Jugement n° 4506
Décision
1. L’OMPI versera au requérant une indemnité de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts pour tort moral. 2. Elle lui versera la somme de 1 000 euros à titre de dépens. 3. Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Synthèse
Le requérant conteste la durée de la prolongation d’engagement qui lui a été offerte.
Mots-clés du jugement
Mots-clés
Requête admise; Prolongation de contrat; Haut fonctionnaire
Considérant 4
Extrait:
Il ressort de la jurisprudence du Tribunal qu’il incombe à l’Organisation de prouver que quiconque prend une décision est autorisé à la prendre, soit en vertu d’une disposition réglementaire, soit en vertu d’une délégation légale donnée par la personne investie de ce pouvoir en application de cette disposition (voir le jugement 2028, aux considérants 8, point 3), et 11). De plus, la jurisprudence du Tribunal admet certes que la décision du chef exécutif d’une organisation soit matériellement communiquée au fonctionnaire concerné, comme le veut d’ailleurs un usage répandu, par la voie d’un courrier signé du responsable de la gestion des ressources humaines. Mais il faut alors qu’il ressorte sans ambiguïté des termes de ce courrier, ou, à tout le moins, qu’il résulte clairement de l’examen des pièces du dossier, que la décision en cause a bien été prise par le chef exécutif lui-même (voir le jugement 4291, au considérant 17, et la jurisprudence citée). En l’espèce, la lettre du 29 février 2016 ne mentionnait pas de délégation de pouvoir ni le fait que la décision avait été prise au nom du Directeur général. En outre, l’Organisation n’a pas produit la moindre preuve établissant que la directrice adjointe du Département de la gestion des ressources humaines avait reçu de la part du Directeur général une délégation de pouvoir, que ce soit en général ou pour ce cas précis. L’OMPI se borne à affirmer ce qui suit dans son mémoire en réponse: «Le requérant soutient que rien ne prouve que la décision de prolonger son contrat de deux ans a été prise par le Directeur général, comme l’exigeaient les Statut et Règlement du personnel. Cette affirmation laisse l’Organisation perplexe, et celle-ci se demande comment le requérant peut croire que le Directeur général aurait signé une décision (en l’occurrence, la décision attaquée dans la présente requête) qui présenterait une version inexacte de ses propres actions antérieures (à savoir la décision de prolonger le contrat du requérant de deux ans). Sans autre preuve, l’Organisation demande respectueusement au Tribunal de ne pas tenir compte de cette affirmation.» Cet argument résulte clairement d’une confusion entre les exigences de forme et les conditions de fond qu’une décision administrative doit respecter. Comme l’a déclaré le Tribunal dans le jugement 2558, au considérant 4: «Qu[’une décision] soit justifiée ou non sur le fond ne dispense nullement l’autorité qui la prend d’examiner préalablement sa compétence et, en cas de réponse négative à cette question, de transmettre le dossier à l’autorité réglementairement compétente pour qu’elle rende sa décision. On comprend d’autant moins que cette exigence n’ait pas été respectée en l’espèce que la décision à prendre concernait la nomination d’un fonctionnaire à un poste directorial». Dans la présente affaire, la décision en cause risquait de compromettre le fonctionnement de toute une division de l’administration, car le requérant était le directeur de la Division de l’infrastructure du droit d’auteur, qui relevait du Secteur du droit d’auteur et des industries de la création. L’Organisation n’a pas fourni au Tribunal de délégation de pouvoir officielle accordée par le Directeur général à la directrice adjointe du Département de la gestion des ressources humaines, qui aurait autorisé celle-ci à fixer la durée de la prolongation du contrat. Ainsi, le Tribunal conclut que la décision du 29 février 2016 est entachée d’excès de pouvoir.
Référence(s)
ILOAT Judgment(s): 2028, 2558, 4291
Mots-clés
Délégation de pouvoir
Considérant 5
Extrait:
Il ressort de la jurisprudence du Tribunal qu’aussi longtemps que les règles ne sont ni modifiées ni abrogées, le principe tu patere legem quam ipse fecisti impose à l’Organisation de les appliquer (voir le jugement 4310, au considérant 9). En conséquence, l’alinéa c) de l’article 4.17 du Statut du personnel devait s’appliquer dans sa version en vigueur au moment des faits (2016), version restée en vigueur pendant près de quatre ans (de 2013 à 2017), car une organisation internationale a le devoir de respecter ses propres règles internes et d’agir d’une manière qui permette à ses employés d’avoir l’assurance que ces règles seront respectées (voir le jugement 3758, au considérant 15). S’agissant de l’interprétation de cet article dans sa version applicable, il convient de rappeler que,conformément à la jurisprudence du Tribunal, la règle primordiale est de donner aux mots leur sens évident et ordinaire (voir le jugement 1222, au considérant 4; voir également le jugement 4321, au considérant 4). Lorsque le texte est clair et sans équivoque (comme en l’espèce), le Tribunal l’appliquera sans renvoyer aux travaux préparatoires ou à l’intention supposée du rédacteur. Une interprétation stricte des textes constitue une garantie essentielle de la stabilité des situations juridiques et, par suite, du fonctionnement satisfaisant des services (voir le jugement 691, au considérant 9).
Référence(s)
ILOAT Judgment(s): 691, 1222, 3758, 4310, 4321
Mots-clés
Patere legem; Interpretation des règles
Considérant 7
Extrait:
En théorie, le requérant aurait droit à des dommages-intérêts pour tort matériel à raison de la perte d’une chance de voir son contrat prolongé pour plus de deux ans. Mais, étant donné que le 1er octobre 2018 il a été mis fin à l’engagement du requérant pour raisons de santé, le Tribunal considère que la perte de chance n’est pas prouvée [...].
Mots-clés
Perte de chance
Considérant 10
Extrait:
S’agissant de la conclusion relative à l’octroi de dommages-intérêts punitifs et exemplaires, le requérant n’a pas présenté d’éléments de preuve ni d’analyse susceptibles de démontrer un parti pris, la malveillance, l’animosité, la mauvaise foi ou d’autres desseins répréhensibles qui justifieraient l’octroi de dommages-intérêts exemplaires (voir, par exemple, les jugements 3419, au considérant 8, et 4286, au considérant 19). Cette conclusion est donc sans fondement.
Référence(s)
ILOAT Judgment(s): 3419, 4286
Mots-clés
Dommages-intérêts punitifs; Dommages-intérêts exemplaires
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