Jugement n° 4018
Décision
1. Eurocontrol versera au requérant une indemnité de 80 000 euros. 2. Elle lui versera également la somme de 3 000 euros à titre de dépens. 3. Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Synthèse
Le requérant conteste la décision de ne plus lui verser l’allocation de dépaysement.
Mots-clés du jugement
Mots-clés
Requête admise; Indemnité compensatrice; Paiement
Considérant 1
Extrait:
[L]a requête, initialement dirigée contre une décision implicite de rejet de la réclamation qu[e le requérant] avait formée contre cette mesure, doit désormais être regardée comme visant à attaquer la décision explicite, prise en cours de procédure, [...] par laquelle le Directeur général a écarté cette réclamation comme infondée (voir, par exemple, les jugements 3667, au considérant 1, ou 3925, au considérant 2).
Référence(s)
ILOAT Judgment(s): 3667, 3925
Mots-clés
Décision implicite; Saisine directe du Tribunal; Décision attaquée
Considérant 2
Extrait:
La différence de régime applicable [...] entre les deux catégories de fonctionnaires concernés se justifie naturellement par le fait qu’une affectation dans un pays étranger présente, en règle générale, davantage de désagréments lorsque l’agent intéressé n’entretenait pas de liens préalables avec ce pays que lorsqu’il y avait déjà habité ou travaillé (voir, sur ce point, le jugement 2893, aux considérants 13 et 14).
Référence(s)
ILOAT Judgment(s): 2893
Mots-clés
Egalité de traitement
Considérant 6
Extrait:
Il ressort clairement du dossier que l’insertion dans cette lettre d’engagement de la clause prévoyant l’attribution au requérant de l’allocation de dépaysement résultait d’une intention délibérée des parties signataires, et non, comme tente de le soutenir aujourd’hui la défenderesse, d’une simple erreur administrative. Le requérant a en effet produit devant le Tribunal des courriels échangés avec le directeur de la Division technique qui établissent, sans aucune équivoque, que son recrutement avait été précédé d’une négociation portant en particulier, précisément, sur l’attribution de l’allocation de dépaysement et qu’il avait alors obtenu de l’administration d’Eurocontrol que cet avantage lui serait accordé, afin de lui permettre de conserver une rémunération proche de celle dont il bénéficiait auparavant dans le secteur privé. [...] De même, la circonstance, mise en avant par la défenderesse, que la lettre d’engagement de l’intéressé ne se référait pas expressément à un accord conclu entre les parties à ce sujet «en marge des dispositions réglementaires» n’implique en rien qu’un tel accord informel n’ait pas existé, sachant qu’on imagine mal qu’une organisation prenne soin de souligner elle-même dans un contrat le caractère illicite d’une de ses clauses. Au regard de ce qui précède, le Tribunal ne retiendra pas la thèse de l’Organisation selon laquelle l’insertion dans le contrat du requérant de la clause prévoyant l’avantage en litige tiendrait seulement à une erreur accidentellement commise dans l’application du paragraphe 1 de l’article 4 précité du Règlement d’application no 7. La défenderesse soutient, à cet égard, que l’administration du Centre de Maastricht aurait cru à tort que les prestations effectuées par l’intéressé sous forme de mise à disposition d’Eurocontrol par des sociétés privées avant son recrutement devaient être regardées comme des services accomplis pour une organisation internationale au sens de la disposition dudit paragraphe qui exclut la prise en considération de tels services pour la détermination du droit au bénéfice de l’allocation de dépaysement. Mais le Tribunal est d’avis, au vu du dossier, que cette prétendue méprise, quelque peu surprenante, visait tout au plus à justifier artificiellement l’octroi au requérant d’un avantage que l’Organisation avait en réalité sciemment décidé de lui accorder en méconnaissance du texte applicable afin de pouvoir lui proposer un niveau de rémunération propre à le convaincre d’accepter son engagement.
Mots-clés
Contrat; Intention des parties; Erreur de l'administration
Considérant 6
Extrait:
L’argument, invoqué par la défenderesse, selon lequel l’engagement ainsi pris au nom d’Eurocontrol serait sans valeur, dès lors qu’il ne l’avait pas été par le Directeur général lui-même, est manifestement dénué de toute pertinence. Outre que le chef exécutif d’une organisation internationale n’est évidemment pas la seule autorité habilitée à s’exprimer au nom de celle-ci dans le cadre d’une négociation de ce type, la question n’est pas ici de savoir si cet engagement était juridiquement valable, mais s’il avait effectivement été pris et est ainsi de nature à expliquer l’insertion de la clause en question dans le contrat du requérant, ce dont attestent, comme il a été dit, les courriels susmentionnés.
Mots-clés
Délégation de pouvoir
Considérants 7-8
Extrait:
[U]ne organisation internationale ne peut [...] légalement conclure un contrat d’engagement contenant ainsi une clause contraire aux dispositions statutaires ou réglementaires en vigueur. De telles dispositions s’imposent en effet à l’organisation qui les a édictées et prévalent, par suite, sur les stipulations des contrats conclus par celle-ci avec ses fonctionnaires (voir, par exemple, les jugements 1634, au considérant 19, ou 2097, au considérant 10). Il s’ensuit qu’une clause contrevenant [...] à des dispositions réglementaires présente un caractère illicite et ne peut, dès lors, trouver à s’appliquer, même si elle résulte clairement de la volonté des parties contractantes. Admettre le contraire conduirait en effet à permettre à une organisation de se soustraire, au cas par cas, au respect des dispositions régissant son personnel, ce qui porterait gravement atteinte à l’ordre juridique et, en particulier, au principe d’égalité de traitement des fonctionnaires. [...] Le rapprochement entre le présent litige et celui ayant donné lieu au jugement 3483, dans lequel le contrat d’engagement d’un fonctionnaire prévoyait l’attribution d’une indemnité dont la réglementation n’imposait pas l’octroi et que l’organisation concernée entendait refuser de verser, est particulièrement éclairant. Si, dans cette dernière affaire, le Tribunal a jugé que la clause contractuelle litigieuse devait trouver à s’appliquer, c’est en effet après avoir expressément relevé, au considérant 8 dudit jugement, que celle-ci n’avait pas été prévue illégalement, dès lors qu’une disposition réglementaire permettait en l’occurrence d’accorder l’indemnité en cause aux agents se trouvant dans la situation du fonctionnaire intéressé. Or, aucune disposition en vigueur ne permettait au contraire à Eurocontrol, dans la présente espèce, d’accorder au requérant le bénéfice de l’allocation de dépaysement.
Référence(s)
ILOAT Judgment(s): 1634, 2097, 3483
Mots-clés
Hiérarchie des normes; Statut et Règlement du personnel; Contrat
Considérant 10
Extrait:
[I]l n’est pas douteux, au vu du dossier, que la remise en cause de l’attribution de cette allocation, qui représentait une part substantielle de la rémunération de l’intéressé, portait en l’occurrence atteinte à une condition d’emploi fondamentale ayant été de nature à déterminer celui-ci à entrer au service d’Eurocontrol. Cette mesure était bien susceptible de s’analyser, en cela, comme la violation d’un droit acquis au sens de la jurisprudence du Tribunal issue notamment des jugements 61, 832 et 986 (voir, par exemple, les jugements 2696, au considérant 5, ou 3074, au considérant 16). Mais il est de principe que la garantie d’un droit acquis ne peut s’attacher qu’à un avantage juridiquement fondé (voir le jugement 1334, au considérant 23). La suppression d’un avantage injustifié ne saurait ainsi être considérée comme une atteinte à un tel droit acquis (voir les jugements 1241, au considérant 24, et 1446, aux considérants 13 et 14). Dans la mesure où, comme il a été dit plus haut, le versement au requérant de l’allocation de dépaysement résultait en l’espèce d’une stipulation contractuelle illicite, l’intéressé ne peut donc valablement revendiquer son maintien sur ce fondement juridique.
Référence(s)
ILOAT Judgment(s): 61, 832, 986, 1241, 1334, 1446, 2696, 3074
Mots-clés
Droit acquis
Considérant 14
Extrait:
[E]n insérant délibérément dans la lettre d’engagement du requérant, fût-ce à la demande de l’intéressé lui-même, une clause prévoyant que celui-ci percevrait l’allocation de dépaysement, alors qu’il ne pouvait légalement y prétendre, Eurocontrol a incontestablement commis une faute. Or, la remise en cause ultérieure de l’avantage ainsi indûment accordé au requérant, dont ce dernier croyait à tort pouvoir bénéficier et dont l’attribution avait même sans doute été l’un des éléments essentiels l’ayant déterminé à accepter son engagement, lui a occasionné un grave préjudice, qui trouve son origine première dans cette faute. Dès lors, l’intéressé est fondé à demander, ainsi qu’il le fait dans sa requête à titre subsidiaire, à obtenir réparation de ce préjudice sous forme de condamnation de l’Organisation au versement de dommages-intérêts.
Mots-clés
Dommages-intérêts; Contrat
Considérant 17
Extrait:
[Le requérant] demande au Tribunal de déclarer que, dans le cas où les sommes attribuées en vertu du présent jugement feraient l’objet d’une imposition nationale, il serait fondé à obtenir d’Eurocontrol le remboursement de l’impôt versé correspondant. Mais, en l’absence de litige né et actuel sur ce point, cette conclusion ne peut qu’être rejetée comme irrecevable (voir, par exemple, les jugements 3255, au considérant 15, ou 3424, au considérant 15).
Référence(s)
ILOAT Judgment(s): 3255, 3424
Mots-clés
Intérêt à agir; Impôt
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