Jugement n° 4481
Décision
1. La décision attaquée du 5 novembre 2019 est annulée. 2. L’OIT versera à la requérante des dommages-intérêts pour tort matériel d’un montant de 5 000 dollars des États-Unis. 3. L’OIT versera également à la requérante une indemnité pour tort moral d’un montant de 5 000 dollars des États-Unis, déduction faite des 3 000 dollars accordés dans la décision attaquée s’ils lui ont déjà été versés. 4. L’OIT versera à la requérante la somme de 1 000 dollars des États-Unis à titre de dépens. 5. Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Synthèse
La requérante conteste la décision de ne pas prolonger son engagement à la fin de sa période de stage.
Mots-clés du jugement
Mots-clés
Requête admise; Période probatoire
Considérants 3-4
Extrait:
Selon la jurisprudence du Tribunal, une décision de ne pas confirmer un engagement à la fin d’une période de stage relève du pouvoir d’appréciation et ne peut faire l’objet que d’un contrôle limité. Dès lors, le Tribunal n’exercera un contrôle que si elle émane d’un organe incompétent, est affectée d’un vice de forme ou de procédure, repose sur une erreur de fait ou de droit, omet de tenir compte de faits essentiels, est entachée de détournement de pouvoir ou tire du dossier des conclusions manifestement inexactes. Il ressort également de la jurisprudence que la décision de ne pas confirmer l’engagement d’un stagiaire peut être annulée si elle a été prise en violation des termes de son contrat, des Statut et Règlement de l’organisation ou des principes généraux du droit tels qu’énoncés par le Tribunal. Il est également de jurisprudence que les principes généraux visent à faire en sorte qu’une organisation internationale agisse de bonne foi et honore son devoir de sollicitude envers les stagiaires et son devoir de respect de leur dignité (voir, par exemple, le jugement 3440, au considérant 2). Concernant les limites du pouvoir d’appréciation pour confirmer l’engagement d’un stagiaire, il ressort de la jurisprudence du Tribunal que l’autorité compétente décide sur dossier de confirmer ou non l’engagement et dispose de la plus grande latitude possible pour décider si une personne fait preuve non seulement des qualifications professionnelles, mais aussi des qualités personnelles requises pour occuper le poste auquel elle doit être affectée. Le Tribunal ne censure la décision que s’il constate un vice particulièrement grave ou flagrant dans l’exercice que le Directeur général a fait de son pouvoir d’appréciation (voir, par exemple, le jugement 2599, au considérant 5). Le Tribunal a également rappelé, par exemple dans le jugement 4282, au considérant 2, que la raison d’être d’une période probatoire était de permettre à une organisation de déterminer si le fonctionnaire concerné était apte à s’acquitter des fonctions associées à un poste donné et, en conséquence, le Tribunal avait toujours reconnu qu’il y avait lieu de bien respecter le pouvoir d’appréciation qu’avait une organisation pour prendre des décisions ayant trait aux stages, notamment pour confirmer un engagement, prolonger une période de stage et définir ses propres intérêts et besoins.
Référence(s)
Jugement(s) TAOIT: 2599, 3440, 4282
Mots-clés
Période probatoire; Pouvoir d'appréciation
Considérant 11
Extrait:
La dernière phrase est conforme à la jurisprudence du Tribunal, qui impose à une organisation internationale de respecter ses propres procédures en matière d’évaluation de la performance. En effet, le Tribunal a déclaré ce qui suit dans le jugement 2414, au considérant 24: «Les considérations fondamentales qui amènent à conclure qu’une organisation doit respecter les règles qu’elle a édictées impliquent également qu’elle ne peut fonder une décision faisant grief à un fonctionnaire sur le fait que son travail n’est pas satisfaisant si elle n’a pas respecté les règles établies pour évaluer ce travail. De même que les décisions de ne pas accorder à la requérante ses augmentations de traitement ne pouvaient être justifiées par le carac tèreinsatisfaisant de son travail puisque les règles applicables n’avaient pas été respectées, les décisions de ne pas convertir ni renouveler son contrat ne peuvent elles non plus reposer sur une telle justification.»
Référence(s)
Jugement(s) TAOIT: 2414
Mots-clés
Patere legem; Evaluation
Considérant 13
Extrait:
[L]a requérante demande au Tribunal d’ordonner à l’OIT de la réintégrer et de prolonger son contrat à compter du 1er juillet 2018 pour couvrir toute période de congé de maladie certifié, à laquelle elle aurait pu avoir droit, et de l’autoriser à reprendre le travail et à achever sa période de stage une fois déclarée apte au travail. Toutefois, compte tenu du temps qui s’est écoulé depuis la cessation de service de la requérante et du fait que nul ne saurait affirmer avec certitude que sa nomination aurait été confirmée si les irrégularités susmentionnées n’avaient pas été constatées, le Tribunal estime qu’il n’y a pas lieu d’ordonner la réintégration demandée par la requérante. Celle-ci savait que la période de stage visait à évaluer son aptitude à occuper son poste et qu’elle était engagée à titre d’essai.
Mots-clés
Réintégration
Considérant 14
Extrait:
La requérante a [...] droit à des dommages-intérêts pour tort matériel à raison de la perte d’une chance d’obtenir la confirmation de sa nomination et la prolongation de son contrat. À ce titre, elle se verra octroyer une indemnité de 5 000 dollars des États-Unis.
Mots-clés
Tort matériel; Perte de chance
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