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GB.270/3/1
270e session
Genève, novembre 1997


TROISIÈME QUESTION À L'ORDRE DU JOUR

Suivi de la discussion du rapport du Directeur général
à la 85
e session (1997) de la Conférence internationale du Travail

a) Inclusion dans l'ordre du jour de la 86e session (1998)
de la Conférence internationale du Travail
d'une question concernant une déclaration
sur les droits fondamentaux des travailleurs

1. A sa 269e session (juin 1997), le Conseil d'administration a décidé de placer à l'ordre du jour de sa 270e session (novembre 1997) une question relative au suivi de la discussion du rapport du Directeur général à la 85e session (1997) de la Conférence internationale du Travail. A ce titre, il aura à examiner s'il y a lieu d'inscrire à l'ordre du jour de la 86e session de la Conférence, qui se tiendra en 1998 -- année du cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme et de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 -- une question supplémentaire concernant une déclaration sur les droits fondamentaux, y compris son mécanisme de suivi.

2. On trouvera dans un document distinct soumis au Conseil d'administration un résumé des différents points de vue sur cette déclaration et sur son suivi qui ont été exposés à la Conférence(1) . Depuis la 85e session de la Conférence et la 269e session du Conseil d'administration, des consultations ont eu lieu entre les mandants de l'OIT et le Bureau. Le présent document reflète les différentes observations qui ont été faites lors de ces consultations, surtout lorsqu'il y avait une certaine convergence de vues. Il aborde les questions suivantes:

A. Pourquoi une déclaration?

B. Quels droits fondamentaux?

C. Avec quel suivi?

D. Par quels organes?

3. Le présent document comporte deux annexes: une brève description des mécanismes de contrôle existants, et une note technique sur les procédures prévues à l'article 19.

4. Ce document ne prétend pas formuler une proposition unique au sujet des deux points essentiels que sont le contenu de la déclaration et son suivi. Il vise plutôt à préciser les éléments de base à partir desquels il sera possible de poursuivre le travail sur ces deux points, si le Conseil d'administration souhaite aller de l'avant, en vue de sa 271e session en mars 1998. Ces éléments devraient être suffisamment étoffés pour permettre au Conseil d'administration de conclure qu'une question concernant une déclaration et son mécanisme de suivi peut être inscrite à l'ordre du jour de la 86e session de la Conférence, auquel cas un projet de déclaration serait préparé pour la 271e session du Conseil (mars 1998) à l'issue de consultations approfondies, les détails du mécanisme de suivi pouvant être définis à cette même session.

5. La documentation destinée à la 271e session du Conseil d'administration sera préparée en consultation étroite avec tous les mandants, compte dûment tenu de leurs vues et observations.

A. Pourquoi une déclaration?

6. Une déclaration sur les droits fondamentaux aurait pour objet, d'une part, de reconnaître expressément, par un texte solennel qui serait approuvé par la Conférence internationale du Travail, que la communauté internationale est unanime à admettre l'importance particulière que revêtent un certain nombre de droits fondamentaux dans le contexte mondial actuel et, d'autre part, de marquer l'adhésion des mandants de l'OIT aux efforts visant à renforcer l'application universelle de ces droits par l'Organisation.

7. A cette fin, la déclaration viserait à réaffirmer, à la lumière des faits nouveaux intervenus depuis la Déclaration de Philadelphie, le sens et la portée des engagements auxquels l'ensemble des Etats Membres ont souscrit en acceptant librement d'adhérer à la Constitution de l'OIT, et à reconnaître que les valeurs fondamentales énoncées dans la Constitution et dans la Déclaration de Philadelphie imposent aux Membres l'obligation d'œuvrer en faveur de leur réalisation. Même lorsque des Membres ne sont pas encore prêts à ratifier telle ou telle convention adoptée par la Conférence internationale du Travail qui consacre ces droits, ils reconnaîtraient par cette déclaration qu'ils se sont engagés à éliminer progressivement, selon leurs possibilités et leurs ressources, les situations qui sont incompatibles avec leurs principes.

8. Le terme «déclaration» reflète bien cette intention. Selon une source faisant autorité, une déclaration est, en droit international, un «instrument formel et solennel, qui se justifie en de rares occasions quand on énonce des principes ayant une grande importance et une valeur durable»(2) .

9. Il convient de rappeler en particulier que le Sommet mondial pour le développement social, tenu à Copenhague en mars 1995, a fait deux déclarations solennelles qui ont un rapport avec la discussion sur une éventuelle déclaration et son mécanisme de suivi. L'engagement 3(i) du Sommet auquel les chefs d'Etat et de gouvernement ont souscrit se lit comme suit:

Au paragraphe 54 b) du Programme d'action adopté par le Sommet, il est dit que les gouvernements devraient, pour améliorer la qualité du travail et de l'emploi:

10. Il doit être clair qu'il ne serait pas question de rendre applicables aux Etats qui ne les auraient pas ratifiées les obligations afférentes à des conventions fondamentales. Dans sa réponse à la discussion de son rapport à la 85e session de la Conférence, le Directeur général avait déjà insisté à cet égard sur le fait:

11. Cette réaffirmation de la portée des engagements constitutionnels comporterait une double dimension indissociable: d'un côté, l'engagement des Etats Membres de promouvoir le respect de ces principes; et, de l'autre, celui de l'Organisation de les y aider par les différents moyens dont elle dispose, y compris les services de conseil et la coopération technique. On devrait garder plus particulièrement à l'esprit cette capacité unique qu'a l'OIT de s'appuyer sur ses mandants tripartites tout au long de ce processus.

12. Puisqu'il s'agirait de promouvoir et d'évaluer les efforts qui sont faits -- c'est-à-dire les progrès réalisés dans le sens de la mise en œuvre des principes fondamentaux -- et non de vérifier si la législation et la pratique nationales sont conformes aux dispositions de fond des conventions pertinentes, il n'y aurait pas lieu de définir de manière précise le contenu de ces principes dans une déclaration (contrairement à ce qui serait le cas pour des instruments qui, une fois ratifiés, créent des obligations de résultat). Les principes devraient être énoncés de manière à permettre d'apprécier le sens des évolutions.

B. Quels droits fondamentaux?

a) Fondement et portée de la distinction
entre les droits fondamentaux et les autres droits

13. La Constitution de l'OIT a toujours reconnu que la manière dont il est donné effet à certains droits peut varier selon le niveau de développement économique, tout en précisant qu'il y a des droits et des principes dont le respect est essentiel pour les objectifs de l'Organisation. C'est ainsi qu'à l'article 41 de la Constitution originelle, souvent cité au cours des débats récents, les Hautes Parties Contractantes ...

Toutefois, elles déclarent aussi que:

14. Les Parties ont affirmé que «parmi ces méthodes et principes» il y en a qui paraissent être «d'une importance particulière et urgente». Le premier de ces principes est celui qui dit que le travail ne doit pas être considéré comme une marchandise ou un article de commerce.

15. La Déclaration de Philadelphie confirme cette distinction: elle réaffirme (art. I) «les principes fondamentaux sur lesquels est fondée l'Organisation», au premier rang desquels elle fait figurer: a) le principe selon lequel le travail n'est pas une marchandise, et b) l'affirmation que la liberté d'expression et d'association est une condition indispensable d'un progrès soutenu.

16. Les débats engendrés par l'interdépendance croissante des économies et des sociétés ont depuis fait apparaître plus clairement les raisons pour lesquelles certains droits des travailleurs doivent effectivement être reconnus comme fondamentaux, indépendamment du niveau de développement. Ces droits conditionnent d'une certaine manière tous les autres, dans la mesure où ils donnent à l'ensemble des travailleurs les outils nécessaires pour rechercher librement l'amélioration de leurs conditions individuelles et collectives de travail en tenant compte des possibilités de chaque pays.

b) Les implications concrètes de la distinction

17. La détermination des droits qui répondent à ces critères fait aujourd'hui l'objet d'un consensus qui dépasse le cadre de l'OIT. Il suffira à cet égard d'évoquer la déclaration adoptée par le Sommet de Copenhague, déjà mentionnée au paragraphe 9 ci-dessus. Les principes concernant l'interdiction du travail forcé et du travail des enfants, la liberté syndicale et le droit d'organisation et de négociation collective, l'égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale et la non-discrimination dans l'emploi ont été élaborés par la Conférence internationale du Travail et sont inscrits dans les dispositions de sept conventions fondamentales, qui font actuellement l'objet d'une campagne de ratification (sans préjuger de la possibilité d'ajouter à cette liste un nouvel instrument sur les formes les plus intolérables du travail des enfants), à savoir:

18. Toutes les dispositions de ces conventions correspondent à des principes qui figurent soit dans le Préambule de la Constitution, soit dans l'article 41 de la Constitution d'avant-guerre, ou bien dans la Déclaration de Philadelphie. Bien que l'interdiction du travail forcé ne soit expressément mentionnée dans aucun texte constitutionnel, elle semblerait découler nécessairement des valeurs et principes qui y sont énoncés(3) . Elle peut notamment être déduite de l'article II a) de la Déclaration de Philadelphie, aux termes duquel:

19. Il y a donc bien un solide fondement constitutionnel à l'inclusion dans la déclaration des quatre ensembles de principes susmentionnés. Si importants que soient les autres principes que consacrent les normes de l'OIT, il ne serait peut-être pas recommandé d'étendre la liste à d'autres droits que ceux que l'on s'accorde aujourd'hui à reconnaître comme étant des droits fondamentaux. Par ailleurs, les débats de la 85e session de la Conférence internationale du Travail ont confirmé que les quatre ensembles de droits qui font l'objet d'un accord sont indispensables pour créer des conditions propices à un développement dans le respect de la dignité humaine.

c) Eléments pouvant figurer dans une déclaration

20. Les éléments de base de la déclaration pourraient comprendre tout d'abord un bref préambule qui viendrait rappeler le principe fondamental selon lequel le travail n'est pas une marchandise. Ce préambule pourrait également préciser que le but de la déclaration n'est pas, et ne saurait être, d'accroître les obligations juridiques des Membres, mais de réaffirmer solennellement qu'ils reconnaissent qu'en adhérant à la Constitution de l'OIT ils ont accepté d'œuvrer de bonne foi à l'élimination des situations contraires aux droits fondamentaux mentionnés dans la déclaration, même dans le cas où ils ne sont pas encore en mesure de ratifier telle ou telle convention.

21. On pourrait aussi faire figurer dans la déclaration une référence aux différents niveaux de développement et de puissance économiques, comme dans l'article de la Constitution originelle cité au paragraphe 13 ci-dessus ou dans la Déclaration de Philadelphie, où il est dit, à propos des principes qui y sont énoncés, que:

Ces textes ne peuvent évidemment pas être utilisés tels quels, mais les rédacteurs pourraient s'en inspirer.

22. Pour énoncer les principes qui sous-tendent les quatre ensembles de droits en question, on pourrait prendre comme point de départ soit la Constitution originelle, soit la Déclaration de Philadelphie. On pourrait aussi les aligner sur les objectifs énoncés dans les sept conventions fondamentales, sans entrer toutefois dans le détail de ces instruments. Le travail des enfants pourrait fournir ici un bon exemple. Dans la Constitution originelle figure le principe suivant:

L'article 1er de la convention sur l'âge minimum dispose que tout Membre:

23. Les autres conventions pertinentes donnent elles aussi un énoncé des objectifs fondamentaux, notamment à l'article 2 de la convention no 87, à l'article 1 1) de la convention no 98, à l'article 2 de la convention no 111, à l'article 2 1) de la convention no 100, à l'article 1 1) de la convention no 29, et à l'article 2 de la convention no 105. Ces dispositions pourraient fournir des éléments pour l'énoncé des principes dans la déclaration.

24. La déclaration pourrait également prévoir la mise en place d'un dispositif de suivi qui viendrait compléter le mécanisme de contrôle de l'OIT. Reste à déterminer avec quel degré de précision ce dispositif serait décrit dans le corps de la déclaration.

C. Avec quel suivi?

25. La déclaration réaffirmant la volonté des Etats Membres de promouvoir les principes qui y sont énoncés, l'Organisation aurait pour obligation correspondante de définir la procédure promotionnelle la plus apte à les y aider de manière efficace. Dans la mesure où les Membres seraient engagés à donner effet aux principes que contiendrait la déclaration en ratifiant les conventions fondamentales correspondantes, le mécanisme de contrôle existant pourrait être utilisé. En outre, le Comité de la liberté syndicale du Conseil d'administration inclut dans son examen les pays qui n'ont pas ratifié les conventions pertinentes. La question qui se pose en conséquence est celle d'un mécanisme promotionnel qui englobe les cas où les conventions fondamentales concernant la non-discrimination et l'interdiction du travail forcé et du travail des enfants ne sont pas ratifiées.

26. Il s'est clairement confirmé à cet égard, au cours des débats au Conseil d'administration et à la Conférence, que pour la majorité ce mécanisme promotionnel ne saurait prendre la forme d'un système de plaintes comparable à celui du Comité de la liberté syndicale. Il a également été souligné que les procédures existantes en matière de liberté syndicale ne devraient pas être affectées par l'adoption de la déclaration et par le mécanisme de suivi qui l'accompagnerait.

27. Une autre considération importante a été soulignée: le mécanisme de mise en œuvre devrait se fonder dans toute la mesure possible sur les mécanismes existants et prendre clairement racine dans la Constitution de l'OIT. Ceci semble renvoyer à une solution qui a souvent été mentionnée dans des discussions précédentes et lors du processus de consultation: le recours à l'article 19, paragraphe 5 e), de la Constitution, aux termes duquel:

28. Bien que d'aucuns aient relevé, surtout dans le groupe des travailleurs, que cet article n'est peut-être pas le seul fondement possible d'une procédure, comme il ne l'est pas pour le Comité de la liberté syndicale, on peut sans doute conclure que l'article 19, paragraphe 5 e), offre la seule base possible pour un consensus sur le nouveau mécanisme promotionnel. Il a aussi été admis que le nouveau mécanisme de suivi ne s'appliquerait -- comme il résulte du recours à ce paragraphe de la Constitution -- qu'aux Membres qui n'ont pas ratifié les conventions pertinentes.

29. Un avantage considérable de cette approche est qu'il n'y aurait plus à discuter du fondement légal du système. L'ensemble des Etats Membres qui n'ont pas ratifié les conventions en question sont en effet tenus de répondre aux demandes que le Conseil d'administration peut décider de leur adresser à tels intervalles qu'il juge appropriés et sous la forme qu'il prescrit.

30. Si cette voie paraît donc s'imposer pour des raisons juridiques et pratiques, il faudrait cependant prendre garde à ne pas en modifier l'objet: il ne s'agirait pas de mettre en question le caractère discrétionnaire de la décision de ratifier ou de ne pas ratifier, mais simplement d'utiliser les informations que cette procédure permet de recueillir pour apprécier les situations et les tendances au regard des principes et droits fondamentaux et examiner, le cas échéant, l'assistance pratique à offrir.

31. S'il est convenu que l'article 19, paragraphe 5 e), fournisse la base du mécanisme de suivi, il ne s'ensuivra pas nécessairement que la procédure (décrite à l'annexe II) qui est suivie aujourd'hui au titre de cette disposition -- et qui n'est pas précisée dans la Constitution, mais se fonde sur des décisions du Conseil d'administration -- s'appliquera à cet égard aussi. En effet, elle ne poursuit pas les mêmes objectifs que la déclaration proposée. La procédure de mise en œuvre de l'article 19, paragraphe 5 e), ne changerait en rien pour ce qui est des études d'ensemble et des rapports spéciaux quadriennaux institués en 1995, mais il serait possible de la compléter par une autre approche reposant sur des méthodes quelque peu différentes. Aux fins de la présente discussion, il suffira de préciser que l'information sur les situations nationales ayant trait aux droits et principes fondamentaux serait tirée de façon appropriée des rapports demandés au titre de l'article 19, paragraphe 5 e). Le Conseil d'administration pourrait avoir une discussion plus approfondie sur la question lors de sa session de mars 1998, lorsqu'il discutera du contenu d'un projet de déclaration.

32. Un point devrait être clair pour obtenir une vue objective des efforts déployés ou, le cas échéant, des problèmes ou des abus. Ainsi qu'il est mentionné dans la note technique sur l'article 19 (annexe II), les informations fournies par les gouvernements pourraient en tout cas être complétées ou corrigées par les informations soumises par les organisations d'employeurs et de travailleurs au titre de l'article 23 2) de la Constitution, comme c'est déjà le cas. Le Conseil d'administration devrait, le cas échéant, veiller à préciser les modalités de la contribution de ces organisations aux réponses et à l'évaluation des efforts.

D. Par quels organes?

33. Ainsi qu'il est indiqué dans les documents joints en annexe, les rapports prévus au titre de la procédure actuelle de mise en œuvre de l'article 19 suivent un cheminement bien établi qui passe par la commission d'experts et la Commission de l'application des conventions et recommandations de la Conférence. Toutefois, la façon dont cette procédure est appliquée dans les faits ne laisserait pas suffisamment de temps et n'offrirait pas un cadre approprié pour une évaluation ou une discussion de l'information recueillie aux fins dont il est question ici, et ne conviendrait pas aux objectifs de la déclaration proposée. La procédure en vigueur vise uniquement à évaluer les obstacles ou les difficultés au regard de certaines dispositions des conventions, et non pas à évaluer les tendances en ce qui concerne les principes fondamentaux. L'article 19 autorise le Conseil d'administration à demander des informations, après quoi il lui laisse toute liberté pour ce qui est des modalités d'examen de ces informations. Par conséquent, la procédure et les organismes intéressés pourraient différer de ceux qui sont utilisés aujourd'hui, afin d'assurer le suivi convenable et efficace de la déclaration proposée.

34. A cet égard, on s'accorde apparemment à reconnaître que la procédure prévue par la déclaration proposée devrait viser à évaluer régulièrement les faits marquants et les tendances intéressant les principes fondamentaux dans tel ou tel pays et à trouver la façon d'aider les gouvernements à œuvrer pour l'application des principes de la déclaration. Ainsi qu'il est suggéré ci-dessus, un des moyens d'y arriver serait de demander chaque année des rapports supplémentaires simplifiés, sur la base d'un formulaire standard, ce qui donnerait à l'article 23 2) une périodicité annuelle et permettrait aux organisations d'employeurs et de travailleurs de formuler des observations. Une fois ceci accepté, il devrait être possible de déterminer quel organisme serait le mieux placé pour entreprendre cet examen avec suffisamment de temps et de soin. Il semble que l'on s'accorde à considérer que, pour atteindre cet objectif, le Conseil d'administration devrait avoir un rôle à jouer. On pourrait réfléchir à la question de savoir si cette procédure devrait relever exclusivement du Conseil d'administration ou de la Conférence, ou si l'un et l'autre devraient y être associés. Il faudrait également se demander si la commission d'experts, qui a la responsabilité des rapports quadriennaux, devrait être associée elle aussi à l'examen des rapports annuels simplifiés, compte tenu de la différence de portée et d'objectif de la procédure proposée.

V. Points appelant une décision

35. Eu égard à ce qui précède, il semble que le Conseil d'administration pourrait décider d'inscrire la question à l'ordre du jour de la Conférence, étant bien entendu que le contenu de la déclaration à soumettre à la Conférence ainsi que les détails du mécanisme de suivi devraient faire l'objet d'un accord à la session de mars 1998, après des consultations approfondies. Cette question pourrait s' intituler «Examen et adoption éventuels par la Conférence d'une déclaration de l'OIT sur les droits fondamentaux et de son mécanisme de suivi».

36. Le Conseil d'administration est invité:

  1. à prendre une décision au sujet de l'inscription à l'ordre du jour de la 86e session (1998) de la Conférence internationale du Travail d'une question supplémentaire concernant l'examen et l'adoption éventuels d'une déclaration de l'OIT sur les droits fondamentaux et de son mécanisme de suivi;
  2. à charger le Bureau de préparer, en étroite consultation avec les mandants de l'OIT, un projet de déclaration à soumettre au Conseil d'administration à sa 271e session (mars 1998);
  3. à charger le Bureau de préparer, en étroite consultation avec les mandants, des propositions détaillées sur le mécanisme de suivi, pour discussion par la Commission des questions juridiques et des normes internationales du travail du Conseil d'administration à la 271e session du Conseil (mars 1998).

Genève, le 15 octobre 1997.

Point appelant une décision: paragraphe 36.

1.  Document GB.270/3/2.

2.  Mémorandum préparé par le Service juridique, secrétariat de l'ONU, 34 UNESCOR, Sup. (no 8) 15, document ONU E/CN.4/L.610 (1962).

3.  Pour plus de précisions, voir le document GB.267/LILS/5, paragr. 18 et 19.


Annexe I

Les mécanismes de contrôle de l'OIT(1) 

Les mécanismes de contrôle de l'OIT ont progressivement évolué à partir des fondements établis par la Constitution, au fil des fonctions qui leur ont été assignées par la Conférence et le Conseil d'administration. Les divers organes et fonctions évoqués ci-après forment un tout homogène.

1. Soumission aux autorités compétentes

En vertu de l'article 19 de la Constitution, tous les Etats Membres sont tenus dans le délai d'un an à compter de l'adoption d'une convention ou d'une recommandation, ou de 18 mois pour les Etats fédératifs et dans les cas exceptionnels, de soumettre l'instrument «à l'autorité ou aux autorités dans la compétence desquelles rentre la matière, en vue de la transformer en loi ou de prendre des mesures d'un autre ordre» (paragraphes 5 b) pour les conventions et 6 b) pour les recommandations). Il n'existe aucune autre obligation en ce qui concerne les conventions non ratifiées, sauf pour ce qui est des rapports sur les conventions non ratifiées et les recommandations (voir ci-dessous).

2. Rapports sur les conventions ratifiées

Lorsqu'une convention a été ratifiée, un Etat est tenu, en vertu de l'article 22 de la Constitution, de présenter des rapports périodiques sur la législation et la pratique au regard de la convention. Les périodes de présentation des rapports ont été modifiées à plusieurs reprises et les rapports sont maintenant dus à intervalles de deux à cinq ans, encore que des rapports puissent être demandés plus fréquemment si nécessaire. Les rapports généraux doivent être soumis une fois par an. Il convient de noter que les ratifications actuelles (plus de 6 400) aboutissent pratiquement à 2 000 rapports chaque année.

Les Etats sont tenus, en vertu du paragraphe 2 de l'article 23 de la Constitution, de communiquer une copie de leurs rapports aux organisations les plus représentatives d'employeurs et de travailleurs de leur pays, et ces organisations peuvent formuler des observations sur ces rapports. Il existe aussi une obligation, en vertu de l'article 5 d) de la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, de tenir des consultations périodiques avec ces organisations sur les «questions que peuvent poser les rapports à présenter au Bureau international du Travail au titre de l'article 22 de la Constitution».

3. Rapports sur les conventions non ratifiées et les recommandations

En vertu des paragraphes 5 e) et 6 d) de l'article 19 de la Constitution, le Conseil d'administration peut exiger de chaque Etat Membre des rapports sur «l'état de (sa) législation et sur (sa) pratique concernant la question qui fait l'objet de la convention ou de la recommandation, en précisant dans quelle mesure l'on a donné suite ou l'on se propose de donner suite à toutes dispositions (de la convention ou de la recommandation)». S'il s'agit d'une convention, l'Etat devra aussi indiquer «quelles difficultés empêchent ou retardent la ratification d'une telle convention». Ces rapports sont examinés par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations (voir ci-dessous) et font l'objet d'une «étude d'ensemble» qui est examinée chaque année par la Conférence.

En outre, dans le cadre de la procédure adoptée en 1996 par le Conseil d'administration, les Etats qui n'ont pas ratifié une ou plusieurs des conventions fondamentales de l'OIT (nos 29 et 105 sur le travail forcé, nos 87 et 98 sur la liberté syndicale, nos 100 et 111 sur la discrimination et no 138 sur l'âge minimum d'admission au travail ou à l'emploi) sont tenus, en vertu de l'article 19 de la Constitution, de faire rapport tous les quatre ans sur les obstacles à la ratification. Ces rapports sont également examinés par la commission d'experts qui en inclut l'évaluation dans son rapport annuel.

4. Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations

La commission d'experts a été créée en 1926 par la Conférence internationale du Travail et a tenu sa première session en 1927 pour examiner les rapports soumis par les gouvernements et les organisations d'employeurs et de travailleurs au titre des articles 19, 22 et 35 de la Constitution. Il s'agit d'un organe composé de 20 experts juridiques indépendants, désignés par le Conseil d'administration sur proposition du Directeur général, qui se réunit une fois par an à Genève. Cet organe publie un rapport constitué comme suit:

La commission d'experts adopte aussi des demandes directes qui, pour des raisons d'économie, sont adressées directement aux gouvernements mais ne sont pas présentées à la Conférence. Les observations et les demandes directes sont publiées dans la base de données ILOLEX mise à jour annuellement sur CD-ROM (et seront bientôt disponibles en ligne), et il est prévu d'inclure aussi les études d'ensemble dans les futures éditions d'ILOLEX.

5. Commission de l'application des conventions et recommandations de la Conférence

Une des commissions permanentes de la Conférence internationale du Travail à sa session annuelle est la Commission de l'application des conventions et recommandations, qui est tripartite. Cette commission discute le rapport de la commission d'experts et convoque habituellement les représentants de certains gouvernements dont la situation est mentionnée dans le rapport de la commission d'experts afin de procéder à un examen plus approfondi de leur situation.

6. Réclamations présentées en vertu de l'article 24 de la Constitution

La Constitution prévoit qu'une «réclamation» pourra être «adressée ... par une organisation professionnelle des travailleurs ou des employeurs, aux termes de laquelle l'un quelconque des Membres n'aurait pas assuré d'une manière satisfaisante l'exécution d'une convention à laquelle ledit Membre a adhéré». S'il juge cette réclamation recevable, le Conseil d'administration constitue d'ordinaire un comité tripartite composé de certains de ses membres pour l'examiner et formuler toutes les recommandations qu'il pourra juger utiles. Le suivi des conclusions de ces examens est assuré par la commission d'experts.

7. Plaintes en vertu de l'article 26 de la Constitution

La Constitution prévoit à l'article 26 que «chacun des Membres pourra déposer une plainte au Bureau international du Travail contre un autre Membre qui, à son avis, n'assurerait pas d'une manière satisfaisante l'exécution d'une convention que l'un et l'autre auraient ratifiée». Le Conseil d'administration peut, s'il le juge à propos, saisir une commission d'enquête, généralement composée de trois personnes indépendantes. «La même procédure pourra être engagée par le Conseil soit d'office, soit sur la plainte d'un délégué à la Conférence.» Les commissions d'enquête procèdent généralement à des auditions et à des investigations sur place avant de formuler leurs conclusions et recommandations. Le suivi des conclusions de ces examens est assuré par la commission d'experts.

8. Procédures spéciales en matière de liberté syndicale

Le Comité de la liberté syndicale est un comité tripartite du Conseil d'administration créé en accord avec le Conseil économique et social des Nations Unies en 1950. Ce comité est habilité à examiner les plaintes émanant d'organisations d'employeurs et de travailleurs selon lesquelles des Etats Membres de l'OIT ne respectent pas les principes fondamentaux de la liberté syndicale. Ces plaintes peuvent être examinées, que le pays en cause ait ratifié ou non les conventions de l'OIT sur le sujet, étant donné que la procédure repose sur les principes constitutionnels. Si le pays a ratifié les conventions, les conclusions du comité font l'objet d'une action de suivi de la part de la commission d'experts.

La Commission d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale a également été créée en accord avec l'ECOSOC en même temps que le Comité de la liberté syndicale. La commission examine le même type de plaintes que le Comité de la liberté syndicale, mais pour cela elle a besoin du consentement du gouvernement intéressé. Elle peut aussi examiner des plaintes en violation de la liberté syndicale contre des Etats non Membres de l'OIT -- et elle l'a fait à plusieurs reprises -- lorsque ces plaintes lui sont adressées par l'Organisation des Nations Unies et que le pays y consent. Les groupes d'experts de la commission sont composés de trois experts indépendants nommés par le Conseil d'administration.

9. Contacts directs

Dans le cadre d'une procédure adoptée en 1964, un pays peut demander des contacts directs pour discuter de questions soulevées par les organes de contrôle. Dans ces cas, le Directeur général nomme un représentant -- qui peut être un fonctionnaire du Bureau ou une personne indépendante -- pour examiner la situation avec le gouvernement intéressé et les partenaires tripartites dans le pays. Durant ces contacts directs, le mécanisme de contrôle est mis en suspens pour une année pour permettre de résoudre la difficulté.

10. Etudes spéciales sur la discrimination

En 1973, le Conseil d'administration a adopté une procédure pour la réalisation d'études spéciales sur la discrimination, qui n'a pas encore été utilisée avec satisfaction. Dans le cadre de cette procédure, une demande d'étude spéciale peut être adressée par un Etat Membre ou par une organisation d'employeurs ou de travailleurs sur des questions précises les concernant. Si le gouvernement intéressé accepte cette étude, le Directeur général doit examiner les modalités de son exécution. Ces études spéciales ne se limitent pas aux seuls pays ayant ratifié des conventions de l'OIT.

11. Multinationales

Une «procédure (spéciale) pour l'examen des différends relatifs à l'application de la Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale» a été adoptée en 1980 et révisée en 1986. Cette procédure prévoit des demandes d'interprétation de la Déclaration par la Sous-commission sur les entreprises multinationales du Conseil d'administration. Cette procédure ne vise pas l'examen de l'application des normes mais la Déclaration elle-même.

12. Procédures ad hoc

Le BIT a, de temps en temps, recours à diverses procédures ad hoc. On peut citer parmi ces procédures la longue série des rapports du Directeur général sur l'effet donné à la Déclaration concernant l'action contre l'apartheid en Afrique du Sud (dont la publication a cessé), ainsi que sur la situation des travailleurs dans les territoires arabes occupés; ces rapports étaient (ou sont) présentés directement à la Conférence pour discussion. D'autres procédures, au nombre desquelles on peut citer divers types d'études spéciales, ont été appliquées en diverses occasions.

13. Assistance fournie par le Bureau international du Travail

Le Bureau international du Travail fournit une assistance considérable à ses mandants pour l'application des normes internationales du travail. Cette assistance est le plus souvent prodiguée par l'intermédiaire des équipes consultatives multidisciplinaires, soit en réponse à des demandes de gouvernements ou d'organisations d'employeurs ou de travailleurs, soit dans le cadre des travaux habituels du Bureau destinés à conseiller les Etats Membres. Toutes les activités de coopération technique et l'assistance fournie par le Bureau doivent être en harmonie avec les normes, l'un des objectifs importants étant de toujours faciliter la ratification ou l'application des normes de l'OIT. Les travaux consultatifs du Bureau et l'assistance qu'il fournit sont étroitement liés aux mécanismes de contrôle.

1.  Le présent texte a déjà été publié en annexe au document GB.268/LILS/6; de légères modifications y ont été apportées pour le mettre à jour et pour fournir des informations plus détaillées à certains égards.


Annexe II

Procédures prévues à l'article 19

1. L'article 19 de la Constitution de l'OIT dispose, à son paragraphe 5 e):

2. Cette disposition peut être appliquée de deux manières qui sont similaires.

Les études d'ensemble

3. Depuis de nombreuses années, le Conseil d'administration choisit une convention et une recommandation ou un groupe de conventions et de recommandations portant sur des sujets spécifiques, aux fins des rapports présentés chaque année en vertu de l'article 19. Conformément à la pratique établie par le Conseil d'administration, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations réalise une étude d'ensemble sur les instruments choisis. La commission se fonde sur les informations contenues dans les rapports des gouvernements et les rapports fournis à l'OIT par les organisations d'employeurs et de travailleurs (voir ci-après) ainsi que sur d'autres informations dont le Bureau dispose, comme la législation et d'autres documents officiels, comme cela est précisé dans chacune de ces études. Ces études d'ensemble font partie du rapport de la commission d'experts à la Conférence (elles constituent le rapport III (partie 1B) du fait que la numérotation a changé en 1997). La Commission de la Conférence sur l'application des normes consacre ensuite chaque année une journée environ à la discussion de l'étude d'ensemble.

Les rapports spéciaux

4. A sa 264e session (novembre 1995), le Conseil d'administration a décidé que les gouvernements de tous les Etats n'ayant pas ratifié les conventions concernant le travail forcé, la liberté syndicale, la discrimination et le travail des enfants seraient priés de présenter, dans le cadre d'une procédure complémentaire, des rapports en vertu de l'article 19 en se conformant à la forme de rapport simplifié définie par lui-même. Cette procédure sera mise en œuvre pour la première fois lors de la session de 1997 de la commission d'experts. Les informations communiquées seront analysées par la commission, dont les conclusions seront incluses dans son rapport général, lequel sera également discuté par la Commission de la Conférence à sa session annuelle. Dans ce cadre également, toute information reçue des organisations d'employeurs et de travailleurs sera prise en considération. Il s'agit en effet là de l'un des points importants sur lesquels la Commission des questions juridiques et des normes internationales du travail du Conseil d'administration a insisté lorsqu'elle a proposé au Conseil d'administration l'adoption de cette procédure.

Les informations provenant des organisations d'employeurs et de travailleurs

5. En vertu de l'article 23, paragraphe 2, de la Constitution, les organisations représentatives d'employeurs et de travailleurs désignées à l'article 3 de la Constitution -- c'est-à-dire les organisations nationales -- doivent recevoir copie des rapports établis par les gouvernements en application des articles 19 et 22. Comme indiqué dans le Manuel sur les procédures, «Ces organisations ainsi que toute autre organisation d'employeurs ou de travailleurs peuvent faire des observations sur les sujets en question si elles le jugent opportun.»

6. La commission d'experts a procédé à un examen approfondi de cette question dans son rapport de 1986(2) . Elle a rappelé à cette occasion que la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, prévoit également des consultations tripartites sur un certain nombre de questions, dont le réexamen, à intervalles, de conventions non ratifiées et de recommandations auxquelles il n'a pas été donné effet, pour envisager «leur mise en œuvre et leur ratification, le cas échéant».

7. Pour ce qui est du fondement juridique des commentaires des organisations d'employeurs et de travailleurs, la commission d'experts a noté que les règles concernant la présentation, en vertu de l'article 19, de rapports sur les conventions non ratifiées, de même que le paragraphe 2 de l'article 23 ont été ajoutés à la Constitution en 1946. Le Conseil d'administration a alors décidé d'ajouter dans les formulaires des rapports présentés en vertu des articles 19 et 22 des questions à ce sujet. La commission d'experts a précisé (paragr. 86) que:

Les caractéristiques des rapports soumis en application de l'article 19

8. Il ressort de l'analyse qui précède que le traitement des rapports reçus en application de l'article 19 de la Constitution se définit comme le résultat de décisions du Conseil d'administration prises dans le cadre des prescriptions de la Constitution. Il y a lieu d'en retenir les éléments essentiels suivants.

1.  L'article 19, paragraphe 6 d), comporte une disposition analogue en ce qui concerne les recommandations mais naturellement sans référence à la ratification.

2.  Rapport de la commission d'experts, rapport III (partie 4A), 72e session de la Conférence internationale du Travail, paragr. 80 à 108.


Mise à jour par VC. Approuvée par NdW. Dernière modification: 21 février 2000.