Jugement No 90 (TAOIT) - Tribunal administratif

Traduction du Greffe, seul
le texte anglais fait foi.

QUINZIEME SESSION ORDINAIRE

Affaire PRASAD

Jugement No 90

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF,

Vu la requż contre l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, formżpar le sieur Prasad, Ram, en date du 12 juin 1965, et la rżnse de l'Organisation en date du 4 aożt 1965;

Vu les Articles II et VIII du Statut du Tribunal, l'article 301.091 du Statut du personnel de l'Organisation, et la disposition 314.221 de son Manuel administratif;

Aprżavoir procż ż'examen des piżs du dossier, la procżre orale n'ayant ż ni sollicitżpar les parties, ni ordonnżpar le Tribunal; Vu les piżs du dossier, d'où ressortent les faits suivants :

A. Le requżnt a ż nommżembre du personnel de la F.A.O. Le 14 novembre 1951, en qualitże portier au grade G.1, au Bureau de New Delhi. L'engagement du requżnt a ż converti en engagement permanent żompter du 1er mai 1961. Le 1er janvier 1963, son poste de portier de grade G.1 a ż reclassżomme poste de chauffeur-messager au grade G.2. Aux fins de l'exercice de ses fonctions de chauffeur-messager, le requżnt utilisait une motocyclette lżre appartenant ż'Organisation.

B. Le 7 janvier 1963, le requżnt reçut un chże de 1.000 roupies afin de retirer des espżs ża banque. Il remit l'argent au sieur Singh, l'assistant administratif, qui, aprżl'avoir comptżne trouva que 99 billets de dix roupies. Sur quoi, le requżnt fouilla ses poches et y trouva un autre billet de dix roupies qu'il remit au sieur Singh. Le sieur Singh avança que des incidents de ce genre s'żient produits żlusieurs occasions et que le requżnt les avait expliqużen dżarant qu'il rżrtissait les billets dans ses diffżntes poches afin de ne pas s'exposer żerdre toute la somme s'il venait żtre volżA la suite de cet incident, le sieur Hachiya, fonctionnaire chargże l'administration, adressa au requżnt une rżimande żite dans laquelle il lui disait qu'ż'avenir, lorsqu'il serait chargże retirer des sommes en espżs, il devrait se montrer soigneux et compter les billets avant de les remettre żui que ce soit.

C. Le 29 janvier 1963, le sieur Hachiya remit au requżnt une rżimande żite relative ż'utilisation de l'adresse du Bureau żes fins privż, dans laquelle il żit donnżnstruction au requżnt de prendre immżatement les mesures voulues pour modifier l'adresse dont il se servait żes fins privż.

D. Le 2 aożt 1963, le requżnt, alors qui il conduisait la motocyclette de l'Organisation sur la route de Lodhi, żelhi, entra en collision avec un cycliste qui dżuchait d'une ruelle. Le requżnt fut lżrement blessżt resta en congżaladie pendant deux semaines. Comme le cycliste n'avait subi que des blessures superficielles, l'affaire fut rżżż'amiable. L'Organisation avance que le rapport żbli par la police (lequel n'a pas ż soumis au Tribunal) attribuait la responsabilitżrincipale l'accident au requżnt du fait d'un excżde vitesse. Cependant, aucune poursuite pżle ne fut engagżcontre lui. Interrogżar le sieur Hachiya, le requżnt reconnut qu'żne prżdente occasion dont la date n'est pas prżsż il s'żit vu infliger une amande pour infraction lżre aux rżes de la circulation. Le sieur Hachiya adressa au requżnt une rżimande żite dans laquelle il l'invitait żtiliser sa motocyclette avec prudence et żviter les excżde vitesse.

E. Le 30 septembre 1963, un diffżnd survint entre le requżnt et le sieur Singh sur le point de savoir si le requżnt avait perçu son traitement pour le mois de septembre. Tandis que le sieur Singh affirmait qu'il avait payże traitement le 27 septembre, le requżnt le niait. Le sieur Hachiya, estimant que c'żit le requżnt qui faisait preuve de malhonnżtżlui enjoignit de ne pas se prżnter au Bureau żartir du 2 octobre et jusqu'żouvel avis. Le requżnt sollicita le Reprżntant rżonal adjoint par intżm ża Nouvelle-Delhi, le sieur Cedric Day, d'ouvrir une enquż.

F. Le 18 octobre 1963, le sieur Hachiya żivit au Directeur du personnel de la F.A.O. żome pour l'informer des incidents susrappelżet lui indiquait qu'il dżrait renvoyer le requżnt parce que, en se mżnt journellement aux affaires de maniż intempestive, il faisait mauvaise impression sur les autres membres du personnel local. L'auteur ajoutait qu'il avait suivi attentivement le travail du requżnt au cours des onze mois żulżet qu'il le considżit comme non satisfaisant. En consżence, le requżnt fut informżue, comme diffżnts faits constitutifs d'inconduite żient venus ża connaissance de l'Organisation, il żit officiellement suspendu de ses fonctions, żompter du 25 octobre 1963, aux fins d'enquż.

G. Entre-temps, le 1er octobre 1963, c'est-żire le jour où le requżnt avait ż suspendu pour la premiż fois, żaison de soupçons de malhonnżtżil pżtra avec sa motocyclette dans une rue żens unique dans la Direction prohibż Il s'en est excusżur le fait qu'il n'avait pas remarqużu'il s'agissait d'une rue żens unique. L'Organisation n'eut connaissance de cette infraction que le 4 novembre 1963, lorsque parvint un avis de la police. Il ne semble pas que le requżnt ait fait, żette occasion, l'objet de poursuites.

H. A la suite de son enquż, le sieur Day ne put parvenir żne conclusion ferme concernant le diffżnd relatif au paiement du traitement du requżnt et ce traitement fut, en fait, versżu requżnt żitre gracieux. Dans son rapport, le sieur Day traita en dżil des incidents susmentionnżainsi que du grief gżral de conduite insatisfaisante. A ce sujet, il indiqua que la conduite du requżnt et son attitude au cours des trois derniżs annż s'żient progressivement dżriorż et que ses supżeurs avaient dż le rżimander pour nżigence, dżbżsance, rżlcitrance et insolence. Il indiquait que le requżnt s'żit montrżrritable et agressif ż'żrd des membres du personnel local de rang supżeur, et qu'en dżt d'avertissements rżtż il s'żit rendu coupable d'arriver en retard, de partir avant l'heure, de ne pas revenir de ses courses, de dżsser son congżnnuel et de s'accorder des pauses immodżes pendant les heures de travail.

Le Tribunal a constatżu'aucune dżaration żnant de personnes se plaignant de la conduite du requżnt żes divers żrds ne lui a ż soumise, qu'aucun incident particulier n'a ż articulżt qu'aucune rżimande żite n'a ż adressżau requżnt że sujet. Il semble que la pratique d'adresser des rżimandes żites n'ait ż introduite au Bureau de Delhi qu'żartir de 1963.

I. Le requżnt nie żrgiquement s'że rendu coupable des fautes de conduite dżites ci-dessus. Il invoque le fait que les apprżations de ses services, dont la derniż date du 13 mars 1962, n'ont jamais ż dżvorables. Il invoque żlement le fait qu'au 1er janvier 1963, il a ż reclassżu grade G.1 au grade G.2. L'Organisation a fait valoir que ce reclassement a eu lieu parce que le poste dont le requżnt żit titulaire avait lui-mż ż reclassże portier G.1 żhauffeur-messager de grade G.2, et dżare qu'ża date de ce reclassement il avait ż dżdże conserver le requżnt dans le poste qu'il occupait plutôt que de le transfżr żn autre poste par ce qu'il żit le plus âgżt le plus ancien des fonctionnaires pouvant prżndre że nouveau poste.

J. Le 6 avril 1964, le Reprżntant rżonal adjoint notifia au requżnt la dżsion de rżlier son engagement, avec effet immżat pour raison de services non satisfaisants, et dżarait qu'en prenant cette dżsion il avait tenu compte en particulier des cas de services non satisfaisants sur lesquels l'attention du requżnt avait ż attirż tels que le manque de prudence dans le maniement des fonds qui lui avaient ż confiż le fait de conduire imprudemment, les accidents dans lesquels il avait ż impliqużt le manque d'esprit de collaboration dont il avait tżignżnvers ses supżeurs et ses collżes, faits qui, tous, rendaient son travail infżeur ża norme acceptable.

K. Par lettre du 18 avril 1964, le requżnt demanda au Directeur gżral de rżaminer la dżsion de rżlier son engagement et, le 18 mai 1964, le Directeur gżral lui rżndit qu'il maintenait sa dżsion. Sur quoi, le requżnt en appela au Comitż'appel de la F.A.O., lequel examina son cas le 19 novembre 1964 et formula une recommandation aux termes de laquelle, aprżun examen attentif de tous les aspects de la cause, le Comitżecommandait instamment que le Directeur gżral rżamine sa dżsion de rżlier l'engagement du requżnt. Le Directeur gżral estima qu'il ne pouvait suivre cette recommandation du Comitż'appel, mais, par lettre du 18 mars 1965, laquelle parvint au requżnt le 5 avril 1965, le Directeur gżral informa celui-ci que, tout en maintenant sa dżsion de rżlier son engagement, il żit disposż transformer le renvoi pour services non satisfaisants en rżliation prononcżdans l'intżt de la bonne marche de l'administration de l'Organisation, avec augmentation des indemnitżde fin de services qui en rżlteraient. Aux termes de l'article 301.0911 du Statut du personnel, une telle mesure ne peut że prise qu'ża condition de n'że pas contestżpar le fonctionnaire intżssżLe requżnt dżina cette offre et, saisissant le Tribunal, conclut ż'annulation de la dżsion de rżlier son engagement et ża rżtżation. L'Organisation sollicite le Tribunal de dire que la dżsion du Directeur gżral de rżlier l'engagement du requżnt pour services non satisfaisants est conforme aux dispositions pertinentes du Statut du personnel, du Rżement du personnel et du Manuel administratif, et de rejeter la requż.

CONSIDERE:

1. L'article 301.091 du Statut du personnel prżit que le Directeur gżral peut mettre fin ż'engagement d'un membre du personnel titulaire d'une nomination żitre permanent si les services de l'intżssże donnent pas satisfaction . La disposition 314.221 du Manuel administratif relative ża rżliation d'engagements pour services non satisfaisants porte que l'engagement d'un fonctionnaire peut że rżliżn suite d'un avertissement żit pour avoir manquże s'acquitter des fonctions qui lui avaient ż assignże d'une maniż satisfaisante (par exemple par manque d'aptitude, de compżnce ou d'adaptation aux exigences du poste).

2. Pour rżndre aux exigences de la disposition 314.221 du Manuel administratif, selon laquelle un avertissement żit portant sur le dżut d'accomplissement des fonctions assignż est exigżl'Organisation fait valoir les trois rżimandes mentionnż aux paragraphes B, C et D de l'exposżes faits.

Quant ża premiż, il n'est pas soutenu qu'aprżcette rżimande, il y ait eu lieu de se plaindre du maniement des espżs. Quant ża seconde, cette rżimande portait sur un incident qui n'est pas invoqużomme preuve de services non satisfaisants et, de plus, il n'est pas allżżue les injonctions que cette rżimande contenait n'aient pas ż observż.

Dżlors, la seule rżimande qu'il convienne de prendre en considżtion est celle portant sur l'excżde vitesse, postżeurement żaquelle le requżnt pżtra par nżigence dans une rue żens unique.

3. Le Tribunal constate qu'aucun des incidents particuliers mentionnżci-dessus n'est invoqużomme żnt par lui-mż de nature żustifier la rżliation de l'engagement du requżnt. Ces incidents sont prżntżcomme preuve de services non satisfaisants. Il n'est pas besoin pour le Tribunal d'examiner si, pris dans leur ensemble, et compte tenu d'une pżode de service de douze annż, ces incidents constituent des preuves suffisantes, ou si le grief gżral de manque d'esprit de collaboration est prouvż suffisance, ou la mesure dans laquelle le Tribunal est appelżdans un cas de ce genre, żontrôler les dżsions du Directeur gżral.

4. Il suffit, pour trancher le litige, de se fonder sur l'absence d'avertissement żit exigżux termes de la disposition 314.221 du Manuel administratif, avertissement qui est en effet indispensable en vue de protżr les agents contre un renvoi soudain pour un grief d'ordre gżral. Un avertissement est diffżnt d'une rżimande. Il ne suffit pas que l'employeur soit en mesure d'indiquer plusieurs cas dans lesquels, au cours d'une longue pżode, des reproches ont ż formulż L'objet de la disposition susvisżest d'assurer qu'un agent soit informże la maniż dont ses services, pris dans leur ensemble, se rżlent insatisfaisants, et soit averti que, faute d'y porter remż, il court le risque de se voir renvoyżUn rappel ż'ordre invitant żaire preuve de prudence dans la conduite d'un vżcule et d'żter les excżde vitesse n'est pas un avertissement, dont la mżnnaissance suffit żustifier un renvoi pour services non satisfaisants.

Par ces motifs,

DECIDE:

La dżsion du 18 mars 1965 de rżlier l'engagement du requżnt pour services non satisfaisants est annulż

Ainsi jugżt prononcż Genż; en audience publique, le 6 novembre 1965, par M. Maxime Letourneur, Prżdent, M. Andrżrisel, Vice-prżdent, et le trżhonorable Lord Devlin, P.C., Juge, lesquels ont apposżeur signature au bas des prżntes, ainsi que nous, Lemoine, Greffier du Tribunal.

Signatures :

M. Letourneur

Andrżrisel

Devlin

Jacques Lemoine

Mise żour par PFR. Approuvżpar CC. Derniż modification: 7 juillet 2000.