Jugement n° 2879
Décision
1. La décision du Directeur général du 28 novembre 2008, ainsi que ses décisions antérieures du 15 octobre et du 12 novembre 2007 sont annulées. 2. L'OMPI versera à la requérante des dommages-intérêts pour tort moral d'un montant de 40 000 francs suisses. 3. Elle retirera du dossier de la requérante, dans un délai de sept jours après le prononcé du présent jugement, toutes les références à la procédure disciplinaire et tous les documents s'y rapportant. 4. L'Organisation adressera à l'ensemble de son personnel, dans un délai de sept jours après le prononcé du présent jugement, un courriel indiquant que, s'agissant de son courriel du 15 novembre 2007 concernant la fonctionnaire qui avait été considérée comme responsable de la publication de l'article dans Le Matin Dimanche du 3 décembre 2006, cette fonctionnaire a été totalement innocentée et que les sanctions disciplinaires ont été levées. 5. L'OMPI versera à la requérante 10 000 francs à titre de dépens. 6. Le surplus des conclusions est rejeté.
Considérant 11
Extrait:
La requérante a été accusée de faute en relation avec la publication d'un article qui donnait une mauvaise image de l'Organisation et portait atteinte à la réputation du Directeur général, ainsi qu'à celle de ses anciens supérieurs. Des mesures disciplinaires lui ont été imposées, y compris une rétrogradation et une interdiction de promotion pendant trois années consécutives. Elle a contesté ces mesures en niant toute responsabilité pour la publication de l'article et en considérant qu'elles avaient pour seul objectif de retarder sa promotion, même si cette dernière avait été ordonnée par le Tribunal dans le jugement 2706. Le Tribunal a estimé que les preuves apportées étaient loin d'établir que la requérante était responsable. "La question déterminante en l'espèce concerne essentiellement la conclusion selon laquelle la requérante était responsable de la publication de l'article. Il est bien établi que la personne accusée d'un comportement fautif est présumée innocente. Il est également bien établi que c'est à l'accusateur que revient la charge de la preuve. L'OMPI ne nie pas devoir s'acquitter de cette charge mais soutient que le niveau de preuve à appliquer est celui des «présomptions précises et concordantes». Le Tribunal n'accepte pas ce point de vue. Dans le jugement 2786, au considérant 9, il a estimé qu'en cas de faute la norme de la preuve veut qu'il ne subsiste raisonnablement aucun doute."
Référence(s)
Jugement(s) TAOIT: 2786
Mots-clés
Responsabilité; Preuve; Charge de la preuve; Présomption d'innocence; Bénéfice du doute; Faute; Partialité
Considérant 14
Extrait:
"[I]l n'incombe pas au Tribunal d'établir les faits ni de se prononcer sur la question de la culpabilité. Son rôle est plutôt de déterminer si la décision prise par le Directeur général est bien fondée."
Mots-clés
Tribunal; Contrôle du Tribunal; Limites
Considérant 20
Extrait:
"Le Tribunal conclut que l'avis rendu par le Comité consultatif mixte et approuvé par la suite par le Directeur général, selon lequel la requérante était responsable de la publication de l'article, était vicié par le fait que les éléments d'information n'ont pas été examinés en appliquant la norme de preuve appropriée, par une erreur de droit et par le fait que l'on a tiré des conclusions faisant grief à l'intéressée sans que celles ci soient corroborées par les faits. Il s'ensuit que la décision attaquée doit être annulée."
Mots-clés
Décision; Responsabilité; Appréciation des preuves; Contrôle du Tribunal
Considérant 22
Extrait:
"[U]n courriel a été adressé à tous les membres du personnel de l'OMPI concernant l'article paru dans le journal. Il y était dit que les allégations rapportées dans la presse s'étaient révélées fausses. Il y était dit également que, compte tenu de la gravité de l'infraction au Statut et au Règlement du personnel et aux Normes de conduite requises des fonctionnaires internationaux, des sanctions étaient infligées à la fonctionnaire concernée. Même si la requérante n'était pas nommée, nombreux étaient les membres du personnel qui savaient pertinemment qu'on la soupçonnait d'avoir un lien avec l'article en question. Ce courriel constituait donc une violation de la vie privée de l'intéressée et un affront à sa dignité."
Référence(s)
Référence aux règles de l'organisation: Statut et Règlement du personnel; Normes de conduite requises des fonctionnaires internationaux
Mots-clés
Respect de la dignité; Sanction disciplinaire
Considérant 15
Extrait:
Le Tribunal fait observer qu’à aucun moment au cours des diverses procédures il n’a été établi que la requérante était elle-même la source de l’article. Comme il a déjà été indiqué, le Comité consultatif mixte, dans son rapport du 26 juillet 2007, a recensé deux considérations principales qui l’ont amené à conclure que la requérante était responsable. S’agissant de la première considération et de l’argument tiré de la procuration, il y a lieu de noter que celle-ci se limitait à autoriser Me A. à prendre des mesures légales et qu’elle devait s’entendre eu égard aux devoirs professionnels définis dans les us et coutumes de l’Ordre des Avocats de Genève. Si Me A. était effectivement la source du journaliste, cela était clairement contraire à son devoir professionnel et les pouvoirs accordés par la procuration avaient manifestement été outrepassés. Par conséquent, conclure que l’octroi d’une procuration rendait la requérante responsable de l’article constitue une erreur de droit.
Mots-clés
Procuration
|