Jugement n° 4381
Décision
La requête est rejetée.
Synthèse
La requérante conteste les modifications apportées à son traitement.
Mots-clés du jugement
Mots-clés
Décision de la CFPI; Droit acquis; Salaire; Requête rejetée
Considérant 2
Extrait:
La requérante demande que sa requête soit jointe à la requête formée par un autre fonctionnaire du PAM. La FAO ne s’y oppose pas. Toutefois, comme il ressortira du présent jugement et du jugement concernant l’autre fonctionnaire, les deux affaires portent chacune sur des aspects différents des traitements et sur des prestations spécifiques, dont l’examen pourrait aboutir à des analyses factuelles et juridiques distinctes. Cela tient en partie aux arguments que la FAO a présentés concernant la recevabilité de tous les aspects de la présente requête, que la requérante a formulée en termes généraux, ainsi que de la requête formée par l’autre fonctionnaire. La jonction des requêtes risquerait de jeter la confusion et d’occulter les véritables questions à traiter. La requérante semble partir du principe, tout comme l’autre fonctionnaire, qu’elle peut contester par la présente requête l’effet cumulatif de l’ensemble des modifications apportées aux traitements et prestations, et que l’autre fonctionnaire peut en faire de même dans sa propre requête. Or, comme il sera indiqué plus loin, elle fait erreur. En conséquence, les requêtes ne seront pas jointes, même si une grande partie des considérants du présent jugement reprennent ce qui est dit dans l’autre jugement.
Mots-clés
Jonction
Considérants 13-15
Extrait:
La notion de violation de droits acquis tire son origine du premier jugement rendu le 15 janvier 1929 par le Tribunal de céans, qui était alors le Tribunal administratif de la Société des Nations. Dans l’affaire di Palma Castiglione c. Bureau international du Travail, le Tribunal avait conclu que l’administration «a la pleine liberté d’édicter, en ce qui concerne son personnel, telle réglementation qui lui convient, sous réserve de ne point léser les droits acquis d’un membre quelconque du personnel». Au cours des décennies qui ont suivi, les critères servant de base à la reconnaissance et à la protection de droits acquis ont évolué et, en particulier, des principes ont été élaborés pour définir ce qu’est un droit acquis [...]. Les principes juridiques applicables ont récemment été résumés par le Tribunal dans le jugement 4195, au considérant 7: «Il résulte de la jurisprudence que, “[s]elon le jugement 61 [...], la modification d’une disposition au détriment d’un fonctionnaire et sans son consentement viole un droit acquis lorsqu’elle bouleverse l’économie du contrat d’engagement ou porte atteinte aux conditions d’emploi fondamentales qui ont déterminé l’agent à entrer en service” (voir le jugement 832, au considérant 13). Dans le jugement 832, au considérant 14 (cité en partie ci-dessous), le Tribunal a estimé que la réponse à la question de savoir si les conditions d’emploi modifiées ont ou non un caractère fondamental et essentiel est subordonnée à des considérations de trois ordres, qui sont les suivantes : 1) De quelle nature sont les conditions d’emploi qui ont changé ? “[E]lles peuvent résulter d’un texte statutaire ou réglementaire aussi bien que d’une clause du contrat d’engagement, voire d’une décision. Toutefois, tandis que les stipulations contractuelles et, le cas échéant, les décisions engendrent en principe des droits acquis, il n’en est pas nécessairement de même des dispositions statutaires ou réglementaires.” 2) Quelles sont les causes des modifications intervenues ? “[Le Tribunal] tiendra compte notamment du fait que les circonstances peuvent exiger de fréquentes adaptations des conditions d’emploi. Ainsi, lorsque telle disposition ou telle clause est liée à des facteurs sujets à variations, par exemple l’indice du coût de la vie ou la valeur de la monnaie, il contestera en général l’existence d’un droit acquis. De plus, il ne saurait faire abstraction de la situation financière des organisations ou des organismes appelés à appliquer les conditions d’emploi.” 3) Quelles sont les conséquences de la reconnaissance d’un droit acquis ou du refus de le reconnaître et les répercussions de la modification adoptée sur le traitement des fonctionnaires et les autres prestations qui leur sont accordées, et qu’en est-il de la situation des fonctionnaires qui font valoir un droit acquis par rapport à celle de leurs collègues ?» En outre, comme le Tribunal l’a récemment déclaré dans le jugement 4028, au considérant 13, les fonctionnaires des organisations internationales n’ont nullement droit à se voir appliquer, tout au long de leur carrière et pendant leur retraite, l’ensemble des conditions d’emploi ou de retraite prévues par les dispositions statutaires ou réglementaires en vigueur à la date de leur recrutement. Ces conditions peuvent, pour la plupart, être modifiées, même si, eu égard à la nature et à l’importance de la disposition en cause, le fonctionnaire peut se prévaloir d’un droit acquis à son maintien.
Référence(s)
ILOAT Judgment(s): 4028, 4195
Mots-clés
Droit acquis
Considérants 22-26
Extrait:
Il y a lieu de revenir sur un jugement et un arrêt rendus par des tribunaux du système des Nations Unies, bien que le Tribunal de céans ne soit pas lié par cette jurisprudence (voir, par exemple, le jugement 3138, au considérant 7). Il s’agit du jugement UNDT/2017/097 rendu par le Tribunal du contentieux administratif des Nations Unies (ci-après le «Tribunal du contentieux administratif») et de l’arrêt 2018-UNAT-840 du Tribunal d’appel des Nations Unies (ci-après le «Tribunal d’appel»), dans lequel ce dernier s’est prononcé sur l’appel interjeté contre le jugement susmentionné. Les procédures portaient sur une requête formée contre le barème des traitements unifié découlant du rapport annuel de la CFPI pour l’année 2015, c’est-à-dire le barème attaqué en l’espèce. Une des questions fondamentales qui se posait était celle de savoir si la suppression d’une composante «charges de famille» et l’effet de cette suppression constituaient une violation d’un droit acquis. L’approche retenue par le Tribunal du contentieux administratif l’a conduit à la conclusion qu’une telle violation avait été commise. De manière générale, dans son examen de cette question, le Tribunal du contentieux administratif a fait une application classique des principes reconnus et appliqués par une multitude de tribunaux administratifs internationaux, dont le Tribunal de céans. Le Tribunal d’appel a, quant à lui, suivi une approche différente. Après un examen long et détaillé des faits et de la jurisprudence, le Tribunal du contentieux administratif s’est penché sur la question de savoir s’il y avait eu violations d’un droit acquis. Le raisonnement du Tribunal du contentieux administratif a porté sur les points suivants. Le traitement des fonctionnaires concernés était un élément fondamental de leur contrat de travail respectif. Ils pouvaient légitimement s’attendre à ce qu’un élément aussi fondamental ne soit pas modifié sans leur consentement. Le droit au traitement s’étend nécessairement à son montant. L’équilibre entre les droits et obligations des parties se trouverait perturbé si une organisation était autorisée à modifier unilatéralement le montant du traitement. Le montant de leur traitement ayant augmenté au fil du temps, les fonctionnaires ont acquis le droit de percevoir le montant actualisé. Le montant des nouveaux traitements doit bénéficier de la même protection que les traitements initiaux. S’agissant du grief spécifique qu’il examinait, à savoir l’application d’un traitement minoré de la composante «charges de famille» et l’introduction d’un barème des traitements unifié, le Tribunal du contentieux administratif a tenu le raisonnement suivant. Le versement supplémentaire auquel avaient droit les fonctionnaires au titre des personnes à leur charge était auparavant une composante de leur traitement, qui est une condition d’emploi fondamentale et essentielle. En conséquence, il ne pouvait pas être unilatéralement diminué, ni supprimé, indépendamment de la raison du changement ou de ses effets. Le Tribunal du contentieux administratif a ensuite conclu que l’introduction d’une indemnité transitoire était insuffisante pour protéger les droits acquis des requérants. L’analyse du Tribunal du contentieux administratif se heurte à une difficulté en ce qu’il n’a pas suffisamment tenu compte du fait qu’une méthode permettant de calculer la rémunération d’un travail effectué, qui dépend d’un facteur sans rapport avec ce travail effectué, peut tout à fait être modifiée. Il convient de rappeler que l’un des éléments à prendre en considération pour déterminer s’il y a eu violation d’un droit acquis est la raison pour laquelle le changement a été apporté. Lorsqu’il s’est prononcé sur l’appel interjeté contre ce jugement, le Tribunal d’appel n’a de toute évidence pas souscrit au raisonnement ni à la conclusion du Tribunal du contentieux administratif. Une grande partie du raisonnement du Tribunal d’appel, qui est au cœur de sa conclusion, portait sur le sens de l’expression «droits acquis» figurant dans l’article 12.1 du Statut du personnel, lequel prévoyait que les dispositions du Statut peuvent être complétées ou modifiées «sans préjudice des droits acquis des fonctionnaires».
Référence(s)
ILOAT Judgment(s): 3138
Mots-clés
Décision de la CFPI; Jurisprudence d'autres tribunaux; Régime commun des Nations Unies
Considérant 28
Extrait:
[L]orsqu’il s’agit de déterminer si la violation d’un droit acquis est ou non avérée, une approche abstraite qui consisterait pour le Tribunal à examiner un «régime» révisé des traitements et prestations afin de pouvoir conclure que la modification d’un élément donné de ce régime, dont la contestation n’est pas directement soulevée dans le cadre d’un recours contre la feuille de paie, implique une violation ou une atteinte à un droit acquis ne trouve aucun soutien dans la jurisprudence. Une telle approche aurait pour conséquences logiques que la modification d’un élément donné, même minime ou entièrement justifiée, ou présentant les deux caractéristiques, pourrait être considérée comme violant un droit acquis du seul fait que d’autres modifications avaient été apportées à d’autres éléments du «régime». Or cette approche ne repose sur aucun principe, même si le Tribunal n’exclut pas qu’une situation puisse se présenter dans laquelle l’effet de la modification d’un nombre limité de prestations connexes pourrait être considéré comme un élément pertinent pour déterminer si une modification donnée constitue une violation d’un droit acquis.
Mots-clés
Droit acquis; Salaire
Considérant 29
Extrait:
[L]es motifs invoqués par la CFPI pour justifier les modifications qu’elle proposait d’apporter aux traitements et prestations et qui sont contestées en l’espèce étaient rationnels, logiques et crédibles. Ces motifs n’ont pas entraîné une suppression de la prestation, mais ont modifié les modalités, les raisons et les circonstances dans lesquelles la prestation doit être versée. En adoptant les modifications proposées (malgré l’opposition que leur proposition avait initialement suscitée), le PAM a respecté les obligations qui découlaient de son adhésion au régime commun des Nations Unies. Il s’agit là d’un motif valable de modification (voir le jugement 1446, au considérant 14), du moins en l’absence de toute irrégularité apparente qui entacherait la modification, sur le plan de la procédure ou du fond.
Référence(s)
ILOAT Judgment(s): 1446
Mots-clés
Décision de la CFPI; Salaire
Considérant 30
Extrait:
La jurisprudence du Tribunal admet que la modification d’une prestation peut se faire au détriment d’un fonctionnaire sans que cela constitue, en soi, une violation d’un droit acquis. Un élément supplémentaire était nécessaire, comme indiqué dans le premier paragraphe de la citation reproduite au considérant 14 ci-dessus: la requérante devait démontrer que l’économie du contrat d’engagement avait été bouleversée et que les modifications avaient porté atteinte à une condition d’emploi fondamentale qui l’avait déterminée à entrer en service. Le Tribunal estime que la requérante n’a pas démontré, en l’espèce, l’existence de cet élément supplémentaire à propos des modifications qu’elle conteste dans la présente procédure.
Mots-clés
Droit acquis
Considérant 31
Extrait:
[C]’est à la requérante qu’incombe la charge de prouver ses allégations (voir, par exemple, les jugements 4097, au considérant 17, et 3912, au considérant 13). À bien des égards, ses griefs sont vagues et manquent de clarté. Par exemple, elle ne précise pas la base sur laquelle elle avait par le passé reçu un traitement au taux prévu pour les fonctionnaires avec charges de famille. Il ressort des observations qu’elle formule dans sa requête qu’elle bénéficiait de la composante «charges de famille» non pas parce qu’elle avait un conjoint à charge mais parce qu’elle avait des enfants à charge. Or elle ne démontre pas que les calculs qu’elle a effectués d’une perte potentielle à venir en raison de la suppression de la composante «charges de famille» sont fondés, car, compte tenu de l’âge et de la situation de ses enfants, elle aurait bénéficié du taux prévu pour les fonctionnaires ayant des personnes à charge pendant toute la période couverte par les dispositions transitoires. Ce ne serait que dans le cadre d’une argumentation énoncée avec clarté et faisant référence à des faits prouvés ou non controversés que le Tribunal pourrait être convaincu de manière suffisante que des droits acquis ont effectivement été violés. Sans preuve concluante, le Tribunal ne saurait franchir un tel pas.
Référence(s)
ILOAT Judgment(s): 3912, 4094
Mots-clés
Charge de la preuve; Droit acquis
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