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Jugement n° 4035

Décision

1. La décision de la Directrice générale de l’UNESCO du 16 janvier 2017 est annulée en tant qu’elle a limité le montant de l’indemnisation du préjudice subi par la requérante à la somme de 53 400 dollars des États-Unis.
2. L’UNESCO versera à la requérante, en sus de la somme déjà accordée en vertu de la décision du 16 janvier 2017 précitée, une indemnité pour tort moral de 25 000 euros.
3. Elle lui versera également la somme de 1 000 euros à titre de dépens.
4. Le surplus des conclusions de la requête, ainsi que la demande d’intervention, sont rejetés.

Synthèse

La requérante accuse son ancienne supérieure hiérarchique de harcèlement moral.

Mots-clés du jugement

Mots-clés

Requête admise; Annulation de la décision; Harcèlement

Considérants 4, 5, 7

Extrait:

La requérante fait grief à la Directrice générale de ne pas avoir procédé, après avoir constaté que sa plainte pour harcèlement moral avait été classée à tort, à l’ouverture de l’enquête prévue, lorsque l’évaluation préliminaire ne se conclut pas par un tel classement, par le point 18.2 du Manuel des ressources humaines, relatif à la politique de lutte contre le harcèlement.
Mais le Tribunal estime, à l’instar du Conseil d’appel, que la conduite d’une telle enquête était alors effectivement devenue impossible en raison tant du départ de l’Organisation de la directrice de l’Office que du temps écoulé depuis les faits incriminés, qui rendait très difficile, en particulier, le recueil de témoignages fiables sur la matérialité de ceux-ci et sur l’appréciation que pouvaient en avoir des tiers.
Le Tribunal a d’ailleurs déjà eu l’occasion de relever, dans des cas d’espèce similaires, qu’il n’y avait pas lieu, lorsqu’il s’avère qu’une plainte pour harcèlement a été classée à tort, d’ordonner la réouverture de son instruction, si une telle mesure se heurterait à des difficultés pratiques de cet ordre (voir, par exemple, s’agissant d’une autre affaire concernant un fonctionnaire de l’UNESCO, le jugement 3639, aux considérants 8 à 10).
C’est, au demeurant, à cette même conclusion qu’est parvenu le Tribunal dans le récent jugement 3935, prononcé le 24 janvier 2018, par lequel il a statué sur une requête formée par le supérieur hiérarchique direct de la requérante à l’époque des faits, M. E. Z., qui s’estimait également victime de harcèlement de la part de la directrice de l’Office.
Cette situation a pour conséquence que, tout comme dans l’affaire ayant donné lieu au jugement 3935 précité, il n’est guère possible, dans la présente affaire, de se prononcer en toute connaissance de cause sur le bien-fondé de l’argumentation des parties relative à l’existence et, le cas échéant, aux effets du harcèlement dénoncé par la requérante. Force est en effet de constater que ni les écritures des parties ni les pièces versées aux débats ne mettent le Tribunal à même de se prononcer sur ces points avec certitude, ce que seule la possibilité de se référer aux résultats d’une enquête menée en bonne et due forme à l’époque des faits lui aurait en l’espèce permis de faire.
Ainsi, si la requérante se plaint, notamment, d’avoir été abusivement dépossédée de la substance de ses fonctions, d’avoir été irrégulièrement placée dans une position hiérarchique non conforme à son grade, ou encore d’avoir été victime d’un dénigrement de son travail et d’autres propos ou comportements humiliants, l’examen du dossier ne permet pas de déterminer, pour certains de ces faits, si leur matérialité est établie et, s’agissant de ceux-ci dans leur ensemble, s’ils peuvent être regardés comme caractérisant un harcèlement ou s’ils ne procèdent pas de décisions de gestion admissibles ou de simples maladresses. En outre, s’il est patent que la requérante entretenait des relations très difficiles avec la directrice de l’Office, le constat de cette situation, qui peut fort bien s’expliquer par des conflits d’ordre professionnel, voire par une pure mésentente personnelle, ne permet évidemment pas de conclure, en lui-même, que l’intéressée aurait été victime, comme elle le soutient, de discrimination systématique, de mesures de représailles ou d’autres actes constitutifs d’un harcèlement. [...]
Il n’en demeure pas moins que l’impossibilité dans laquelle se trouve ainsi la requérante, du fait de l’absence d’enquête diligentée à l’époque des faits, de voir examinée la plainte pour harcèlement qu’elle avait déposée constitue une grave atteinte à son droit au bénéfice d’un recours effectif. Il en est résulté, pour l’intéressée, un lourd préjudice moral, qui justifie, aux yeux du Tribunal, une indemnisation excédant celle déjà accordée par la Directrice générale en vertu de la décision attaquée.

Référence(s)

Jugement(s) TAOIT: 3639, 3935

Mots-clés

Tort moral; Enquête; Harcèlement; Enquête

Considérant 6

Extrait:

Dans les circonstances de l’espèce, l’audition de M. E. Z., que la requérante a sollicitée dans sa formule de requête, sans du reste demander formellement l’organisation d’un débat oral, ne serait pas davantage de nature à établir le bien-fondé des allégations de l’intéressée, d’autant que le caractère conflictuel des relations que ce fonctionnaire entretenait lui-même avec la directrice de l’Office jetterait nécessairement un doute sur l’objectivité de son témoignage. Le Tribunal ne juge donc pas utile d’ordonner cette audition.

Mots-clés

Débat oral

Considérant 9

Extrait:

[D]'une part, le droit reconnu au fonctionnaire concerné d’être informé de la composition du Conseil d’appel, qui vise notamment à permettre l’éventuelle récusation de membres de ce dernier, ne s’étend pas à l’indication de l’identité du représentant de l’administration et de l’observateur en cause, lesquels n’ont pas la qualité de membres de cette instance.
D’autre part, en admettant même que l’intéressée eût été effectivement en droit de se voir communiquer les documents qu’elle souhaitait consulter, il ne ressort pas du dossier que l’absence de cette communication ait été de nature à porter, en l’espèce, une atteinte substantielle à son droit d’être entendue.

Mots-clés

Production des preuves; Droit à l'information; Composition de l'organe de recours interne

Considérant 10

Extrait:

Le Tribunal n’accueillera pas davantage l’argument tiré par la requérante d’une «usurpation de la compétence médicale par l’Administration», qui tient à ce que cette dernière avait affirmé, dans son mémoire en réponse devant le Conseil d’appel, que l’intéressée souffrirait d’un «sentiment de persécution». On ne saurait en effet déduire de l’usage de cette expression, comme le fait la requérante, que l’Organisation ait ainsi entendu porter une appréciation d’ordre médical sur son état de santé et insinuer qu’elle souffrirait de troubles mentaux.

Mots-clés

Appréciation des faits; Maladie

Considérant 11

Extrait:

La requérante est [...] fondée à faire valoir que l’UNESCO a méconnu, en l’espèce, les délais prévus par les dispositions régissant le déroulement de la procédure de recours et, de façon plus générale, que la durée de cette procédure a été excessive.
Il ressort, en effet, des pièces du dossier que l’audience du Conseil d’appel n’a pas eu lieu, comme le prescrit le paragraphe 14 des Statuts de ce conseil, «dans les plus brefs délais et dans les deux mois au maximum après [la réception de] la réponse [de l’administration]», puisqu’elle ne s’est tenue que le 17 mars 2016, alors que cette réponse avait été produite le 11 septembre 2014, soit plus d’un an et demi auparavant. En outre, si le paragraphe 19 desdits statuts prévoit que le rapport du Conseil d’appel doit être transmis à la Directrice générale, avec copie au fonctionnaire concerné, «le plus rapidement possible», ce rapport n’a en l’occurrence été établi que le 30 juin 2016 et n’a fait l’objet de cette transmission que le 7 juillet suivant, soit plus de trois mois et demi après l’audience, ce qui n’apparaît pas conforme à l’exigence de célérité ainsi requise. Enfin, la décision définitive de la Directrice générale, prise, comme il a été dit, le 16 janvier 2017, n’est ainsi elle-même intervenue que plus de six mois après la remise dudit rapport, alors que le paragraphe 20 des mêmes statuts prévoit que cette autorité «statue sur le cas le plus rapidement possible».
Certes, la défenderesse est fondée à faire observer que les retards ci-dessus mis en évidence sont en partie imputables à des initiatives prises par la requérante elle-même, telles des demandes de prolongation de délais de production de ses propres écritures, et qu’ils peuvent par ailleurs s’expliquer par la particulière complexité de l’affaire. Il importe en outre de tenir compte, à ce sujet, du fait que la décision finale de la Directrice générale a été précédée de tractations avec l’intéressée en vue d’une éventuelle résolution du litige à l’amiable, ce qui a évidemment conduit à en différer l’adoption.
Mais il n’en reste pas moins qu’il appartenait à l’Organisation de veiller plus strictement au respect des délais de procédure prévus par les Statuts du Conseil d’appel, qui s’imposent à elle en vertu du principe tu patere legem quam ipse fecisti, et que les négligences commises à cet égard ont contribué à prolonger abusivement la procédure de recours interne, dont la durée totale, soit environ trois ans et demi, est incontestablement excessive. Ces manquements ont causé à la requérante un préjudice moral appelant une légitime réparation (voir, pour des cas d’espèce comparables, les jugements 3688, au considérant 11, et 3935, précité, au considérant 16).

Référence(s)

Jugement(s) TAOIT: 3688, 3935

Mots-clés

Délai; Patere legem; Procédure interne

Considérant 14

Extrait:

M. E. Z. a formé, dans le cadre de l’affaire, une demande d’intervention. Mais, en vertu de l’article 13, paragraphe 1, du Règlement du Tribunal, une telle demande ne peut avoir pour objet que de rendre applicable le jugement statuant sur une requête à un fonctionnaire se trouvant dans une situation de droit et de fait similaire à celle du requérant. Or, en l’espèce, ni le fait que M. E. Z. ait déposé une plainte contre la directrice de l’Office dénonçant des agissements analogues à ceux allégués par la requérante, ni la circonstance qu’il ait lui-même introduit une autre plainte au nom de cette dernière, ne sauraient conduire à considérer qu’il se trouverait dans une situation de droit et de fait similaire à celle de l’intéressée justifiant que le présent jugement lui soit rendu applicable. Sa demande d’intervention sera donc rejetée.

Mots-clés

Intervention



 
Dernière mise à jour: 07.10.2021 ^ haut