avait publié un communiqué clamant leur innocence immédiatement au lieu d’attendre qu’un large écho soit donné aux accusations portées par la Libye.
Mots-clés
Tort moral; Voyage autorisé; Mesures de sécurité
Considérant 18
Extrait:
La requérante ayant obtenu gain de cause, elle a droit aux dépens, tout comme M. P. L., dont la demande d’intervention est admise. Le Tribunal fixe le montant des dépens de M. P. L. à 500 euros puisqu’il n’était pas représenté par un avocat et n’a pas eu besoin de fournir des écritures très complètes à l’appui de sa demande d’intervention. Compte tenu de la complexité de l’affaire, la requérante a droit pour sa part à 20 000 euros à titre de dépens.
Mots-clés
Intervention; Dépens; Dépens octroyés
Considérant 17
Extrait:
[L]a requérante a continuellement été victime d’un traitement inapproprié de la part du Greffier au cours de la période ayant suivi son retour de Libye. Un tel comportement relève d’un détournement de pouvoir, de la mauvaise foi et constitue une mesure de représailles et justifie l’octroi d’une indemnité supplémentaire pour tort moral, dont le Tribunal fixe le montant à 60 000 euros. Le Tribunal estime qu’il n’y a pas lieu d’accorder des dommages-intérêts exemplaires, eu égard notamment aux efforts considérables déployés par la CPI pour obtenir la libération de la requérante et de ses collègues alors qu’ils étaient détenus en Libye.
Mots-clés
Détournement de pouvoir; Abus de pouvoir
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