Jugement n° 3450
Décision
1. La décision attaquée du 31 août 2011 et la nomination contestée de Mme N. sont annulées conformément au considérant 12. 2. L’OIT versera à la requérante des dommages-intérêts d’un montant de 9 000 francs suisses. 3. Elle lui versera également 1 000 francs suisses à titre de dépens. 4. L’OIT tiendra Mme N. indemne de tout préjudice pouvant resulted de l’annulation de sa nomination. 5. Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Synthèse
Le Tribunal a annulé la nomination contestée car le droit de la requérante à bénéficier d'une procédure de concours correcte et transparente a été violé.
Mots-clés du jugement
Mots-clés
Requête admise; Préjudice; Annulation de la décision; Commission médicale; Réparation; Non-épuisement des voies de recours interne
Considérant 3
Extrait:
L’OIT demande que les première et troisième requêtes soient jointes dans la mesure où elles sont liées et se chevauchent sur le fond, suggestion rejetée par la requérante. Le Tribunal ayant déjà statué sur la première requête dans le jugement 3250 [...], la demande de jonction présentée par l’OIT est devenue sans objet.
Référence(s)
ILOAT Judgment(s): 3250
Mots-clés
Jonction
Considérant 7
Extrait:
De surcroît, «[e]n vertu d’une jurisprudence constante du Tribunal, tout fonctionnaire ayant vocation à occupier un emploi justifie ainsi d’un intérêt à demander l’annulation de la décision attribuant celui-ci à un tiers, quelles que soient les chances effectives qu’il aurait eues d’être lui-même nommé au poste en cause» (voir le jugement 3206, au considérant 11, et la jurisprudence citée).
Référence(s)
ILOAT Judgment(s): 3206
Mots-clés
Qualité pour agir; Intérêt à agir
Considérant 8
Extrait:
Le Tribunal a statué sur le sens qu’il convenait de donner à cette disposition et sa décision n’était pas une simple orientation. L’OIT a reconnu la compétence du Tribunal pour juger en dernier ressort en tant qu’instance judiciaire les recours introduits par ses employés. L’unique réserve figurant dans le Statut du Tribunal concerne la possibilité que la compétence du Tribunal fasse l’objet d’un examen par la Cour internationale de Justice. La reconnaissance de la competence du Tribunal lie l’organisation concernée, ses fonctionnaires et ses organs internes. Le principe du stare decisis est évoqué, quoique brièvement, dans le jugement 2220. Il veut que, pour des raisons de pratique juridique ou de courtoisie, le Tribunal suive sa propre jurisprudence et que celle-ci soit aussi opposable à des personnes ou à des organisations qui n’étaient pas parties au litige, à moins qu’il ne soit convaincu que cette jurisprudence est entachée d’une erreur de droit ou de fait ou qu’il existe une autre raison impérative justifiant qu’elle ne soit pas appliquée. Un autre aspect du principe du stare decisis profondément ancré dans de nombreux systèmes juridiques repose sur le fait que les instances judiciaires inférieures sont tenues d’appliquer les principes de droit (y compris en matière d’interprétation) établis par les juridictions supérieures. Ce principe n’a pas tant pour but de manifester la deference due aux juridictions supérieures que celui, bien plus important et fondamental, de garantir la cohérence du système et la sécurité juridique. Lorsqu’un juge ou des juges d’une instance inférieure considèrent qu’un principe établi ou une interprétation donnée par les juges d’une instance supérieure est erroné, voire manifestement faux, ils n’en sont pas moins tenus de les appliquer, ce qu’ils font. Les parties doivent en effet pouvoir prendre, en toute connaissance de cause, des décisions concernant leurs droits et l’opportunité d’initier ou de poursuivre une procédure. Il est donc essentiel que le droit soit stable, prévisible et certain. C’est pour cette raison que le Tribunal applique le principe du stare decisis lorsqu’il rend ses propres décisions. Les organes de recours interne et les instances investies du pouvoir de décision ne sont certes ni des tribunaux ni des juges. Néanmoins, pour les raisons évoquées ci-dessus, ils devraient se conformer aux principes établis par le Tribunal et suivre les interprétations données par le Tribunal des textes réglementaires applicables au personnel de l’organisation. Cela est nécessaire pour créer un régime juridique stable, prévisible et certain concernant les droits et obligations tant du personnel que des organisations. Si les organisations et leurs organes internes ne s’estimaient pas liés par les décisions du Tribunal, le résultat probable serait l’instabilité juridique et l’incertitude. En outre, d’un point de vue pratique, si une organisation ou ses organes internes décidaient de s’écarter de l’interprétation du Tribunal et que ce dernier nnulait la décision fondée sur une telle approche, des frais importants et des ressources considérables auraient vraisemblablement été engages afin de défendre, sans raison apparente, cette approche différente. Les organisations et leurs organes internes se doivent d’adopter l’interprétation des textes normatifs qui est faite par le Tribunal.
Référence(s)
ILOAT Judgment(s): 2220
Mots-clés
Précédent; Stare decisis
Considérants 10-11
Extrait:
Le Tribunal relève que Mme N. était au grade P.5 et a été mutée sans concours à un poste de grade P.4 en conservant le salaire et les avantages liés à son grade P.5. Sa mutation doit donc être considérée comme une mutation sans changement de grade, même si l’on pourrait y voir un déclassement ou une rétrogradation. Il convient de noter qu’en principe il ne semblerait pas être dans l’intérêt de l’OIT d’un point de vue financier d’attribuer des postes de grade inférieur à des fonctionnaires de grade supérieur, et que cela ne démontre pas non plus un respect particulier pour la dignité des fonctionnaires concernés. La requérante invoque la violation du principe d’égalité de traitement, soutenant qu’elle a été traitée différemment de Mme N. suite à la suppression de son poste. Le Tribunal ayant constaté que la nomination de Mme N. était irrégulière, il ne peut y avoir violation du principe d’égalité de traitement, car il ne saurait y avoir égalité dans l’illégalité.
Mots-clés
Egalité de traitement; Respect de la dignité; Mutation
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