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Travail forcé au Myanmar (Birmanie)

Rapport de la commission d'enquête instituée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail pour examiner le respect par le Myanmar de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930 Organisation internationale du Travail
Genève, 2 juillet 1998


Annexe VII (suite)

 

Résumés de témoignages

1-50

51-100

101-150

151-180

181-205

  206-246

 

Ethnie:

Karenni

151

Age/sexe:

41 ans, masculin

Situation familiale:

Marié avec quatre enfants

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Naung Da Bwe, Kawkareik, Etat Kayin

Le témoin est en Thaïlande depuis le début de 1997 avec toute sa famille. Il a quitté le Myanmar à cause du travail forcé et du mauvais traitement que les militaires lui infligeaient. Il a fait du portage et du travail forcé. Plusieurs types de travaux différents étaient requis par les militaires, comprenant la coupe et le transport de bambous et de bois et la culture (autant de types de travaux que l'on pouvait imaginer). A cause de tous ces travaux «... nous n'avions rien à manger pour nous-mêmes et avons été contraints de partir». Chaque maison devait envoyer quelqu'un une à deux fois par semaine pour environ sept jours. Parfois deux ordres différents venaient au même moment, ce qui fait que plus d'une personne par famille devait partir ou payer quelqu'un d'autre: de 200 à 500 kyats à chaque fois. Habituellement, les gens y allaient, sauf s'ils étaient malades et payaient alors quelqu'un d'autre. Les femmes et les enfants étaient inclus. Les ordres émanaient des militaires qui donnaient des instructions au chef de village. Celui-ci relayait les instructions telles que: plus de bois était requis ou telle ou telle chose devait être construite. Par la suite, le chef de village divisait le travail parmi les villageois. «A chaque fois qu'une tâche était complétée, une autre était requise. Cela n'avait jamais de fin.» Cette situation était identique pour tous les villages de la région. Les autorités ne demandaient pas toujours à chaque famille d'envoyer quelqu'un en même temps. Cela se passait sur une base rotative. S'il n'y avait pas assez de personnes, les militaires venaient au village et arrêtaient les gens. Lorsqu'ils venaient, ils prenaient et tuaient les animaux, et tuaient même parfois les hommes. Il a vu trois personnes se faire tuer de cette façon lors de visites des militaires. Ceux-ci les accusaient d'être des rebelles, même si ce n'était pas le cas. Lorsque les porteurs ne pouvaient porter leur charge, ils étaient battus. Il n'a pas vu de porteurs se faire tuer, mais il a entendu plusieurs histoires à cet effet. C'était surtout les hommes qui étaient utilisés comme porteurs et rarement les femmes. Les porteurs étaient beaucoup plus maltraités que les personnes qui exécutaient d'autres types de travaux forcés. Avec le travail forcé, il y avait moins de problèmes, puisque l'armée n'était là que pour surveiller. En ce qui concerne le portage, il recevait très peu de nourriture qui consistait en un petit bol de riz et qui était juste assez pour que les porteurs ne crèvent pas de faim. Aucune nourriture n'était donnée durant les autres types de travaux forcés. Les gens amenaient leur propre nourriture et outils. D'autres types de travaux comprenaient la construction de camps militaires, le creusage des tranchées, la coupe de bambous, la construction de routes et le travail dans des plantations de sucre ou de caoutchouc. Il a personnellement exécuté tous ces types de travaux, à l'exception du travail dans une plantation de sucre. Le travail dans les plantations de caoutchouc était considérable. Les militaires amenaient les semences et les travailleurs exécutaient tout le reste: planter, cultiver, tailler les arbres et récolter. Le caoutchouc était envoyé au quartier général des bataillons 549, 547 et 548. Ceux-ci étaient situés dans le village de Nabu. Il a dû exécuter du travail forcé pour ces trois camps militaires. Ils étaient tous à environ deux miles de son village. Les militaires contrôlaient totalement cette région depuis une année. Depuis ce temps, le travail forcé de grande envergure a débuté. En 1996, lorsqu'il est arrivé, la première chose que les militaires ont demandé fut de débroussailler la jungle autour des camps. Par la suite, ils ont exigé la construction de la route. Il a dû faire ce travail pendant une année avant de quitter. La route était à deux voies avec en surface des petites pierres. Il a exécuté du portage à plusieurs reprises, pour transporter du matériel entre les camps. Il a également exécuté du portage avant l'installation des camps militaires et avant les tâches concernant d'autres travaux forcés. Il a été à plusieurs reprises sur la ligne de front. Durant les combats, plusieurs porteurs furent blessés et certains se sont enfuis. Les porteurs blessés étaient soignés. Durant les offensives, les porteurs étaient utilisés par les militaires à l'avant en tant qu'éclaireurs. Les porteurs étaient parfois envoyés au devant des troupes afin de détecter les mines. A quelques occasions, un ou deux porteurs par semaine étaient tués ou blessés de cette façon. Le portage pouvait durer de quelques jours jusqu'à un mois. Il était effectué sur une base rotative deux à trois fois par année. D'autres types de travaux forcés avaient lieu de deux à trois fois par semaine pendant un à deux jours. Mais, parfois, ceux-ci duraient durant cinq jours si le site de travail était éloigné. Les villageois devaient en moyenne exécuter plus de deux semaines de travail forcé par mois.


Ethnie:

Karenni

152

Age/sexe:

36 ans, masculin

Situation familiale:

Marié avec quatre enfants

Activité professionnelle:

Travailleur journalier

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Treh Wa, Bilin, Etat Mon (le village comptait 50 familles)

Le témoin a quitté le Myanmar il y a une année, mais il y est retourné au début de 1998. Il a de nouveau quitté le Myanmar à la mi-février 1998. Il fut arrêté et soumis à la torture par le LIB 96 il y a de cela une année et trois mois, juste avant son premier départ. Ils l'ont accusé d'être un soldat à la solde du KNU. Il fut battu et torturé avec une lampe à kérozène et on lui a versé de l'eau dans les narines. Il y avait un camp militaire dans la région de son village depuis 1988, ce qui fait que le portage était monnaie courante: plusieurs fois par mois pendant quatre ou cinq ans pour une durée de trois à dix jours à chaque fois. A une occasion, le portage a duré trois mois. Cela devenait de plus en plus fréquent. Durant ces trois mois de portage, il a dû transporter du riz sur la ligne de front. Il a été arrêté par les militaires alors qu'il marchait près de son village et a été contraint d'effectuer ce travail. Les autres fois, il a été arrêté de la même façon ou il recevait l'ordre du chef de village. L'assignation de trois mois a eu lieu il y a trois ou quatre ans. Il fut amené de Thaton et envoyé à Bilin en camion et a dû marcher jusqu'à la ligne de front dans le district de Papun. Il n'a pas reçu d'eau (les porteurs devaient trouver leur propre eau) et a eu droit à seulement un peu de riz: une poignée chaque jour avec une cuillère de curry. Les porteurs n'avaient aucune force, puisqu'ils recevaient peu de nourriture. Plusieurs furent battus et tués par les militaires. Dix porteurs furent battus à mort par les militaires durant cette période de trois mois. Lorsque les porteurs étaient trop lents, ils étaient battus. Il a lui-même été battu. Les femmes n'avaient pas à faire du portage sur la ligne de front, mais étaient utilisées pour des distances plus courtes. Il n'a vu aucun porteur être blessé ou tué pendant les combats. Il transportait deux sacs de riz, un sur son dos et un par-dessus ses épaules. Il était possible de payer 600 kyats pendant trois jours pour éviter ce travail. Aucun traitement médical n'était offert aux porteurs qui étaient malades. Il a dû travailler en tant que porteur pour la dernière fois il y a une année. D'autres types de travaux forcés comprenaient la pose de clôtures et le creusage de tranchées dans le camp militaire qui se trouvait à une heure de marche. Il a exécuté du travail forcé et du portage à différentes occasions. Il y avait également un camp de la DKBA installé il y a une année où il a dû exécuter du travail forcé. Pour la DKBA, il a dû faire du travail dans le camp tel que creuser des tranchées et construire des routes. Au total, en moyenne par mois, il a dû passer environ dix jours dans ce camp, en plus des quinze jours requis pour le travail au camp de la DKBA et du portage. Il ne lui restait plus que cinq jours par mois pour faire son propre travail et gagner sa vie. Il était cultivateur et travaillait pour d'autres gens. Il devait couper du bois et le vendre pour augmenter ses revenus. Mais même en faisant cela, il n'arrivait pas à survivre. C'est pourquoi il est venu en Thaïlande. La quantité de travail forcé est plus importante aujourd'hui qu'elle ne l'a jamais été, puisqu'il y a deux bases militaires à servir. En 1989, son village avait commencé à travailler sur la route de Mawlamyine à Yangon. Le village s'était vu assigner une partie de 1 000 pieds de la route avec une largeur de deux voies. Le chef du village donnait les ordres sur une base rotative. Son dernier projet de travail forcé consistait à ériger des barrières autour de la base de la DKBA. Juste avant son départ, il a payé 4 000 kyats pour être relâché lors d'une seconde arrestation par l'armée. A cette occasion, il avait de l'argent puisqu'il avait pu vendre des feuilles destinées à des toitures en métal.


Ethnie:

Karenni

153

Age/sexe:

28 ans, masculin

Situation familiale:

Marié, une fille de sept mois

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Tichara, Myawady, Etat Kayin (le village comptait plus de 300 familles)

Il a quitté le Myanmar au début de janvier 1998 puisqu'il n'était plus en mesure de subvenir aux besoins de sa famille en raison du temps requis pour le travail qui devait être exécuté pour les militaires et des taxes qui devaient être payées. Il a dû faire: 1) du portage et 2) de la construction de routes. Dans les deux cas, c'est le chef du village qui transmettait l'ordre des militaires bien que les militaires pouvaient venir directement aux maisons ou dans les lieux publics pour arrêter les porteurs. Il n'était pas rémunéré et ne recevait aucune forme de compensation pour ces travaux. 1) Il a été porteur à une seule occasion pendant une semaine durant la saison des pluies. Il a réussi à s'enfuir les autres fois. Le portage a dû être exécuté dans une région montagneuse de l'Etat Kayin. Les porteurs étaient des hommes, âgés entre 14 et 60 ans. Ils n'étaient pas rémunérés. Il était toutefois possible de se faire remplacer. Le montant variait en fonction du nombre de journées: entre 500 et 1 000 kyats. Il était également possible de payer le chef du village pour ne pas avoir à y aller. Il n'a jamais payé et ne connaît pas dès lors le montant qui devait être versé. Ils devaient porter les munitions et devaient marcher toute la journée. Il n'y avait jamais assez de nourriture. Au début, chaque porteur avait droit à sa boîte de conserve. Après quelques jours, trois porteurs devaient se la partager. Ils devaient dormir dans la jungle, sans abri. Personne n'a pu prendre soin de sa famille pendant son absence. Pendant cette période, son épouse a donné naissance à leur fille. Il n'a pas personnellement fait l'objet de mauvais traitements. Des amis auraient toutefois été battus avec un bâton puisqu'ils ne progressaient pas assez rapidement et étaient trop fatigués pour porter la charge qui leur avait été assignée. Il aurait également porté une à trois fois/mois au cours des deux dernières années la nourriture aux militaires qui vivaient dans un camp dans la montagne. La marche jusqu'au camp était d'environ une heure. Il exécutait ce travail avec d'autres hommes en rotation. Le nombre pouvait varier et même excéder 100 personnes. 2) Il a dû travailler sur la route entre son village et Meh Pleh. Il s'agit d'une route pour les voitures. Le site du travail était à trois heures de marche de sa maison. Il a dû y travailler à plusieurs reprises au cours de l'année dernière bien que la construction de la route ait commencé trois ans auparavant. Cette route doit être refaite après chaque saison des pluies. Plus de 20 personnes de son village travaillaient en même temps que lui. Toutefois, il ne peut dire le nombre total d'hommes ou de femmes qui travaillaient sur la route. La journée commençait à 8 heures pour se terminer à 17 heures avec un arrêt d'une heure à midi. Il devait apporter sa propre nourriture mais pouvait retourner chez lui le soir. Il était possible de payer un substitut. Il ne connaît pas le montant puisqu'il n'avait pas l'argent nécessaire pour se faire remplacer. Il était également possible de payer le chef du village pour ne pas avoir à y aller: 100 kyats pour une journée. Au cours de l'année dernière, il a dû également poser des clôtures le long de la route et monter la garde contre le KNU. Pour ce faire, il devait se déplacer chaque matin sur la route avec une charrue afin de vérifier si des mines ou autres explosifs avaient été posés. Une mine a explosé l'année dernière, tuant un travailleur et deux militaires. Taxes: entre 200-300 kyats par mois depuis son retour dans son village en 1995. Il ne connaît pas la raison pour laquelle ces taxes étaient imposées. Pour les payer, il a dû vendre des terres et se faire engager à titre de travailleur journalier.


Ethnie:

Karenni

154

Age/sexe:

44 ans, masculin

Situation familiale:

Marié avec quatre enfants (tous venus avec lui)

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Minzan, Hpa-an, Etat Kayin (le village comptait 500 familles)

Le témoin et sa famille sont en Thaïlande depuis six ans. En janvier 1998, il est retourné dans son village pour voir la situation actuelle. Il est resté pendant vingt jours et est revenu en Thaïlande. Il a trouvé que la situation était mauvaise. Les militaires avaient le contrôle de toute la région. Avant son départ, il travaillait dans les rizières. Il devait donner un pourcentage de ses récoltes aux militaires et un autre pourcentage au propriétaire de la terre, ce qui lui en laissait très peu. «Il était difficile de survivre avec ce qui me restait.» Il ne pouvait se permettre d'effectuer du portage ou des tâches de travail forcé, alors il les évitait en dormant en brousse. Cette stratégie a fonctionné puisqu'elle lui permettait de n'être pas arrêté directement par les troupes. Mais il ne pouvait éviter ce travail lorsque les ordres venaient directement du chef du village. Il a été porteur à quatre occasions, trois fois suite aux ordres du chef du village et une fois suite à une arrestation directement par les militaires. Il s'est enfui à chaque occasion avant la fin de son travail. Ainsi, il a travaillé pendant quatre ou cinq jours à trois occasions. La quatrième occasion a duré un mois et cinq jours. Quatre personnes étaient déjà mortes d'avoir trop travaillé et n'avoir pas reçu assez de nourriture, et il était donc certain qu'il allait mourir lui-même s'il restait. Il s'est donc enfui et est retourné à la maison. Lorsque les porteurs se sentaient faibles et ne pouvaient continuer, ils étaient battus. Après avoir été battus, les porteurs étaient parfois incapables de continuer à marcher et ils étaient abandonnés sur le bord de la route. A chaque fois que les porteurs ralentissaient, ils étaient battus. Ils ne recevaient aucun traitement médical s'ils étaient malades. Ils recevaient peu de nourriture. Les porteurs cuisinaient eux-mêmes leur nourriture. Les militaires préparaient la leur. Ils recevaient environ un contenant et demi de riz par jour avec un peu de curry. Il y avait environ 500 maisons dans le village et le portage était fait sur une base rotative à chaque fois que les militaires venaient. Ils appelaient alors 5, 10 ou 15 personnes à la fois, une ou deux fois par mois. Lorsqu'il n'y avait pas d'hommes à la maison, la famille devait payer 600 kyats. Maintenant, ce montant pouvait s'élever jusqu'à 2 000 kyats puisque de plus en plus de gens refusaient d'effectuer le travail et qu'il était de plus en plus difficile d'obtenir des remplaçants. Seuls les hommes faisaient le portage. Les femmes étaient utilisées pour du travail sur des courtes distances. Il y avait beaucoup de portage à l'époque. Maintenant, les villageois devaient seulement payer une taxe de porteur une fois par mois. Mais il n'y avait plus de portage. Il y avait, toutefois, beaucoup d'autres types de travail forcé, ce qui fait que le temps passé sur le travail forcé était à peu près le même. Puisqu'il estimait que le portage était plus difficile, il pense que la situation s'était un peu améliorée. A l'époque, le travail forcé consistait principalement à travailler dans les camps militaires, pour nettoyer, rénover les bâtiments et cultiver pour l'armée. Aujourd'hui, les constructions de routes étaient le travail principal en plus du travail dans les camps militaires. Il y avait également de l'agriculture imposée sur la plantation de caoutchouc pour le bataillon 202. Les villageois devaient effectuer la plantation et la culture ainsi que la récolte. Le caoutchouc produit était envoyé à la division 22. La route principale sur laquelle s'effectuait le travail était celle de Hpa-an à Shwegun. Elle était à trois miles du village. Lorsqu'il est retourné pour visiter, en janvier 1998, il a dû passer trois de ses vingt jours à exécuter du travail forcé sur la route. A l'époque, l'armée venait directement dans le village pour recruter les gens. Toutefois, aujourd'hui, ceci était fait via le chef du village. Ce dernier donnait les ordres à chaque maison. Le village se voyait assigner une certaine section de la route à compléter. Il n'y avait pas de militaires sur le lieu de travail, mais ils surveillaient quand même que le travail se faisait. Si les travailleurs ne réussissaient pas à terminer le travail à temps, ils encouraient des problèmes avec les militaires. Le chef du village devait faire rapport sur ceux qui ne travaillaient pas de façon adéquate. Personne n'a été battu, seules des menaces furent prononcées. Les travailleurs devaient apporter leur propre nourriture et leurs outils. Personne n'était rémunéré. Ils devaient eux-mêmes donner de l'argent s'ils étaient malades ou s'ils ne pouvaient travailler. Certains travailleurs sont morts sur le site suite à des accidents de travail. Lorsque le chef de village se plaignait, on lui disait que c'était parce que ses travailleurs n'étaient pas assez bons et qu'aucun dédommagement ne serait versé. Il en coûtait 300 kyats par jour si quelqu'un ne pouvait se présenter. Les personnes âgées, les enfants et tous les autres devaient y aller. Lorsque les enfants étaient assez vieux pour transporter des choses (entre 8 et 9 ans), ils devaient y aller. Les militaires n'étaient pas préoccupés par le fait que les enfants devaient travailler puisque le travail devait être complété. Un enfant prenait un peu plus de temps qu'un adulte (souvent les villageois compatissaient avec les enfants et les aidaient à terminer leurs tâches). Un minimum d'une personne par famille devait effectuer ce travail. Il estime qu'il était beaucoup plus difficile de gagner sa vie aujourd'hui. Les cultivateurs doivent vendre tout ce qu'ils ont afin de survivre. Le travail forcé est le problème majeur. Chaque jour passé à effectuer du travail forcé est un jour perdu pour nourrir sa famille. Le portage est aujourd'hui limité. Quatre personnes sont assignées en tout temps dans un village sur une base rotative afin de servir comme porteurs au camp militaire: pour aller chercher de l'eau, cuisiner ou transporter des messages. Auparavant, les villageois devaient également effectuer de la surveillance, mais plus maintenant. Durant cette surveillance, ils devaient payer une amende de plusieurs poulets si on les surprenait en train de dormir. Aujourd'hui, l'armée collecte une nouvelle taxe pour la construction d'une école. Ils imposent cette taxe en fonction du revenu: 7 000 kyats pour les riches et jusqu'à 1 500 kyats pour les pauvres. Mais, il devenait impossible de payer cette taxe additionnelle. Les villageois devaient donc vendre leurs biens et il était devenu impossible de rester. Il n'avait plus de choix que de partir.


Ethnie:

Mulsuman

155

Age/sexe:

38 ans, féminin

Situation familiale:

Mariée avec six enfants

Activité professionnelle:

Travailleur journalier dans l'agriculture

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Yebu, Hlaingbwe, Etat Kayin (le village, à l'époque, comptait 100 familles, mais la majorité est partie)

Le témoin a quitté le Myanmar avec sa famille à la fin de 1997 parce que le travail forcé imposé par les militaires (y compris le portage) couvrait environ vingt jours par mois. En tant que travailleurs journaliers, s'ils devaient effectuer du travail forcé pendant une journée, ils n'avaient plus rien à manger pour le jour suivant. Les militaires traitaient les Musulmans et les Karens de façon discriminatoire, mais les Musulmans se voyaient infliger un traitement encore pire que les autres, ce qui rendait leur situation d'autant plus difficile. Ils étaient contraints d'exécuter du travail forcé encore plus difficile et obtenaient moins de nourriture, ce qui fait que plusieurs d'entre eux quittaient les villages pour se rendre dans les villes. Dans son village, il y avait à l'époque 200 familles musulmanes, mais il n'en restait que 15 ou 16 aujourd'hui. Habituellement, les militaires indiquaient au chef de village le nombre de porteurs requis, mais, à quelques occasions, lorsque le village n'envoyait personne, les militaires venaient les chercher directement. A ces occasions, si les villageois partaient avec les militaires sur le champ, il n'y avait pas de problèmes. Sinon, les militaires pourchassaient les villageois et les battaient. Dans sa famille, le portage était toujours exécuté par les hommes. Son mari a dû transporter des munitions et de la nourriture pour l'armée. Durant plusieurs années, il était normal d'exécuter du portage une fois par mois, habituellement pendant cinq jours, mais parfois pour des périodes plus longues d'une semaine à dix jours, et même jusqu'à deux mois ou plus. Parfois, pour une très courte distance, ce travail ne prenait qu'une journée, mais à ces occasions ils utilisaient deux à trois personnes de la même famille, ce qui compliquait les choses. Parfois, les militaires ordonnaient aux porteurs d'apporter de la nourriture pour plusieurs jours (quinze jours) pour que ceux-ci puissent la manger. Les personnes fortes n'avaient pas de problème pour faire le travail. Si les porteurs étaient fatigués ou incapables de faire le travail, ils étaient battus et, parfois même tués. Quelques-uns de ses amis d'autres villages ont été tués de cette façon. A quelques occasions, son mari a été battu avec une tige de bambou; elle en a été témoin, et ceci est arrivé à beaucoup d'autres personnes. En tant que porteur, un villageois ne recevait que peu de nourriture et devait travailler beaucoup. Ils étaient battus et parfois abandonnés au bord de la route. Elle a vu plusieurs blessures infligées à des porteurs à la suite de violences causées par les militaires. Lorsqu'il y avait des combats dans l'Etat Kayin, les militaires mettaient les porteurs en avant, ce qui fait que ceux-ci se faisaient tuer alors que les soldats restaient en vie. C'est ce qui s'est passé avec son mari. A d'autres occasions, lorsque les militaires s'attendaient à une attaque, elle a été utilisée comme bouclier humain. Les militaires réquisitionnaient tout le village, même les enfants, et les plaçaient devant le camp militaire. Plusieurs villageois sont morts de cette façon (environ 20 personnes de son village). Des Musulmans et des Karens ont été tués de cette façon dans les derniers mois avant qu'elle parte. En ce qui concerne la construction de camps militaires, trois camps existaient dans sa région: Yebu, Nabu et Painkyone. Ils existaient depuis environ vingt ans, mais n'avaient pas toujours été situés au même endroit. Lorsqu'un camp changeait de site, les gens devaient construire un nouveau camp: les hommes, les femmes, les enfants. Dans le cas de Nabu, les habitants de ce village, qui comptait environ 100 familles, ont dû se déplacer il y a deux ou trois ans pour faire place à un nouveau camp militaire. Plus personne ne vit sur ce site. Certains ont déménagé à Kawkareik et d'autres dans des villages autour des collines. Il existe un camp majeur à Yebu qui n'a pas été déplacé, bien que certains petits postes autour l'aient été. Lorsqu'ils construisaient un camp, les gens des villages éloignés devaient venir exécuter du travail forcé. Dans son cas, elle n'a eu qu'à aller au camp de Yebu, mais pas à ceux de Nabu ou de Painkyone. En ce qui concerne le travail dans les camps, les ordres étaient donnés aux chefs de village par écrit, mais en cas de problèmes les militaires venaient directement au village et battaient les gens. Ils ne réquisitionnaient pas toujours une personne par famille, puisque dans certains cas, lorsqu'ils voulaient cinq personnes, cela se faisait d'une façon rotative. Une personne par famille devait y aller, peu importe si le mari était absent pour exécuter du portage ailleurs. En son absence, si elle avait de l'argent, elle devait les payer puisque ceux-ci ne pouvaient accepter qu'elle refuse d'y aller. Puisque son garçon le plus âgé est parti depuis longtemps, son deuxième enfant, qui est une fille, a dû exécuter du travail forcé; parfois, même les jeunes enfants devaient travailler. Dans les camps, les hommes et les femmes devaient exécuter du portage, puiser de l'eau, aller porter des messages aux militaires ou faire tout autre travail requis par ceux-ci. Lorsque les militaires quittaient, ceci impliquait plus de travail puisque de nouveaux militaires arrivaient. Ils devaient également couper du bambou. A quelques occasions, les hommes ont été envoyés dans la forêt pour couper du bois et pour apporter des billots aux militaires. Les villageois devaient également cultiver et donner le fruit de leurs récoltes aux militaires. Ils devaient également leur fournir de la viande et du poulet. Lorsque cela n'était pas fait, les militaires les emprisonnaient et tuaient et mangeaient leur bétail. Son mari, ses enfants et elle-même ont tous eu à travailler sur la route de Nabu à Painkyone. Après son départ, les gens de sa famille ont dû également faire ce travail. Une personne par famille, y compris les enfants de 12 à 13 ans. Elle connaissait des enfants de 10 ans qui ont dû effectuer du travail forcé. Lorsque personne d'une famille y allait, ils devaient payer une amende, mais puisque personne n'avait d'argent un enfant devait y aller. Même les villageois très éloignés de la route devaient travailler. Dans son village, on utilisait une personne par famille, mais pas toujours en même temps. La route entre Nabu à travers la région de Yebu se situait près de chez elle, ce qui implique qu'elle pouvait rentrer à la maison le soir, alors que d'autres devaient dormir sur le lieu de travail. Le traitement était différent du portage, qui était beaucoup plus difficile puisque les porteurs ne pouvaient se reposer que lorsque les militaires se reposaient. Ces derniers ne portaient aucune attention au fait que les porteurs étaient fatigués et affamés, et leur donnaient très peu de nourriture. Par contre, lors du travail sur la route, les villageois pouvaient apporter leur nourriture, dormir et se reposer tant que le travail se faisait. On leur assignait une partie de la route, et ce travail devait être terminé en cinq jours. Lorsqu'on refusait de faire du travail forcé, il fallait payer une amende d'environ 100 kyats par jour. Lorsque le travail était plus éloigné, on devait payer pour trois jours 300 kyats. Dans d'autres cas, cette somme ne pouvait être que de 60 à 70 kyats. Le montant payé variait selon la nature du travail. En ce qui concerne le portage, ce montant pouvait aller de 200 à 300 kyats par jour. Les militaires préféraient l'argent plutôt que d'obtenir des travailleurs. Toutefois, lorsqu'ils avaient vraiment besoin de travailleurs, ils les obtenaient. Ainsi, même lorsque les gens payaient, certains ont dû effectuer du travail forcé.


Ethnie:

Musulman

156

Age/sexe:

12 ans, masculin

Situation familiale:

Huit enfants (mère, sept frères et sœurs)

Education:

Aucune

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Yebu, Hlaingbwe, Etat Kayin

Le témoin a effectué du travail forcé pour les militaires depuis l'âge de 10 ans. Il a quitté le Myanmar au milieu de 1997. En ce qui concerne le travail forcé, il a travaillé sur la construction d'une route. Il devait couper du bambou en vue de la construction de cette route. Il devait creuser des trous et transporter des pierres chaque jour durant la saison sèche de 7 heures le matin à midi, puis il arrêtait pour manger le riz qu'on lui apportait. Il travaillait alors de 13 heures à 17 heures. Le travail était très difficile et il était très fatigué. Parfois, vers 11 heures du matin, les enfants se cachaient dans les buissons. Les militaires ne les voyaient pas, mais les autres travailleurs leur demandaient de revenir. Parmi les adultes, il y avait toujours au moins cinq enfants, et parfois jusqu'à dix. Il a dû lui-même exécuter du travail forcé, puisqu'il n'a pas de père. Lorsque sa mère ne pouvait y aller, c'est lui qui devait y aller. De plus, lorsque des villageois payaient, c'est lui qui devait y aller à leur place et il recevait 30 kyats par jour. Mais, la plupart du temps, il y allait pour sa propre famille. Lorsque les militaires lui ordonnaient d'effectuer un travail quelconque, il devaient le terminer. Dans le cas contraire, ceux-ci l'insultaient mais ne l'ont jamais frappé. A une occasion, il a vu l'officier en charge battre le chef du village parce que celui-ci ne pouvait trouver assez de gens pour exécuter le travail forcé. Il l'a attaché avec une corde et l'a battu avec une tige de bambou; les autres militaires ne semblaient pas être d'accord avec ces actes. Son père est mort alors qu'il effectuait du portage durant des combats, lorsqu'il était encore enfant. Il a entendu dire que les militaires battaient les porteurs qui ne pouvaient pas travailler. Il a vu que certaines personnes avaient des blessures sur le crâne et sur leurs épaules.


Ethnie:

Karenni

                        157

Age/sexe:

48 ans, masculin

Situation familiale:

Neuf (sa femme et sept enfants)

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Bee Lay Noh, Bilin, Etat Mon (à l'origine, il y avait 500 familles dans le village; maintenant seulement 100)

Le témoin en venu en Thaïlande il y a quatre ans: il est resté pendant trois ans et est retourné au Myanmar pendant quelques mois durant la saison des pluies afin de ramener quelqu'un avec lui en août 1996. Il est une fois de plus retourner au Myanmar et est revenu en Thaïlande en octobre 1997. Il y a quatre ans, il a dû couper des arbres et des bambous pour la construction de la route de Bilin à Papun. Il a dû travailler pendant quinze jours et a pu obtenir une journée de repos. Il a dû par la suite travailler une nouvelle fois quinze jours. Durant ce temps, il ne recevait pas assez de nourriture, ce qui fait qu'il ne pouvait continuer à travailler et a décidé de s'enfuir. Trois cents personnes par jour, une personne de chaque maison, devaient travailler sur la construction de la route. Les militaires avaient donné l'ordre au chef de village et les villageois devaient obéir sans rien dire. Il a vu deux femmes, deux jeunes filles et cinq hommes se faire tuer en une journée il y a de cela quatre ans. Ils ont été tués parce qu'ils étaient fatigués et avaient pris une pause durant le travail. Les militaires les avaient insultés, ils ont répliqué, et ceux-ci se sont fâchés et les ont tués. Ils les ont frappés sur la tête et ont violé les deux jeunes filles avant de les poignarder. La construction de la route se poursuivait lorsqu'il est retourné en octobre 1997. La première fois qu'il est retourné au Myanmar dans son village afin de ramener quelqu'un, durant la saison des pluies de 1996, il n'a pas eu à effectuer du travail forcé bien qu'il ait vu d'autres personnes poser des clôtures et creuser des tranchées. En 1997, il a dû effectuer du travail forcé pendant dix jours par mois (une personne de chaque famille devait couper des arbres et du bambou). La route n'est pas complétée mais le camp est complètement terminé aujourd'hui. Malgré cela, ils ont toujours dû continuer à couper du bambou. Les hommes qui ne pouvaient pas transporter le bambou étaient tués par les troupes du SLORC. Les femmes étaient battues et violentées. A une occasion, il a vu un homme âgé informer les militaires qu'il était fatigué et ne pouvaient plus continuer. Les militaires ont répliqué qu'il acceptait de travailler pour le KNU mais pas pour eux; ils l'ont donc battu; ils l'ont tué à coups de couteau. Une journée où tous les villageois coupaient du bambou dans la forêt, les militaires ont bu de l'alcool et ont contraint les femmes à venir dans leur camp. Une des femmes en question était très fatiguée et a demandé de se reposer. Les militaires l'ont battue avec une tige de bambou. Durant la soirée, il a tenté de retrouver cette femme mais elle n'était pas à la maison. Un moine du monastère l'a informé qu'elle avait été tuée par les militaires du SLORC. A une autre occasion, il a vu des militaires battre une femme jusqu'à la mort. Elle devait avec d'autres villageois couper du bambou mais elle avait demandé de se reposer et s'est assise. Un officier a répliqué que ceux qui voulaient se reposer devaient mourir. C'est ce qui s'est produit et ils l'ont tuée. En septembre 1997, les militaires ont brûlé plusieurs villages dans le canton de Bilin et ont contraint les villageois à se relocaliser ailleurs. Son village Be Lay Noh était un grand village avec un important camp militaire. Ainsi, les petits villages autour de Be Lay Noh ont été relocalisés à cet endroit. Plus tard, le commandant du camp a ordonné aux villageois de retourner dans leur village d'origine et ils ont dû construire de nouvelles maisons puisque les anciennes avaient été brûlées par les militaires. Les villageois devaient également couper du bambou et construire des maisons pour les familles des militaires du SLORC et du DKBA. Il s'est enfui avec sa famille et 60 autres familles ainsi que plusieurs autres personnes d'origine karenne des villages avoisinants. En tout, environ 300 familles restaient dans le même camp de réfugiés parce qu'elles n'avaient pas assez de nourriture. Il y a une année, les militaires du DKBA et du SLORC ont pris toutes leurs récoltes. Ils ont donc dû aller mendier. Les militaires leur ont donné seulement que trois petits contenants de riz par jour par famille. Ils ont tenté de s'éloigner du village pour cultiver près des montagnes là où les militaires ne pourraient les trouver, mais les cochons sont venus et ont tout manger.


Ethnie:

Karenni, chrétien

158

Age/sexe:

55 ans, masculin

Situation familiale:

Onze (lui, sa femme et neuf enfants)

Activité professionnelle:

Ancien chef de village

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Bee T'Ka, Hlaingbwe, Etat Kayin

Le témoin est venu en Thaïlande en 1996. Il est retourné dans son village en janvier 1998 et est revenu en Thaïlande en février. Des trois cents familles de son village, seules 50 familles bouddhistes sont toujours là; toutes les familles chrétiennes ont dû quitter. Il y a quatre ans, les troupes du SLORC et du DKBA ont commencé à chasser les villageois bien que certains soient revenus après quelques mois. Ceci s'est produit à plusieurs occasions. Toutefois, il y a deux ans, les militaires ne leur ont pas permis de retourner, ce qui fait que certains villageois ont vendu leur maison et ne sont jamais revenus. Il est venu en Thaïlande après avoir été arrêté à la suite d'accusations de possession d'armes. Avant de devenir le chef du village il y a dix ans, il a effectué quatre voyages de portage de deux à cinq jours chacun. Mais certains de ses enfants et d'autres personnes ont fait du portage pendant un mois de suite. Parfois, les militaires demandaient les porteurs pour trois jours, mais ceux-ci devaient rester jusqu'à un mois. Lorsqu'il est retourné en janvier 1998, les villageois devaient faire du portage tous les mois, habituellement pendant cinq jours. Lorsqu'ils ne pouvaient pas y aller, ils devaient payer 450 kyats par jour. Les villageois devaient effectuer la construction de la route et se rendre à pied sur le lieu de travail. Ils devaient y travailler et dormir sur place pendant une semaine jusqu'à ce que d'autres viennent les remplacer. Ceci implique qu'ils n'avaient plus le temps d'effectuer leur propre travail. Ses enfants ont travaillé il y a environ trois ans sur les routes de Dawlan et Natkyun, et également sur la route entre Ah Pou et Taun Zun pendant environ quatre jours par mois. Les autorités demandaient au chef du village de trouver des travailleurs et, lorsque celui-ci ne pouvait en trouver suffisamment, les militaires venaient et capturaient les gens dans le village. Durant le travail forcé, il a vu des militaires insulter des travailleurs mais jamais les tuer. Lorsque les militaires venaient au village, les villageois s'enfuyaient et les militaires tiraient sur eux. Il a vu plusieurs villageois se faire tuer alors qu'ils s'enfuyaient. D'autres ont été tués parce qu'ils étaient soupçonnés de soutenir le KNU. Lorsqu'il était chef de village, chaque famille a dû effectuer du travail forcé trois à quatre jours par mois. Aujourd'hui, les gens doivent effectuer du travail forcé chaque jour durant la saison sèche, mais toujours la même personne de la même famille. Les demandes d'argent de la part des militaires étaient maintenant un problème majeur. Si les militaires du KNU demandaient aux villageois de payer 10 000 kyats par année, le SLORC et le DKBA leur demandaient également la même somme. Ainsi, la plupart des villageois désiraient venir en Thaïlande bien qu'ils ne le pouvaient pas. Lorsqu'il est retourné dans son village en janvier, il a vu qu'entre Tichara et Tiwablaw, et entre Meh Pleh et Kyokyo, les militaires du SLORC-SPDC avaient brûlé des centaines de fermes ainsi que des rizières. Le bétail n'avait plus de quoi se nourrir et sautait souvent sur des mines. Il était maintenant essentiel d'engager quelqu'un pour montrer le chemin afin d'éviter les mines.


Ethnie:

Karenni, chrétien

159

Age/sexe:

48 ans, masculin

Situation familiale:

Marié avec cinq enfants

Activité professionnelle:

Travailleur journalier (avant la relocalisation)

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Mye Yeh, Kyaukkyi, division de Bago (le village comptait 47 familles; relocalisé il y a quatre ans à Yan Myo Aung avec 650 autres familles de huit villages différents)

Le témoin est arrivé en Thaïlande au début de janvier 1998. Il y a quatre ans, suite à une embuscade des soldats du KNU dans la forêt près de Mye Yeh, lorsque 14 militaires du SLORC furent tués, les troupes du SLORC ont détruit trois puits ainsi que des arbres dans le village. Ils ont arrêté tous les hommes, les femmes et les enfants du village ainsi que ceux de deux villages avoisinants (Ter Paw et Po Thaung Su), les ont attachés et les ont gardés au soleil en préparant leurs armes pour les abattre. Par la suite, un soldat a convaincu le commandant de l'innocence des villageois. Ainsi, ils n'ont pas été tués mais ont dû marcher jusqu'au site de relocalisation à quatre heures de marche. En ce qui concerne le travail forcé, deux ans avant la relocalisation, les villageois ont dû travailler sur la construction d'une route chaque jour pendant la saison sèche et la saison des pluies. Une personne par famille, homme, femme ou enfant, devait transporter des pierres. Il a dû lui-même travailler pendant six jours alors que sa femme a travaillé une journée de 6 heures le matin à 18 heures le soir avec une pause pour manger du riz une fois par jour. Alors qu'il travaillait sur la route, sa femme gagnait de l'argent en ramassant des légumes dans la forêt et en les vendant. Lorsque son tour est venu d'effectuer du portage alors qu'il travaillait sur la construction de la route, il a emprunté de l'argent pour payer afin de ne pas travailler comme porteur. Après la relocalisation, il a dû travailler sur la construction de la route seulement durant la saison sèche et seulement pendant quelques jours par mois puisque le travail était partagé entre plusieurs villages. Lorsque les villageois sont arrivés sur le site de relocalisation, on leur a assigné des tâches à chaque jour et ils devaient surveiller la route durant la nuit. Son quota était de trois jours et trois nuits de suite par mois dans un groupe de trois personnes. Entre février et novembre 1997, il a dû couper de l'herbe une fois toutes les deux semaines sur le site de relocalisation. A cette occasion, il a dû transporter du matériel pour les militaires: avant la relocalisation, cinq fois pendant trois jours à chaque fois; et après la relocalisation, à deux reprises. Pendant les six dernières années, il a été requis comme porteur une fois par mois mais il a payé au lieu d'y aller. Afin d'être exempté du portage pendant trois jours par mois, il devait payer 200 kyats par jour. Tout le monde devait effectuer du travail forcé ou faire du portage et la seule façon de s'en sortir était de payer. Les gens qui ne pouvaient pas payer devaient effectuer le portage; puisque sa femme avait un bébé, il craignait d'être tué durant le portage et il a donc décidé de payer. Quelqu'un de son village est mort durant le portage en janvier 1997, laissant une jeune veuve et un bébé. Il ne voulait pas y aller mais fut arrêté par les militaires. Un de ses compagnons de portage est revenu et lui a annoncé qu'un de leurs compagnons avait sauté sur une mine avec un militaire. De plus, en janvier 1997, quatre personnes du village de Yan Myo Aung se sont perdues durant le portage. Les autres villageois ont présumé qu'ils étaient morts. Après la relocalisation, une personne de chaque famille dans le village devait aller en forêt et couper des arbres et du bambou pendant une durée de un mois et demi. En même temps, les villageois de deux autres villages devaient aller planter des piments. Plus tard, il y eut une inondation des plantations de piments qui a détruit la récolte. Les militaires du SLORC sont venus et ont exigé des villageois ayant planté le piment un dédommagement de 150 000 kyats par village. Alors qu'il exécutait du portage, il fut frappé par les militaires à quelques reprises. A une autre occasion, il a dû transporter 20 mortiers. Comme il peinait avec cette lourde charge, les militaires l'ont battu. Il a fallu qu'un sergent major intervienne pour qu'on lui retire 10 mortiers de sa charge. Il a également vu un jeune garçon être violemment frappé par les militaires, mais il ne sait pas pourquoi. Lors de la construction des routes, les militaires insultaient les gens mais ne les frappaient pas. La dernière fois qu'il a effectué du travail forcé, ce fut en novembre 1997 alors qu'il a dû transporter des mortiers pendant cinq jours. Après cela, il a toujours préféré s'enfuir (comme les autres villageois) lorsque les militaires du SLORC approchaient de son village. Depuis la relocalisation, lorsqu'il n'effectue pas de travail forcé, il survit grâce à la pêche. Il est venu en Thaïlande parce qu'il n'y avait plus de riz et qu'il ne pouvait plus travailler pour sa propre famille.


Ethnie:

Karenni

160

Age/sexe:

Masculin

Situation familiale:

Marié, une fille

Activité professionnelle:

Fermier. Il travaillait sur les terres de son père.

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Noh Hay Hta, Papun, Etat Kayin (le village comptait environ 40 familles. Il y avait un camp militaire à environ trois miles)

Il a quitté le Myanmar en février 1997 puisqu'il n'était pas capable de subvenir aux besoins de sa famille en raison du travail qu'il devait exécuter pour les militaires. Personne ne pouvait s'occuper de ses récoltes pendant ses moments d'absence. Il lui restait cinq jours par mois pendant lesquels il pouvait se consacrer à ses propres affaires, ses propres cultures. 1) Portage. Il a dû faire du portage pendant dix ans, à deux reprises chaque mois. La durée variait, mais n'était jamais moins que cinq jours. Parfois les voyages pouvaient durer jusqu'à un mois, s'il y avait des opérations militaires. Toutes les familles de son village devaient fournir un membre masculin pour ce genre de travail. Ses frères ont dès lors eux aussi eu à faire du portage. L'ordre pour faire du portage venait des militaires, mais était transmis par le chef du village.Il n'a pas vu d'ordre écrit. Il devait transporter des munitions pour les mortiers, la nourriture et les casseroles pour la cuisine. Il y avait environ 40 à 50 porteurs pour 150 soldats. Il n'était pas rémunéré et ne recevait pas suffisamment de nourriture. Il a déjà été pris dans une bataille contre le KNU. Les porteurs devaient rester près des soldats. Il a fait l'objet de mauvais traitements, ayant reçu des coups de pieds puisqu'il était trop fatigué pour suivre le rythme de progression. On aurait menacé de le tuer. Il a vu deux porteurs qui seraient décédés puisqu'ils n'étaient plus en mesure de transporter la charge qui leur avait été assignée. Il n'y avait pas de médicaments disponibles en cas de maladie. 2) Monter la garde à proximité de la route entre Papun et Kamamaung. Son poste de travail était à environ trois miles de sa résidence. Il devait monter la garde à deux reprises pendant un mois, chaque assignation durant cinq jours. Il a exécuté ce travail en 1996 et jusqu'à son départ en février 1997. Tous les villageois devaient exécuter ce travail. Ses trois frères ont également été obligés d'y travailler. En fait, seules les personnes très âgées, incluant son père, étaient exemptées. Environ 400 personnes, incluant hommes, femmes et enfants, travaillaient en même temps que lui. Il devait dormir près de la route pendant ces journées. Il devait monter une tente à cette fin. Il a dû également poser, le long de cette route, une clôture qui servait de défense contre l'Union nationale karenne (Karen National Union) (KNU). En outre, les villageois devaient «nettoyer» la route chaque matin, ce travail consistant à vérifier si des explosifs n'avaient pas été posés. Advenant qu'une mine ait été oubliée et qu'un véhicule de l'armée sautât à son contact, les villageois devaient payer, à titre de représailles, un million de kyats. Chaque villageois, chaque village se voyaient dès lors assigner une section de la route aux fins de faire cette vérification. Il n'était pas rémunéré et devait apporter sa propre nourriture. A une occasion en 1997, après la saison des pluies, il a dû réparer un pont alors qu'il montait la garde. Les femmes de son village n'ont pas fait l'objet de mauvais traitements de la part des militaires. Il a toutefois entendu dire que des femmes d'autres villages auraient été violées, notamment une femme de Po Gay par cinq soldats. 3) Construction de tentes pour l'armée en 1997. L'assignation a duré dix jours et se trouvait à trois heures de marche de sa résidence (neuf miles). Chaque jour, 30 personnes travaillaient ensemble (total pour le mois: 300). Elles provenaient de trois villages différents, incluant le sien. Les ordres étaient donnés par les militaires. Les matériaux et le matériel (notamment bambous) nécessaires pour construire ces installations étaient fournis et transportés par les travailleurs qui ne recevaient aucune indemnisation à cet égard. Il était possible de payer une autre personne pour exécuter le travail: 150 kyats par jour. Il était également possible de verser des pots-de-vin, bien qu'il ne l'ait pas personnellement fait. Il n'était pas possible de refuser et connaît des personnes qui auraient été arrêtées puisqu'elles ne voulaient pas exécuter le travail. Il devait donner au gouvernement cinq paniers de riz sur 100 récoltés (un panier = deux boîtes de conserve de riz non cuit). Pour ce qui est des cannes à sucre, cinq contenants devaient être donnés sur 100. Tous les villageois devaient payer ces montants. C'est le chef de village qui devait collecter ces taxes. Elles étaient imposées au regard de dispositions de la loi. Il ne fait partie d'aucun groupement politique. Il retournerait au Myanmar si les conditions changeaient. Il craint d'être exécuté s'il y retourne (DKBA est dans son village).


Ethnie:

Musulman

161

Age/sexe:

30 ans, féminin

Situation familiale:

Mariée, une fille

Education:

Troisième année

Activité professionnelle:

Vendeur itinérant

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Mon Naing, Hlaingbwe, Etat Kayin (le village comptait 340 familles)

Elle a quitté le Myanmar au début de 1998 en raison du travail forcé pour les militaires. Personnellement, elle a dû faire du portage et monter la garde près d'une route. Son mari a également été requis de faire du portage et de participer à la construction de la route. Il lui restait en moyenne dix à quinze jours par mois pour vaquer à ses propres occupations. Le travail forcé est exécuté en rotation, un membre par famille. De façon générale, elle se partageait le travail forcé avec son époux. Elle a dû faire du portage à plusieurs reprises. En 1997, au total, elle aurait été requise à 12 reprises dont quatre pendant la saison sèche. Elle aurait fait du portage à huit reprises auparavant. A chaque fois, les assignations duraient au moins quinze jours. Au cours des deux mois qui ont précédé son départ, on lui a demandé de se rendre de son village au camp militaire de Mawpokay qui se trouve près de la frontière. Il s'agit d'un voyage d'environ huit jours. La durée totale de cette assignation a été de quinze à dix-sept jours. A l'aller, elle a dû gravir une montagne pendant cinq jours et la descendre par la suite pendant trois. Cent-vingt soldats participaient à ce voyage. C'est le chef de village qui organisait le travail requis par les militaires. Parfois, les militaires arrêtaient directement les personnes dont ils avaient besoin. Un membre par famille devait faire le portage lorsque requis. Son époux, sa nièce, sa sœur et son frère ont également dû faire du portage. En fait, généralement, c'est son époux qui a exécuté le portage depuis les quinze dernières années. Hommes et femmes pouvaient être requis de faire du portage pour les militaires. Parfois jusqu'à 30 à 40 femmes. Les hommes étaient généralement placés au-devant des colonnes et les femmes derrière. Elle a dû transporter des munitions pour les mortiers (cinq) et la nourriture (riz). Elle n'était pas rémunérée et ne recevait pas suffisamment de nourriture. Elle n'a pas personnellement fait l'objet de mauvais traitements, mais plusieurs de ses amies auraient été frappées lorsqu'elles ne réussissaient plus à porter les charges très lourdes qui leur avaient été assignées. Au cours des nuits, les soldats en profitaient pour toucher les femmes et les menaçaient avec leurs armes si elles criaient. Elle aurait été touchée à une reprise. Quatre hommes seraient décédés à bout de force. Il était possible de payer pour être remplacé, mais elle ne l'a pas fait puisqu'elle n'avait pas les fonds pour ce faire. Elle ne sait pas s'il était possible de payer des pots-de-vin. Tout refus pouvait entraîner une arrestation. Elle connaît du reste des personnes qui auraient été arrêtées pour ce motif. Elle a dû monter la garde à proximité de la route de Mon Naing, à Nyamarah (14 miles) durant les huit dernières années, à une reprise chaque mois. Chaque assignation durait cinq jours. Une personne par famille devait faire ce travail qui était exécuté uniquement par les femmes. Elle travaillait avec environ 130 autres femmes. Elle devait dormir près de la route avec quatre autres femmes dans une tente. Elle devait «nettoyer» la route de manière à ce que les militaires puissent y circuler sans danger. Elle devait également tenir les militaires informés de tous mouvements ou de toutes informations concernant le KNU. Elle n'était pas rémunérée et devait apporter sa propre nourriture. Lorsqu'elle était loin pour exécuter ce travail, son époux devait souvent s'absenter également pour faire du portage pour les militaires et de la construction de routes. Pour ce qui est de ce dernier point, son époux a dû y travailler dix jours par mois, quatre mois par année pendant les trois dernières années. Il s'agissait de la même route pour laquelle elle devait monter la garde. La route était principalement utilisée par les militaires aux fins de déplacer troupes, équipements et rations. Elle estime que les Musulmans recevaient le même traitement que les autres villageois pour ce qui est du travail forcé. Toutefois, une quinzaine de Musulmans qui ont tenté de retourner dans leur village, il y a environ trois mois, auraient été arrêtés et transférés vers un monastère bouddhiste où ils auraient été forcés de porter adoration à des objets sacrés de ce culte. S'ils refusaient, ils étaient battus par des membres du DKBA. Une taxe sur les récoltes devait être payée au gouvernement. Sur 100 paniers de riz, cinq devaient être donnés au gouvernement. Sur 100 vis de légumes, sept devaient aller au gouvernement. Elle ne pense pas que les Musulmans devaient payer plus que les membres des autres groupes (bouddhistes ou chrétiens) dans son village.


Ethnie:

Karenni

162

Age/sexe:

48 ans, féminin

Education:

Dixième année

Activité professionnelle:

Chef d'une section du village

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Bee T'Ka, Hlaingbwe, Etat Kayin (le village comptait 200 familles; il était divisé en huit sections, chaque section comptait 20-30 familles)

Elle a quitté le Myanmar au début de 1998 puisqu'elle avait terminé son terme à titre de chef de section et ne voulait plus être en contact avec les militaires. Les soldats la connaissaient. Si elle était demeurée, les soldats seraient éventuellement venus chez elle. Elle a fait son travail contre son gré, mais ne voyait aucune autre alternative puisqu'elle aurait pu être arrêtée ou battue si les militaires estimaient que son travail n'était pas satisfaisant. Les villageois assument le rôle de chef de section conformément à une rotation. Elle a été chef de section pendant un mois et a aidé son successeur pendant six mois. Les femmes sont souvent désignées à titre de chef de section ou de village puisqu'elles font généralement l'objet de moins de mauvais traitements de la part des militaires que les hommes qui assument les mêmes fonctions. Elle n'ose pas retourner puisqu'elle craint d'être arrêtée. A la demande des militaires, elle a dû organiser le travail des villageois pour ce qui est de la construction de la route entre Hpa-an et Dawlan. L'ordre reçu des militaires était écrit. Un membre par famille devait contribuer à ce travail. Elle a dû organiser le travail de 150 personnes incluant 90 femmes pendant six jours. Les villageois n'étaient ni rémunérés ni nourris. Ils étaient généralement réticents à l'idée de travailler mais finissaient par s'exécuter et semblaient finalement heureux de travailler ensemble. Une personne qui refusait d'exécuter le travail assigné pouvait faire face à une sanction qui était administrée par les militaires. Dans le cas où une famille ne pouvait contribuer, elle devait payer. Elle se servait alors de l'argent ainsi recueilli pour acheter de la nourriture pour les autres villageois qui travaillaient. Il était aussi possible de payer un substitut. Elle a également organisé le portage qui devait s'exécuter une fois par mois. Ce travail se faisait conformément à un ordre écrit des militaires. A chaque fois, huit à 12 villageois de sa section étaient désignés. Les villageois pouvaient lui donner directement l'argent lorsqu'ils ne pouvaient pas y aller ou engager un substitut. Il y avait deux types de portage: le premier consistait à transporter matériel, équipement ou nourriture d'un camp à un autre; le second était requis pendant les opérations militaires. Les femmes faisaient généralement le premier alors que le second était réservé aux hommes. Le portage des femmes durait en moyenne une journée alors que celui des hommes dépendait de l'importance de l'opération militaire. Les porteurs n'étaient pas rémunérés, mais étaient trop effrayés pour refuser d'aller faire le portage requis. Advenant un refus injustifié, les militaires les menaçaient de les relocaliser ou de brûler leur village. En outre, elle a dû organiser à trois reprises, pendant trois ans, une fois par année, la construction de deux camps militaires qui se trouvaient à proximité de son village (trois miles). Les villageois devaient aussi fournir le matériel nécessaire (notamment le bois) pour lequel ils ne recevaient aucune compensation. Ils n'étaient pas rémunérés. Elle a dû organiser la collecte de nourriture pour les militaires. A deux reprises pendant le mois, les villageois devaient fournir porcs, poulets et légumes aux militaires qui payaient un prix au moins deux fois inférieur à celui du marché (70 kyats le vis par rapport à 150 kyats). Enfin, à la demande des militaires, elle a dû convaincre les membres du KNU qui habitaient dans son village lorsqu'elle était chef de section de quitter cette organisation. Elle ne l'a pas fait de son plein gré, mais a été expressément requise par les militaires de ce faire.


Ethnie:

Karenni

163

Age/sexe:

37 ans, masculin

Situation familiale:

Marié avec deux enfants

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Klaw Ka Hti, Hlaingbwe, Etat Kayin

Le témoin a quitté le Myanmar au début de 1997. Les villageois devaient exécuter du portage pour les militaires et du travail forcé tel que l'envoi de messages, la coupe du bois, la construction de routes et le déminage. Le travail était organisé par les chefs de village conformément à une rotation. Une personne par famille devait l'effectuer. Parfois, les militaires venaient directement au village et arrêtaient les gens dont ils avaient besoin pour le portage. Il a vu des gens être battus, y compris son oncle qui fut battu jusqu'à ce qu'il tombe inconscient. Il a également vu des porteurs se faire ligoter pour ne pas qu'ils puissent s'échapper. Sa plus grande expérience avec le travail forcé est survenue lorsqu'il vivait avec la famille de sa femme juste avant son mariage, en 1996 et 1997 avant son départ pour la Thaïlande. Les gens de tous les villages de la région étaient contraints de participer à des opérations de coupe de bois. Ils n'étaient pas rémunérés pour le travail et devaient apporter leur propre nourriture. Les billots étaient coupés et transportés près de Paw Po Hta. Les billots étaient alors coupés en morceaux. Il a dû transporter ces billots une fois qu'ils étaient coupés. Les ordre indiquaient combien de travailleurs étaient requis pour ce type de travail. Lorsque les villageois ne respectaient pas les ordres, on leur disait que leur village allait souffrir. Une des punitions était que les militaires venaient au village, cherchaient dans les maisons et tentaient de trouver des activités illicites ou de fausses preuves, telles que des munitions. Ils revenaient plus tard et accusaient ces personnes d'activités rebelles. Ils volaient par la suite tous leurs biens et exigeaient le paiement d'amendes. Les militaires surveillaient de près les travailleurs pendant le travail forcé. Il n'y avait aucun problème lorsque ceux-ci exécutaient le travail. Ils étaient battus s'ils se plaignaient. Son oncle et son cousin furent battus de cette façon. Son oncle fut d'ailleurs battu et est tombé dans le coma et fut laissé sur le sol. Personne ne pouvait l'aider sinon ils étaient eux-mêmes battus. A une occasion, les militaires lui ont tiré dessus et un autre de ses amis fut également blessé alors qu'il retournait à sa village afin d'aller chercher de la nourriture. Ceci s'est passé lorsque la région subissait des combats entre les forces gouvernementales et celles du KNU. Ces combats eurent lieu quatre à cinq ans en arrière lorsque le SLORC a pris le contrôle de la région. Les villageois qui se rendaient à la frontière thaïlandaise étaient accusés à leur retour d'être des rebelles même si ils étaient partis que pour obtenir un traitement médical. Le travail forcé était requis dans chaque famille pour une personne une à deux fois par mois. La durée du travail dépendait de ce qu'il y avait à accomplir mais pouvait durer de deux à trois jours à chaque fois. Au total, les ordres exigeant d'exécuter ce travail étaient reçus trois à quatre fois par mois de façon rotative. Les villageois étaient également requis d'effectuer du portage pour les militaires. Ceci comprenait le transport de marchandises et le service de messager. Ils devaient également monter la garde près des routes lorsque des convois militaires transportant de l'équipement passaient par là. Il n'a pas eu à exécuter du portage lui-même parce qu'il était nouveau dans le village. Son beau-frère a dû effectuer du portage à plusieurs reprises, y compris il y a deux ans. A cette époque, il a reçu qu'un seul repas pendant deux jours. Il s'est enfui après deux jours. Les militaires arrêtaient et emmenaient avec eux autant de porteurs qu'ils pouvaient attraper, bien que parfois ils s'adressaient directement au chef du village. Les villageois (y compris les femmes) étaient requis de nettoyer les routes et de déminer. Ils utilisaient des balais et des bâtons. Il n'a vu personne être blessé par des explosions de mines de cette façon. Le travail forcé était également requis pour la construction de routes sur la route de Klaw Ka Hti jusqu'à Paw Maw Hta. Toutefois, il n'a pas eu à effectuer ce genre de travail durant les deux dernières années.


Ethnie:

Pa-o

164

Age/sexe:

30 ans, masculin

Situation familiale:

Une femme et cinq enfants

Activité professionnelle:

Agriculteur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Ti Lone, Hlaingbwe, Etat Kayin (le village comptait 1 000 familles)

Le témoin est revenu dans son village au milieu de 1997 pour six mois après avoir séjourné en Thaïlande depuis 1988. Il a dû exécuter du travail forcé et du portage à plusieurs reprises avant 1988, mais pas durant sa récente visite puisqu'il ne s'est pas enregistré avec les autorités. De ce qu'il a pu voir, il n'y avait pas beaucoup de travail forcé à part du portage. Les militaires venaient et amenaient avec eux des porteurs de temps en temps, ce qui fait que les villageois devaient se cacher à ces occasions. Le portage était toujours effectué sur une base rotative. Avant 1988, il a fait du portage pour l'armée en effectuant ce qui devait être fait (habituellement transporter du riz et des marchandises). Il y est allé à une reprise en 1987 pendant sept jours. Ils ont voyagé à pied toute la journée et dormaient le long de la route. Les militaires les insultaient et les battaient s'ils avaient des problèmes pour transporter leur charge. L'année dernière, lorsqu'il est retourné dans son village, il a dû payer à une occasion pour ne pas avoir à faire du portage. La situation était très mauvaise durant les six mois qu'il a passés là-bas. Il avait du travail mais ne pouvait toujours pas obtenir assez de nourriture puisque la moitié de ce qu'il gagnait devait être donnée aux militaires comme charge de porteur. Le village était divisé en sections aux fins de déterminer les tâches de portage. Un certain nombre était appelé dans chaque section pour travailler pour les militaires. Il a dû payer afin d'éviter cela puisqu'il n'était pas enregistré et devait contribuer tout de même aux taxes de porteur payées par la famille où il vivait.


Ethnie:

Musulman

165

Age/sexe:

43 ans, masculin

Situation familiale:

Marié avec sept enfants

Activité professionnelle:

Agriculteur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Nabu, Kawkareik, Etat Kayin (le village comptait de 300 à 400 familles)

Le témoin est arrivé en Thaïlande en mai 1997. Il a quitté parce qu'il ne pouvait plus tolérer les troubles et l'oppression du SLORC. Son village fut relocalisé en décembre 1996. Il a dû exécuter plusieurs types de travail forcé ainsi que du portage sur une base continue, particulièrement en 1996 lorsqu'un camp militaire fut construit près de son village. En août 1996, il a vu une femme qui travaillait sur la route être battue à mort parce qu'elle ne pouvait plus travailler. Dans les six mois avant la relocalisation, vingt-huit à trente et un jours par mois devaient être passés à faire du portage ou du travail forcé. En juin 1996, il a dû travailler sur la construction de routes de Nabu à Kyondo. Ce travail était exécuté par les villageois de façon rotative durant l'année. De plus, un nouveau camp fut construit en 1996 avant la relocalisation du village. Un troisième type de travail forcé était le portage. Tous ces types de travaux forcés se faisaient de façon continuelle les uns après les autres. Le village n'a reçu l'ordre de se relocaliser qu'une fois tous ces travaux forcés exécutés. Pendant six mois, ils ont exécuté trois types de travail forcé: construction de routes, travail dans le camp militaire et portage, les uns après les autres sans période de repos ou la possibilité de travailler à leurs propres affaires. Il y avait tout au plus une journée de repos de temps en temps. Les gens mouraient de fatigue ou de malnutrition. Tous les adultes devaient y aller et pas seulement une personne par maison: les femmes et les enfants âgés de 13 ans devaient y aller également. Ils l'ont même placé avec des femmes pour exécuter du travail. Les ordres pour ce travail venaient du chef du village. Mais lorsqu'ils avaient des problèmes pour trouver suffisamment de gens, les militaires venaient directement dans le village et arrêtaient les gens. En ce qui concerne les routes, environ 200 à 300 personnes à la fois de plusieurs villages travaillaient sur la route pendant quinze jours. Ils pouvaient retourner au village pour la nuit. Le travail de groupe se terminait uniquement lorsque la tâche était terminée. On leur disait ce qui devait être fait et le laps de temps octroyé pour ce faire. Le travail sur la route impliquait creuser la terre et la construction de remblais, en plus de couper des arbres et casser des pierres. Il a dû lui-même aller à quatre occasions différentes pendant quinze jours à chaque fois durant six mois avant la relocalisation. Il y a eu six mois de travaux continus sur cette route avant la relocalisation qui fut exécutée par les gens de son village. Lorsqu'il est revenu de ce travail, il y avait du portage à exécuter pour le camp militaire. En ce qui concerne le travail dans le camp militaire, il y avait trois groupes distincts: les bataillons d'infanterie 541, 548 et 549. Ils ont dû construire trois camps près du village de Nabu. Ces camps furent construits sur les terres mêmes des villageois que les militaires se sont appropriées à cette fin. Les villageois ont dû nettoyer le terrain, détruire les maisons et construire les camps. Ils ont coupé des arbres et ont dû les transporter sur le site. La construction de ces trois camps a duré une année. Les bâtiments étaient construits en ciment et également en bois. Ceci était également fait sur une base rotative pendant quinze jours. Lorsque les bâtiments furent terminés, d'autres types de travaux ont dû être exécutés dans le camp. Cela n'avait jamais de fin. La situation était tellement mauvaise que, lorsque la relocalisation est arrivée, ce fut presque un soulagement parce que les villageois avaient la chance de s'échapper. Les femmes et les enfants étaient également impliqués dans le travail au camp militaire. Les militaires insultaient les Musulmans et les battaient s'ils travaillaient trop lentement. Il a également fait du portage en trois occasions pendant dix jours en 1996. Il a dû faire du portage vers les montagnes Dawna dans l'Etat Kayin à de très hautes altitudes. Parfois, les militaires obligeaient les porteurs à travailler toute la nuit sans repos. En ce qui concerne le portage, la moitié du temps les ordres émanaient du chef du village, et l'autre moitié du temps les militaires venaient directement dans le village et arrêtaient tous les gens qu'ils trouvaient. Il fut arrêté à trois occasions: il s'est échappé deux fois et a dû terminer le portage la troisième fois. Les deux premières fois qu'il a fait du portage, il s'est échappé. Sa charge comprenait du riz et des munitions et pesait environ 33 kilos. Les militaires insultaient et battaient les travailleurs et les traitaient comme des animaux. Ils leur tiraient dessus si ceux-ci essayaient de s'enfuir. La violence était la même lors du portage que pendant le travail forcé bien que le traitement qu'il recevait pendant le portage était encore pire puisqu'il n'obtenait ni nourriture ni repos. Parfois, les porteurs étaient affamés et ne recevaient qu'un peu de soupe au riz. Au contraire, les travailleurs pouvaient apporter leur propre nourriture sur les sites de travail forcé. Tout ce que les porteurs recevaient était deux repas le matin et le soir: un total d'une portion de riz au lait condensé sans sel ni curry. Ils ramassaient des feuilles dans la forêt afin de les manger avec le riz et travaillaient toute la journée sans repos. Ils travaillaient même parfois durant la nuit. Si quelqu'un tombait malade, il n'y avait pas de traitement médical. Lorsque les porteurs étaient trop malades pour continuer, ils étaient abandonnés le long de la route. Il n'a jamais vu un porteur se faire tuer par les militaires bien qu'il ait entendu que cela arrivait parfois. Habituellement, il n'y avait pas de femmes porteurs. Le garçon le plus jeune comme porteur avait environ 13 ans. Les hommes devaient effectuer du portage jusqu'à l'âge de 70 ans. A l'occasion, les femmes étaient requises comme porteurs lorsque les militaires ne pouvaient trouver assez d'hommes. Il n'a pas été témoin de cas de violences sexuelles sur les femmes. Il y avait toutefois d'autres formes de violences physiques. Pendant le travail dans le camp militaire, les villageois devaient fournir leur propre nourriture en même temps que ce que tous les militaires avaient besoin, y compris de la nourriture pour eux-mêmes. Lorsque les villageois ne faisaient pas ce que les militaires demandaient, ils encouraient des problèmes. Lorsqu'ils ne pouvaient fournir des animaux, ils devaient donner de l'argent. Le village fut relocalisé en décembre 1996. Lorsque ceci est arrivé, il est parti dans un autre village karen et est resté là-bas jusqu'au moment où il a pu s'échapper pour la Thaïlande. Entre janvier et mai 1997, il s'est caché dans différents villages afin de ne pas avoir à exécuter le travail forcé. Il ajoute que tout le monde était requis pour faire du travail forcé et non seulement les Musulmans. Mais les mauvais traitements qu'on infligeait aux Musulmans étaient pires que ceux infligés aux Karens. En septembre 1997, il a appris que la mosquée de Nabu avait été détruite par les militaires et ceux-ci vivaient à cet endroit depuis la relocalisation. Au moment de la relocalisation, un autre site fut choisi pour que les villageois aillent s'y installer. Mais il n'y avait pas d'eau dans cette région, ce qui fait que personne n'y est allée. Les villageois savaient qu'ils ne pouvaient survivre là-bas. «Il n'y avait aucune compassion pour nous.»


Ethnie:

Karenni

166

Age/sexe:

34 ans, féminin

Situation familiale:

Huit (elle, son mari et six enfants)

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Meh The, Hpa-an, Etat Kayin

Le témoin a livré son témoignage en présence du témoin 167. Elle est en Thaïlande depuis deux mois (depuis le début de 1998). Elle et le témoin 167 sont arrivés ensemble. Elle a travaillé comme chef de village avec une autre femme. Elles recevaient toutes les deux les ordres écrits concernant plusieurs types de travail forcé et de portage, y compris des ordres répétés assortis de menace. En plus du travail forcé, le village devait fournir deux tiers de toute la nourriture ainsi que de l'argent aux militaires sous forme d'impôts. Il était donc impossible de survivre au village. La population se dispersait dans d'autres villes ou en Thaïlande. Les gens ne pouvaient plus supporter le travail forcé et n'avaient pas assez de nourriture pour survivre puisqu'ils devaient donner celle-ci au gouvernement. On leur permettait de conserver seulement qu'un tiers de leur nourriture, ce qui n'était pas suffisant pour survivre. En ce qui concerne ses fonctions en tant que chef de village, elle a été choisie conjointement avec une autre femme puisqu'aucun homme n'osait faire ce travail. Les hommes savaient qu'ils seraient battus ou tués. C'était un peu plus facile pour les femmes. Ainsi, les femmes effectuaient ce travail en rotation et maintenant c'était son tour. Deux femmes servaient en même temps pendant quinze jours parmi celles qui pouvaient réussir ce travail. On utilisait deux femmes à la fois parce qu'une seule n'osait pas faire face aux militaires. La garnison n'était pas près du village, ce qui implique qu'un long voyage devait être effectué. Les femmes craignaient les militaires ainsi que les longs voyages si elles devaient y aller seules. Elle a été chef de village à trois reprises et a dû organiser les tâches de travail forcé. Elle devait également fournir de la nourriture lorsque les soldats l'exigeaient. Les ordres écrits concernant les tâches étaient envoyés par messager. Parfois, elle devait elle-même aller à la rencontre des militaires dans le camp. Le nombre de travailleurs requis était indiqué dans les ordres. A d'autres occasions, les porteurs étaient arrêtés directement. Des tâches de surveillance pendant trois jours étaient continuelles et effectuées en rotation. Le travail dans le camp consistait à couper du bambou et poser des clôtures. Les porteurs étaient utilisés sur une base régulière de cinq jours à la fois en rotation. Elle a elle-même effectué du portage à plusieurs reprises, habituellement pour un ou deux jours, mais sur des courtes distances. Son mari et les autres hommes du village l'ont effectué pendant des périodes plus longues. Elle faisait du portage lorsqu'elle n'était pas chef de village. On demandait également des porteurs d'urgence lorsque les militaires devaient se rendre de village en village. Les nouveaux porteurs étaient choisis par les troupes à l'avance. Les femmes étaient remplacées les premières, puis les enfants et les hommes âgés, qui étaient également utilisés comme porteurs. Quiconque était capable de transporter un sac à dos militaire pouvait être utilisé comme porteur. Les plus jeunes avaient 13 ou 14 ans. Elle a transporté des munitions: six obus d'environ 25 kg. Lorsque les ordres n'étaient pas suivis concernant le nombre requis de travailleurs, le village recevait une amende consistant en un certain nombre de bouteilles d'alcool ou un certain nombre de poulets. Un deuxième ordre était habituellement envoyé, mais cette fois il contenait une cartouche, un morceau de piment et un morceau de charbon comme avertissement. La cartouche signifiait que la personne allait être tuée. Le charbon signifiait que le village allait être brûlé. Elle ne savait pas ce que représentait le piment mais savait que cela n'augurait rien de bon. Elle avait reçu ce type d'avertissement à deux reprises. La première fois fut parce qu'un nombre insuffisant de porteurs avaient été envoyés. La seconde fois, parce que le travail n'avait pas été fait de façon adéquate. La première fois, l'avertissement était écrit en encre rouge et était accompagné d'une cartouche et d'un morceau de charbon. La seconde fois, il y avait une cartouche, un morceau de charbon et du piment. Il n'y a jamais eu de sanction contre son village alors qu'elle était chef du village. Mais d'autres chefs de village ont été enfermés dans le camp militaire et leurs jambes coincées dans un carcan pendant une journée ou deux. Le village devait payer une rançon en poulets ou en porcs afin de les faire libérer. A une occasion, le camp militaire a tiré un obus sur le village et a blessé une personne parce que ceux-ci croyaient que le village abritaient des membres du KULA. Lorsqu'un villageois ne pouvait aller faire du portage, il devait payer 500 kyats aux militaires afin d'engager un remplaçant. A cause du travail forcé considérable et de nombreux paiements, les villageois ne pouvaient plus survivre. Plusieurs ont quitté pour les collines et d'autres devraient suivre. Puisque le village était petit, les gens devaient exécuter du travail forcé à maintes reprises. Le village devait fournir 20 personnes à la fois, ce qui implique qu'environ chaque jour plus de gens devaient être envoyés. Les gens passaient une journée à effectuer du travail et obtenaient une journée de congé. Habituellement, pour chaque famille, une personne allait faire le travail forcé et les autres travaillaient sur la ferme. Mais les villageois devaient également donner les deux tiers de leur nourriture et de leur argent aux militaires, ce qui fait qu'il ne leur restait presque plus rien pour eux.


Ethnie:

Karenni

167

Age/sexe:

18 ans, féminin

Situation familiale:

Mariée avec un enfant

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Meh The, Hpa-an, Etat Kayin

Le témoin a livré son témoignage en présence du témoin 166. Elle n'a pas eu à faire du travail forcé elle-même parce qu'elle n'a pas osé. Son mari est toujours allé à sa place. Il a fait du portage et du travail forcé et a coupé du bambou pour les militaires. Il a exécuté du travail forcé de cinq à huit jours par mois. A une occasion, il en a fait pendant un mois entier. Il fut battu à une occasion parce qu'il avait de la diarrhée ou de la dysenterie et devait se rendre aux toilettes fréquemment. Son mari n'a pas eu à travailler à la construction de routes, mais d'autres gens de son village ont dû y travailler. Sa mère et son père ont également exécuté du travail forcé pour sa famille lorsqu'elle vivait avec eux. Son mari a fait du portage à six reprises entre l'âge de 16 et 18 ans.


Ethnie:

Karenni

168

Age/sexe:

48 ans, masculin

Situation familiale:

Veuf avec quatre enfants

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Tee Pa Doh Hta, Bilin, Etat Mon (le village comptait 217 familles)

Le témoin est venu en Thaïlande en août-septembre 1997 parce que l'armée rendait la vie insécure et difficile dans son village. Lorsque les militaires rencontraient des villageois à la campagne et qu'ils pensaient que ceux-ci allaient s'enfuir, ils les attachaient et menaçaient de les tuer. Afin d'aller travailler dans leurs champs, les villageois devaient obtenir un laisser-passer pour un nombre spécifique de jours; si les militaires avaient des soupçons concernant un villageois, même lorsque celui-ci détenait un laisser-passer, ils pouvaient faire tout ce qu'ils voulaient de lui. Il a effectué du travail forcé à partir de 1983, lorsque des opérations militaires ont débuté dans sa région, et jusqu'en 1987, lorsque le travail forcé est devenu une routine journalière. En effet, ce travail lui prenait la moitié de son temps durant toute l'année, y compris durant l'été et l'hiver, la saison sèche et la saison des pluies. Durant la saison des pluies, les charrettes et les voitures ne pouvaient traverser et les villageois devaient transporter les marchandises pour les militaires. Il n'avait plus le temps de travailler à ses propres affaires parce qu'il devait constamment travailler pour les militaires. La pire forme de travail forcé était le portage. La charge assignée était plus lourde que ce qu'un homme pouvait transporter et il devait en plus transporter sa propre nourriture. Habituellement, le portage se faisait durant cinq jours, en rotation, mais, si le remplaçant n'arrivait pas, cela pouvait durer pendant un mois. De plus, lorsqu'un nouveau groupe de militaires arrivaient, quelqu'un pouvait se voir demander de travailler à nouveau, ce qui implique qu'il ne lui restait plus de temps pour gagner sa vie. Il a effectué du portage à plusieurs reprises; au mois deux fois par année pendant plus d'un mois. La période la plus longue fut pendant deux mois et quinze jours lorsqu'il est venu à Tah Kwa Law Soe en 1989, et trois mois et vingt jours à Twi Pah Wee Cho durant l'opération de 1991. Lors de cette offensive, il y avait 400 à 500 porteurs qui venaient de plusieurs villages, certains appelés par le chef du village, d'autres capturés directement par les militaires. Ce nombre comprenait 30 porteurs de son village (217 familles). Il a dû transporter 12 obus qui pesaient 39 kg. La dernière fois qu'il a fait du portage était en août 1997 pendant sept jours. Après cela, il a quitté le village. Son fils le plus âgé a également dû faire du portage environ 20 fois dans les cinq ou six dernières années à partir de l'âge de 20 ans jusqu'à son départ. Mais son fils n'a pas eu à faire du portage aussi souvent que lui, c'est-à-dire seulement sept, huit ou dix jours à la fois. Les porteurs qui ne pouvaient continuer étaient tués par les soldats, lapidés. Durant l'opération de Twi Pah Wee Cho en 1991, il était trop faible et ne pouvait plus transporter sa charge. Ils l'ont donc battu sur la poitrine (il montre des cicatrices) et il saignait. Ils l'ont également battu sur le côté et sur la tête (il montre de nouveau deux cicatrices). Après l'avoir presque tué, les militaires l'ont renvoyé à Meh Myeh (camp militaire). Durant la même opération, il a vu des militaires tuer deux porteurs qui étaient trop faibles pour continuer. L'un d'eux est mort après avoir été frappé à l'estomac et l'autre fut tué avec une pierre. Les porteurs n'étaient pas rémunérés durant l'opération, mais ils recevaient de la nourriture en petite quantité. De plus, l'été dernier, lui et d'autres villageois ont dû construire un camp militaire, creuser des tranchées et ériger des abris. Ils ont également dû couper des tiges de bambou et poser des clôtures autour du village et du camp. Par la suite, pour le camp militaire, des mines et des trappes en bambou ont été installées entre les clôtures. Ils ont été contraints de faire ce travail forcé non seulement pour leur village, mais également pour deux petits villages où ils devaient apporter leur propre nourriture. Le travail était difficile et pas tellement différent du portage. Les travailleurs devaient travailler de 8 heures le matin à 17 heures; lorsqu'ils travaillaient dans d'autres villages, ils devaient rester là-bas pendant quelques jours. Il a personnellement dû travailler sur les clôtures trois fois par année, mais jamais moins de vingt jours à la fois (parfois, pendant un mois). Lorsqu'il terminait à un endroit, il était envoyé ailleurs si on avait encore besoin de lui. Chaque famille devait fournir une personne pour ce type de travail, faute de quoi il devait donner 1,6 kg de poulet et 100 kyats par jour. Si ce travail durait quatre jours, la personne devait donner l'équivalent de quatre fois 1,6 kg de poulet en plus de 1 000 kyats: la compensation était proportionnelle au nombre de jours d'absence dans le cas des poulets uniquement. Par contre, en ce qui concerne l'argent, les montants exigés étaient excessifs. Si quelqu'un ne pouvait donner du poulet, il devait payer 250 kyats pour chaque poulet qu'il ne pouvait donner. Il a dû donner ce type de compensation à deux ou trois reprises, y compris à une occasion lorsqu'il restait à la maison parce que sa plus jeune sœur était malade. De plus, d'octobre à juin, chaque famille a dû fournir quelqu'un pendant vingt-quatre heures, trois fois par mois, afin de surveiller et nettoyer la route. Pour sa famille, on envoyait généralement son frère plus jeune à partir de l'âge de 10 ans pour effectuer ce travail. Il refusait de laisser son fils plus âgé y aller parce qu'à chaque fois que les militaires voyait quelqu'un de 15 à 16 ans ceux-ci décidaient de l'utiliser comme porteur bien qu'il soit en train d'effectuer une tâche de surveillance. Durant la surveillance, son fils ne pouvait dormir la nuit et devait nettoyer la route ainsi que déminer deux fois par jour. Ce travail était dangereux. Une fois, en 1995, une mine a explosé et une personne qui effectuait une tâche de surveillance a perdu une jambe et est morte par la suite sans traitement. Parfois, lorsque les militaires étaient en embuscade, si quelqu'un tirait sur eux, ils punissaient la personne qui devait surveiller. Lorsqu'une voiture était endommagée ou que des militaires étaient blessés, tout le village devait payer pour le dommage causé. A une occasion, tous les neuf villages se situant près de la route de Yoh Kla jusqu'à Kyo Wine, près de 940 familles, ont dû payer 500 kyats par famille en réparation d'une voiture endommagée.


Ethnie:

Musulman

169

Age/sexe:

30 ans, masculin

Situation familiale:

Marié avec trois enfants

Activité professionnelle:

Pasteur musulman

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Mon Naing, Hlaingbwe, Etat Kayin (il a déménagé à Pata en février 1997)

Le témoin est venu en Thaïlande en septembre 1997 parce qu'il avait dû effectuer du travail forcé ou payer des sommes d'argent qui dépassaient ce qu'il pouvait payer avec son salaire de pasteur de 1 000 kyats par mois. Après être revenu d'un portage d'urgence en février 1997, il a déménagé dans un autre village, à Pata, où la situation n'était pas aussi mauvaise qu'à Mon Naing. Mais la situation là-bas s'est de nouveau détériorée après quelques mois, et il a décidé de quitter le pays avec sa famille. Plus précisément, il a dû effectuer du travail forcé de 1992 à 1997 sous différentes formes: portage, y compris portage d'urgence, travail divers, tâches de surveillance. Afin d'éviter le portage, le témoin devait payer une taxe de porteur. Lorsqu'il trouvait un ami qui pouvait le remplacer, il le payait 80 kyats par jour. Lorsqu'il ne pouvait trouver personne, il devait payer 200 kyats par jour aux autorités. Comme il était pasteur, ses proches ont effectué le portage régulièrement pour lui. En ce qui concerne le portage d'urgence, il fut capturé par les soldats le 30 janvier 1997 et a dû l'effectuer jusqu'au 27 février lorsqu'un porteur de son village ainsi que des membres de sa famille ont payé 2 000 kyats afin de le faire relâcher. Les militaires capturaient n'importe qui et décidaient qu'il y avait du portage d'urgence. Il fut capturé près de sa mosquée par le sergent major Ngwe Zan du bataillon 28 (bataillon de Thura Po Sein, commandant de compagnie Aung Moe). Il a dû transporter une charge d'environ 32 kg de petites cartouches, de riz et de fèves depuis son village en traversant une montagne de 5 000 pieds. Les femmes devaient transporter plus de 16 kg. Il était dans un groupe de 400 à 500 porteurs, comprenant 180 femmes provenant de quatre villages qui devaient transporter des marchandises sur la ligne de front. Lorsque les militaires l'ont arrêté, les mains des hommes étaient attachées et ils restaient ainsi même pour dormir ou pour aller aux toilettes. Ils étaient nourris seulement avec une portion de riz au lait pour huit personnes. Il a vu 16 porteurs être battus à mort. Certains furent battus à mort parce qu'ils ne pouvaient plus transporter leurs charges et s'étaient reposés. Un autre fut tué après avoir bu de l'eau de la rivière. Une autre personne se sentant étourdie, s'est assise un moment et a été battue à mort. Un de ses amis, Soba, un musulman de Kawkareik, fut également battu à mort. Il a également vu d'autres personnes qui ne pouvaient plus transporter leur charge être battues. Elles n'ont pas toutefois succombé à leurs blessures. Habituellement, les militaires battaient les gens lorsque ceux-ci étaient fatigués. Il a lui-même été battu en raison du seul fait qu'il avait regardé dans une autre direction. Les femmes étaient placées entre les militaires et certaines d'entre elles furent violées, y compris cinq femmes musulmanes de son village qui lui ont raconté cet incident le jour suivant. Elles devaient dormir parmi les militaires. Ceci se passait presque toutes les nuits pour toutes les femmes, y compris les musulmanes, les karens ou quiconque se trouvait là. Dans son village, tout le monde a dû effectuer du portage et a été battu ou blessé. Trois furent blessés, incluant son cousin qui a eu une jambe arrachée après avoir marché sur une mine alors qu'il exécutait du portage. Deux villageois ont eu des côtes brisées et deux autres la clavicule cassée alors qu'ils exécutaient du portage et qu'ils se sont fait battre pendant qu'ils se reposaient. Lui-même a eu des problèmes avec son dos à la suite du transport de charges très lourdes, en février 1997. A cette époque, il a dû, avec un autre porteur, transporter un soldat blessé. En 1983-84, son frère plus âgé et son beau-frère ont été tués alors qu'ils effectuaient du portage. Lorsque les corps ont été ramenés après plus de seize jours, son frère avait la gorge tranchée et son beau-frère avait des blessures de baïonnette dans la poitrine. Les porteurs qui les ont ramenés lui ont dit que les militaires les avaient tués. De plus, trois fois par mois, son village (où il ne restait que 80 familles) devait fournir dix personnes pour effectuer des tâches de surveillance qui duraient toute la journée et la nuit pendant cinq jours de suite. On pouvait trouver un remplaçant si l'on payait 30 à 50 kyats par jour ou 70 kyats par jour payés directement aux autorités. Il a lui-même effectué des tâches de surveillance ou a envoyé sa femme, bien que celle-ci avait un bébé de six mois qu'elle devait emmener avec elle. Parfois, sa mère, elle-même, est allée. Lorsqu'il effectuait des tâches de surveillance, il devait apporter des billots avec une charrette pour s'assurer qu'il n'y avait pas de mines sur la route. Finalement, en ce qui concerne le travail volontaire, il devait payer un montant de 200 kyats par jour aux autorités; tout comme le portage, si quelqu'un n'y allait pas, il pouvait envoyer un remplaçant. La différence était que la durée était fixée d'avance et, lorsque le tour de quelqu'un venait, ceux-ci partaient pendant quinze jours. Tandis que pour le portage, lorsque le tour de quelqu'un venait, tout dépendait de la durée pendant laquelle les militaires auraient besoin de porteurs. Lorsque son tour venait pour le travail «volontaire», les membres de sa famille et de sa communauté le remplaçait, tout comme ils le faisaient pour le portage régulier.


Ethnie:

Karenni

170

Age/sexe:

26 ans, masculin

Situation familiale:

Marié

Education:

Troisième année de collège

Activité professionnelle:

Soldat (grade de sergent dans un bataillon d'infanterie)

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Insein, division de Yangon

Le témoin a joint l'armé en 1995 parce qu'il devait gagner sa vie et n'avait pas d'autres choix. Il a déserté et est venu en Thaïlande en août 1997 parce que, en tant que Karen, il ne pouvait plus voir les gens de son peuple être contraints d'effectuer du travail forcé et être opprimés par le gouvernement. En étant dans l'armée, il pouvait protéger les membres de sa famille mais pas les autres personnes. Il y avait donc de la discrimination même dans l'armée entre les Karens et les Birmans. En ce qui concernait l'entraînement des officiers, les étudiants birmans étaient choisis tandis que les Karens devaient payer beaucoup pour pouvoir y avoir droit. Alors qu'il était dans l'armée, il a vu des gens faire du travail forcé à trois ou quatre reprises lorsqu'il était à Lashio, et même à Yangon, et également à Hpa-an, Manerplaw et Kawkareik. Les différents types de travail forcé comprenaient le portage, le déminage, la construction de routes et de ponts. Lorsque le témoin a servi à Lashio, son bataillon (numéro donné à la commission) a dû fournir des civils pour le portage et le travail sur les routes. D'autres bataillons les informaient de leurs besoins en main-d'œuvre. Certains bataillons devaient recruter le plus de personnes possible et son bataillon devait fournir le transport pour ces troupes. Depuis Lashio, il a été témoin de trois groupes de 170, 80 et 90 personnes, respectivement, qui ont été envoyées à Kunlon et Kurkai, sur la frontière chinoise et dans le Nord de l'Etat Shan afin de transporter des munitions et des marchandises pour les militaires. Ceux qui ne pouvaient pas continuer devaient construire des routes. Certains devaient y aller pour une semaine et d'autres pour un mois. Certains ont été tués alors qu'ils tentaient de s'échapper. A Kutkai, lorsqu'un glissement de terrain a arrêté le mouvement des troupes, il y avait des bulldozers disponibles mais les officiers ne les ont pas utilisés puisqu'ils voulaient vendre le carburant sur le marché noir. Ils ont plutôt utilisé des personnes afin de nettoyer la route. Une personne est tombée dans la rivière et est morte. Même à Yangon, il a vu du travail forcé depuis son tout jeune âge, et ceci se poursuit toujours aujourd'hui. Il a vu des gens contraints de niveler les routes pour la construction d'un camp militaire; certains furent mordus par des serpents et ne reçurent aucune indemnisation. Les militaires capturaient trois, voire quatre, camions pleins de personnes. Il a été témoin de tout cela. Une journée où il était en congé, il est retourné chez lui en uniforme et a appris que son ami (nom donné à la commission) avait été capturé par les militaires alors qu'il buvait du thé dans une maison de thé. Il connaissait le chauffeur et a trouvé son ami en prison mais a réussi à le faire libérer en convainquant les officiers qu'il s'agissait de son propre frère. Les gens qui étaient capturés de cette façon devaient travailler pour des périodes de trois à quatre mois et n'étaient pas rémunérées. De plus, des provisions avaient été faites dans le budget du département responsable pour fournir de la nourriture aux porteurs, mais les officiers ne leur donnaient que la moitié de ce dont ils avaient droit et gardaient le reste pour eux-mêmes. Les gens capturés étaient utilisés pour la construction du pont Than Lwin à Yangon, alors que d'autres étaient amenés dans des villes ou même sur la ligne de front. En ce qui concerne ses amis, ils ont généralement réussi à payer pour s'échapper. A chaque deux ou trois mois, les autorités venaient pour collecter 300 kyats de taxes de porteurs imposées à chaque famille dans les régions centrales de Yangon, y compris Insein, Kaway Chaung, Thamine, Kyutgon, qui étaient toutes des quartiers résidentiels de Karens. Mais, en principe, 300 kyats étaient suffisants pour éviter le portage. Par contre, lorsque quelqu'un était capturé pour le portage, les parents devaient payer entre 4 000 et 5 000 kyats pour le libérer. Dans la ville de Hpa-an, juste avant son arrivée en Thaïlande en juin 1997, il a vu des personnes être arrêtées près d'une jetée. Son département a été requis de fournir six camions mais n'a pu en livrer que cinq. Un camion pouvait contenir environ 50 personnes, bien qu'ils en mettaient 80 par camion. Ces gens étaient amenés dans des endroits tels que Nabu, Wawle, Kawkareik, Thingannyinaung. A ces endroits, ils devaient transporter de la nourriture et d'autres marchandises en tant que porteurs pendant deux ou trois mois. Même si elles ne savaient pas où elles se trouvaient, certaines personnes ont tout de même tenté de s'enfuir mais ne sont jamais revenues dans leur village. A Hpa-an, il a vu des militaires battre des porteurs (mais il n'a pas vu cela à Lashio). En juin 1997, le témoin a conduit des porteurs dans un camp militaire près de Manerplaw, où se situait les anciens quartiers généraux du KNU; les porteurs se voyaient remettre des tiges de métal afin de détecter celles-ci. Il restait derrière alors que les hommes qui devaient déminer étaient devant: cinq démineurs devant et cinq personnes derrière. Lorsqu'ils voyaient une mine, ils criaient. Il n'a vu personne se faire blesser bien qu'ils aient trouvé huit ou neuf mines; des experts les ont désamorcées. Dans d'autres groupes, des mines auraient tué plusieurs personnes. Lorsque ses camarades sont rentrés en avril 1997 de Hill 962, un endroit nommé Ta Lay, ils lui ont rapporté que huit porteurs avaient été blessés après avoir marché sur des mines. Ceux qui étaient gravement blessés furent tués par les militaires puisque ces derniers ne voulaient pas leur fournir de traitement médicaux. Il a vu le dossier personnel d'un militaire (nom fourni à la commission) qui a été rétrogradé. Il lui a demandé de lui expliquer les raisons de cet acte. Durant une opération sur la ligne de front, un lieutenant de 25 à 26 ans a groupé les villageois autour du camp et leur a demandé s'ils avaient vu des militaires du KNU. Lorsqu'ils ont répondu «non», le lieutenant a demandé à une femme de 80 ans dans la foule de lui dire la vérité. Il l'a, par la suite, frappée sur le front et lui a demandé, une fois de plus, de dire la vérité. Le caporal a tenté de dissuader le lieutenant qui lui a répondu de s'occuper de ses affaires. Il a continué de frapper la vieille dame bien qu'elle gisait sur le sol. Lorsque le caporal l'a imploré de cesser, le lieutenant l'a sommé de se battre et, puisque le caporal est resté silencieux, il a ramassé la vieille dame et lui a craché au visage. Le caporal savait qu'il ne pouvait arrêter le lieutenant et l'a frappé avec son arme. Ce qui explique que le caporal a été rétrogradé et a été enfermé pendant trois mois. Au camp 1-450 (compagnie 1 du bataillon 450), près de Kawkareik, au début de 1997, des villageois furent requis de couper du bois et de transporter les billots sur un site de construction. Ceci aurait pu être fait avec des bulldozers. Plus de 100 personnes ont été utilisées pour ce travail pendant deux à trois mois. Elles étaient gardées dans un endroit la nuit d'où elles ne pouvaient s'échapper. Finalement, en parallèle à ses tâches dans l'armée, lui et d'autres militaires ont dû planter des arbres et creuser des puits, pour le développement de la discipline militaire. Ceci signifiait qu'ils ont dû travailler des heures supplémentaires la nuit, presque vingt jours par mois. Au lieu de travailler de 8 heures le matin à 16 heures, ils devaient travailler de 6 heures le matin à 3 heures le lendemain matin. Ils ne dormaient que pendant trois ou quatre heures. Ceci arrivait assez régulièrement un peu partout. Par exemple, les officiers plantaient quelque chose, gardaient les deux tiers des profits pour eux-mêmes et un tiers pour acheter des provisions pour l'armée. Lui-même n'a rien reçu.


Ethnie:

Karenni

171

Age/sexe:

46 ans, masculin

Situation familiale:

Marié, trois enfants

Education:

Quatrième année

Activité professionnelle:

Fermier. Il possédait une terre. Son beau-père, qui vit dans un autre village, s'en occupe en cachette.

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Meh The, Hpa-an, Etat Kayin (Le village comptait une trentaine de maisons mais il a été détruit récemment par les militaires afin d'éviter que les membres de l'Union nationale karenne (Karen Nation Union) (KNU) puissent y trouver refuge.)

Le témoin a quitté le Myanmar au début de 1998. Il a dû faire du 1) portage, 2) monter la garde à proximité d'une route et 3) construire un camp militaire. Il lui restait en moyenne quinze jours par mois pour vaquer à ses propres occupations. Pour ce qui est du 1) portage, il a dû le faire environ à 70 reprises depuis les vingt-six dernières années. Il a porté pour la première fois à l'âge de 20 ans et, pour la dernière, il y a environ 2 mois. Il est difficile d'estimer un nombre de fois par mois. En fait, les militaires réquisitionnaient les porteurs au gré de leurs besoins. Les ordres des militaires étaient généralement transmis par le chef de village bien que les soldats pouvaient arrêter les porteurs directement. Les ordres étaient par écrit bien qu'il ne les ait pas vus personnellement. Une personne par famille devait faire le travail conformément à une rotation entre quatre familles. Il était impossible de refuser. Toutefois, il était possible d'engager un substitut: 500 kyats par jour pour les voyages d'importance. Il aurait engagé un substitut à une reprise. Il n'aurait jamais osé offrir un pot-de-vin aux militaires afin d'être exempté. Les distances à parcourir pouvaient varier: de quatre à cinq jours jusqu'à un mois. Le portage pouvait être requis tant en saison des pluies qu'au cours de la saison sèche. Les assignations ont dû être exécutées dans les Etats Mon et Kayin. Il devait dormir avec les soldats. A plusieurs reprises, il a dû marcher toute la nuit, sans moment de répit. Les femmes devaient également faire la même chose. Sa femme a dû se rendre au front à une reprise. Lorsqu'il a porté pour la dernière fois, 60 autres porteurs l'accompagnaient, incluant hommes et femmes. Les femmes transportaient la nourriture, les casseroles et les munitions. Les hommes transportaient surtout les munitions. Il a été pris dans des batailles contre le KNU a cinq reprises. Dans ces cas, les porteurs (hommes et femmes) devaient rester près du soldat de manière à lui fournir les munitions. Il n'était pas rémunéré et ne recevait pas toujours la nourriture en portion suffisante. Il lui était parfois servi qu'un seul repas en deux jours. Il devait, avec les autres porteurs, se contenter de boire de l'eau. Lorsque, à bout de force et affamés, les porteurs ne réussissaient plus à porter leur charge, ils étaient battus et frappés. Il n'a jamais personnellement été battu mais a vu plusieurs porteurs l'être. Les porteurs ne recevaient pas de traitements médicaux ou de médicaments en cas de maladie. Il n'a pas été témoin de mauvais traitements infligés aux femmes mais a entendu dire que, dans d'autres villages, certaines auraient été maltraitées ou auraient fait l'objet de sévices sexuels. Il a également 2) dû monter la garde à proximité de la route entre Thaton et Hpa-an (route qui se rendait également au camp militaire). Cette route est à environ trois miles de son village. Il pouvait être requis de ce faire à un ou deux reprises par mois. C'est le chef du village qui organisait le travail exigé par les militaires. Chaque assignation durait trois jours. Cent-cinquante femmes et hommes travaillaient en même temps que lui dont trois de son village sur la section qui leur était assignée. Le travail consistait à défendre la route contre le KNU. Il devait pour ce faire rester jour et nuit sur la route. Il n'était pas rémunéré et devait apporter sa propre nourriture. Il craignait d'être arrêté, battu, voire tué par les militaires s'il refusait d'exécuter le travail. Cette route était en construction. Il a du reste travaillé à sa construction en 1996 avec d'autres villageois et soldats à une reprise pendant trois jours. Sa femme y a travaillé pour sa part à qautre reprises. Cette route est principalement destinée aux militaires. Enfin, il a participé à la construction du camp militaire de Pwo qui est situé à 1 mille et demi de son village à une seule occasion pendant une journée, il y a environ un an et trois mois. Il a dû y monter les tentes, poser les bambous et les clôtures. Le matériel devait être fourni par les villageois qui ne recevaient aucune indemnisation à cet égard. Les villageois se remplaçaient en rotation puisque la construction du camp a duré au total dix jours. Soixante personnes travaillaient en même temps que lui et provenaient de différents villages. Il n'était pas rémunéré et devait apporter sa propre nourriture. Il n'est membre d'aucune organisation politique.


Ethnie:

Karenni

172

Age/sexe:

50 ans, féminin

Situation familiale:

Veuve, deux filles, un fils

Activité professionnelle:

Commerçante. Vend de la nourriture dans le village

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Pway Taw Roo, Hlaingbwe. Etat Kayin (le village comptait 20 familles)

Elle a quitté le Myanmar au milieu de 1997 puisqu'il ne lui restait pas assez de temps pour vaquer à ses occupations personnelles en raison du travail exigé par les militaires. Depuis la mort de son mari, elle a personnellement dû faire 1) du portage, 2) monter la garde près de la route et 3) participer à la construction d'un camp militaire. Elle n'a pas personnellement fait de travail pour les militaires avant le décès de son époux. Ce sont les chefs de village qui organisaient le travail. Elle n'était pas rémunérée et ne pouvait refuser de travailler par crainte d'être arrêtée. Si le chef de village manquait à sa tâche, les militaires pouvaient les réquisitionner directement. 1) Elle a personnellement dû faire du portage pour les militaires à trois reprises au cours de l'année qui a précédé son départ. Chaque famille devait fournir un membre pour exécuter ce travail. Elle devait transporter des munitions pendant une journée de son village à Painkyone. Une centaine de personnes travaillaient avec elle en même temps, dont une vingtaine de son village, incluant une majorité de femmes. Elle devait apporter sa propre nourriture. Sa soeur s'occupait de ses enfants lors de ses absences. Elle a personnellement fait l'objet de mauvais traitements, ayant été battue et frappée lorsqu'elle était fatiguée. Elle a également vu de nombreuses femmes, la majorité d'âge avancé, battues et maltraitées par les militaires. Elle a vu, à une occasion, une femme sévèrement battue puisque, fatiguée, elle avait déposé son panier afin d'aller à la toilette. 2) Elle a monté la garde près de la route entre son village et Painkyone-Hlaing Bwe-Hpa-an à trois  reprises pendant un mois. Les autres fois où elle a été requise par les militaires pour ce genre de travail, elle a engagé un substitut pour lequel elle a dû payer 30 kyats à chaque fois. Chaque assignation durait une journée complète, incluant la nuit. Vingt personnes -- exclusivement des femmes -- devaient travailler en même temps sur une section de route donnée. Deux personnes montaient la garde ensemble, partageant la même tente et couvrant environ 150 à 200 pieds de route. 3) Elle a également participé à deux reprises, il y a deux ans, à la construction d'un camp militaire (camp 709) qui était situé à trois miles de son village. Chaque assignation durait une journée. Elle devait couper le bois et les bambous dans la forêt à proximité du camp, les transporter jusqu'au lieu de construction et participer à l'édification du camp. Cinquante personnes, dont dix femmes, auraient travaillé avec elle à la première occasion et 30, incluant huit femmes, à la seconde. Elle n'aurait pas fait l'objet de mauvais traitements à ces occasions bien que les militaires s'adressaient aux travailleurs en criant. Des chefs de villages féminins ont toutefois fait l'objet de mauvais traitements puisqu'elles n'ont pas réussi à organiser le travail. Elles ont été attachées et exposées au soleil ardent pendant une demi-journée. Elles ont été relâchées vers 14 heures. Elles ont également été menacées à l'aide d'une arme, des coups de feu étant tirés près de leurs oreilles. Son époux a dû faire du travail forcé au moins une dizaine de fois au cours des vingt années qui ont précédé sa mort. Il a notamment dû faire du portage à deux reprises, la première assignation durant deux jours et la seconde cinq.


Ethnie:

Karenni

173

Age/sexe:

40 ans, masculin

Situation familiale:

Marié, deux filles

Education:

Deuxième année

Activité professionnelle:

Cultivateur, possède deux terres près du village

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Bee T'Ka, Hlaingbwe, Etat Kayin (le village comptait 130 familles)

Il a quitté le Myanmar au milieu de 1997 puisque les militaires le soupçonnaient de faire partie du KNU. Il voudrait retourner dans son village dans la mesure où la situation change. Il a assumé les fonctions de chef de section durant les mois d'avril et de mai 1997. Le chef de section est choisi par le chef de village qui est lui-même élu par les villageois. A ce titre, il a dû organiser le travail requis par les militaires et par l'Union nationale karenne (KNU) (Karen National Union) (à quatre reprises pour cette dernière organisation). Il a dû organiser le travail suivant pour les militaires: portage, construction de route, monter la garde près d'une route et édification de camp militaire. Il risquait l'imposition d'une amende s'il ne pouvait pas organiser le travail requis. Les personnes sélectionnées risquaient d'être arrêtées si elles refusaient de faire le travail. Pour ce qui est du portage, il a dû organiser les équipes de porteurs à cinq reprises. Il devait trouver le nombre de porteurs requis par les militaires. Chaque famille devait fournir une personne pour exécuter le travail. Il a également organisé le travail pour les militaires pour la construction et la surveillance de routes et la construction d'un camp militaire. Il a organisé le travail, à trois reprises, pour la route entre Hpa-an et Dawlan, chaque assignation durant respectivement cinq jours, deux à trois jours et quatre jours et requérant 117, 107 et 37 travailleurs. Pour ce qui est de la surveillance d'une route, il a dû trouver quatre travailleurs à cinq reprises pour des assignations durant chaque fois trois jours. Pour ce qui est du camp militaire, il a dû organiser le travail à trois reprises, devant recruter respectivement 50, 35 et 70 travailleurs pour des assignations durant une journée. A toutes ces occasions, il a travaillé avec les personnes sélectionnées. Antérieurement à ses fonctions de chef de section, il a dû personnellement être porteur au moins deux fois par mois. Les assignations duraient entre cinq et quinze jours. Le nombre de porteurs dépendait du nombre de soldats. Hommes et femmes étaient recrutés. Tous deux devaient porter des munitions, les hommes ayant toutefois des charges plus lourdes à transporter. Il a dû se rendre au front à trois reprises. Hommes et femmes porteurs devaient rester lors des combats. Il n'a pas vu personnellement de sévices sexuels commis contre les femmes mais on lui aurait raconté que des femmes auraient été violées par des soldats. Une femme, qui travaillait avec lui, lui aurait dit avoir été violée par cinq soldats. Une plainte aurait été présentée au commandant qui aurait condamné cet événement et ordonné que de telles actions ne se reproduisent pas. Toutefois, il semblerait que l'ordre donné n'était pas respecté. A deux occasions lorsqu'il était chef de section, il a accompagné les porteurs. Le portage se faisait dans des régions montagneuses. Il a dû porter entre son village et trois autres situés près du sien (son village se situait près des montagnes. Un camp militaire se trouvait à proximité de sa maison). Cent-dix porteurs travaillaient avec lui, dont 10 de son village pour 250 soldats. Seuls des hommes exécutaient ce type de travail. Il devait transporter des munitions pour les mortiers. Chaque assignation a duré cinq jours. Les porteurs faisaient régulièrement l'objet de mauvais traitements, étant battus et frappés dès qu'ils ne réussissaient pas à suivre le rythme de progression. Il n'était pas rémunéré. Antérieurement à ses fonctions de chef de section, il a dû participer à l'édification de trois camps militaires à dix reprises au cours des années 1996 et 1997: cinq fois pour le camp de Nabu, deux fois pour celui de Naungbo et trois fois pour celui de Taun Zun. Il a dû travailler avec des villageois provenant de différents villages. Ils devaient fournir le matériel nécessaire et n'étaient rémunérés ni pour le matériel fourni ni pour le travail accompli. Il a dû également apporter sa propre nourriture. Il était toujours possible de payer un substitut: pour la construction et la surveillance de la route (500 kyats), pour le portage (1 000-1 200 kyats) et pour le camp militaire (100 kyats). Il n'était pas possible de payer des pots-de-vin pour être exempté. Enfin, son épouse a dû travailler pour les militaires depuis son départ. Il ne sait pas exactement le nombre de fois où elle a dû personnellement faire du portage mais il sait qu'elle est requise de ce faire à deux reprises par mois. Il a dû payer une taxe de riz qui devait être versée aux officiers du gouvernement. Au regard de cette taxe, établie par la loi, il devait verser 4  ou 5 pour cent de ces récoltes en fonction de la qualité des récoltes.


Ethnie:

Karenni

174

Age/sexe:

72 ans, féminin

Situation familiale:

Mariée, quatre filles, deux fils

Activité professionnelle:

Son mari est cultivateur et possède sa propre terre.

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Painkyone, Hlaingbwe, Etat Kayin (le village comptait 200 familles)

Le témoin vit au Myanmar et est arrivé en Thaïlande au début de 1998 pour rendre visite à ses filles. Elle souhaite retourner au Myanmar pour aller chercher toute sa famille afin de s'installer en Thaïlande. Elle estime qu'il est difficile de survivre au Myanmar compte tenu du travail exigé par les militaires. De plus, les militaires auraient torturé sa nièce à l'aide d'une baïonnette puisqu'ils la soupçonnaient de faire partie, d'aider ou coopérer avec l'Union nationale karenne (Karen National Union) (KNU). Elle a personnellement dû travailler pour les militaires en exécutant les tâches suivantes: portage, construction et surveillance de route et édification de camp militaire. Son mari a aussi dû exécuter les mêmes genres de travaux. Elle estime qu'environ 10 jours lui restaient pour vaquer à ses occupations alors que son mari devait consacrer au moins 50 pour cent de son temps pour les travaux exigés par les militaires. Pour ce qui est du portage, elle a dû en faire pour les militaires au moins une vingtaine de fois depuis les vingt-huit dernières années. Les ordres étaient généralement donnés par le chef de village, mais les militaires pouvaient également arrêter les personnes dont ils avaient besoin. Elle a personnellement été réquisitionnée par les militaires directement à cinq occasions. Chaque assignation durait entre un et quatre jours. Elle n'était pas rémunérée et devait apporter sa propre nourriture. Elle s'est rendue au front avec d'autres femmes à une occasion. La dernière fois où elle a été porteur remonte à deux mois avant son départ. A cette occasion, les militaires l'aurait réquisitionnée directement sans passer par l'intermédiaire du chef de village. Bien qu'elle ait fait valoir son âge avancé, ils lui auraient rétorqué qu'elle devait trouver quelqu'un pour la remplacer si elle ne voulait pas faire le travail personnellement. Ne trouvant personne, elle a dès lors dû transporter de la nourriture jusqu'à une montagne près du front, à proximité du camp militaire Lerpu. Elle a dû marcher pendant une journée entière, couvrant environ une quinzaine de miles. Il y avait environ 100 porteurs, principalement des femmes puisque les hommes réussissaient à s'enfuir, pour 50 soldats. Elle n'a pas vu de mauvais traitements infligés aux femmes contrairement aux hommes qui étaient régulièrement et violemment battus et frappés. Elle a entendu parlé d'histoires d'abus sexuels dont des femmes auraient fait l'objet, mais n'en a pas vu ou n'en a pas fait l'objet personnellement. Pour sa part, son époux a dû faire du portage pour les militaires un nombre de fois bien supérieur au sien. Il devait porter dans le cadre d'opérations militaires et pour les besoins de camps militaires. Il a été porteur pour la dernière fois en 1996 dans le cadre d'une opération militaire pour une durée de cinq jours. Les assignations de portage pour opérations militaires pouvaient varier entre cinq jours et un mois. Quelques jours avant son départ, son époux a dû porter du matériel pour un camp militaire pendant une journée. Elle a dû également participer à la construction et à la réfection de la route qui traverse son village (longueur: quatre miles) à quatre occasions, chaque fois pendant une journée. La dernière fois remonte à une journée avant son départ. C'est le chef du village qui l'informait du travail à exécuter. Cinq personnes de son village ont travaillé avec elle. La route, incluant un pont, était utilisée par les militaires et les civils. Elle n'était pas rémunérée. Autant de femmes que d'hommes participaient à ces travaux de construction et de réfection de route. Son mari, pour sa part, y aurait participé plus d'une quarantaine de fois depuis les vingt dernières années, chaque corvée durant une journée. Elle a également dû monter la garde auprès de cette route au moins une vingtaine de fois depuis les six dernières années. Chaque assignation couvrait trois nuits. Elle partageait une tente avec deux autres personnes, une seule devant rester éveillée durant la période de veille. Elle pouvait retourner chez elle pendant la journée. Elle a dû monter la garde près de la route, trois jours avant son départ pour la Thaïlande. Hommes et femmes devaient exécuter ce travail. Elle n'a pas fait l'objet de mauvais traitements ou de harcèlement. Elle a entendu parlé de viols collectifs qui auraient été perpétrés par des militaires. Son époux a également monté la garde au moins à dix occasions par année depuis les six dernières années. Enfin, elle a participé à la construction et à la réfection du camp militaire de Painkyone qui est situé dans son village à environ deux miles de sa résidence. La dernière fois où elle a été requise remonte à trois semaines avant son départ, pour une durée de cinq jours. Elle pouvait retourner le soir chez elle. Elle a travaillé avec 30 autres personnes provenant de son village. Chaque famille devait fournir une personne conformément à une rotation préétablie. Les travailleurs devaient fournir le matériel nécessaire. Ils n'étaient rémunérés ni pour le matériel fourni ni pour les heures de travail accomplies. Il était possible d'engager un substitut bien qu'elle ne l'ait pas fait puisqu'elle n'avait pas l'argent pour le payer. Son époux a également participé aux travaux relatifs à ce camp à de nombreuses occasions. Elle devait verser une taxe sur les récoltes de riz équivalant à 4 pour cent de la récolte, puisque ses terres n'étaient pas particulièrement fertiles. Les taxes étaient payées aux représentants du gouvernement et non aux militaires.


Ethnie/religion:

Karenni, bouddhiste

175

Age/sexe:

36 ans, féminin

Situation familiale:

Mariée avec trois enfants

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Meh The, Hpa-an, Etat Kayin

Le témoin a quitté le Myanmar pour la Thaïlande au début de janvier 1998 avec toute sa famille lorsque son village de 36 maisons fut relocalisé. L'ordre de relocalisation a été donné à plusieurs reprises, mais les villageois l'ont ignoré et sont restés sur place. Le premier ordre fut donné par les autorités au chef du village avant la récolte à Tazaungmon (autour de novembre), et les gens n'ont pas écouté cet ordre. Les militaires sont donc venus deux fois au village et ont ordonné aux villageois de partir. Les villageois ont quitté mais sont revenus plus tard. La quatrième et dernière fois, le DKPA a tiré des mortiers sur le village et une maison fut brûlée; heureusement, personne n'a été blessé puisque la plupart des gens travaillaient dans les champs. On leur a demandé de se rendre à Htee Nu, où se situait auparavant un monastère. Ce village se trouvait à deux ou trois heures de marche de son propre village. Elle ne sait pas si d'autres personnes sont parties là-bas puisque sa famille et elle ont quitté vers la Thaïlande avec seulement 2 000 kyats; même les vêtements qu'ils portaient au moment de l'entrevue leur ont été donnés par d'autres personnes. En ce qui concerne le travail forcé, il en existait plusieurs types: construction de routes, portage ou construction de camps. Par exemple, elle a dû travailler dans le camp militaire et, dès qu'elle revenait à la maison, on l'appelait pour du portage. Il y avait plusieurs bataillons dans la région. Certains capturaient des gens pour effectuer du portage, d'autres pour d'autres types de travaux. Pendant certains mois, ni son mari ni elle n'avaient un seul jour pour effectuer leur propre travail. Tous les deux étaient réquisitionnés pour des mois entiers et devaient effectuer différents types de travaux, tels que du portage, la construction de routes ou la construction de camps militaires. Durant la saison des pluies, il y avait encore plus de travail forcé que pendant la saison sèche (lorsque les opérations militaires débutaient et qu'ils étaient forcés de quitter leur village). Lorsqu'elle ne voulait pas effectuer le travail forcé, elle devait trouver un remplacement (ce qu'elle n'a jamais fait). Il y a deux ans, le témoin a vu le chef du village, une femme de plus de 60 ans (nom donné à la commission) être battue. On lui avait demandé de dire aux villageois qu'ils devaient effectuer des tâches de messagerie, mais personne ne l'a écoutée. Ainsi, les soldats du gouvernement sont venus dans le village et l'ont battue. Elle a été blessée et porte maintenant une cicatrice. Elle fut attachée toute la nuit, puis battue. Après avoir été relâchée, les militaires lui ont demandé un porc. Le témoin ne connaît pas le nom ou le rang des militaires impliqués. Le commandant de la compagnie était M. Bo Hla Peine. Un peu plus tard, le même chef de village fut réquisitionné pour trouver des travailleurs pour effectuer du travail forcé. Puisqu'elle avait trop peur de se rendre au camp militaire, ils lui ont écrit à trois ou quatre occasions en incluant des cartouches dans la lettre. Lorsqu'elle est finalement allée au camp, elle a été placée dans un trou pour toute la nuit. Le lendemain, elle fut relâchée et les militaires lui ont demandé une vache. Elle ne pouvait pas fournir une vache mais leur a donné un porc. En ce qui concerne la construction de routes, le témoin a travaillé les trois ou quatre dernières années sur la route entre Lay Kay et Ta Paw, qui existe depuis longtemps mais n'a jamais été utilisée. Aujourd'hui, la route est terminée et est utilisée par les camions militaires et les voitures. Elle n'a jamais vu une charrette sur la route. Les ordres venaient du chef de village selon lesquels une personne par famille devait aller se présenter pour effectuer du travail forcé, au moins un à deux jours à la fois en fonction du travail requis. Les villageois ne recevaient ni nourriture ni argent, ni matériel qu'ils devaient apporter depuis leur maison. Ils devaient travailler jusqu'à la tombée du jour et pouvaient retourner à la maison la nuit. Chaque famille devait y aller trois à quatre fois par mois. Elle a également effectué du portage en quatre occasions. La première fois il y a deux ans pendant deux jours. Elle fut emmenée alors qu'elle dormait à la maison. Tôt le matin, les militaires l'ont réveillée et lui ont donné un panier à transporter qui pesait environ 22 kg. La charge était trop lourde pour elle et elle pleurait, tout en essayant de la transporter. Son mari était absent. Il travaillait dans les champs. Elle a dû transporter ce panier à un endroit près de Shwegun. Il y avait plusieurs porteurs, surtout les femmes. Les hommes étaient battus lorsque les militaires les accusaient de leur donner de mauvaises directions durant le portage. Ils étaient frappés sur la tête. La même année, en 1996, elle a dû effectuer du portage à quatre reprises (trois fois elle fut capturée par les militaires et une fois ce fut à la demande du chef de village). La deuxième et la troisième fois, elle a dû exécuter ce travail pendant trois jours, alors que la dernière fois ce ne fut que pendant deux jours. Son mari a effectué du portage en une occasion. Il avait très peur des Birmans et s'enfuyait à chaque fois que les militaires approchaient. Lorsqu'on l'encerclait pour le portage, il réussissait à s'échapper après quatre jours parce qu'il ne pouvait plus transporter sa charge. Il n'était pas attaché et n'a jamais été battu. Si quelqu'un avait de l'argent, il pouvait payer un remplaçant lorsque le chef du village le convoquait. Toutefois, lorsque les gens étaient arrêtés, ils n'avaient aucun choix et devaient aller effectuer le portage. De toute façon, personne dans son village n'avait de l'argent. Lorsque le camp de Ta Line Kayin fut établi il y a deux ans, à deux heures de marche de son village, les militaires ont ordonné au chef du village d'envoyer une personne par famille afin de participer au travail. Lorsque les ordres étaient respectés, une seule personne par famille devait y aller. Dans le cas contraire, tout le monde devait y aller. Tous devaient alors s'y rendre jusqu'à ce que le camp soit terminé. Cela a duré plusieurs mois au début de la saison des pluies. D'autres villages ont dû contribuer à ce travail, parfois 10, 20, 30 ou même plus étaient présents. Elle a dû elle-même couper du bambou, construire des clôtures ainsi que des trappes de bambou, couper des arbres, nettoyer les buissons et transporter des arbres à un endroit où les militaires amenaient les billots. Son mari n'était pas bien, ce qui fait qu'elle devait tout faire. Elle n'était pas rémunérée et devait apporter sa propre nourriture. Elle pouvait toutefois rentrer à la maison la nuit. Son fils de 17 ans a également dû effectuer du travail forcé tel que couper des arbres pour le camp militaire l'année dernière, mais ce travail n'a pas eu lieu en même temps que le sien. Parfois, les gens tentaient de s'enfuir. Elle a vu des gens être battus et maltraités. Habituellement, deux personnes du village devaient se rendre en même temps pour une journée complète au camp militaire afin d'effectuer des tâches de messager; d'autres villages, en tout cinq, devaient également fournir des messagers. Son fils le plus âgé a dû également servir en tant que messager (mais jamais en même temps qu'elle). De plus, les villageois devaient exécuter des tâches de surveillance. Les ordres venaient toujours du chef de village. Une personne devait être postée sur la route pendant cinq jours, nettoyer cette dernière, par exemple lorsque des camions militaires venaient de passer. L'année dernière, elle est allée en trois occasions pendant cinq jours sans jamais être rémunérée. Elle devait apporter sa propre nourriture et dormait sur le site près des buissons alors que les militaires surveillaient les villageois. Les soldats ne l'ont pas maltraitée. Elle a entendu parler d'abus sexuels, mais elle n'est pas sûre que cela ait eu lieu. Il y a deux ans, sa mère (qui vivait avec eux) est allée pour la famille. Son fils y est également allé à une reprise. En plus d'exécuter du travail forcé, les villageois devaient fournir aux militaires tout ce que ces derniers exigeaient (tel qu'une vache ou un porc). Les villageois devaient également fournir du riz aux militaires. Les militaires leur réclamaient également de l'argent. En 1997, les militaires ont demandé 3 000 kyats pour tout le village.


Ethnie:

Karenni

176

Age/sexe:

30 ans, féminin

Situation familiale:

Mariée avec trois enfants

Activité professionnelle:

Agriculteur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Pa Nya Plee, Hlaingbwe, Etat Kayin

Le témoin est venu en Thaïlande en mai 1997 avec sa famille parce qu'elle avait vu des gens attaqués et tués par les militaires. De plus, elle était contrainte d'exécuter du travail forcé, y compris du portage, même lorsqu'elle était enceinte, ce qui fait qu'elle vivait constamment dans la peur. Les membres de sa famille n'avaient plus de temps pour leur propre travail puisqu'ils passaient tout leur temps à travailler pour les militaires. Lorsque les membres de sa famille sont venus en Thaïlande, ils n'avaient plus rien à la maison. La situation était identique pour son père et sa mère. En novembre-décembre 1996, alors qu'elle était enceinte de six mois, elle fut arrêtée par les militaires pour transporter des charges d'environ 30 à 32 kg (munitions et nourriture) pour les militaires pendant 28 jours. Elle dormait seule à la maison cette nuit-là. Tous les autres villageois s'étaient enfuis, mais elle croyait que, puisqu'elle était enceinte, rien ne qui arriverait. Elle fut appelé à l'extérieur de la maison par les militaires du bataillon 10 et a dû se rendre à un endroit appelé Gat Te, un village du DKBA où les gens revenaient de la frontière thaïlandaise. Elle a dû traverser la chaîne de montagnes de Dawna. Elle a mis trois jours pour rentrer à la maison. Plus de 100 personnes travaillaient comme porteurs, y compris deux femmes et cinq hommes de son village. On leur avait dit que le voyage durerait cinq jours, et le chef du village avait été réquisitionné pour apporter de la nourriture pour cinq jours afin qu'il puisse la transporter. Par la suite, on leur a donné un peu de riz deux fois par jour (parfois le riz était gâté). Les porteurs devaient cuisinier eux-mêmes. Une personne folle transportait du riz et en mangeait continuellement, mais elle ne l'a pas vue être battue. Elle a vu un homme âgé être battu par les militaires parce qu'il ne pouvait plus transporter sa charge. Ils n'ont pas essayé de le battre sur la route, mais plutôt dans un autre endroit, à leur retour, elle a vu l'homme âgé en sang et couvert d'ecchymoses sur la tête et le dos. Il a dû transporter sa charge le jour suivant. Elle a vu plusieurs personnes être battues. Un homme d'une soixantaine d'années, qui transportait une lourde charge de munitions, fut battu avec une tige de bambou pendant qu'il marchait et il avait des ecchymoses partout. Elle pense qu'il n'a pas dû survivre. Un homme qui ne pouvait plus transporter sa charge fut mis dans un sac par les militaires et jeté du haut d'une falaise. Il n'était pas dans son groupe, mais elle en a été témoin. Les porteurs étaient attachés deux par deux le jour et la nuit, hommes et femmes tous ensemble, par groupes de dix; lorsqu'ils devaient aller aux toilettes, deux devaient y aller à la fois et les militaires les suivaient. Une fille de 13 ou 14 ans (nom donné à la commission) d'un village avoisinant, qui effectuait du portage, fut enlevée de son groupe et violée par un officier haut placé (nom et grade de l'officier donnés à la commission). Ce dernier l'a menacée en lui disant que si elle révélait ce qui s'était passé son village serait brûlé. Elle pleurait toute la journée après le viol; elle fut relâchée au même moment que le témoin. Lorsque le témoin était célibataire (il y a environ huit ans), elle a dû effectuer du portage à plusieurs occasions, parfois à la suite d'ordres du chef du village ou lorsqu'elle était arrêtée directement par les militaires pendant des périodes de cinq, dix ou quinze jours. La période la plus longue fut de vingt jours. Avant le portage, elle était en bonne forme. Depuis, il ne lui reste plus que la peau et les os. Depuis son mariage, deux de ses frères plus jeunes ont effectué du portage à plusieurs reprises. Au cours d'un portage en 1996, un de ses frères fut battu par un soldat parce qu'il se plaignait qu'il ne pouvait plus transporter sa charge. Il a souffert pendant longtemps de problèmes à la poitrine. En ce qui concerne la construction de routes, il y a deux ans, et pendant toute l'année, ses deux frères ont dû effectuer du travail forcé en rotation sur la route de Painkyone à Hlaingbwe. Les ordres venaient du chef du village. Une personne par famille devait s'y rendre. Lorsque les militaires exigeaient dix personnes, une personne pour dix familles devait y aller pendant dix jours à la fois (le village comptait 30 familles). Chaque mois, une personne de chaque famille s'y rendait pendant dix jours et travaillait du matin jusqu'à midi et après du début de l'après-midi jusqu'au coucher du soleil. Le travail n'était pas rémunéré et ils devaient apporter leur propre nourriture. En 1996, d'autres villageois ont dû couper du bois, et son frère plus jeune a dû transporter les billots de la forêt jusqu'au site de construction de la route. Les ordres émanaient du chef du village, et plusieurs personnes de son village ainsi que d'autres villages ont dû effectuer ce type de travail pendant dix jours sans être rémunérées et survivant sur de petites rations de nourriture qu'ils devaient apporter eux-mêmes. Depuis son mariage, il y a huit ans, elle a dû effectuer de la surveillance une fois par mois pendant cinq jours et parfois jusqu'à sept jours à la fois. Elle le faisait en rotation avec son frère. Lorsqu'elle effectuait ce travail, elle prenait ses deux enfants avec elle; tous les deux font désormais de l'asthme. Ils devaient tous dormir à côté de la route, même durant la saison des pluies. Elle devait nettoyer le long de la route afin de s'assurer qu'il n'y avait pas de mines. Tout le monde devait faire la même chose le long de cette route. En 1996, une de ses tantes fut tuée lorsqu'elle tentait de déminer. Une mine a explosé et elle a perdu ses deux jambes; une autre femme a perdu une jambe dans la même explosion. Elle n'était pas présente à ce moment, mais elle l'a vue par la suite. Les militaires demandaient également aux propriétaires de charrettes de transporter des billots le long de la route, ce qui fait qu'ils étaient souvent les premiers à être tués. Durant ces tâches de surveillance, elle a vu à une occasion une charrette passer sur la route et exploser sur une mine, le chauffeur et les animaux tirant la charrette furent tués. Jusqu'à ce qu'elle quitte le pays, elle et son frère ont dû aller deux fois par mois dans un groupe de cinq personnes pendant cinq ou sept jours à chaque matin au camp militaire de Painkyone, qui se situait à deux heures de marche de son village. Là-bas, ils devaient faire rapport concernant toute activité militaire dont ils auraient pu être témoins. En 1996, ses frères ont dû construire des clôtures autour du camp militaire de Painkyone, creuser des tranchées et effectuer des travaux de réparation dans le camp. L'ordre émanait du chef. Ses frères ont dû y aller pour deux mois complets jusqu'à ce que le travail soit terminé; ils revenaient habituellement chaque soir. Lorsque quelqu'un ne voulait pas effectuer le travail forcé, il devait payer ou engager quelqu'un pour le remplacer. En ce qui concerne le portage, il était nécessaire de payer plus de 1 000 kyats d'une façon ou d'une autre. Pour les autres types de travail forcé, la plupart des gens y allaient eux-mêmes puisqu'ils n'avait pas d'argent. Elle a dû y aller elle-même puisqu'elle n'avait pas d'argent. Chaque année, les militaires collectaient de chaque village une quantité de riz, de bétail et de toute autre chose dont ils avaient besoin en plus d'un impôt de 100 à 200 kyats par famille, deux fois par mois. En 1995, les militaires sont venus demander du riz. S'ils estimaient qu'un agriculteur pouvait produire 30 sacs de riz, ils lui en prenaient dix; si l'agriculteur en produisait moins, il devait tout de même compenser pour atteindre le quota requis par les militaires.


Ethnie:

Karenni

177

Age/sexe:

45 ans, féminin

Situation familiale:

Veuve avec cinq enfants

Activité professionnelle:

Agriculteur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Htihpokape, Hlaingbwe, Etat Kayin (le village comptait environ 40 familles)

Le témoin a quitté le Myanmar il y a quatre ans. Elle y est retournée pour une année entière en 1996 et a quitté de nouveau en février 1997. Elle a dû effectuer du travail forcé à plusieurs occasions en 1996, presque autant qu'auparavant (bien qu'elle fût exemptée de plusieurs types de travail forcé imposé à d'autres villageois). Elle n'a jamais été rémunérée pour son travail. Les villageois devaient effectuer du portage. Les militaires informaient le chef du village de leurs besoins, habituellement en indiquant le nombre de personnes requises. Lorsque leurs besoins n'étaient pas remplis, ils encerclaient et capturaient les villageois eux-mêmes. En 1996, ils ne sont jamais venus directement au village, mais les villageois ont tout de même dû aller exécuter du travail forcé. En 1996, les villageois furent également requis d'effectuer des tâches de surveillance de la route. Elle a elle-même effectué ce genre de travail à Plakyaw, à trois miles de son village (près de la route de Hlaingbwe à Painkyone). Après une journée, on leur demandait d'aller à Hpagat pour une nuit. Elle n'y est allée qu'à une seule occasion pendant deux jours «pour surveiller ce qui se passait». Ils y allaient deux par deux et il y avait plusieurs personnes le long de la route. Le matin, elle devait nettoyer la route avec des branches pour s'assurer qu'il n'y avait pas de mines. Elle n'a jamais vu une mine exploser. En 1996, les villageois furent également requis par le chef de village de fournir du travail à cette fin. Comme elle était trop vieille et plus en bonne santé, sa famille (elle-même et son frère plus jeune) fut exemptée. Elle devait payer 100 kyats par mois aux militaires. Toujours en 1996, les gens de Htihpokape furent ordonnée par le chef de village de transporter des billots pour des poteaux de téléphone. De Htihpokape, un petit village d'environ 40 familles, cinq personnes ont dû y aller en plus de gens d'autres villages. Elle a dû faire cela à deux ou trois occasions par mois pendant une journée. Des billots étaient transportés à une rivière, puis deux ou trois personnes les sortaient de la rivière avec des chaînes. Elle a elle-même participé à cette opération. A une occasion, quatre ou cinq militaires sont venus dans son village et ont informé le chef du village que des billots étaient craqués et inutilisables comme poteaux. Ils ont donc imposé une amende d'un porc aux villageois.A une autre occasion, des villageois furent requis de transporter des billots et des tiges de bambou de leur village jusqu'au camp de Painkyone qui se situait à trois heures de marche. Finalement, les villageois devaient également nettoyer le sol dans les plantations de caoutchouc appartenant aux militaires. Ils devaient apporter leur propre nourriture. Elle n'a jamais dû aller elle-même dans ces plantations.


Ethnie:

Karenni

178 et 179

Age/sexe:

21 et 17 ans, tous deux masculins

Situation familiale:

Tous les deux célibataires (famille de sept et six, respectivement)

Education:

Quatrième année (témoin 178); neuvième année (témoin 179)

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Bee T'Ka, Hlaingbwe, Etat Kayin

Les témoins ont quitté le Myanmar en juillet 1997. Le témoin 178 est venu en Thaïlande une première fois en 1992, alors que le témoin 179 est venu en 1997. En 1997, tous les deux sont retournés à Bee T'ka et, sur la route, ils furent arrêtés par les militaires le 9 juin 1997 à Lubaw (entre Bee T'Ka et la frontière thaïlandaise) afin d'effectuer du portage. Le témoin 178 a précisé qu'ils furent arrêtés par les militaires du bataillon 33 et qu'ils furent attachés et questionnés par un officier qui les a accusés d'être des agents du KNU. Ils ont nié mais n'ont pas été crus. Le jour suivant, ils furent questionnés séparément puis attachés ensemble et battus (nom de l'officier qui les a battus donné à la commission). On leur a même demandé de creuser un trou afin de les enterrer. On leur a bandé les yeux avec des sacs de plastique et versé de l'eau sur la tête afin qu'ils ne puissent pas respirer. Ils furent torturés pendant plusieurs heures et ont même perdu conscience. Un des témoins crachait du sang et avait des blessures internes. A partir du 11 juin 1997, ils furent utilisés comme porteurs. Tout d'abord, ils durent transporter des casseroles avec du riz qui pesaient environ 65 kg, de Lubaw pendant deux jours jusqu'à Thay Mo Hpa. Au début, ils étaient 11 porteurs (tous des hommes) mais, par la suite, le chef du village est venu avec d'autres porteurs et a payé afin qu'ils soient relâchés. Sept porteurs ont toutefois dû rester. Après deux jours, ils sont retournés à Lubaw et depuis cet endroit furent amenés à Kyawko. En tout, ils ont fait du portage pendant sept jours sur un terrain montagneux. Ils recevaient deux repas par jour constitués de riz qu'ils devaient cuisiner eux-mêmes. La nuit, ils étaient surveillés par les militaires. Après sept jours, lorsqu'ils ne pouvaient plus avoir assez de nourriture, on leur demandait de se rendre dans les village avoisinants et de mendier pour tout le groupe de 40 personnes (porteurs et militaires). Ils étaient surveillés par environ quatre ou cinq militaires. Ils ont dû mendier de maison en maison puis revenir avec ce qu'ils avaient pu obtenir. Les militaires allaient dans la maison, alors que les porteurs restaient à l'extérieur; tout ce qu'ils pouvaient trouver dans la cuisine, en particulier du riz, ils le prenaient. Les militaires leur avaient promis qu'ils seraient relâchés lorsqu'ils atteindraient le village de Kyawko. Toutefois, à leur arrivé au village de Kyawko, ils ont dit au témoin 178 qu'ils devaient continuer jusqu'au village de Ser Gaw puisqu'un membre de sa famille y vivait et il devait donc y ramener de la nourriture. Pendant ce temps, le témoin 179 devait rester au camp de Kyawko. Une fois que le témoin 178 a obtenu la nourriture et est revenu (deux heures plus tard) au camp de Kyawko, il a demandé à être relâché, mais le commandant de la compagnie (nom donné à la commission) a, une fois de plus, refusé. Ils furent, par la suite, requis de transporter des marchandises d'une rivière jusqu'en haut d'une colline. Après que le témoin 178 se soit plaint et ait imploré au commandant de les laisser partir, le commandant a appelé la personne qui avait gardé leurs effets personnels et ils furent tous les deux relâchés. Ils sont allés à Ser Gaw et sont revenus en Thaïlande. En ce qui concerne d'autres formes de travail forcé, le témoin 197 a dit qu'à partir de 1995 il étudiait à Hlaingbwe et qu'il n'a donc pas eu à effectuer de travail forcé. Le portage de 1997 constituait la première fois. Mais il fut arrêté et torturé en 1996, sans savoir pourquoi, par les militaires. Pendant environ neuf jours, il fut gardé au soleil et, la nuit, enfermé avec des gens dans un carcan. Sa famille a dû effectuer du travail forcé pendant la même période (1995 à 1997), tel que des services de messager, la fourniture de bois pour le feu ou des rations de riz. Il n'y avait pas de construction de routes ni de portage, mais ils ont dû payer une taxe de porteur afin de ne pas avoir à travailler. Il ne connaît pas le montant exact. En ce qui concerne les tâches de messager, deux villageois devaient chaque jour marcher trois miles jusqu'au camp et aider les militaires à faire tout ce que ceux-ci voulaient, tel qu'envoyer des lettre dans tel ou tel camp. Le témoin 179 a ajouté qu'à Hlaingbwe, lorsque quatre ou cinq étudiants étaient en groupe, le groupe devait se disperser. Il a souvent entendu des cris provenant de la prison et a vu les prisonniers portant des uniformes casser des pierres. A Bee T'Ka, au début de 1997, il a été témoin d'un incident où neuf personnes furent contrôlées; une des personnes disait qu'elle était un fonctionnaire du gouvernement mais fut incapable de donner une pièce d'identité et fut tuée sur place. Cinq se sont enfuies jusqu'à la rivière et ont essayé de nager mais furent capturées. Plus tard, les gens ont vu un corps attaché à un âne qui était traîné le long de la berge

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Ethnie/religion:

Karenni, chrétien

180

Age/sexe:

32 ans, masculin

Situation familiale:

Marié avec trois enfants

Education:

Sixième année

Activité professionnelle:

Travailleur journalier dans l'agriculture

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Bee T'Ka, Hlaingbwe, Etat Kayin

Le témoin et sa famille sont venus en Thaïlande en avril 1996 parce qu'ils ont été accusés d'avoir eu des contacts avec le KNU et ont dû exécuter du travail forcé. Il a été chef de village pendant environ une année. Il y avait dix sections dans son village qui étaient divisées par une rivière: sur la rive est vivaient principalement les bouddhistes, alors que sur la rive ouest vivaient les chrétiens. Le chef du village recevait les ordres concernant le travail forcé du commandant du camp militaire se trouvant dans la région du monastère de Bee T'Ka. Chaque jour, le chef du village devait fournir des personnes pour le travail forcé; dès qu'il recevait les ordres, il devait aller rencontrer les dix chefs de section afin de trouver assez d'individus. Habituellement, l'ordre venait le matin et devait être exécuté le jour même. Lorsque les militaires avaient besoin de gens pour une période plus longue, il n'y avait qu'un ordre ne précisant pas la durée du temps. Parfois, cet ordre était accompagné de cartouches dans une enveloppe en plus d'un morceau de charbon. Entre la saison des pluies de 1995 et avril 1996, le chef du village a reçu quatre ordres accompagnés de cartouches et de morceaux de charbon lorsqu'il ne pouvait trouver un nombre suffisant de personnes. Une lettre contenant une cartouche et un morceau de charbon fixait l'échéance pour la fin de la journée. Durant son assignation, les villageois ont été arrêtés directement à quatre reprises par les militaires pour le travail forcé, sans l'autorité du chef de village. A une occasion, un ordre fut donné par écrit au chef du village de fournir 20 porteurs dans les deux heures. Le chef du village n'a pu réussir et, après les deux heures, les militaires sont venus au village et ont encerclé plusieurs personnes. Finalement, le chef du village leur a demandé de relâcher les travailleurs en trop, ce qu'ils ont fait. Les vingt porteurs requis ont dû travailler pendant trois jours. Concernant les trois autres fois, les militaires venaient parfois au village sans avertissement parce qu'ils désiraient se rendre quelque part sans que personne ne le sache. Ainsi, ils entraient dans le village et capturaient le nombre de personnes qu'ils désiraient. Quelques-uns des villageois ne pouvaient tolérer cette situation et se sont enfuis du village. Après cela, les militaire imposaient des amendes aux autres villageois. Lorsqu'une famille s'enfuyait, les villageois qui restaient devaient payer 40 000 kyats en plus de 65 kg de porc. Le jour de son entrée en fonction, il a reçu l'ordre d'un camp militaire de fournir 80 personnes par jour pendant un mois afin de transporter de la nourriture et les marchandises du camp de Paw Yebu jusqu'à Taun Zun, et également dans d'autres camps. Les gens qui ne voulaient pas effectuer le travail devaient engager un remplaçant, ce qui leur coûtait 100 kyats par jour. Des dix sections du village, deux personnes devaient aller chaque jour au camp militaire près du monastère et attendre qu'on leur donne l'ordre d'effectuer du portage. Ces vingt personnes devaient rester avec les militaires pendant une semaine et ne pouvaient revenir avant d'être remplacées. Afin d'être exempté de ce travail pendant trois jours, on devait payer 600 kyats aux militaires et, pour une semaine, le montant s'élevait à 1 300 kyats. La plupart ne pouvant payer, ils devaient donc y aller. Tout le travail n'était pas rémunéré et les gens devaient apporter leur propre riz. Lorsque l'armée avait un conflit avec le KNU, certaines personnes en profitaient pour s'enfuir. Par la suite, les militaires imposaient des amendes pour chaque personne qui avait pris la fuite; la dernière fois que cela s'est produit, le chef du village a dû payer 4 000 kyats par personne enfuie d'une zone de combat, alors qu'ils effectuaient du portage. Environ deux ou trois fois par mois, 30 à 40 villageois étaient requis comme porteurs par un bataillon qui patrouillait dans la région; ils devaient rester avec le bataillon aussi longtemps que celui-ci restait dans la région, c'est-à-dire pendant trois ou quatre jours, ou même parfois plus. Le chef du village devait également fournir des porteurs pour des voyages plus longs. Au moment de la saison sèche, 30 personnes furent requises pendant une semaine. Parfois, les porteurs étaient attachés et battus parce qu'ils étaient accusés sans aucune preuve d'être liés à l'armée du KNU; les porteurs étaient également battus parce qu'ils étaient trop lents. Lorsqu'il était chef de village, il a vu environ 13 personnes être sérieusement blessées. Elles furent placées dans des carcans et portent encore aujourd'hui les cicatrices sur leur peau. Une personne fut battue jusqu'au sang et a quitté pour la Thaïlande parce qu'il devait prendre des médicaments. Durant la même période, personne de son village ne fut tué et aucune femme ne fut molestée. Dans la seconde moitié de 1995, une nouvelle route fut construite de Bee T'Ka jusqu'à Paw Yebu. Un ordre fut envoyé au chef du village indiquant qu'une personne par famille devait travailler sur cette route jusqu'à ce qu'elle soit terminée. Le travail a duré pendant deux semaines et était non rémunéré. Les travailleurs devaient apporter leur propre nourriture et leurs outils et travaillaient toute la journée sous la supervision des militaires. Par la suite, il y eut la construction d'une autre route d'environ quatre miles du nom de Paw Yebo jusqu'à Taun Zun. Encore une fois, une personne de chaque famille devait travailler sur le site en tout temps. Lorsqu'il n'y avait que des femmes ou des personnes âgées dans la famille, cela dépendait du chef de village qui essayait de trouver quelqu'un d'autre d'une autre famille. Afin d'être exempté du travail, on devait payer 200 kyats par jour. En plus des vingt villageois qui devaient rester en attente de portage, deux personnes devaient aller chaque jour depuis le village afin d'effectuer des tâches de messagerie pour les militaires pendant une journée. L'ordre venait du chef du village qui demandait habituellement aux femmes d'effectuer ces tâches. Egalement, en janvier-février 1996, les militaires ont obtenu des informations selon lesquelles deux armes se trouvaient près du village et ont donc demandé au chef du village de les diriger là-bas. Lorsqu'il a refusé, ils ont arrêté six femmes et cinq hommes et leur ont demandé de les guider. Ils ont dû marcher devant, suivis du chef du village, et les soldats fermaient la marche. Cette marche a duré environ deux heures. Durant la saison chaude, il a reçu l'ordre qu'une personne de chaque famille devait aller au camp militaire près du monastère afin d'apporter des tiges de bambou pour clôturer le monastère. Ce travail a duré environ quatre jours jusqu'à ce qu'il soit terminé.

Ethnie:

Karenni

151

Age/sexe:

41 ans, masculin

Situation familiale:

Marié avec quatre enfants

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Naung Da Bwe, Kawkareik, Etat Kayin

Le témoin est en Thaïlande depuis le début de 1997 avec toute sa famille. Il a quitté le Myanmar à cause du travail forcé et du mauvais traitement que les militaires lui infligeaient. Il a fait du portage et du travail forcé. Plusieurs types de travaux différents étaient requis par les militaires, comprenant la coupe et le transport de bambous et de bois et la culture (autant de types de travaux que l'on pouvait imaginer). A cause de tous ces travaux «... nous n'avions rien à manger pour nous-mêmes et avons été contraints de partir». Chaque maison devait envoyer quelqu'un une à deux fois par semaine pour environ sept jours. Parfois deux ordres différents venaient au même moment, ce qui fait que plus d'une personne par famille devait partir ou payer quelqu'un d'autre: de 200 à 500 kyats à chaque fois. Habituellement, les gens y allaient, sauf s'ils étaient malades et payaient alors quelqu'un d'autre. Les femmes et les enfants étaient inclus. Les ordres émanaient des militaires qui donnaient des instructions au chef de village. Celui-ci relayait les instructions telles que: plus de bois était requis ou telle ou telle chose devait être construite. Par la suite, le chef de village divisait le travail parmi les villageois. «A chaque fois qu'une tâche était complétée, une autre était requise. Cela n'avait jamais de fin.» Cette situation était identique pour tous les villages de la région. Les autorités ne demandaient pas toujours à chaque famille d'envoyer quelqu'un en même temps. Cela se passait sur une base rotative. S'il n'y avait pas assez de personnes, les militaires venaient au village et arrêtaient les gens. Lorsqu'ils venaient, ils prenaient et tuaient les animaux, et tuaient même parfois les hommes. Il a vu trois personnes se faire tuer de cette façon lors de visites des militaires. Ceux-ci les accusaient d'être des rebelles, même si ce n'était pas le cas. Lorsque les porteurs ne pouvaient porter leur charge, ils étaient battus. Il n'a pas vu de porteurs se faire tuer, mais il a entendu plusieurs histoires à cet effet. C'était surtout les hommes qui étaient utilisés comme porteurs et rarement les femmes. Les porteurs étaient beaucoup plus maltraités que les personnes qui exécutaient d'autres types de travaux forcés. Avec le travail forcé, il y avait moins de problèmes, puisque l'armée n'était là que pour surveiller. En ce qui concerne le portage, il recevait très peu de nourriture qui consistait en un petit bol de riz et qui était juste assez pour que les porteurs ne crèvent pas de faim. Aucune nourriture n'était donnée durant les autres types de travaux forcés. Les gens amenaient leur propre nourriture et outils. D'autres types de travaux comprenaient la construction de camps militaires, le creusage des tranchées, la coupe de bambous, la construction de routes et le travail dans des plantations de sucre ou de caoutchouc. Il a personnellement exécuté tous ces types de travaux, à l'exception du travail dans une plantation de sucre. Le travail dans les plantations de caoutchouc était considérable. Les militaires amenaient les semences et les travailleurs exécutaient tout le reste: planter, cultiver, tailler les arbres et récolter. Le caoutchouc était envoyé au quartier général des bataillons 549, 547 et 548. Ceux-ci étaient situés dans le village de Nabu. Il a dû exécuter du travail forcé pour ces trois camps militaires. Ils étaient tous à environ deux miles de son village. Les militaires contrôlaient totalement cette région depuis une année. Depuis ce temps, le travail forcé de grande envergure a débuté. En 1996, lorsqu'il est arrivé, la première chose que les militaires ont demandé fut de débroussailler la jungle autour des camps. Par la suite, ils ont exigé la construction de la route. Il a dû faire ce travail pendant une année avant de quitter. La route était à deux voies avec en surface des petites pierres. Il a exécuté du portage à plusieurs reprises, pour transporter du matériel entre les camps. Il a également exécuté du portage avant l'installation des camps militaires et avant les tâches concernant d'autres travaux forcés. Il a été à plusieurs reprises sur la ligne de front. Durant les combats, plusieurs porteurs furent blessés et certains se sont enfuis. Les porteurs blessés étaient soignés. Durant les offensives, les porteurs étaient utilisés par les militaires à l'avant en tant qu'éclaireurs. Les porteurs étaient parfois envoyés au devant des troupes afin de détecter les mines. A quelques occasions, un ou deux porteurs par semaine étaient tués ou blessés de cette façon. Le portage pouvait durer de quelques jours jusqu'à un mois. Il était effectué sur une base rotative deux à trois fois par année. D'autres types de travaux forcés avaient lieu de deux à trois fois par semaine pendant un à deux jours. Mais, parfois, ceux-ci duraient durant cinq jours si le site de travail était éloigné. Les villageois devaient en moyenne exécuter plus de deux semaines de travail forcé par mois.


Ethnie:

Karenni

152

Age/sexe:

36 ans, masculin

Situation familiale:

Marié avec quatre enfants

Activité professionnelle:

Travailleur journalier

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Treh Wa, Bilin, Etat Mon (le village comptait 50 familles)

Le témoin a quitté le Myanmar il y a une année, mais il y est retourné au début de 1998. Il a de nouveau quitté le Myanmar à la mi-février 1998. Il fut arrêté et soumis à la torture par le LIB 96 il y a de cela une année et trois mois, juste avant son premier départ. Ils l'ont accusé d'être un soldat à la solde du KNU. Il fut battu et torturé avec une lampe à kérozène et on lui a versé de l'eau dans les narines. Il y avait un camp militaire dans la région de son village depuis 1988, ce qui fait que le portage était monnaie courante: plusieurs fois par mois pendant quatre ou cinq ans pour une durée de trois à dix jours à chaque fois. A une occasion, le portage a duré trois mois. Cela devenait de plus en plus fréquent. Durant ces trois mois de portage, il a dû transporter du riz sur la ligne de front. Il a été arrêté par les militaires alors qu'il marchait près de son village et a été contraint d'effectuer ce travail. Les autres fois, il a été arrêté de la même façon ou il recevait l'ordre du chef de village. L'assignation de trois mois a eu lieu il y a trois ou quatre ans. Il fut amené de Thaton et envoyé à Bilin en camion et a dû marcher jusqu'à la ligne de front dans le district de Papun. Il n'a pas reçu d'eau (les porteurs devaient trouver leur propre eau) et a eu droit à seulement un peu de riz: une poignée chaque jour avec une cuillère de curry. Les porteurs n'avaient aucune force, puisqu'ils recevaient peu de nourriture. Plusieurs furent battus et tués par les militaires. Dix porteurs furent battus à mort par les militaires durant cette période de trois mois. Lorsque les porteurs étaient trop lents, ils étaient battus. Il a lui-même été battu. Les femmes n'avaient pas à faire du portage sur la ligne de front, mais étaient utilisées pour des distances plus courtes. Il n'a vu aucun porteur être blessé ou tué pendant les combats. Il transportait deux sacs de riz, un sur son dos et un par-dessus ses épaules. Il était possible de payer 600 kyats pendant trois jours pour éviter ce travail. Aucun traitement médical n'était offert aux porteurs qui étaient malades. Il a dû travailler en tant que porteur pour la dernière fois il y a une année. D'autres types de travaux forcés comprenaient la pose de clôtures et le creusage de tranchées dans le camp militaire qui se trouvait à une heure de marche. Il a exécuté du travail forcé et du portage à différentes occasions. Il y avait également un camp de la DKBA installé il y a une année où il a dû exécuter du travail forcé. Pour la DKBA, il a dû faire du travail dans le camp tel que creuser des tranchées et construire des routes. Au total, en moyenne par mois, il a dû passer environ dix jours dans ce camp, en plus des quinze jours requis pour le travail au camp de la DKBA et du portage. Il ne lui restait plus que cinq jours par mois pour faire son propre travail et gagner sa vie. Il était cultivateur et travaillait pour d'autres gens. Il devait couper du bois et le vendre pour augmenter ses revenus. Mais même en faisant cela, il n'arrivait pas à survivre. C'est pourquoi il est venu en Thaïlande. La quantité de travail forcé est plus importante aujourd'hui qu'elle ne l'a jamais été, puisqu'il y a deux bases militaires à servir. En 1989, son village avait commencé à travailler sur la route de Mawlamyine à Yangon. Le village s'était vu assigner une partie de 1 000 pieds de la route avec une largeur de deux voies. Le chef du village donnait les ordres sur une base rotative. Son dernier projet de travail forcé consistait à ériger des barrières autour de la base de la DKBA. Juste avant son départ, il a payé 4 000 kyats pour être relâché lors d'une seconde arrestation par l'armée. A cette occasion, il avait de l'argent puisqu'il avait pu vendre des feuilles destinées à des toitures en métal.


Ethnie:

Karenni

153

Age/sexe:

28 ans, masculin

Situation familiale:

Marié, une fille de sept mois

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Tichara, Myawady, Etat Kayin (le village comptait plus de 300 familles)

Il a quitté le Myanmar au début de janvier 1998 puisqu'il n'était plus en mesure de subvenir aux besoins de sa famille en raison du temps requis pour le travail qui devait être exécuté pour les militaires et des taxes qui devaient être payées. Il a dû faire: 1) du portage et 2) de la construction de routes. Dans les deux cas, c'est le chef du village qui transmettait l'ordre des militaires bien que les militaires pouvaient venir directement aux maisons ou dans les lieux publics pour arrêter les porteurs. Il n'était pas rémunéré et ne recevait aucune forme de compensation pour ces travaux. 1) Il a été porteur à une seule occasion pendant une semaine durant la saison des pluies. Il a réussi à s'enfuir les autres fois. Le portage a dû être exécuté dans une région montagneuse de l'Etat Kayin. Les porteurs étaient des hommes, âgés entre 14 et 60 ans. Ils n'étaient pas rémunérés. Il était toutefois possible de se faire remplacer. Le montant variait en fonction du nombre de journées: entre 500 et 1 000 kyats. Il était également possible de payer le chef du village pour ne pas avoir à y aller. Il n'a jamais payé et ne connaît pas dès lors le montant qui devait être versé. Ils devaient porter les munitions et devaient marcher toute la journée. Il n'y avait jamais assez de nourriture. Au début, chaque porteur avait droit à sa boîte de conserve. Après quelques jours, trois porteurs devaient se la partager. Ils devaient dormir dans la jungle, sans abri. Personne n'a pu prendre soin de sa famille pendant son absence. Pendant cette période, son épouse a donné naissance à leur fille. Il n'a pas personnellement fait l'objet de mauvais traitements. Des amis auraient toutefois été battus avec un bâton puisqu'ils ne progressaient pas assez rapidement et étaient trop fatigués pour porter la charge qui leur avait été assignée. Il aurait également porté une à trois fois/mois au cours des deux dernières années la nourriture aux militaires qui vivaient dans un camp dans la montagne. La marche jusqu'au camp était d'environ une heure. Il exécutait ce travail avec d'autres hommes en rotation. Le nombre pouvait varier et même excéder 100 personnes. 2) Il a dû travailler sur la route entre son village et Meh Pleh. Il s'agit d'une route pour les voitures. Le site du travail était à trois heures de marche de sa maison. Il a dû y travailler à plusieurs reprises au cours de l'année dernière bien que la construction de la route ait commencé trois ans auparavant. Cette route doit être refaite après chaque saison des pluies. Plus de 20 personnes de son village travaillaient en même temps que lui. Toutefois, il ne peut dire le nombre total d'hommes ou de femmes qui travaillaient sur la route. La journée commençait à 8 heures pour se terminer à 17 heures avec un arrêt d'une heure à midi. Il devait apporter sa propre nourriture mais pouvait retourner chez lui le soir. Il était possible de payer un substitut. Il ne connaît pas le montant puisqu'il n'avait pas l'argent nécessaire pour se faire remplacer. Il était également possible de payer le chef du village pour ne pas avoir à y aller: 100 kyats pour une journée. Au cours de l'année dernière, il a dû également poser des clôtures le long de la route et monter la garde contre le KNU. Pour ce faire, il devait se déplacer chaque matin sur la route avec une charrue afin de vérifier si des mines ou autres explosifs avaient été posés. Une mine a explosé l'année dernière, tuant un travailleur et deux militaires. Taxes: entre 200-300 kyats par mois depuis son retour dans son village en 1995. Il ne connaît pas la raison pour laquelle ces taxes étaient imposées. Pour les payer, il a dû vendre des terres et se faire engager à titre de travailleur journalier.


Ethnie:

Karenni

154

Age/sexe:

44 ans, masculin

Situation familiale:

Marié avec quatre enfants (tous venus avec lui)

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Minzan, Hpa-an, Etat Kayin (le village comptait 500 familles)

Le témoin et sa famille sont en Thaïlande depuis six ans. En janvier 1998, il est retourné dans son village pour voir la situation actuelle. Il est resté pendant vingt jours et est revenu en Thaïlande. Il a trouvé que la situation était mauvaise. Les militaires avaient le contrôle de toute la région. Avant son départ, il travaillait dans les rizières. Il devait donner un pourcentage de ses récoltes aux militaires et un autre pourcentage au propriétaire de la terre, ce qui lui en laissait très peu. «Il était difficile de survivre avec ce qui me restait.» Il ne pouvait se permettre d'effectuer du portage ou des tâches de travail forcé, alors il les évitait en dormant en brousse. Cette stratégie a fonctionné puisqu'elle lui permettait de n'être pas arrêté directement par les troupes. Mais il ne pouvait éviter ce travail lorsque les ordres venaient directement du chef du village. Il a été porteur à quatre occasions, trois fois suite aux ordres du chef du village et une fois suite à une arrestation directement par les militaires. Il s'est enfui à chaque occasion avant la fin de son travail. Ainsi, il a travaillé pendant quatre ou cinq jours à trois occasions. La quatrième occasion a duré un mois et cinq jours. Quatre personnes étaient déjà mortes d'avoir trop travaillé et n'avoir pas reçu assez de nourriture, et il était donc certain qu'il allait mourir lui-même s'il restait. Il s'est donc enfui et est retourné à la maison. Lorsque les porteurs se sentaient faibles et ne pouvaient continuer, ils étaient battus. Après avoir été battus, les porteurs étaient parfois incapables de continuer à marcher et ils étaient abandonnés sur le bord de la route. A chaque fois que les porteurs ralentissaient, ils étaient battus. Ils ne recevaient aucun traitement médical s'ils étaient malades. Ils recevaient peu de nourriture. Les porteurs cuisinaient eux-mêmes leur nourriture. Les militaires préparaient la leur. Ils recevaient environ un contenant et demi de riz par jour avec un peu de curry. Il y avait environ 500 maisons dans le village et le portage était fait sur une base rotative à chaque fois que les militaires venaient. Ils appelaient alors 5, 10 ou 15 personnes à la fois, une ou deux fois par mois. Lorsqu'il n'y avait pas d'hommes à la maison, la famille devait payer 600 kyats. Maintenant, ce montant pouvait s'élever jusqu'à 2 000 kyats puisque de plus en plus de gens refusaient d'effectuer le travail et qu'il était de plus en plus difficile d'obtenir des remplaçants. Seuls les hommes faisaient le portage. Les femmes étaient utilisées pour du travail sur des courtes distances. Il y avait beaucoup de portage à l'époque. Maintenant, les villageois devaient seulement payer une taxe de porteur une fois par mois. Mais il n'y avait plus de portage. Il y avait, toutefois, beaucoup d'autres types de travail forcé, ce qui fait que le temps passé sur le travail forcé était à peu près le même. Puisqu'il estimait que le portage était plus difficile, il pense que la situation s'était un peu améliorée. A l'époque, le travail forcé consistait principalement à travailler dans les camps militaires, pour nettoyer, rénover les bâtiments et cultiver pour l'armée. Aujourd'hui, les constructions de routes étaient le travail principal en plus du travail dans les camps militaires. Il y avait également de l'agriculture imposée sur la plantation de caoutchouc pour le bataillon 202. Les villageois devaient effectuer la plantation et la culture ainsi que la récolte. Le caoutchouc produit était envoyé à la division 22. La route principale sur laquelle s'effectuait le travail était celle de Hpa-an à Shwegun. Elle était à trois miles du village. Lorsqu'il est retourné pour visiter, en janvier 1998, il a dû passer trois de ses vingt jours à exécuter du travail forcé sur la route. A l'époque, l'armée venait directement dans le village pour recruter les gens. Toutefois, aujourd'hui, ceci était fait via le chef du village. Ce dernier donnait les ordres à chaque maison. Le village se voyait assigner une certaine section de la route à compléter. Il n'y avait pas de militaires sur le lieu de travail, mais ils surveillaient quand même que le travail se faisait. Si les travailleurs ne réussissaient pas à terminer le travail à temps, ils encouraient des problèmes avec les militaires. Le chef du village devait faire rapport sur ceux qui ne travaillaient pas de façon adéquate. Personne n'a été battu, seules des menaces furent prononcées. Les travailleurs devaient apporter leur propre nourriture et leurs outils. Personne n'était rémunéré. Ils devaient eux-mêmes donner de l'argent s'ils étaient malades ou s'ils ne pouvaient travailler. Certains travailleurs sont morts sur le site suite à des accidents de travail. Lorsque le chef de village se plaignait, on lui disait que c'était parce que ses travailleurs n'étaient pas assez bons et qu'aucun dédommagement ne serait versé. Il en coûtait 300 kyats par jour si quelqu'un ne pouvait se présenter. Les personnes âgées, les enfants et tous les autres devaient y aller. Lorsque les enfants étaient assez vieux pour transporter des choses (entre 8 et 9 ans), ils devaient y aller. Les militaires n'étaient pas préoccupés par le fait que les enfants devaient travailler puisque le travail devait être complété. Un enfant prenait un peu plus de temps qu'un adulte (souvent les villageois compatissaient avec les enfants et les aidaient à terminer leurs tâches). Un minimum d'une personne par famille devait effectuer ce travail. Il estime qu'il était beaucoup plus difficile de gagner sa vie aujourd'hui. Les cultivateurs doivent vendre tout ce qu'ils ont afin de survivre. Le travail forcé est le problème majeur. Chaque jour passé à effectuer du travail forcé est un jour perdu pour nourrir sa famille. Le portage est aujourd'hui limité. Quatre personnes sont assignées en tout temps dans un village sur une base rotative afin de servir comme porteurs au camp militaire: pour aller chercher de l'eau, cuisiner ou transporter des messages. Auparavant, les villageois devaient également effectuer de la surveillance, mais plus maintenant. Durant cette surveillance, ils devaient payer une amende de plusieurs poulets si on les surprenait en train de dormir. Aujourd'hui, l'armée collecte une nouvelle taxe pour la construction d'une école. Ils imposent cette taxe en fonction du revenu: 7 000 kyats pour les riches et jusqu'à 1 500 kyats pour les pauvres. Mais, il devenait impossible de payer cette taxe additionnelle. Les villageois devaient donc vendre leurs biens et il était devenu impossible de rester. Il n'avait plus de choix que de partir.


Ethnie:

Mulsuman

155

Age/sexe:

38 ans, féminin

Situation familiale:

Mariée avec six enfants

Activité professionnelle:

Travailleur journalier dans l'agriculture

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Yebu, Hlaingbwe, Etat Kayin (le village, à l'époque, comptait 100 familles, mais la majorité est partie)

Le témoin a quitté le Myanmar avec sa famille à la fin de 1997 parce que le travail forcé imposé par les militaires (y compris le portage) couvrait environ vingt jours par mois. En tant que travailleurs journaliers, s'ils devaient effectuer du travail forcé pendant une journée, ils n'avaient plus rien à manger pour le jour suivant. Les militaires traitaient les Musulmans et les Karens de façon discriminatoire, mais les Musulmans se voyaient infliger un traitement encore pire que les autres, ce qui rendait leur situation d'autant plus difficile. Ils étaient contraints d'exécuter du travail forcé encore plus difficile et obtenaient moins de nourriture, ce qui fait que plusieurs d'entre eux quittaient les villages pour se rendre dans les villes. Dans son village, il y avait à l'époque 200 familles musulmanes, mais il n'en restait que 15 ou 16 aujourd'hui. Habituellement, les militaires indiquaient au chef de village le nombre de porteurs requis, mais, à quelques occasions, lorsque le village n'envoyait personne, les militaires venaient les chercher directement. A ces occasions, si les villageois partaient avec les militaires sur le champ, il n'y avait pas de problèmes. Sinon, les militaires pourchassaient les villageois et les battaient. Dans sa famille, le portage était toujours exécuté par les hommes. Son mari a dû transporter des munitions et de la nourriture pour l'armée. Durant plusieurs années, il était normal d'exécuter du portage une fois par mois, habituellement pendant cinq jours, mais parfois pour des périodes plus longues d'une semaine à dix jours, et même jusqu'à deux mois ou plus. Parfois, pour une très courte distance, ce travail ne prenait qu'une journée, mais à ces occasions ils utilisaient deux à trois personnes de la même famille, ce qui compliquait les choses. Parfois, les militaires ordonnaient aux porteurs d'apporter de la nourriture pour plusieurs jours (quinze jours) pour que ceux-ci puissent la manger. Les personnes fortes n'avaient pas de problème pour faire le travail. Si les porteurs étaient fatigués ou incapables de faire le travail, ils étaient battus et, parfois même tués. Quelques-uns de ses amis d'autres villages ont été tués de cette façon. A quelques occasions, son mari a été battu avec une tige de bambou; elle en a été témoin, et ceci est arrivé à beaucoup d'autres personnes. En tant que porteur, un villageois ne recevait que peu de nourriture et devait travailler beaucoup. Ils étaient battus et parfois abandonnés au bord de la route. Elle a vu plusieurs blessures infligées à des porteurs à la suite de violences causées par les militaires. Lorsqu'il y avait des combats dans l'Etat Kayin, les militaires mettaient les porteurs en avant, ce qui fait que ceux-ci se faisaient tuer alors que les soldats restaient en vie. C'est ce qui s'est passé avec son mari. A d'autres occasions, lorsque les militaires s'attendaient à une attaque, elle a été utilisée comme bouclier humain. Les militaires réquisitionnaient tout le village, même les enfants, et les plaçaient devant le camp militaire. Plusieurs villageois sont morts de cette façon (environ 20 personnes de son village). Des Musulmans et des Karens ont été tués de cette façon dans les derniers mois avant qu'elle parte. En ce qui concerne la construction de camps militaires, trois camps existaient dans sa région: Yebu, Nabu et Painkyone. Ils existaient depuis environ vingt ans, mais n'avaient pas toujours été situés au même endroit. Lorsqu'un camp changeait de site, les gens devaient construire un nouveau camp: les hommes, les femmes, les enfants. Dans le cas de Nabu, les habitants de ce village, qui comptait environ 100 familles, ont dû se déplacer il y a deux ou trois ans pour faire place à un nouveau camp militaire. Plus personne ne vit sur ce site. Certains ont déménagé à Kawkareik et d'autres dans des villages autour des collines. Il existe un camp majeur à Yebu qui n'a pas été déplacé, bien que certains petits postes autour l'aient été. Lorsqu'ils construisaient un camp, les gens des villages éloignés devaient venir exécuter du travail forcé. Dans son cas, elle n'a eu qu'à aller au camp de Yebu, mais pas à ceux de Nabu ou de Painkyone. En ce qui concerne le travail dans les camps, les ordres étaient donnés aux chefs de village par écrit, mais en cas de problèmes les militaires venaient directement au village et battaient les gens. Ils ne réquisitionnaient pas toujours une personne par famille, puisque dans certains cas, lorsqu'ils voulaient cinq personnes, cela se faisait d'une façon rotative. Une personne par famille devait y aller, peu importe si le mari était absent pour exécuter du portage ailleurs. En son absence, si elle avait de l'argent, elle devait les payer puisque ceux-ci ne pouvaient accepter qu'elle refuse d'y aller. Puisque son garçon le plus âgé est parti depuis longtemps, son deuxième enfant, qui est une fille, a dû exécuter du travail forcé; parfois, même les jeunes enfants devaient travailler. Dans les camps, les hommes et les femmes devaient exécuter du portage, puiser de l'eau, aller porter des messages aux militaires ou faire tout autre travail requis par ceux-ci. Lorsque les militaires quittaient, ceci impliquait plus de travail puisque de nouveaux militaires arrivaient. Ils devaient également couper du bambou. A quelques occasions, les hommes ont été envoyés dans la forêt pour couper du bois et pour apporter des billots aux militaires. Les villageois devaient également cultiver et donner le fruit de leurs récoltes aux militaires. Ils devaient également leur fournir de la viande et du poulet. Lorsque cela n'était pas fait, les militaires les emprisonnaient et tuaient et mangeaient leur bétail. Son mari, ses enfants et elle-même ont tous eu à travailler sur la route de Nabu à Painkyone. Après son départ, les gens de sa famille ont dû également faire ce travail. Une personne par famille, y compris les enfants de 12 à 13 ans. Elle connaissait des enfants de 10 ans qui ont dû effectuer du travail forcé. Lorsque personne d'une famille y allait, ils devaient payer une amende, mais puisque personne n'avait d'argent un enfant devait y aller. Même les villageois très éloignés de la route devaient travailler. Dans son village, on utilisait une personne par famille, mais pas toujours en même temps. La route entre Nabu à travers la région de Yebu se situait près de chez elle, ce qui implique qu'elle pouvait rentrer à la maison le soir, alors que d'autres devaient dormir sur le lieu de travail. Le traitement était différent du portage, qui était beaucoup plus difficile puisque les porteurs ne pouvaient se reposer que lorsque les militaires se reposaient. Ces derniers ne portaient aucune attention au fait que les porteurs étaient fatigués et affamés, et leur donnaient très peu de nourriture. Par contre, lors du travail sur la route, les villageois pouvaient apporter leur nourriture, dormir et se reposer tant que le travail se faisait. On leur assignait une partie de la route, et ce travail devait être terminé en cinq jours. Lorsqu'on refusait de faire du travail forcé, il fallait payer une amende d'environ 100 kyats par jour. Lorsque le travail était plus éloigné, on devait payer pour trois jours 300 kyats. Dans d'autres cas, cette somme ne pouvait être que de 60 à 70 kyats. Le montant payé variait selon la nature du travail. En ce qui concerne le portage, ce montant pouvait aller de 200 à 300 kyats par jour. Les militaires préféraient l'argent plutôt que d'obtenir des travailleurs. Toutefois, lorsqu'ils avaient vraiment besoin de travailleurs, ils les obtenaient. Ainsi, même lorsque les gens payaient, certains ont dû effectuer du travail forcé.


Ethnie:

Musulman

156

Age/sexe:

12 ans, masculin

Situation familiale:

Huit enfants (mère, sept frères et sœurs)

Education:

Aucune

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Yebu, Hlaingbwe, Etat Kayin

Le témoin a effectué du travail forcé pour les militaires depuis l'âge de 10 ans. Il a quitté le Myanmar au milieu de 1997. En ce qui concerne le travail forcé, il a travaillé sur la construction d'une route. Il devait couper du bambou en vue de la construction de cette route. Il devait creuser des trous et transporter des pierres chaque jour durant la saison sèche de 7 heures le matin à midi, puis il arrêtait pour manger le riz qu'on lui apportait. Il travaillait alors de 13 heures à 17 heures. Le travail était très difficile et il était très fatigué. Parfois, vers 11 heures du matin, les enfants se cachaient dans les buissons. Les militaires ne les voyaient pas, mais les autres travailleurs leur demandaient de revenir. Parmi les adultes, il y avait toujours au moins cinq enfants, et parfois jusqu'à dix. Il a dû lui-même exécuter du travail forcé, puisqu'il n'a pas de père. Lorsque sa mère ne pouvait y aller, c'est lui qui devait y aller. De plus, lorsque des villageois payaient, c'est lui qui devait y aller à leur place et il recevait 30 kyats par jour. Mais, la plupart du temps, il y allait pour sa propre famille. Lorsque les militaires lui ordonnaient d'effectuer un travail quelconque, il devaient le terminer. Dans le cas contraire, ceux-ci l'insultaient mais ne l'ont jamais frappé. A une occasion, il a vu l'officier en charge battre le chef du village parce que celui-ci ne pouvait trouver assez de gens pour exécuter le travail forcé. Il l'a attaché avec une corde et l'a battu avec une tige de bambou; les autres militaires ne semblaient pas être d'accord avec ces actes. Son père est mort alors qu'il effectuait du portage durant des combats, lorsqu'il était encore enfant. Il a entendu dire que les militaires battaient les porteurs qui ne pouvaient pas travailler. Il a vu que certaines personnes avaient des blessures sur le crâne et sur leurs épaules.


Ethnie:

Karenni

                        157

Age/sexe:

48 ans, masculin

Situation familiale:

Neuf (sa femme et sept enfants)

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Bee Lay Noh, Bilin, Etat Mon (à l'origine, il y avait 500 familles dans le village; maintenant seulement 100)

Le témoin en venu en Thaïlande il y a quatre ans: il est resté pendant trois ans et est retourné au Myanmar pendant quelques mois durant la saison des pluies afin de ramener quelqu'un avec lui en août 1996. Il est une fois de plus retourner au Myanmar et est revenu en Thaïlande en octobre 1997. Il y a quatre ans, il a dû couper des arbres et des bambous pour la construction de la route de Bilin à Papun. Il a dû travailler pendant quinze jours et a pu obtenir une journée de repos. Il a dû par la suite travailler une nouvelle fois quinze jours. Durant ce temps, il ne recevait pas assez de nourriture, ce qui fait qu'il ne pouvait continuer à travailler et a décidé de s'enfuir. Trois cents personnes par jour, une personne de chaque maison, devaient travailler sur la construction de la route. Les militaires avaient donné l'ordre au chef de village et les villageois devaient obéir sans rien dire. Il a vu deux femmes, deux jeunes filles et cinq hommes se faire tuer en une journée il y a de cela quatre ans. Ils ont été tués parce qu'ils étaient fatigués et avaient pris une pause durant le travail. Les militaires les avaient insultés, ils ont répliqué, et ceux-ci se sont fâchés et les ont tués. Ils les ont frappés sur la tête et ont violé les deux jeunes filles avant de les poignarder. La construction de la route se poursuivait lorsqu'il est retourné en octobre 1997. La première fois qu'il est retourné au Myanmar dans son village afin de ramener quelqu'un, durant la saison des pluies de 1996, il n'a pas eu à effectuer du travail forcé bien qu'il ait vu d'autres personnes poser des clôtures et creuser des tranchées. En 1997, il a dû effectuer du travail forcé pendant dix jours par mois (une personne de chaque famille devait couper des arbres et du bambou). La route n'est pas complétée mais le camp est complètement terminé aujourd'hui. Malgré cela, ils ont toujours dû continuer à couper du bambou. Les hommes qui ne pouvaient pas transporter le bambou étaient tués par les troupes du SLORC. Les femmes étaient battues et violentées. A une occasion, il a vu un homme âgé informer les militaires qu'il était fatigué et ne pouvaient plus continuer. Les militaires ont répliqué qu'il acceptait de travailler pour le KNU mais pas pour eux; ils l'ont donc battu; ils l'ont tué à coups de couteau. Une journée où tous les villageois coupaient du bambou dans la forêt, les militaires ont bu de l'alcool et ont contraint les femmes à venir dans leur camp. Une des femmes en question était très fatiguée et a demandé de se reposer. Les militaires l'ont battue avec une tige de bambou. Durant la soirée, il a tenté de retrouver cette femme mais elle n'était pas à la maison. Un moine du monastère l'a informé qu'elle avait été tuée par les militaires du SLORC. A une autre occasion, il a vu des militaires battre une femme jusqu'à la mort. Elle devait avec d'autres villageois couper du bambou mais elle avait demandé de se reposer et s'est assise. Un officier a répliqué que ceux qui voulaient se reposer devaient mourir. C'est ce qui s'est produit et ils l'ont tuée. En septembre 1997, les militaires ont brûlé plusieurs villages dans le canton de Bilin et ont contraint les villageois à se relocaliser ailleurs. Son village Be Lay Noh était un grand village avec un important camp militaire. Ainsi, les petits villages autour de Be Lay Noh ont été relocalisés à cet endroit. Plus tard, le commandant du camp a ordonné aux villageois de retourner dans leur village d'origine et ils ont dû construire de nouvelles maisons puisque les anciennes avaient été brûlées par les militaires. Les villageois devaient également couper du bambou et construire des maisons pour les familles des militaires du SLORC et du DKBA. Il s'est enfui avec sa famille et 60 autres familles ainsi que plusieurs autres personnes d'origine karenne des villages avoisinants. En tout, environ 300 familles restaient dans le même camp de réfugiés parce qu'elles n'avaient pas assez de nourriture. Il y a une année, les militaires du DKBA et du SLORC ont pris toutes leurs récoltes. Ils ont donc dû aller mendier. Les militaires leur ont donné seulement que trois petits contenants de riz par jour par famille. Ils ont tenté de s'éloigner du village pour cultiver près des montagnes là où les militaires ne pourraient les trouver, mais les cochons sont venus et ont tout manger.


Ethnie:

Karenni, chrétien

158

Age/sexe:

55 ans, masculin

Situation familiale:

Onze (lui, sa femme et neuf enfants)

Activité professionnelle:

Ancien chef de village

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Bee T'Ka, Hlaingbwe, Etat Kayin

Le témoin est venu en Thaïlande en 1996. Il est retourné dans son village en janvier 1998 et est revenu en Thaïlande en février. Des trois cents familles de son village, seules 50 familles bouddhistes sont toujours là; toutes les familles chrétiennes ont dû quitter. Il y a quatre ans, les troupes du SLORC et du DKBA ont commencé à chasser les villageois bien que certains soient revenus après quelques mois. Ceci s'est produit à plusieurs occasions. Toutefois, il y a deux ans, les militaires ne leur ont pas permis de retourner, ce qui fait que certains villageois ont vendu leur maison et ne sont jamais revenus. Il est venu en Thaïlande après avoir été arrêté à la suite d'accusations de possession d'armes. Avant de devenir le chef du village il y a dix ans, il a effectué quatre voyages de portage de deux à cinq jours chacun. Mais certains de ses enfants et d'autres personnes ont fait du portage pendant un mois de suite. Parfois, les militaires demandaient les porteurs pour trois jours, mais ceux-ci devaient rester jusqu'à un mois. Lorsqu'il est retourné en janvier 1998, les villageois devaient faire du portage tous les mois, habituellement pendant cinq jours. Lorsqu'ils ne pouvaient pas y aller, ils devaient payer 450 kyats par jour. Les villageois devaient effectuer la construction de la route et se rendre à pied sur le lieu de travail. Ils devaient y travailler et dormir sur place pendant une semaine jusqu'à ce que d'autres viennent les remplacer. Ceci implique qu'ils n'avaient plus le temps d'effectuer leur propre travail. Ses enfants ont travaillé il y a environ trois ans sur les routes de Dawlan et Natkyun, et également sur la route entre Ah Pou et Taun Zun pendant environ quatre jours par mois. Les autorités demandaient au chef du village de trouver des travailleurs et, lorsque celui-ci ne pouvait en trouver suffisamment, les militaires venaient et capturaient les gens dans le village. Durant le travail forcé, il a vu des militaires insulter des travailleurs mais jamais les tuer. Lorsque les militaires venaient au village, les villageois s'enfuyaient et les militaires tiraient sur eux. Il a vu plusieurs villageois se faire tuer alors qu'ils s'enfuyaient. D'autres ont été tués parce qu'ils étaient soupçonnés de soutenir le KNU. Lorsqu'il était chef de village, chaque famille a dû effectuer du travail forcé trois à quatre jours par mois. Aujourd'hui, les gens doivent effectuer du travail forcé chaque jour durant la saison sèche, mais toujours la même personne de la même famille. Les demandes d'argent de la part des militaires étaient maintenant un problème majeur. Si les militaires du KNU demandaient aux villageois de payer 10 000 kyats par année, le SLORC et le DKBA leur demandaient également la même somme. Ainsi, la plupart des villageois désiraient venir en Thaïlande bien qu'ils ne le pouvaient pas. Lorsqu'il est retourné dans son village en janvier, il a vu qu'entre Tichara et Tiwablaw, et entre Meh Pleh et Kyokyo, les militaires du SLORC-SPDC avaient brûlé des centaines de fermes ainsi que des rizières. Le bétail n'avait plus de quoi se nourrir et sautait souvent sur des mines. Il était maintenant essentiel d'engager quelqu'un pour montrer le chemin afin d'éviter les mines.


Ethnie:

Karenni, chrétien

159

Age/sexe:

48 ans, masculin

Situation familiale:

Marié avec cinq enfants

Activité professionnelle:

Travailleur journalier (avant la relocalisation)

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Mye Yeh, Kyaukkyi, division de Bago (le village comptait 47 familles; relocalisé il y a quatre ans à Yan Myo Aung avec 650 autres familles de huit villages différents)

Le témoin est arrivé en Thaïlande au début de janvier 1998. Il y a quatre ans, suite à une embuscade des soldats du KNU dans la forêt près de Mye Yeh, lorsque 14 militaires du SLORC furent tués, les troupes du SLORC ont détruit trois puits ainsi que des arbres dans le village. Ils ont arrêté tous les hommes, les femmes et les enfants du village ainsi que ceux de deux villages avoisinants (Ter Paw et Po Thaung Su), les ont attachés et les ont gardés au soleil en préparant leurs armes pour les abattre. Par la suite, un soldat a convaincu le commandant de l'innocence des villageois. Ainsi, ils n'ont pas été tués mais ont dû marcher jusqu'au site de relocalisation à quatre heures de marche. En ce qui concerne le travail forcé, deux ans avant la relocalisation, les villageois ont dû travailler sur la construction d'une route chaque jour pendant la saison sèche et la saison des pluies. Une personne par famille, homme, femme ou enfant, devait transporter des pierres. Il a dû lui-même travailler pendant six jours alors que sa femme a travaillé une journée de 6 heures le matin à 18 heures le soir avec une pause pour manger du riz une fois par jour. Alors qu'il travaillait sur la route, sa femme gagnait de l'argent en ramassant des légumes dans la forêt et en les vendant. Lorsque son tour est venu d'effectuer du portage alors qu'il travaillait sur la construction de la route, il a emprunté de l'argent pour payer afin de ne pas travailler comme porteur. Après la relocalisation, il a dû travailler sur la construction de la route seulement durant la saison sèche et seulement pendant quelques jours par mois puisque le travail était partagé entre plusieurs villages. Lorsque les villageois sont arrivés sur le site de relocalisation, on leur a assigné des tâches à chaque jour et ils devaient surveiller la route durant la nuit. Son quota était de trois jours et trois nuits de suite par mois dans un groupe de trois personnes. Entre février et novembre 1997, il a dû couper de l'herbe une fois toutes les deux semaines sur le site de relocalisation. A cette occasion, il a dû transporter du matériel pour les militaires: avant la relocalisation, cinq fois pendant trois jours à chaque fois; et après la relocalisation, à deux reprises. Pendant les six dernières années, il a été requis comme porteur une fois par mois mais il a payé au lieu d'y aller. Afin d'être exempté du portage pendant trois jours par mois, il devait payer 200 kyats par jour. Tout le monde devait effectuer du travail forcé ou faire du portage et la seule façon de s'en sortir était de payer. Les gens qui ne pouvaient pas payer devaient effectuer le portage; puisque sa femme avait un bébé, il craignait d'être tué durant le portage et il a donc décidé de payer. Quelqu'un de son village est mort durant le portage en janvier 1997, laissant une jeune veuve et un bébé. Il ne voulait pas y aller mais fut arrêté par les militaires. Un de ses compagnons de portage est revenu et lui a annoncé qu'un de leurs compagnons avait sauté sur une mine avec un militaire. De plus, en janvier 1997, quatre personnes du village de Yan Myo Aung se sont perdues durant le portage. Les autres villageois ont présumé qu'ils étaient morts. Après la relocalisation, une personne de chaque famille dans le village devait aller en forêt et couper des arbres et du bambou pendant une durée de un mois et demi. En même temps, les villageois de deux autres villages devaient aller planter des piments. Plus tard, il y eut une inondation des plantations de piments qui a détruit la récolte. Les militaires du SLORC sont venus et ont exigé des villageois ayant planté le piment un dédommagement de 150 000 kyats par village. Alors qu'il exécutait du portage, il fut frappé par les militaires à quelques reprises. A une autre occasion, il a dû transporter 20 mortiers. Comme il peinait avec cette lourde charge, les militaires l'ont battu. Il a fallu qu'un sergent major intervienne pour qu'on lui retire 10 mortiers de sa charge. Il a également vu un jeune garçon être violemment frappé par les militaires, mais il ne sait pas pourquoi. Lors de la construction des routes, les militaires insultaient les gens mais ne les frappaient pas. La dernière fois qu'il a effectué du travail forcé, ce fut en novembre 1997 alors qu'il a dû transporter des mortiers pendant cinq jours. Après cela, il a toujours préféré s'enfuir (comme les autres villageois) lorsque les militaires du SLORC approchaient de son village. Depuis la relocalisation, lorsqu'il n'effectue pas de travail forcé, il survit grâce à la pêche. Il est venu en Thaïlande parce qu'il n'y avait plus de riz et qu'il ne pouvait plus travailler pour sa propre famille.


Ethnie:

Karenni

160

Age/sexe:

Masculin

Situation familiale:

Marié, une fille

Activité professionnelle:

Fermier. Il travaillait sur les terres de son père.

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Noh Hay Hta, Papun, Etat Kayin (le village comptait environ 40 familles. Il y avait un camp militaire à environ trois miles)

Il a quitté le Myanmar en février 1997 puisqu'il n'était pas capable de subvenir aux besoins de sa famille en raison du travail qu'il devait exécuter pour les militaires. Personne ne pouvait s'occuper de ses récoltes pendant ses moments d'absence. Il lui restait cinq jours par mois pendant lesquels il pouvait se consacrer à ses propres affaires, ses propres cultures. 1) Portage. Il a dû faire du portage pendant dix ans, à deux reprises chaque mois. La durée variait, mais n'était jamais moins que cinq jours. Parfois les voyages pouvaient durer jusqu'à un mois, s'il y avait des opérations militaires. Toutes les familles de son village devaient fournir un membre masculin pour ce genre de travail. Ses frères ont dès lors eux aussi eu à faire du portage. L'ordre pour faire du portage venait des militaires, mais était transmis par le chef du village.Il n'a pas vu d'ordre écrit. Il devait transporter des munitions pour les mortiers, la nourriture et les casseroles pour la cuisine. Il y avait environ 40 à 50 porteurs pour 150 soldats. Il n'était pas rémunéré et ne recevait pas suffisamment de nourriture. Il a déjà été pris dans une bataille contre le KNU. Les porteurs devaient rester près des soldats. Il a fait l'objet de mauvais traitements, ayant reçu des coups de pieds puisqu'il était trop fatigué pour suivre le rythme de progression. On aurait menacé de le tuer. Il a vu deux porteurs qui seraient décédés puisqu'ils n'étaient plus en mesure de transporter la charge qui leur avait été assignée. Il n'y avait pas de médicaments disponibles en cas de maladie. 2) Monter la garde à proximité de la route entre Papun et Kamamaung. Son poste de travail était à environ trois miles de sa résidence. Il devait monter la garde à deux reprises pendant un mois, chaque assignation durant cinq jours. Il a exécuté ce travail en 1996 et jusqu'à son départ en février 1997. Tous les villageois devaient exécuter ce travail. Ses trois frères ont également été obligés d'y travailler. En fait, seules les personnes très âgées, incluant son père, étaient exemptées. Environ 400 personnes, incluant hommes, femmes et enfants, travaillaient en même temps que lui. Il devait dormir près de la route pendant ces journées. Il devait monter une tente à cette fin. Il a dû également poser, le long de cette route, une clôture qui servait de défense contre l'Union nationale karenne (Karen National Union) (KNU). En outre, les villageois devaient «nettoyer» la route chaque matin, ce travail consistant à vérifier si des explosifs n'avaient pas été posés. Advenant qu'une mine ait été oubliée et qu'un véhicule de l'armée sautât à son contact, les villageois devaient payer, à titre de représailles, un million de kyats. Chaque villageois, chaque village se voyaient dès lors assigner une section de la route aux fins de faire cette vérification. Il n'était pas rémunéré et devait apporter sa propre nourriture. A une occasion en 1997, après la saison des pluies, il a dû réparer un pont alors qu'il montait la garde. Les femmes de son village n'ont pas fait l'objet de mauvais traitements de la part des militaires. Il a toutefois entendu dire que des femmes d'autres villages auraient été violées, notamment une femme de Po Gay par cinq soldats. 3) Construction de tentes pour l'armée en 1997. L'assignation a duré dix jours et se trouvait à trois heures de marche de sa résidence (neuf miles). Chaque jour, 30 personnes travaillaient ensemble (total pour le mois: 300). Elles provenaient de trois villages différents, incluant le sien. Les ordres étaient donnés par les militaires. Les matériaux et le matériel (notamment bambous) nécessaires pour construire ces installations étaient fournis et transportés par les travailleurs qui ne recevaient aucune indemnisation à cet égard. Il était possible de payer une autre personne pour exécuter le travail: 150 kyats par jour. Il était également possible de verser des pots-de-vin, bien qu'il ne l'ait pas personnellement fait. Il n'était pas possible de refuser et connaît des personnes qui auraient été arrêtées puisqu'elles ne voulaient pas exécuter le travail. Il devait donner au gouvernement cinq paniers de riz sur 100 récoltés (un panier = deux boîtes de conserve de riz non cuit). Pour ce qui est des cannes à sucre, cinq contenants devaient être donnés sur 100. Tous les villageois devaient payer ces montants. C'est le chef de village qui devait collecter ces taxes. Elles étaient imposées au regard de dispositions de la loi. Il ne fait partie d'aucun groupement politique. Il retournerait au Myanmar si les conditions changeaient. Il craint d'être exécuté s'il y retourne (DKBA est dans son village).


Ethnie:

Musulman

161

Age/sexe:

30 ans, féminin

Situation familiale:

Mariée, une fille

Education:

Troisième année

Activité professionnelle:

Vendeur itinérant

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Mon Naing, Hlaingbwe, Etat Kayin (le village comptait 340 familles)

Elle a quitté le Myanmar au début de 1998 en raison du travail forcé pour les militaires. Personnellement, elle a dû faire du portage et monter la garde près d'une route. Son mari a également été requis de faire du portage et de participer à la construction de la route. Il lui restait en moyenne dix à quinze jours par mois pour vaquer à ses propres occupations. Le travail forcé est exécuté en rotation, un membre par famille. De façon générale, elle se partageait le travail forcé avec son époux. Elle a dû faire du portage à plusieurs reprises. En 1997, au total, elle aurait été requise à 12 reprises dont quatre pendant la saison sèche. Elle aurait fait du portage à huit reprises auparavant. A chaque fois, les assignations duraient au moins quinze jours. Au cours des deux mois qui ont précédé son départ, on lui a demandé de se rendre de son village au camp militaire de Mawpokay qui se trouve près de la frontière. Il s'agit d'un voyage d'environ huit jours. La durée totale de cette assignation a été de quinze à dix-sept jours. A l'aller, elle a dû gravir une montagne pendant cinq jours et la descendre par la suite pendant trois. Cent-vingt soldats participaient à ce voyage. C'est le chef de village qui organisait le travail requis par les militaires. Parfois, les militaires arrêtaient directement les personnes dont ils avaient besoin. Un membre par famille devait faire le portage lorsque requis. Son époux, sa nièce, sa sœur et son frère ont également dû faire du portage. En fait, généralement, c'est son époux qui a exécuté le portage depuis les quinze dernières années. Hommes et femmes pouvaient être requis de faire du portage pour les militaires. Parfois jusqu'à 30 à 40 femmes. Les hommes étaient généralement placés au-devant des colonnes et les femmes derrière. Elle a dû transporter des munitions pour les mortiers (cinq) et la nourriture (riz). Elle n'était pas rémunérée et ne recevait pas suffisamment de nourriture. Elle n'a pas personnellement fait l'objet de mauvais traitements, mais plusieurs de ses amies auraient été frappées lorsqu'elles ne réussissaient plus à porter les charges très lourdes qui leur avaient été assignées. Au cours des nuits, les soldats en profitaient pour toucher les femmes et les menaçaient avec leurs armes si elles criaient. Elle aurait été touchée à une reprise. Quatre hommes seraient décédés à bout de force. Il était possible de payer pour être remplacé, mais elle ne l'a pas fait puisqu'elle n'avait pas les fonds pour ce faire. Elle ne sait pas s'il était possible de payer des pots-de-vin. Tout refus pouvait entraîner une arrestation. Elle connaît du reste des personnes qui auraient été arrêtées pour ce motif. Elle a dû monter la garde à proximité de la route de Mon Naing, à Nyamarah (14 miles) durant les huit dernières années, à une reprise chaque mois. Chaque assignation durait cinq jours. Une personne par famille devait faire ce travail qui était exécuté uniquement par les femmes. Elle travaillait avec environ 130 autres femmes. Elle devait dormir près de la route avec quatre autres femmes dans une tente. Elle devait «nettoyer» la route de manière à ce que les militaires puissent y circuler sans danger. Elle devait également tenir les militaires informés de tous mouvements ou de toutes informations concernant le KNU. Elle n'était pas rémunérée et devait apporter sa propre nourriture. Lorsqu'elle était loin pour exécuter ce travail, son époux devait souvent s'absenter également pour faire du portage pour les militaires et de la construction de routes. Pour ce qui est de ce dernier point, son époux a dû y travailler dix jours par mois, quatre mois par année pendant les trois dernières années. Il s'agissait de la même route pour laquelle elle devait monter la garde. La route était principalement utilisée par les militaires aux fins de déplacer troupes, équipements et rations. Elle estime que les Musulmans recevaient le même traitement que les autres villageois pour ce qui est du travail forcé. Toutefois, une quinzaine de Musulmans qui ont tenté de retourner dans leur village, il y a environ trois mois, auraient été arrêtés et transférés vers un monastère bouddhiste où ils auraient été forcés de porter adoration à des objets sacrés de ce culte. S'ils refusaient, ils étaient battus par des membres du DKBA. Une taxe sur les récoltes devait être payée au gouvernement. Sur 100 paniers de riz, cinq devaient être donnés au gouvernement. Sur 100 vis de légumes, sept devaient aller au gouvernement. Elle ne pense pas que les Musulmans devaient payer plus que les membres des autres groupes (bouddhistes ou chrétiens) dans son village.


Ethnie:

Karenni

162

Age/sexe:

48 ans, féminin

Education:

Dixième année

Activité professionnelle:

Chef d'une section du village

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Bee T'Ka, Hlaingbwe, Etat Kayin (le village comptait 200 familles; il était divisé en huit sections, chaque section comptait 20-30 familles)

Elle a quitté le Myanmar au début de 1998 puisqu'elle avait terminé son terme à titre de chef de section et ne voulait plus être en contact avec les militaires. Les soldats la connaissaient. Si elle était demeurée, les soldats seraient éventuellement venus chez elle. Elle a fait son travail contre son gré, mais ne voyait aucune autre alternative puisqu'elle aurait pu être arrêtée ou battue si les militaires estimaient que son travail n'était pas satisfaisant. Les villageois assument le rôle de chef de section conformément à une rotation. Elle a été chef de section pendant un mois et a aidé son successeur pendant six mois. Les femmes sont souvent désignées à titre de chef de section ou de village puisqu'elles font généralement l'objet de moins de mauvais traitements de la part des militaires que les hommes qui assument les mêmes fonctions. Elle n'ose pas retourner puisqu'elle craint d'être arrêtée. A la demande des militaires, elle a dû organiser le travail des villageois pour ce qui est de la construction de la route entre Hpa-an et Dawlan. L'ordre reçu des militaires était écrit. Un membre par famille devait contribuer à ce travail. Elle a dû organiser le travail de 150 personnes incluant 90 femmes pendant six jours. Les villageois n'étaient ni rémunérés ni nourris. Ils étaient généralement réticents à l'idée de travailler mais finissaient par s'exécuter et semblaient finalement heureux de travailler ensemble. Une personne qui refusait d'exécuter le travail assigné pouvait faire face à une sanction qui était administrée par les militaires. Dans le cas où une famille ne pouvait contribuer, elle devait payer. Elle se servait alors de l'argent ainsi recueilli pour acheter de la nourriture pour les autres villageois qui travaillaient. Il était aussi possible de payer un substitut. Elle a également organisé le portage qui devait s'exécuter une fois par mois. Ce travail se faisait conformément à un ordre écrit des militaires. A chaque fois, huit à 12 villageois de sa section étaient désignés. Les villageois pouvaient lui donner directement l'argent lorsqu'ils ne pouvaient pas y aller ou engager un substitut. Il y avait deux types de portage: le premier consistait à transporter matériel, équipement ou nourriture d'un camp à un autre; le second était requis pendant les opérations militaires. Les femmes faisaient généralement le premier alors que le second était réservé aux hommes. Le portage des femmes durait en moyenne une journée alors que celui des hommes dépendait de l'importance de l'opération militaire. Les porteurs n'étaient pas rémunérés, mais étaient trop effrayés pour refuser d'aller faire le portage requis. Advenant un refus injustifié, les militaires les menaçaient de les relocaliser ou de brûler leur village. En outre, elle a dû organiser à trois reprises, pendant trois ans, une fois par année, la construction de deux camps militaires qui se trouvaient à proximité de son village (trois miles). Les villageois devaient aussi fournir le matériel nécessaire (notamment le bois) pour lequel ils ne recevaient aucune compensation. Ils n'étaient pas rémunérés. Elle a dû organiser la collecte de nourriture pour les militaires. A deux reprises pendant le mois, les villageois devaient fournir porcs, poulets et légumes aux militaires qui payaient un prix au moins deux fois inférieur à celui du marché (70 kyats le vis par rapport à 150 kyats). Enfin, à la demande des militaires, elle a dû convaincre les membres du KNU qui habitaient dans son village lorsqu'elle était chef de section de quitter cette organisation. Elle ne l'a pas fait de son plein gré, mais a été expressément requise par les militaires de ce faire.


Ethnie:

Karenni

163

Age/sexe:

37 ans, masculin

Situation familiale:

Marié avec deux enfants

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Klaw Ka Hti, Hlaingbwe, Etat Kayin

Le témoin a quitté le Myanmar au début de 1997. Les villageois devaient exécuter du portage pour les militaires et du travail forcé tel que l'envoi de messages, la coupe du bois, la construction de routes et le déminage. Le travail était organisé par les chefs de village conformément à une rotation. Une personne par famille devait l'effectuer. Parfois, les militaires venaient directement au village et arrêtaient les gens dont ils avaient besoin pour le portage. Il a vu des gens être battus, y compris son oncle qui fut battu jusqu'à ce qu'il tombe inconscient. Il a également vu des porteurs se faire ligoter pour ne pas qu'ils puissent s'échapper. Sa plus grande expérience avec le travail forcé est survenue lorsqu'il vivait avec la famille de sa femme juste avant son mariage, en 1996 et 1997 avant son départ pour la Thaïlande. Les gens de tous les villages de la région étaient contraints de participer à des opérations de coupe de bois. Ils n'étaient pas rémunérés pour le travail et devaient apporter leur propre nourriture. Les billots étaient coupés et transportés près de Paw Po Hta. Les billots étaient alors coupés en morceaux. Il a dû transporter ces billots une fois qu'ils étaient coupés. Les ordre indiquaient combien de travailleurs étaient requis pour ce type de travail. Lorsque les villageois ne respectaient pas les ordres, on leur disait que leur village allait souffrir. Une des punitions était que les militaires venaient au village, cherchaient dans les maisons et tentaient de trouver des activités illicites ou de fausses preuves, telles que des munitions. Ils revenaient plus tard et accusaient ces personnes d'activités rebelles. Ils volaient par la suite tous leurs biens et exigeaient le paiement d'amendes. Les militaires surveillaient de près les travailleurs pendant le travail forcé. Il n'y avait aucun problème lorsque ceux-ci exécutaient le travail. Ils étaient battus s'ils se plaignaient. Son oncle et son cousin furent battus de cette façon. Son oncle fut d'ailleurs battu et est tombé dans le coma et fut laissé sur le sol. Personne ne pouvait l'aider sinon ils étaient eux-mêmes battus. A une occasion, les militaires lui ont tiré dessus et un autre de ses amis fut également blessé alors qu'il retournait à sa village afin d'aller chercher de la nourriture. Ceci s'est passé lorsque la région subissait des combats entre les forces gouvernementales et celles du KNU. Ces combats eurent lieu quatre à cinq ans en arrière lorsque le SLORC a pris le contrôle de la région. Les villageois qui se rendaient à la frontière thaïlandaise étaient accusés à leur retour d'être des rebelles même si ils étaient partis que pour obtenir un traitement médical. Le travail forcé était requis dans chaque famille pour une personne une à deux fois par mois. La durée du travail dépendait de ce qu'il y avait à accomplir mais pouvait durer de deux à trois jours à chaque fois. Au total, les ordres exigeant d'exécuter ce travail étaient reçus trois à quatre fois par mois de façon rotative. Les villageois étaient également requis d'effectuer du portage pour les militaires. Ceci comprenait le transport de marchandises et le service de messager. Ils devaient également monter la garde près des routes lorsque des convois militaires transportant de l'équipement passaient par là. Il n'a pas eu à exécuter du portage lui-même parce qu'il était nouveau dans le village. Son beau-frère a dû effectuer du portage à plusieurs reprises, y compris il y a deux ans. A cette époque, il a reçu qu'un seul repas pendant deux jours. Il s'est enfui après deux jours. Les militaires arrêtaient et emmenaient avec eux autant de porteurs qu'ils pouvaient attraper, bien que parfois ils s'adressaient directement au chef du village. Les villageois (y compris les femmes) étaient requis de nettoyer les routes et de déminer. Ils utilisaient des balais et des bâtons. Il n'a vu personne être blessé par des explosions de mines de cette façon. Le travail forcé était également requis pour la construction de routes sur la route de Klaw Ka Hti jusqu'à Paw Maw Hta. Toutefois, il n'a pas eu à effectuer ce genre de travail durant les deux dernières années.


Ethnie:

Pa-o

164

Age/sexe:

30 ans, masculin

Situation familiale:

Une femme et cinq enfants

Activité professionnelle:

Agriculteur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Ti Lone, Hlaingbwe, Etat Kayin (le village comptait 1 000 familles)

Le témoin est revenu dans son village au milieu de 1997 pour six mois après avoir séjourné en Thaïlande depuis 1988. Il a dû exécuter du travail forcé et du portage à plusieurs reprises avant 1988, mais pas durant sa récente visite puisqu'il ne s'est pas enregistré avec les autorités. De ce qu'il a pu voir, il n'y avait pas beaucoup de travail forcé à part du portage. Les militaires venaient et amenaient avec eux des porteurs de temps en temps, ce qui fait que les villageois devaient se cacher à ces occasions. Le portage était toujours effectué sur une base rotative. Avant 1988, il a fait du portage pour l'armée en effectuant ce qui devait être fait (habituellement transporter du riz et des marchandises). Il y est allé à une reprise en 1987 pendant sept jours. Ils ont voyagé à pied toute la journée et dormaient le long de la route. Les militaires les insultaient et les battaient s'ils avaient des problèmes pour transporter leur charge. L'année dernière, lorsqu'il est retourné dans son village, il a dû payer à une occasion pour ne pas avoir à faire du portage. La situation était très mauvaise durant les six mois qu'il a passés là-bas. Il avait du travail mais ne pouvait toujours pas obtenir assez de nourriture puisque la moitié de ce qu'il gagnait devait être donnée aux militaires comme charge de porteur. Le village était divisé en sections aux fins de déterminer les tâches de portage. Un certain nombre était appelé dans chaque section pour travailler pour les militaires. Il a dû payer afin d'éviter cela puisqu'il n'était pas enregistré et devait contribuer tout de même aux taxes de porteur payées par la famille où il vivait.


Ethnie:

Musulman

165

Age/sexe:

43 ans, masculin

Situation familiale:

Marié avec sept enfants

Activité professionnelle:

Agriculteur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Nabu, Kawkareik, Etat Kayin (le village comptait de 300 à 400 familles)

Le témoin est arrivé en Thaïlande en mai 1997. Il a quitté parce qu'il ne pouvait plus tolérer les troubles et l'oppression du SLORC. Son village fut relocalisé en décembre 1996. Il a dû exécuter plusieurs types de travail forcé ainsi que du portage sur une base continue, particulièrement en 1996 lorsqu'un camp militaire fut construit près de son village. En août 1996, il a vu une femme qui travaillait sur la route être battue à mort parce qu'elle ne pouvait plus travailler. Dans les six mois avant la relocalisation, vingt-huit à trente et un jours par mois devaient être passés à faire du portage ou du travail forcé. En juin 1996, il a dû travailler sur la construction de routes de Nabu à Kyondo. Ce travail était exécuté par les villageois de façon rotative durant l'année. De plus, un nouveau camp fut construit en 1996 avant la relocalisation du village. Un troisième type de travail forcé était le portage. Tous ces types de travaux forcés se faisaient de façon continuelle les uns après les autres. Le village n'a reçu l'ordre de se relocaliser qu'une fois tous ces travaux forcés exécutés. Pendant six mois, ils ont exécuté trois types de travail forcé: construction de routes, travail dans le camp militaire et portage, les uns après les autres sans période de repos ou la possibilité de travailler à leurs propres affaires. Il y avait tout au plus une journée de repos de temps en temps. Les gens mouraient de fatigue ou de malnutrition. Tous les adultes devaient y aller et pas seulement une personne par maison: les femmes et les enfants âgés de 13 ans devaient y aller également. Ils l'ont même placé avec des femmes pour exécuter du travail. Les ordres pour ce travail venaient du chef du village. Mais lorsqu'ils avaient des problèmes pour trouver suffisamment de gens, les militaires venaient directement dans le village et arrêtaient les gens. En ce qui concerne les routes, environ 200 à 300 personnes à la fois de plusieurs villages travaillaient sur la route pendant quinze jours. Ils pouvaient retourner au village pour la nuit. Le travail de groupe se terminait uniquement lorsque la tâche était terminée. On leur disait ce qui devait être fait et le laps de temps octroyé pour ce faire. Le travail sur la route impliquait creuser la terre et la construction de remblais, en plus de couper des arbres et casser des pierres. Il a dû lui-même aller à quatre occasions différentes pendant quinze jours à chaque fois durant six mois avant la relocalisation. Il y a eu six mois de travaux continus sur cette route avant la relocalisation qui fut exécutée par les gens de son village. Lorsqu'il est revenu de ce travail, il y avait du portage à exécuter pour le camp militaire. En ce qui concerne le travail dans le camp militaire, il y avait trois groupes distincts: les bataillons d'infanterie 541, 548 et 549. Ils ont dû construire trois camps près du village de Nabu. Ces camps furent construits sur les terres mêmes des villageois que les militaires se sont appropriées à cette fin. Les villageois ont dû nettoyer le terrain, détruire les maisons et construire les camps. Ils ont coupé des arbres et ont dû les transporter sur le site. La construction de ces trois camps a duré une année. Les bâtiments étaient construits en ciment et également en bois. Ceci était également fait sur une base rotative pendant quinze jours. Lorsque les bâtiments furent terminés, d'autres types de travaux ont dû être exécutés dans le camp. Cela n'avait jamais de fin. La situation était tellement mauvaise que, lorsque la relocalisation est arrivée, ce fut presque un soulagement parce que les villageois avaient la chance de s'échapper. Les femmes et les enfants étaient également impliqués dans le travail au camp militaire. Les militaires insultaient les Musulmans et les battaient s'ils travaillaient trop lentement. Il a également fait du portage en trois occasions pendant dix jours en 1996. Il a dû faire du portage vers les montagnes Dawna dans l'Etat Kayin à de très hautes altitudes. Parfois, les militaires obligeaient les porteurs à travailler toute la nuit sans repos. En ce qui concerne le portage, la moitié du temps les ordres émanaient du chef du village, et l'autre moitié du temps les militaires venaient directement dans le village et arrêtaient tous les gens qu'ils trouvaient. Il fut arrêté à trois occasions: il s'est échappé deux fois et a dû terminer le portage la troisième fois. Les deux premières fois qu'il a fait du portage, il s'est échappé. Sa charge comprenait du riz et des munitions et pesait environ 33 kilos. Les militaires insultaient et battaient les travailleurs et les traitaient comme des animaux. Ils leur tiraient dessus si ceux-ci essayaient de s'enfuir. La violence était la même lors du portage que pendant le travail forcé bien que le traitement qu'il recevait pendant le portage était encore pire puisqu'il n'obtenait ni nourriture ni repos. Parfois, les porteurs étaient affamés et ne recevaient qu'un peu de soupe au riz. Au contraire, les travailleurs pouvaient apporter leur propre nourriture sur les sites de travail forcé. Tout ce que les porteurs recevaient était deux repas le matin et le soir: un total d'une portion de riz au lait condensé sans sel ni curry. Ils ramassaient des feuilles dans la forêt afin de les manger avec le riz et travaillaient toute la journée sans repos. Ils travaillaient même parfois durant la nuit. Si quelqu'un tombait malade, il n'y avait pas de traitement médical. Lorsque les porteurs étaient trop malades pour continuer, ils étaient abandonnés le long de la route. Il n'a jamais vu un porteur se faire tuer par les militaires bien qu'il ait entendu que cela arrivait parfois. Habituellement, il n'y avait pas de femmes porteurs. Le garçon le plus jeune comme porteur avait environ 13 ans. Les hommes devaient effectuer du portage jusqu'à l'âge de 70 ans. A l'occasion, les femmes étaient requises comme porteurs lorsque les militaires ne pouvaient trouver assez d'hommes. Il n'a pas été témoin de cas de violences sexuelles sur les femmes. Il y avait toutefois d'autres formes de violences physiques. Pendant le travail dans le camp militaire, les villageois devaient fournir leur propre nourriture en même temps que ce que tous les militaires avaient besoin, y compris de la nourriture pour eux-mêmes. Lorsque les villageois ne faisaient pas ce que les militaires demandaient, ils encouraient des problèmes. Lorsqu'ils ne pouvaient fournir des animaux, ils devaient donner de l'argent. Le village fut relocalisé en décembre 1996. Lorsque ceci est arrivé, il est parti dans un autre village karen et est resté là-bas jusqu'au moment où il a pu s'échapper pour la Thaïlande. Entre janvier et mai 1997, il s'est caché dans différents villages afin de ne pas avoir à exécuter le travail forcé. Il ajoute que tout le monde était requis pour faire du travail forcé et non seulement les Musulmans. Mais les mauvais traitements qu'on infligeait aux Musulmans étaient pires que ceux infligés aux Karens. En septembre 1997, il a appris que la mosquée de Nabu avait été détruite par les militaires et ceux-ci vivaient à cet endroit depuis la relocalisation. Au moment de la relocalisation, un autre site fut choisi pour que les villageois aillent s'y installer. Mais il n'y avait pas d'eau dans cette région, ce qui fait que personne n'y est allée. Les villageois savaient qu'ils ne pouvaient survivre là-bas. «Il n'y avait aucune compassion pour nous.»


Ethnie:

Karenni

166

Age/sexe:

34 ans, féminin

Situation familiale:

Huit (elle, son mari et six enfants)

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Meh The, Hpa-an, Etat Kayin

Le témoin a livré son témoignage en présence du témoin 167. Elle est en Thaïlande depuis deux mois (depuis le début de 1998). Elle et le témoin 167 sont arrivés ensemble. Elle a travaillé comme chef de village avec une autre femme. Elles recevaient toutes les deux les ordres écrits concernant plusieurs types de travail forcé et de portage, y compris des ordres répétés assortis de menace. En plus du travail forcé, le village devait fournir deux tiers de toute la nourriture ainsi que de l'argent aux militaires sous forme d'impôts. Il était donc impossible de survivre au village. La population se dispersait dans d'autres villes ou en Thaïlande. Les gens ne pouvaient plus supporter le travail forcé et n'avaient pas assez de nourriture pour survivre puisqu'ils devaient donner celle-ci au gouvernement. On leur permettait de conserver seulement qu'un tiers de leur nourriture, ce qui n'était pas suffisant pour survivre. En ce qui concerne ses fonctions en tant que chef de village, elle a été choisie conjointement avec une autre femme puisqu'aucun homme n'osait faire ce travail. Les hommes savaient qu'ils seraient battus ou tués. C'était un peu plus facile pour les femmes. Ainsi, les femmes effectuaient ce travail en rotation et maintenant c'était son tour. Deux femmes servaient en même temps pendant quinze jours parmi celles qui pouvaient réussir ce travail. On utilisait deux femmes à la fois parce qu'une seule n'osait pas faire face aux militaires. La garnison n'était pas près du village, ce qui implique qu'un long voyage devait être effectué. Les femmes craignaient les militaires ainsi que les longs voyages si elles devaient y aller seules. Elle a été chef de village à trois reprises et a dû organiser les tâches de travail forcé. Elle devait également fournir de la nourriture lorsque les soldats l'exigeaient. Les ordres écrits concernant les tâches étaient envoyés par messager. Parfois, elle devait elle-même aller à la rencontre des militaires dans le camp. Le nombre de travailleurs requis était indiqué dans les ordres. A d'autres occasions, les porteurs étaient arrêtés directement. Des tâches de surveillance pendant trois jours étaient continuelles et effectuées en rotation. Le travail dans le camp consistait à couper du bambou et poser des clôtures. Les porteurs étaient utilisés sur une base régulière de cinq jours à la fois en rotation. Elle a elle-même effectué du portage à plusieurs reprises, habituellement pour un ou deux jours, mais sur des courtes distances. Son mari et les autres hommes du village l'ont effectué pendant des périodes plus longues. Elle faisait du portage lorsqu'elle n'était pas chef de village. On demandait également des porteurs d'urgence lorsque les militaires devaient se rendre de village en village. Les nouveaux porteurs étaient choisis par les troupes à l'avance. Les femmes étaient remplacées les premières, puis les enfants et les hommes âgés, qui étaient également utilisés comme porteurs. Quiconque était capable de transporter un sac à dos militaire pouvait être utilisé comme porteur. Les plus jeunes avaient 13 ou 14 ans. Elle a transporté des munitions: six obus d'environ 25 kg. Lorsque les ordres n'étaient pas suivis concernant le nombre requis de travailleurs, le village recevait une amende consistant en un certain nombre de bouteilles d'alcool ou un certain nombre de poulets. Un deuxième ordre était habituellement envoyé, mais cette fois il contenait une cartouche, un morceau de piment et un morceau de charbon comme avertissement. La cartouche signifiait que la personne allait être tuée. Le charbon signifiait que le village allait être brûlé. Elle ne savait pas ce que représentait le piment mais savait que cela n'augurait rien de bon. Elle avait reçu ce type d'avertissement à deux reprises. La première fois fut parce qu'un nombre insuffisant de porteurs avaient été envoyés. La seconde fois, parce que le travail n'avait pas été fait de façon adéquate. La première fois, l'avertissement était écrit en encre rouge et était accompagné d'une cartouche et d'un morceau de charbon. La seconde fois, il y avait une cartouche, un morceau de charbon et du piment. Il n'y a jamais eu de sanction contre son village alors qu'elle était chef du village. Mais d'autres chefs de village ont été enfermés dans le camp militaire et leurs jambes coincées dans un carcan pendant une journée ou deux. Le village devait payer une rançon en poulets ou en porcs afin de les faire libérer. A une occasion, le camp militaire a tiré un obus sur le village et a blessé une personne parce que ceux-ci croyaient que le village abritaient des membres du KULA. Lorsqu'un villageois ne pouvait aller faire du portage, il devait payer 500 kyats aux militaires afin d'engager un remplaçant. A cause du travail forcé considérable et de nombreux paiements, les villageois ne pouvaient plus survivre. Plusieurs ont quitté pour les collines et d'autres devraient suivre. Puisque le village était petit, les gens devaient exécuter du travail forcé à maintes reprises. Le village devait fournir 20 personnes à la fois, ce qui implique qu'environ chaque jour plus de gens devaient être envoyés. Les gens passaient une journée à effectuer du travail et obtenaient une journée de congé. Habituellement, pour chaque famille, une personne allait faire le travail forcé et les autres travaillaient sur la ferme. Mais les villageois devaient également donner les deux tiers de leur nourriture et de leur argent aux militaires, ce qui fait qu'il ne leur restait presque plus rien pour eux.


Ethnie:

Karenni

167

Age/sexe:

18 ans, féminin

Situation familiale:

Mariée avec un enfant

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Meh The, Hpa-an, Etat Kayin

Le témoin a livré son témoignage en présence du témoin 166. Elle n'a pas eu à faire du travail forcé elle-même parce qu'elle n'a pas osé. Son mari est toujours allé à sa place. Il a fait du portage et du travail forcé et a coupé du bambou pour les militaires. Il a exécuté du travail forcé de cinq à huit jours par mois. A une occasion, il en a fait pendant un mois entier. Il fut battu à une occasion parce qu'il avait de la diarrhée ou de la dysenterie et devait se rendre aux toilettes fréquemment. Son mari n'a pas eu à travailler à la construction de routes, mais d'autres gens de son village ont dû y travailler. Sa mère et son père ont également exécuté du travail forcé pour sa famille lorsqu'elle vivait avec eux. Son mari a fait du portage à six reprises entre l'âge de 16 et 18 ans.


Ethnie:

Karenni

168

Age/sexe:

48 ans, masculin

Situation familiale:

Veuf avec quatre enfants

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Tee Pa Doh Hta, Bilin, Etat Mon (le village comptait 217 familles)

Le témoin est venu en Thaïlande en août-septembre 1997 parce que l'armée rendait la vie insécure et difficile dans son village. Lorsque les militaires rencontraient des villageois à la campagne et qu'ils pensaient que ceux-ci allaient s'enfuir, ils les attachaient et menaçaient de les tuer. Afin d'aller travailler dans leurs champs, les villageois devaient obtenir un laisser-passer pour un nombre spécifique de jours; si les militaires avaient des soupçons concernant un villageois, même lorsque celui-ci détenait un laisser-passer, ils pouvaient faire tout ce qu'ils voulaient de lui. Il a effectué du travail forcé à partir de 1983, lorsque des opérations militaires ont débuté dans sa région, et jusqu'en 1987, lorsque le travail forcé est devenu une routine journalière. En effet, ce travail lui prenait la moitié de son temps durant toute l'année, y compris durant l'été et l'hiver, la saison sèche et la saison des pluies. Durant la saison des pluies, les charrettes et les voitures ne pouvaient traverser et les villageois devaient transporter les marchandises pour les militaires. Il n'avait plus le temps de travailler à ses propres affaires parce qu'il devait constamment travailler pour les militaires. La pire forme de travail forcé était le portage. La charge assignée était plus lourde que ce qu'un homme pouvait transporter et il devait en plus transporter sa propre nourriture. Habituellement, le portage se faisait durant cinq jours, en rotation, mais, si le remplaçant n'arrivait pas, cela pouvait durer pendant un mois. De plus, lorsqu'un nouveau groupe de militaires arrivaient, quelqu'un pouvait se voir demander de travailler à nouveau, ce qui implique qu'il ne lui restait plus de temps pour gagner sa vie. Il a effectué du portage à plusieurs reprises; au mois deux fois par année pendant plus d'un mois. La période la plus longue fut pendant deux mois et quinze jours lorsqu'il est venu à Tah Kwa Law Soe en 1989, et trois mois et vingt jours à Twi Pah Wee Cho durant l'opération de 1991. Lors de cette offensive, il y avait 400 à 500 porteurs qui venaient de plusieurs villages, certains appelés par le chef du village, d'autres capturés directement par les militaires. Ce nombre comprenait 30 porteurs de son village (217 familles). Il a dû transporter 12 obus qui pesaient 39 kg. La dernière fois qu'il a fait du portage était en août 1997 pendant sept jours. Après cela, il a quitté le village. Son fils le plus âgé a également dû faire du portage environ 20 fois dans les cinq ou six dernières années à partir de l'âge de 20 ans jusqu'à son départ. Mais son fils n'a pas eu à faire du portage aussi souvent que lui, c'est-à-dire seulement sept, huit ou dix jours à la fois. Les porteurs qui ne pouvaient continuer étaient tués par les soldats, lapidés. Durant l'opération de Twi Pah Wee Cho en 1991, il était trop faible et ne pouvait plus transporter sa charge. Ils l'ont donc battu sur la poitrine (il montre des cicatrices) et il saignait. Ils l'ont également battu sur le côté et sur la tête (il montre de nouveau deux cicatrices). Après l'avoir presque tué, les militaires l'ont renvoyé à Meh Myeh (camp militaire). Durant la même opération, il a vu des militaires tuer deux porteurs qui étaient trop faibles pour continuer. L'un d'eux est mort après avoir été frappé à l'estomac et l'autre fut tué avec une pierre. Les porteurs n'étaient pas rémunérés durant l'opération, mais ils recevaient de la nourriture en petite quantité. De plus, l'été dernier, lui et d'autres villageois ont dû construire un camp militaire, creuser des tranchées et ériger des abris. Ils ont également dû couper des tiges de bambou et poser des clôtures autour du village et du camp. Par la suite, pour le camp militaire, des mines et des trappes en bambou ont été installées entre les clôtures. Ils ont été contraints de faire ce travail forcé non seulement pour leur village, mais également pour deux petits villages où ils devaient apporter leur propre nourriture. Le travail était difficile et pas tellement différent du portage. Les travailleurs devaient travailler de 8 heures le matin à 17 heures; lorsqu'ils travaillaient dans d'autres villages, ils devaient rester là-bas pendant quelques jours. Il a personnellement dû travailler sur les clôtures trois fois par année, mais jamais moins de vingt jours à la fois (parfois, pendant un mois). Lorsqu'il terminait à un endroit, il était envoyé ailleurs si on avait encore besoin de lui. Chaque famille devait fournir une personne pour ce type de travail, faute de quoi il devait donner 1,6 kg de poulet et 100 kyats par jour. Si ce travail durait quatre jours, la personne devait donner l'équivalent de quatre fois 1,6 kg de poulet en plus de 1 000 kyats: la compensation était proportionnelle au nombre de jours d'absence dans le cas des poulets uniquement. Par contre, en ce qui concerne l'argent, les montants exigés étaient excessifs. Si quelqu'un ne pouvait donner du poulet, il devait payer 250 kyats pour chaque poulet qu'il ne pouvait donner. Il a dû donner ce type de compensation à deux ou trois reprises, y compris à une occasion lorsqu'il restait à la maison parce que sa plus jeune sœur était malade. De plus, d'octobre à juin, chaque famille a dû fournir quelqu'un pendant vingt-quatre heures, trois fois par mois, afin de surveiller et nettoyer la route. Pour sa famille, on envoyait généralement son frère plus jeune à partir de l'âge de 10 ans pour effectuer ce travail. Il refusait de laisser son fils plus âgé y aller parce qu'à chaque fois que les militaires voyait quelqu'un de 15 à 16 ans ceux-ci décidaient de l'utiliser comme porteur bien qu'il soit en train d'effectuer une tâche de surveillance. Durant la surveillance, son fils ne pouvait dormir la nuit et devait nettoyer la route ainsi que déminer deux fois par jour. Ce travail était dangereux. Une fois, en 1995, une mine a explosé et une personne qui effectuait une tâche de surveillance a perdu une jambe et est morte par la suite sans traitement. Parfois, lorsque les militaires étaient en embuscade, si quelqu'un tirait sur eux, ils punissaient la personne qui devait surveiller. Lorsqu'une voiture était endommagée ou que des militaires étaient blessés, tout le village devait payer pour le dommage causé. A une occasion, tous les neuf villages se situant près de la route de Yoh Kla jusqu'à Kyo Wine, près de 940 familles, ont dû payer 500 kyats par famille en réparation d'une voiture endommagée.


Ethnie:

Musulman

169

Age/sexe:

30 ans, masculin

Situation familiale:

Marié avec trois enfants

Activité professionnelle:

Pasteur musulman

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Mon Naing, Hlaingbwe, Etat Kayin (il a déménagé à Pata en février 1997)

Le témoin est venu en Thaïlande en septembre 1997 parce qu'il avait dû effectuer du travail forcé ou payer des sommes d'argent qui dépassaient ce qu'il pouvait payer avec son salaire de pasteur de 1 000 kyats par mois. Après être revenu d'un portage d'urgence en février 1997, il a déménagé dans un autre village, à Pata, où la situation n'était pas aussi mauvaise qu'à Mon Naing. Mais la situation là-bas s'est de nouveau détériorée après quelques mois, et il a décidé de quitter le pays avec sa famille. Plus précisément, il a dû effectuer du travail forcé de 1992 à 1997 sous différentes formes: portage, y compris portage d'urgence, travail divers, tâches de surveillance. Afin d'éviter le portage, le témoin devait payer une taxe de porteur. Lorsqu'il trouvait un ami qui pouvait le remplacer, il le payait 80 kyats par jour. Lorsqu'il ne pouvait trouver personne, il devait payer 200 kyats par jour aux autorités. Comme il était pasteur, ses proches ont effectué le portage régulièrement pour lui. En ce qui concerne le portage d'urgence, il fut capturé par les soldats le 30 janvier 1997 et a dû l'effectuer jusqu'au 27 février lorsqu'un porteur de son village ainsi que des membres de sa famille ont payé 2 000 kyats afin de le faire relâcher. Les militaires capturaient n'importe qui et décidaient qu'il y avait du portage d'urgence. Il fut capturé près de sa mosquée par le sergent major Ngwe Zan du bataillon 28 (bataillon de Thura Po Sein, commandant de compagnie Aung Moe). Il a dû transporter une charge d'environ 32 kg de petites cartouches, de riz et de fèves depuis son village en traversant une montagne de 5 000 pieds. Les femmes devaient transporter plus de 16 kg. Il était dans un groupe de 400 à 500 porteurs, comprenant 180 femmes provenant de quatre villages qui devaient transporter des marchandises sur la ligne de front. Lorsque les militaires l'ont arrêté, les mains des hommes étaient attachées et ils restaient ainsi même pour dormir ou pour aller aux toilettes. Ils étaient nourris seulement avec une portion de riz au lait pour huit personnes. Il a vu 16 porteurs être battus à mort. Certains furent battus à mort parce qu'ils ne pouvaient plus transporter leurs charges et s'étaient reposés. Un autre fut tué après avoir bu de l'eau de la rivière. Une autre personne se sentant étourdie, s'est assise un moment et a été battue à mort. Un de ses amis, Soba, un musulman de Kawkareik, fut également battu à mort. Il a également vu d'autres personnes qui ne pouvaient plus transporter leur charge être battues. Elles n'ont pas toutefois succombé à leurs blessures. Habituellement, les militaires battaient les gens lorsque ceux-ci étaient fatigués. Il a lui-même été battu en raison du seul fait qu'il avait regardé dans une autre direction. Les femmes étaient placées entre les militaires et certaines d'entre elles furent violées, y compris cinq femmes musulmanes de son village qui lui ont raconté cet incident le jour suivant. Elles devaient dormir parmi les militaires. Ceci se passait presque toutes les nuits pour toutes les femmes, y compris les musulmanes, les karens ou quiconque se trouvait là. Dans son village, tout le monde a dû effectuer du portage et a été battu ou blessé. Trois furent blessés, incluant son cousin qui a eu une jambe arrachée après avoir marché sur une mine alors qu'il exécutait du portage. Deux villageois ont eu des côtes brisées et deux autres la clavicule cassée alors qu'ils exécutaient du portage et qu'ils se sont fait battre pendant qu'ils se reposaient. Lui-même a eu des problèmes avec son dos à la suite du transport de charges très lourdes, en février 1997. A cette époque, il a dû, avec un autre porteur, transporter un soldat blessé. En 1983-84, son frère plus âgé et son beau-frère ont été tués alors qu'ils effectuaient du portage. Lorsque les corps ont été ramenés après plus de seize jours, son frère avait la gorge tranchée et son beau-frère avait des blessures de baïonnette dans la poitrine. Les porteurs qui les ont ramenés lui ont dit que les militaires les avaient tués. De plus, trois fois par mois, son village (où il ne restait que 80 familles) devait fournir dix personnes pour effectuer des tâches de surveillance qui duraient toute la journée et la nuit pendant cinq jours de suite. On pouvait trouver un remplaçant si l'on payait 30 à 50 kyats par jour ou 70 kyats par jour payés directement aux autorités. Il a lui-même effectué des tâches de surveillance ou a envoyé sa femme, bien que celle-ci avait un bébé de six mois qu'elle devait emmener avec elle. Parfois, sa mère, elle-même, est allée. Lorsqu'il effectuait des tâches de surveillance, il devait apporter des billots avec une charrette pour s'assurer qu'il n'y avait pas de mines sur la route. Finalement, en ce qui concerne le travail volontaire, il devait payer un montant de 200 kyats par jour aux autorités; tout comme le portage, si quelqu'un n'y allait pas, il pouvait envoyer un remplaçant. La différence était que la durée était fixée d'avance et, lorsque le tour de quelqu'un venait, ceux-ci partaient pendant quinze jours. Tandis que pour le portage, lorsque le tour de quelqu'un venait, tout dépendait de la durée pendant laquelle les militaires auraient besoin de porteurs. Lorsque son tour venait pour le travail «volontaire», les membres de sa famille et de sa communauté le remplaçait, tout comme ils le faisaient pour le portage régulier.


Ethnie:

Karenni

170

Age/sexe:

26 ans, masculin

Situation familiale:

Marié

Education:

Troisième année de collège

Activité professionnelle:

Soldat (grade de sergent dans un bataillon d'infanterie)

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Insein, division de Yangon

Le témoin a joint l'armé en 1995 parce qu'il devait gagner sa vie et n'avait pas d'autres choix. Il a déserté et est venu en Thaïlande en août 1997 parce que, en tant que Karen, il ne pouvait plus voir les gens de son peuple être contraints d'effectuer du travail forcé et être opprimés par le gouvernement. En étant dans l'armée, il pouvait protéger les membres de sa famille mais pas les autres personnes. Il y avait donc de la discrimination même dans l'armée entre les Karens et les Birmans. En ce qui concernait l'entraînement des officiers, les étudiants birmans étaient choisis tandis que les Karens devaient payer beaucoup pour pouvoir y avoir droit. Alors qu'il était dans l'armée, il a vu des gens faire du travail forcé à trois ou quatre reprises lorsqu'il était à Lashio, et même à Yangon, et également à Hpa-an, Manerplaw et Kawkareik. Les différents types de travail forcé comprenaient le portage, le déminage, la construction de routes et de ponts. Lorsque le témoin a servi à Lashio, son bataillon (numéro donné à la commission) a dû fournir des civils pour le portage et le travail sur les routes. D'autres bataillons les informaient de leurs besoins en main-d'œuvre. Certains bataillons devaient recruter le plus de personnes possible et son bataillon devait fournir le transport pour ces troupes. Depuis Lashio, il a été témoin de trois groupes de 170, 80 et 90 personnes, respectivement, qui ont été envoyées à Kunlon et Kurkai, sur la frontière chinoise et dans le Nord de l'Etat Shan afin de transporter des munitions et des marchandises pour les militaires. Ceux qui ne pouvaient pas continuer devaient construire des routes. Certains devaient y aller pour une semaine et d'autres pour un mois. Certains ont été tués alors qu'ils tentaient de s'échapper. A Kutkai, lorsqu'un glissement de terrain a arrêté le mouvement des troupes, il y avait des bulldozers disponibles mais les officiers ne les ont pas utilisés puisqu'ils voulaient vendre le carburant sur le marché noir. Ils ont plutôt utilisé des personnes afin de nettoyer la route. Une personne est tombée dans la rivière et est morte. Même à Yangon, il a vu du travail forcé depuis son tout jeune âge, et ceci se poursuit toujours aujourd'hui. Il a vu des gens contraints de niveler les routes pour la construction d'un camp militaire; certains furent mordus par des serpents et ne reçurent aucune indemnisation. Les militaires capturaient trois, voire quatre, camions pleins de personnes. Il a été témoin de tout cela. Une journée où il était en congé, il est retourné chez lui en uniforme et a appris que son ami (nom donné à la commission) avait été capturé par les militaires alors qu'il buvait du thé dans une maison de thé. Il connaissait le chauffeur et a trouvé son ami en prison mais a réussi à le faire libérer en convainquant les officiers qu'il s'agissait de son propre frère. Les gens qui étaient capturés de cette façon devaient travailler pour des périodes de trois à quatre mois et n'étaient pas rémunérées. De plus, des provisions avaient été faites dans le budget du département responsable pour fournir de la nourriture aux porteurs, mais les officiers ne leur donnaient que la moitié de ce dont ils avaient droit et gardaient le reste pour eux-mêmes. Les gens capturés étaient utilisés pour la construction du pont Than Lwin à Yangon, alors que d'autres étaient amenés dans des villes ou même sur la ligne de front. En ce qui concerne ses amis, ils ont généralement réussi à payer pour s'échapper. A chaque deux ou trois mois, les autorités venaient pour collecter 300 kyats de taxes de porteurs imposées à chaque famille dans les régions centrales de Yangon, y compris Insein, Kaway Chaung, Thamine, Kyutgon, qui étaient toutes des quartiers résidentiels de Karens. Mais, en principe, 300 kyats étaient suffisants pour éviter le portage. Par contre, lorsque quelqu'un était capturé pour le portage, les parents devaient payer entre 4 000 et 5 000 kyats pour le libérer. Dans la ville de Hpa-an, juste avant son arrivée en Thaïlande en juin 1997, il a vu des personnes être arrêtées près d'une jetée. Son département a été requis de fournir six camions mais n'a pu en livrer que cinq. Un camion pouvait contenir environ 50 personnes, bien qu'ils en mettaient 80 par camion. Ces gens étaient amenés dans des endroits tels que Nabu, Wawle, Kawkareik, Thingannyinaung. A ces endroits, ils devaient transporter de la nourriture et d'autres marchandises en tant que porteurs pendant deux ou trois mois. Même si elles ne savaient pas où elles se trouvaient, certaines personnes ont tout de même tenté de s'enfuir mais ne sont jamais revenues dans leur village. A Hpa-an, il a vu des militaires battre des porteurs (mais il n'a pas vu cela à Lashio). En juin 1997, le témoin a conduit des porteurs dans un camp militaire près de Manerplaw, où se situait les anciens quartiers généraux du KNU; les porteurs se voyaient remettre des tiges de métal afin de détecter celles-ci. Il restait derrière alors que les hommes qui devaient déminer étaient devant: cinq démineurs devant et cinq personnes derrière. Lorsqu'ils voyaient une mine, ils criaient. Il n'a vu personne se faire blesser bien qu'ils aient trouvé huit ou neuf mines; des experts les ont désamorcées. Dans d'autres groupes, des mines auraient tué plusieurs personnes. Lorsque ses camarades sont rentrés en avril 1997 de Hill 962, un endroit nommé Ta Lay, ils lui ont rapporté que huit porteurs avaient été blessés après avoir marché sur des mines. Ceux qui étaient gravement blessés furent tués par les militaires puisque ces derniers ne voulaient pas leur fournir de traitement médicaux. Il a vu le dossier personnel d'un militaire (nom fourni à la commission) qui a été rétrogradé. Il lui a demandé de lui expliquer les raisons de cet acte. Durant une opération sur la ligne de front, un lieutenant de 25 à 26 ans a groupé les villageois autour du camp et leur a demandé s'ils avaient vu des militaires du KNU. Lorsqu'ils ont répondu «non», le lieutenant a demandé à une femme de 80 ans dans la foule de lui dire la vérité. Il l'a, par la suite, frappée sur le front et lui a demandé, une fois de plus, de dire la vérité. Le caporal a tenté de dissuader le lieutenant qui lui a répondu de s'occuper de ses affaires. Il a continué de frapper la vieille dame bien qu'elle gisait sur le sol. Lorsque le caporal l'a imploré de cesser, le lieutenant l'a sommé de se battre et, puisque le caporal est resté silencieux, il a ramassé la vieille dame et lui a craché au visage. Le caporal savait qu'il ne pouvait arrêter le lieutenant et l'a frappé avec son arme. Ce qui explique que le caporal a été rétrogradé et a été enfermé pendant trois mois. Au camp 1-450 (compagnie 1 du bataillon 450), près de Kawkareik, au début de 1997, des villageois furent requis de couper du bois et de transporter les billots sur un site de construction. Ceci aurait pu être fait avec des bulldozers. Plus de 100 personnes ont été utilisées pour ce travail pendant deux à trois mois. Elles étaient gardées dans un endroit la nuit d'où elles ne pouvaient s'échapper. Finalement, en parallèle à ses tâches dans l'armée, lui et d'autres militaires ont dû planter des arbres et creuser des puits, pour le développement de la discipline militaire. Ceci signifiait qu'ils ont dû travailler des heures supplémentaires la nuit, presque vingt jours par mois. Au lieu de travailler de 8 heures le matin à 16 heures, ils devaient travailler de 6 heures le matin à 3 heures le lendemain matin. Ils ne dormaient que pendant trois ou quatre heures. Ceci arrivait assez régulièrement un peu partout. Par exemple, les officiers plantaient quelque chose, gardaient les deux tiers des profits pour eux-mêmes et un tiers pour acheter des provisions pour l'armée. Lui-même n'a rien reçu.


Ethnie:

Karenni

171

Age/sexe:

46 ans, masculin

Situation familiale:

Marié, trois enfants

Education:

Quatrième année

Activité professionnelle:

Fermier. Il possédait une terre. Son beau-père, qui vit dans un autre village, s'en occupe en cachette.

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Meh The, Hpa-an, Etat Kayin (Le village comptait une trentaine de maisons mais il a été détruit récemment par les militaires afin d'éviter que les membres de l'Union nationale karenne (Karen Nation Union) (KNU) puissent y trouver refuge.)

Le témoin a quitté le Myanmar au début de 1998. Il a dû faire du 1) portage, 2) monter la garde à proximité d'une route et 3) construire un camp militaire. Il lui restait en moyenne quinze jours par mois pour vaquer à ses propres occupations. Pour ce qui est du 1) portage, il a dû le faire environ à 70 reprises depuis les vingt-six dernières années. Il a porté pour la première fois à l'âge de 20 ans et, pour la dernière, il y a environ 2 mois. Il est difficile d'estimer un nombre de fois par mois. En fait, les militaires réquisitionnaient les porteurs au gré de leurs besoins. Les ordres des militaires étaient généralement transmis par le chef de village bien que les soldats pouvaient arrêter les porteurs directement. Les ordres étaient par écrit bien qu'il ne les ait pas vus personnellement. Une personne par famille devait faire le travail conformément à une rotation entre quatre familles. Il était impossible de refuser. Toutefois, il était possible d'engager un substitut: 500 kyats par jour pour les voyages d'importance. Il aurait engagé un substitut à une reprise. Il n'aurait jamais osé offrir un pot-de-vin aux militaires afin d'être exempté. Les distances à parcourir pouvaient varier: de quatre à cinq jours jusqu'à un mois. Le portage pouvait être requis tant en saison des pluies qu'au cours de la saison sèche. Les assignations ont dû être exécutées dans les Etats Mon et Kayin. Il devait dormir avec les soldats. A plusieurs reprises, il a dû marcher toute la nuit, sans moment de répit. Les femmes devaient également faire la même chose. Sa femme a dû se rendre au front à une reprise. Lorsqu'il a porté pour la dernière fois, 60 autres porteurs l'accompagnaient, incluant hommes et femmes. Les femmes transportaient la nourriture, les casseroles et les munitions. Les hommes transportaient surtout les munitions. Il a été pris dans des batailles contre le KNU a cinq reprises. Dans ces cas, les porteurs (hommes et femmes) devaient rester près du soldat de manière à lui fournir les munitions. Il n'était pas rémunéré et ne recevait pas toujours la nourriture en portion suffisante. Il lui était parfois servi qu'un seul repas en deux jours. Il devait, avec les autres porteurs, se contenter de boire de l'eau. Lorsque, à bout de force et affamés, les porteurs ne réussissaient plus à porter leur charge, ils étaient battus et frappés. Il n'a jamais personnellement été battu mais a vu plusieurs porteurs l'être. Les porteurs ne recevaient pas de traitements médicaux ou de médicaments en cas de maladie. Il n'a pas été témoin de mauvais traitements infligés aux femmes mais a entendu dire que, dans d'autres villages, certaines auraient été maltraitées ou auraient fait l'objet de sévices sexuels. Il a également 2) dû monter la garde à proximité de la route entre Thaton et Hpa-an (route qui se rendait également au camp militaire). Cette route est à environ trois miles de son village. Il pouvait être requis de ce faire à un ou deux reprises par mois. C'est le chef du village qui organisait le travail exigé par les militaires. Chaque assignation durait trois jours. Cent-cinquante femmes et hommes travaillaient en même temps que lui dont trois de son village sur la section qui leur était assignée. Le travail consistait à défendre la route contre le KNU. Il devait pour ce faire rester jour et nuit sur la route. Il n'était pas rémunéré et devait apporter sa propre nourriture. Il craignait d'être arrêté, battu, voire tué par les militaires s'il refusait d'exécuter le travail. Cette route était en construction. Il a du reste travaillé à sa construction en 1996 avec d'autres villageois et soldats à une reprise pendant trois jours. Sa femme y a travaillé pour sa part à qautre reprises. Cette route est principalement destinée aux militaires. Enfin, il a participé à la construction du camp militaire de Pwo qui est situé à 1 mille et demi de son village à une seule occasion pendant une journée, il y a environ un an et trois mois. Il a dû y monter les tentes, poser les bambous et les clôtures. Le matériel devait être fourni par les villageois qui ne recevaient aucune indemnisation à cet égard. Les villageois se remplaçaient en rotation puisque la construction du camp a duré au total dix jours. Soixante personnes travaillaient en même temps que lui et provenaient de différents villages. Il n'était pas rémunéré et devait apporter sa propre nourriture. Il n'est membre d'aucune organisation politique.


Ethnie:

Karenni

172

Age/sexe:

50 ans, féminin

Situation familiale:

Veuve, deux filles, un fils

Activité professionnelle:

Commerçante. Vend de la nourriture dans le village

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Pway Taw Roo, Hlaingbwe. Etat Kayin (le village comptait 20 familles)

Elle a quitté le Myanmar au milieu de 1997 puisqu'il ne lui restait pas assez de temps pour vaquer à ses occupations personnelles en raison du travail exigé par les militaires. Depuis la mort de son mari, elle a personnellement dû faire 1) du portage, 2) monter la garde près de la route et 3) participer à la construction d'un camp militaire. Elle n'a pas personnellement fait de travail pour les militaires avant le décès de son époux. Ce sont les chefs de village qui organisaient le travail. Elle n'était pas rémunérée et ne pouvait refuser de travailler par crainte d'être arrêtée. Si le chef de village manquait à sa tâche, les militaires pouvaient les réquisitionner directement. 1) Elle a personnellement dû faire du portage pour les militaires à trois reprises au cours de l'année qui a précédé son départ. Chaque famille devait fournir un membre pour exécuter ce travail. Elle devait transporter des munitions pendant une journée de son village à Painkyone. Une centaine de personnes travaillaient avec elle en même temps, dont une vingtaine de son village, incluant une majorité de femmes. Elle devait apporter sa propre nourriture. Sa soeur s'occupait de ses enfants lors de ses absences. Elle a personnellement fait l'objet de mauvais traitements, ayant été battue et frappée lorsqu'elle était fatiguée. Elle a également vu de nombreuses femmes, la majorité d'âge avancé, battues et maltraitées par les militaires. Elle a vu, à une occasion, une femme sévèrement battue puisque, fatiguée, elle avait déposé son panier afin d'aller à la toilette. 2) Elle a monté la garde près de la route entre son village et Painkyone-Hlaing Bwe-Hpa-an à trois  reprises pendant un mois. Les autres fois où elle a été requise par les militaires pour ce genre de travail, elle a engagé un substitut pour lequel elle a dû payer 30 kyats à chaque fois. Chaque assignation durait une journée complète, incluant la nuit. Vingt personnes -- exclusivement des femmes -- devaient travailler en même temps sur une section de route donnée. Deux personnes montaient la garde ensemble, partageant la même tente et couvrant environ 150 à 200 pieds de route. 3) Elle a également participé à deux reprises, il y a deux ans, à la construction d'un camp militaire (camp 709) qui était situé à trois miles de son village. Chaque assignation durait une journée. Elle devait couper le bois et les bambous dans la forêt à proximité du camp, les transporter jusqu'au lieu de construction et participer à l'édification du camp. Cinquante personnes, dont dix femmes, auraient travaillé avec elle à la première occasion et 30, incluant huit femmes, à la seconde. Elle n'aurait pas fait l'objet de mauvais traitements à ces occasions bien que les militaires s'adressaient aux travailleurs en criant. Des chefs de villages féminins ont toutefois fait l'objet de mauvais traitements puisqu'elles n'ont pas réussi à organiser le travail. Elles ont été attachées et exposées au soleil ardent pendant une demi-journée. Elles ont été relâchées vers 14 heures. Elles ont également été menacées à l'aide d'une arme, des coups de feu étant tirés près de leurs oreilles. Son époux a dû faire du travail forcé au moins une dizaine de fois au cours des vingt années qui ont précédé sa mort. Il a notamment dû faire du portage à deux reprises, la première assignation durant deux jours et la seconde cinq.


Ethnie:

Karenni

173

Age/sexe:

40 ans, masculin

Situation familiale:

Marié, deux filles

Education:

Deuxième année

Activité professionnelle:

Cultivateur, possède deux terres près du village

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Bee T'Ka, Hlaingbwe, Etat Kayin (le village comptait 130 familles)

Il a quitté le Myanmar au milieu de 1997 puisque les militaires le soupçonnaient de faire partie du KNU. Il voudrait retourner dans son village dans la mesure où la situation change. Il a assumé les fonctions de chef de section durant les mois d'avril et de mai 1997. Le chef de section est choisi par le chef de village qui est lui-même élu par les villageois. A ce titre, il a dû organiser le travail requis par les militaires et par l'Union nationale karenne (KNU) (Karen National Union) (à quatre reprises pour cette dernière organisation). Il a dû organiser le travail suivant pour les militaires: portage, construction de route, monter la garde près d'une route et édification de camp militaire. Il risquait l'imposition d'une amende s'il ne pouvait pas organiser le travail requis. Les personnes sélectionnées risquaient d'être arrêtées si elles refusaient de faire le travail. Pour ce qui est du portage, il a dû organiser les équipes de porteurs à cinq reprises. Il devait trouver le nombre de porteurs requis par les militaires. Chaque famille devait fournir une personne pour exécuter le travail. Il a également organisé le travail pour les militaires pour la construction et la surveillance de routes et la construction d'un camp militaire. Il a organisé le travail, à trois reprises, pour la route entre Hpa-an et Dawlan, chaque assignation durant respectivement cinq jours, deux à trois jours et quatre jours et requérant 117, 107 et 37 travailleurs. Pour ce qui est de la surveillance d'une route, il a dû trouver quatre travailleurs à cinq reprises pour des assignations durant chaque fois trois jours. Pour ce qui est du camp militaire, il a dû organiser le travail à trois reprises, devant recruter respectivement 50, 35 et 70 travailleurs pour des assignations durant une journée. A toutes ces occasions, il a travaillé avec les personnes sélectionnées. Antérieurement à ses fonctions de chef de section, il a dû personnellement être porteur au moins deux fois par mois. Les assignations duraient entre cinq et quinze jours. Le nombre de porteurs dépendait du nombre de soldats. Hommes et femmes étaient recrutés. Tous deux devaient porter des munitions, les hommes ayant toutefois des charges plus lourdes à transporter. Il a dû se rendre au front à trois reprises. Hommes et femmes porteurs devaient rester lors des combats. Il n'a pas vu personnellement de sévices sexuels commis contre les femmes mais on lui aurait raconté que des femmes auraient été violées par des soldats. Une femme, qui travaillait avec lui, lui aurait dit avoir été violée par cinq soldats. Une plainte aurait été présentée au commandant qui aurait condamné cet événement et ordonné que de telles actions ne se reproduisent pas. Toutefois, il semblerait que l'ordre donné n'était pas respecté. A deux occasions lorsqu'il était chef de section, il a accompagné les porteurs. Le portage se faisait dans des régions montagneuses. Il a dû porter entre son village et trois autres situés près du sien (son village se situait près des montagnes. Un camp militaire se trouvait à proximité de sa maison). Cent-dix porteurs travaillaient avec lui, dont 10 de son village pour 250 soldats. Seuls des hommes exécutaient ce type de travail. Il devait transporter des munitions pour les mortiers. Chaque assignation a duré cinq jours. Les porteurs faisaient régulièrement l'objet de mauvais traitements, étant battus et frappés dès qu'ils ne réussissaient pas à suivre le rythme de progression. Il n'était pas rémunéré. Antérieurement à ses fonctions de chef de section, il a dû participer à l'édification de trois camps militaires à dix reprises au cours des années 1996 et 1997: cinq fois pour le camp de Nabu, deux fois pour celui de Naungbo et trois fois pour celui de Taun Zun. Il a dû travailler avec des villageois provenant de différents villages. Ils devaient fournir le matériel nécessaire et n'étaient rémunérés ni pour le matériel fourni ni pour le travail accompli. Il a dû également apporter sa propre nourriture. Il était toujours possible de payer un substitut: pour la construction et la surveillance de la route (500 kyats), pour le portage (1 000-1 200 kyats) et pour le camp militaire (100 kyats). Il n'était pas possible de payer des pots-de-vin pour être exempté. Enfin, son épouse a dû travailler pour les militaires depuis son départ. Il ne sait pas exactement le nombre de fois où elle a dû personnellement faire du portage mais il sait qu'elle est requise de ce faire à deux reprises par mois. Il a dû payer une taxe de riz qui devait être versée aux officiers du gouvernement. Au regard de cette taxe, établie par la loi, il devait verser 4  ou 5 pour cent de ces récoltes en fonction de la qualité des récoltes.


Ethnie:

Karenni

174

Age/sexe:

72 ans, féminin

Situation familiale:

Mariée, quatre filles, deux fils

Activité professionnelle:

Son mari est cultivateur et possède sa propre terre.

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Painkyone, Hlaingbwe, Etat Kayin (le village comptait 200 familles)

Le témoin vit au Myanmar et est arrivé en Thaïlande au début de 1998 pour rendre visite à ses filles. Elle souhaite retourner au Myanmar pour aller chercher toute sa famille afin de s'installer en Thaïlande. Elle estime qu'il est difficile de survivre au Myanmar compte tenu du travail exigé par les militaires. De plus, les militaires auraient torturé sa nièce à l'aide d'une baïonnette puisqu'ils la soupçonnaient de faire partie, d'aider ou coopérer avec l'Union nationale karenne (Karen National Union) (KNU). Elle a personnellement dû travailler pour les militaires en exécutant les tâches suivantes: portage, construction et surveillance de route et édification de camp militaire. Son mari a aussi dû exécuter les mêmes genres de travaux. Elle estime qu'environ 10 jours lui restaient pour vaquer à ses occupations alors que son mari devait consacrer au moins 50 pour cent de son temps pour les travaux exigés par les militaires. Pour ce qui est du portage, elle a dû en faire pour les militaires au moins une vingtaine de fois depuis les vingt-huit dernières années. Les ordres étaient généralement donnés par le chef de village, mais les militaires pouvaient également arrêter les personnes dont ils avaient besoin. Elle a personnellement été réquisitionnée par les militaires directement à cinq occasions. Chaque assignation durait entre un et quatre jours. Elle n'était pas rémunérée et devait apporter sa propre nourriture. Elle s'est rendue au front avec d'autres femmes à une occasion. La dernière fois où elle a été porteur remonte à deux mois avant son départ. A cette occasion, les militaires l'aurait réquisitionnée directement sans passer par l'intermédiaire du chef de village. Bien qu'elle ait fait valoir son âge avancé, ils lui auraient rétorqué qu'elle devait trouver quelqu'un pour la remplacer si elle ne voulait pas faire le travail personnellement. Ne trouvant personne, elle a dès lors dû transporter de la nourriture jusqu'à une montagne près du front, à proximité du camp militaire Lerpu. Elle a dû marcher pendant une journée entière, couvrant environ une quinzaine de miles. Il y avait environ 100 porteurs, principalement des femmes puisque les hommes réussissaient à s'enfuir, pour 50 soldats. Elle n'a pas vu de mauvais traitements infligés aux femmes contrairement aux hommes qui étaient régulièrement et violemment battus et frappés. Elle a entendu parlé d'histoires d'abus sexuels dont des femmes auraient fait l'objet, mais n'en a pas vu ou n'en a pas fait l'objet personnellement. Pour sa part, son époux a dû faire du portage pour les militaires un nombre de fois bien supérieur au sien. Il devait porter dans le cadre d'opérations militaires et pour les besoins de camps militaires. Il a été porteur pour la dernière fois en 1996 dans le cadre d'une opération militaire pour une durée de cinq jours. Les assignations de portage pour opérations militaires pouvaient varier entre cinq jours et un mois. Quelques jours avant son départ, son époux a dû porter du matériel pour un camp militaire pendant une journée. Elle a dû également participer à la construction et à la réfection de la route qui traverse son village (longueur: quatre miles) à quatre occasions, chaque fois pendant une journée. La dernière fois remonte à une journée avant son départ. C'est le chef du village qui l'informait du travail à exécuter. Cinq personnes de son village ont travaillé avec elle. La route, incluant un pont, était utilisée par les militaires et les civils. Elle n'était pas rémunérée. Autant de femmes que d'hommes participaient à ces travaux de construction et de réfection de route. Son mari, pour sa part, y aurait participé plus d'une quarantaine de fois depuis les vingt dernières années, chaque corvée durant une journée. Elle a également dû monter la garde auprès de cette route au moins une vingtaine de fois depuis les six dernières années. Chaque assignation couvrait trois nuits. Elle partageait une tente avec deux autres personnes, une seule devant rester éveillée durant la période de veille. Elle pouvait retourner chez elle pendant la journée. Elle a dû monter la garde près de la route, trois jours avant son départ pour la Thaïlande. Hommes et femmes devaient exécuter ce travail. Elle n'a pas fait l'objet de mauvais traitements ou de harcèlement. Elle a entendu parlé de viols collectifs qui auraient été perpétrés par des militaires. Son époux a également monté la garde au moins à dix occasions par année depuis les six dernières années. Enfin, elle a participé à la construction et à la réfection du camp militaire de Painkyone qui est situé dans son village à environ deux miles de sa résidence. La dernière fois où elle a été requise remonte à trois semaines avant son départ, pour une durée de cinq jours. Elle pouvait retourner le soir chez elle. Elle a travaillé avec 30 autres personnes provenant de son village. Chaque famille devait fournir une personne conformément à une rotation préétablie. Les travailleurs devaient fournir le matériel nécessaire. Ils n'étaient rémunérés ni pour le matériel fourni ni pour les heures de travail accomplies. Il était possible d'engager un substitut bien qu'elle ne l'ait pas fait puisqu'elle n'avait pas l'argent pour le payer. Son époux a également participé aux travaux relatifs à ce camp à de nombreuses occasions. Elle devait verser une taxe sur les récoltes de riz équivalant à 4 pour cent de la récolte, puisque ses terres n'étaient pas particulièrement fertiles. Les taxes étaient payées aux représentants du gouvernement et non aux militaires.


Ethnie/religion:

Karenni, bouddhiste

175

Age/sexe:

36 ans, féminin

Situation familiale:

Mariée avec trois enfants

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Meh The, Hpa-an, Etat Kayin

Le témoin a quitté le Myanmar pour la Thaïlande au début de janvier 1998 avec toute sa famille lorsque son village de 36 maisons fut relocalisé. L'ordre de relocalisation a été donné à plusieurs reprises, mais les villageois l'ont ignoré et sont restés sur place. Le premier ordre fut donné par les autorités au chef du village avant la récolte à Tazaungmon (autour de novembre), et les gens n'ont pas écouté cet ordre. Les militaires sont donc venus deux fois au village et ont ordonné aux villageois de partir. Les villageois ont quitté mais sont revenus plus tard. La quatrième et dernière fois, le DKPA a tiré des mortiers sur le village et une maison fut brûlée; heureusement, personne n'a été blessé puisque la plupart des gens travaillaient dans les champs. On leur a demandé de se rendre à Htee Nu, où se situait auparavant un monastère. Ce village se trouvait à deux ou trois heures de marche de son propre village. Elle ne sait pas si d'autres personnes sont parties là-bas puisque sa famille et elle ont quitté vers la Thaïlande avec seulement 2 000 kyats; même les vêtements qu'ils portaient au moment de l'entrevue leur ont été donnés par d'autres personnes. En ce qui concerne le travail forcé, il en existait plusieurs types: construction de routes, portage ou construction de camps. Par exemple, elle a dû travailler dans le camp militaire et, dès qu'elle revenait à la maison, on l'appelait pour du portage. Il y avait plusieurs bataillons dans la région. Certains capturaient des gens pour effectuer du portage, d'autres pour d'autres types de travaux. Pendant certains mois, ni son mari ni elle n'avaient un seul jour pour effectuer leur propre travail. Tous les deux étaient réquisitionnés pour des mois entiers et devaient effectuer différents types de travaux, tels que du portage, la construction de routes ou la construction de camps militaires. Durant la saison des pluies, il y avait encore plus de travail forcé que pendant la saison sèche (lorsque les opérations militaires débutaient et qu'ils étaient forcés de quitter leur village). Lorsqu'elle ne voulait pas effectuer le travail forcé, elle devait trouver un remplacement (ce qu'elle n'a jamais fait). Il y a deux ans, le témoin a vu le chef du village, une femme de plus de 60 ans (nom donné à la commission) être battue. On lui avait demandé de dire aux villageois qu'ils devaient effectuer des tâches de messagerie, mais personne ne l'a écoutée. Ainsi, les soldats du gouvernement sont venus dans le village et l'ont battue. Elle a été blessée et porte maintenant une cicatrice. Elle fut attachée toute la nuit, puis battue. Après avoir été relâchée, les militaires lui ont demandé un porc. Le témoin ne connaît pas le nom ou le rang des militaires impliqués. Le commandant de la compagnie était M. Bo Hla Peine. Un peu plus tard, le même chef de village fut réquisitionné pour trouver des travailleurs pour effectuer du travail forcé. Puisqu'elle avait trop peur de se rendre au camp militaire, ils lui ont écrit à trois ou quatre occasions en incluant des cartouches dans la lettre. Lorsqu'elle est finalement allée au camp, elle a été placée dans un trou pour toute la nuit. Le lendemain, elle fut relâchée et les militaires lui ont demandé une vache. Elle ne pouvait pas fournir une vache mais leur a donné un porc. En ce qui concerne la construction de routes, le témoin a travaillé les trois ou quatre dernières années sur la route entre Lay Kay et Ta Paw, qui existe depuis longtemps mais n'a jamais été utilisée. Aujourd'hui, la route est terminée et est utilisée par les camions militaires et les voitures. Elle n'a jamais vu une charrette sur la route. Les ordres venaient du chef de village selon lesquels une personne par famille devait aller se présenter pour effectuer du travail forcé, au moins un à deux jours à la fois en fonction du travail requis. Les villageois ne recevaient ni nourriture ni argent, ni matériel qu'ils devaient apporter depuis leur maison. Ils devaient travailler jusqu'à la tombée du jour et pouvaient retourner à la maison la nuit. Chaque famille devait y aller trois à quatre fois par mois. Elle a également effectué du portage en quatre occasions. La première fois il y a deux ans pendant deux jours. Elle fut emmenée alors qu'elle dormait à la maison. Tôt le matin, les militaires l'ont réveillée et lui ont donné un panier à transporter qui pesait environ 22 kg. La charge était trop lourde pour elle et elle pleurait, tout en essayant de la transporter. Son mari était absent. Il travaillait dans les champs. Elle a dû transporter ce panier à un endroit près de Shwegun. Il y avait plusieurs porteurs, surtout les femmes. Les hommes étaient battus lorsque les militaires les accusaient de leur donner de mauvaises directions durant le portage. Ils étaient frappés sur la tête. La même année, en 1996, elle a dû effectuer du portage à quatre reprises (trois fois elle fut capturée par les militaires et une fois ce fut à la demande du chef de village). La deuxième et la troisième fois, elle a dû exécuter ce travail pendant trois jours, alors que la dernière fois ce ne fut que pendant deux jours. Son mari a effectué du portage en une occasion. Il avait très peur des Birmans et s'enfuyait à chaque fois que les militaires approchaient. Lorsqu'on l'encerclait pour le portage, il réussissait à s'échapper après quatre jours parce qu'il ne pouvait plus transporter sa charge. Il n'était pas attaché et n'a jamais été battu. Si quelqu'un avait de l'argent, il pouvait payer un remplaçant lorsque le chef du village le convoquait. Toutefois, lorsque les gens étaient arrêtés, ils n'avaient aucun choix et devaient aller effectuer le portage. De toute façon, personne dans son village n'avait de l'argent. Lorsque le camp de Ta Line Kayin fut établi il y a deux ans, à deux heures de marche de son village, les militaires ont ordonné au chef du village d'envoyer une personne par famille afin de participer au travail. Lorsque les ordres étaient respectés, une seule personne par famille devait y aller. Dans le cas contraire, tout le monde devait y aller. Tous devaient alors s'y rendre jusqu'à ce que le camp soit terminé. Cela a duré plusieurs mois au début de la saison des pluies. D'autres villages ont dû contribuer à ce travail, parfois 10, 20, 30 ou même plus étaient présents. Elle a dû elle-même couper du bambou, construire des clôtures ainsi que des trappes de bambou, couper des arbres, nettoyer les buissons et transporter des arbres à un endroit où les militaires amenaient les billots. Son mari n'était pas bien, ce qui fait qu'elle devait tout faire. Elle n'était pas rémunérée et devait apporter sa propre nourriture. Elle pouvait toutefois rentrer à la maison la nuit. Son fils de 17 ans a également dû effectuer du travail forcé tel que couper des arbres pour le camp militaire l'année dernière, mais ce travail n'a pas eu lieu en même temps que le sien. Parfois, les gens tentaient de s'enfuir. Elle a vu des gens être battus et maltraités. Habituellement, deux personnes du village devaient se rendre en même temps pour une journée complète au camp militaire afin d'effectuer des tâches de messager; d'autres villages, en tout cinq, devaient également fournir des messagers. Son fils le plus âgé a dû également servir en tant que messager (mais jamais en même temps qu'elle). De plus, les villageois devaient exécuter des tâches de surveillance. Les ordres venaient toujours du chef de village. Une personne devait être postée sur la route pendant cinq jours, nettoyer cette dernière, par exemple lorsque des camions militaires venaient de passer. L'année dernière, elle est allée en trois occasions pendant cinq jours sans jamais être rémunérée. Elle devait apporter sa propre nourriture et dormait sur le site près des buissons alors que les militaires surveillaient les villageois. Les soldats ne l'ont pas maltraitée. Elle a entendu parler d'abus sexuels, mais elle n'est pas sûre que cela ait eu lieu. Il y a deux ans, sa mère (qui vivait avec eux) est allée pour la famille. Son fils y est également allé à une reprise. En plus d'exécuter du travail forcé, les villageois devaient fournir aux militaires tout ce que ces derniers exigeaient (tel qu'une vache ou un porc). Les villageois devaient également fournir du riz aux militaires. Les militaires leur réclamaient également de l'argent. En 1997, les militaires ont demandé 3 000 kyats pour tout le village.


Ethnie:

Karenni

176

Age/sexe:

30 ans, féminin

Situation familiale:

Mariée avec trois enfants

Activité professionnelle:

Agriculteur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Pa Nya Plee, Hlaingbwe, Etat Kayin

Le témoin est venu en Thaïlande en mai 1997 avec sa famille parce qu'elle avait vu des gens attaqués et tués par les militaires. De plus, elle était contrainte d'exécuter du travail forcé, y compris du portage, même lorsqu'elle était enceinte, ce qui fait qu'elle vivait constamment dans la peur. Les membres de sa famille n'avaient plus de temps pour leur propre travail puisqu'ils passaient tout leur temps à travailler pour les militaires. Lorsque les membres de sa famille sont venus en Thaïlande, ils n'avaient plus rien à la maison. La situation était identique pour son père et sa mère. En novembre-décembre 1996, alors qu'elle était enceinte de six mois, elle fut arrêtée par les militaires pour transporter des charges d'environ 30 à 32 kg (munitions et nourriture) pour les militaires pendant 28 jours. Elle dormait seule à la maison cette nuit-là. Tous les autres villageois s'étaient enfuis, mais elle croyait que, puisqu'elle était enceinte, rien ne qui arriverait. Elle fut appelé à l'extérieur de la maison par les militaires du bataillon 10 et a dû se rendre à un endroit appelé Gat Te, un village du DKBA où les gens revenaient de la frontière thaïlandaise. Elle a dû traverser la chaîne de montagnes de Dawna. Elle a mis trois jours pour rentrer à la maison. Plus de 100 personnes travaillaient comme porteurs, y compris deux femmes et cinq hommes de son village. On leur avait dit que le voyage durerait cinq jours, et le chef du village avait été réquisitionné pour apporter de la nourriture pour cinq jours afin qu'il puisse la transporter. Par la suite, on leur a donné un peu de riz deux fois par jour (parfois le riz était gâté). Les porteurs devaient cuisinier eux-mêmes. Une personne folle transportait du riz et en mangeait continuellement, mais elle ne l'a pas vue être battue. Elle a vu un homme âgé être battu par les militaires parce qu'il ne pouvait plus transporter sa charge. Ils n'ont pas essayé de le battre sur la route, mais plutôt dans un autre endroit, à leur retour, elle a vu l'homme âgé en sang et couvert d'ecchymoses sur la tête et le dos. Il a dû transporter sa charge le jour suivant. Elle a vu plusieurs personnes être battues. Un homme d'une soixantaine d'années, qui transportait une lourde charge de munitions, fut battu avec une tige de bambou pendant qu'il marchait et il avait des ecchymoses partout. Elle pense qu'il n'a pas dû survivre. Un homme qui ne pouvait plus transporter sa charge fut mis dans un sac par les militaires et jeté du haut d'une falaise. Il n'était pas dans son groupe, mais elle en a été témoin. Les porteurs étaient attachés deux par deux le jour et la nuit, hommes et femmes tous ensemble, par groupes de dix; lorsqu'ils devaient aller aux toilettes, deux devaient y aller à la fois et les militaires les suivaient. Une fille de 13 ou 14 ans (nom donné à la commission) d'un village avoisinant, qui effectuait du portage, fut enlevée de son groupe et violée par un officier haut placé (nom et grade de l'officier donnés à la commission). Ce dernier l'a menacée en lui disant que si elle révélait ce qui s'était passé son village serait brûlé. Elle pleurait toute la journée après le viol; elle fut relâchée au même moment que le témoin. Lorsque le témoin était célibataire (il y a environ huit ans), elle a dû effectuer du portage à plusieurs occasions, parfois à la suite d'ordres du chef du village ou lorsqu'elle était arrêtée directement par les militaires pendant des périodes de cinq, dix ou quinze jours. La période la plus longue fut de vingt jours. Avant le portage, elle était en bonne forme. Depuis, il ne lui reste plus que la peau et les os. Depuis son mariage, deux de ses frères plus jeunes ont effectué du portage à plusieurs reprises. Au cours d'un portage en 1996, un de ses frères fut battu par un soldat parce qu'il se plaignait qu'il ne pouvait plus transporter sa charge. Il a souffert pendant longtemps de problèmes à la poitrine. En ce qui concerne la construction de routes, il y a deux ans, et pendant toute l'année, ses deux frères ont dû effectuer du travail forcé en rotation sur la route de Painkyone à Hlaingbwe. Les ordres venaient du chef du village. Une personne par famille devait s'y rendre. Lorsque les militaires exigeaient dix personnes, une personne pour dix familles devait y aller pendant dix jours à la fois (le village comptait 30 familles). Chaque mois, une personne de chaque famille s'y rendait pendant dix jours et travaillait du matin jusqu'à midi et après du début de l'après-midi jusqu'au coucher du soleil. Le travail n'était pas rémunéré et ils devaient apporter leur propre nourriture. En 1996, d'autres villageois ont dû couper du bois, et son frère plus jeune a dû transporter les billots de la forêt jusqu'au site de construction de la route. Les ordres émanaient du chef du village, et plusieurs personnes de son village ainsi que d'autres villages ont dû effectuer ce type de travail pendant dix jours sans être rémunérées et survivant sur de petites rations de nourriture qu'ils devaient apporter eux-mêmes. Depuis son mariage, il y a huit ans, elle a dû effectuer de la surveillance une fois par mois pendant cinq jours et parfois jusqu'à sept jours à la fois. Elle le faisait en rotation avec son frère. Lorsqu'elle effectuait ce travail, elle prenait ses deux enfants avec elle; tous les deux font désormais de l'asthme. Ils devaient tous dormir à côté de la route, même durant la saison des pluies. Elle devait nettoyer le long de la route afin de s'assurer qu'il n'y avait pas de mines. Tout le monde devait faire la même chose le long de cette route. En 1996, une de ses tantes fut tuée lorsqu'elle tentait de déminer. Une mine a explosé et elle a perdu ses deux jambes; une autre femme a perdu une jambe dans la même explosion. Elle n'était pas présente à ce moment, mais elle l'a vue par la suite. Les militaires demandaient également aux propriétaires de charrettes de transporter des billots le long de la route, ce qui fait qu'ils étaient souvent les premiers à être tués. Durant ces tâches de surveillance, elle a vu à une occasion une charrette passer sur la route et exploser sur une mine, le chauffeur et les animaux tirant la charrette furent tués. Jusqu'à ce qu'elle quitte le pays, elle et son frère ont dû aller deux fois par mois dans un groupe de cinq personnes pendant cinq ou sept jours à chaque matin au camp militaire de Painkyone, qui se situait à deux heures de marche de son village. Là-bas, ils devaient faire rapport concernant toute activité militaire dont ils auraient pu être témoins. En 1996, ses frères ont dû construire des clôtures autour du camp militaire de Painkyone, creuser des tranchées et effectuer des travaux de réparation dans le camp. L'ordre émanait du chef. Ses frères ont dû y aller pour deux mois complets jusqu'à ce que le travail soit terminé; ils revenaient habituellement chaque soir. Lorsque quelqu'un ne voulait pas effectuer le travail forcé, il devait payer ou engager quelqu'un pour le remplacer. En ce qui concerne le portage, il était nécessaire de payer plus de 1 000 kyats d'une façon ou d'une autre. Pour les autres types de travail forcé, la plupart des gens y allaient eux-mêmes puisqu'ils n'avait pas d'argent. Elle a dû y aller elle-même puisqu'elle n'avait pas d'argent. Chaque année, les militaires collectaient de chaque village une quantité de riz, de bétail et de toute autre chose dont ils avaient besoin en plus d'un impôt de 100 à 200 kyats par famille, deux fois par mois. En 1995, les militaires sont venus demander du riz. S'ils estimaient qu'un agriculteur pouvait produire 30 sacs de riz, ils lui en prenaient dix; si l'agriculteur en produisait moins, il devait tout de même compenser pour atteindre le quota requis par les militaires.


Ethnie:

Karenni

177

Age/sexe:

45 ans, féminin

Situation familiale:

Veuve avec cinq enfants

Activité professionnelle:

Agriculteur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Htihpokape, Hlaingbwe, Etat Kayin (le village comptait environ 40 familles)

Le témoin a quitté le Myanmar il y a quatre ans. Elle y est retournée pour une année entière en 1996 et a quitté de nouveau en février 1997. Elle a dû effectuer du travail forcé à plusieurs occasions en 1996, presque autant qu'auparavant (bien qu'elle fût exemptée de plusieurs types de travail forcé imposé à d'autres villageois). Elle n'a jamais été rémunérée pour son travail. Les villageois devaient effectuer du portage. Les militaires informaient le chef du village de leurs besoins, habituellement en indiquant le nombre de personnes requises. Lorsque leurs besoins n'étaient pas remplis, ils encerclaient et capturaient les villageois eux-mêmes. En 1996, ils ne sont jamais venus directement au village, mais les villageois ont tout de même dû aller exécuter du travail forcé. En 1996, les villageois furent également requis d'effectuer des tâches de surveillance de la route. Elle a elle-même effectué ce genre de travail à Plakyaw, à trois miles de son village (près de la route de Hlaingbwe à Painkyone). Après une journée, on leur demandait d'aller à Hpagat pour une nuit. Elle n'y est allée qu'à une seule occasion pendant deux jours «pour surveiller ce qui se passait». Ils y allaient deux par deux et il y avait plusieurs personnes le long de la route. Le matin, elle devait nettoyer la route avec des branches pour s'assurer qu'il n'y avait pas de mines. Elle n'a jamais vu une mine exploser. En 1996, les villageois furent également requis par le chef de village de fournir du travail à cette fin. Comme elle était trop vieille et plus en bonne santé, sa famille (elle-même et son frère plus jeune) fut exemptée. Elle devait payer 100 kyats par mois aux militaires. Toujours en 1996, les gens de Htihpokape furent ordonnée par le chef de village de transporter des billots pour des poteaux de téléphone. De Htihpokape, un petit village d'environ 40 familles, cinq personnes ont dû y aller en plus de gens d'autres villages. Elle a dû faire cela à deux ou trois occasions par mois pendant une journée. Des billots étaient transportés à une rivière, puis deux ou trois personnes les sortaient de la rivière avec des chaînes. Elle a elle-même participé à cette opération. A une occasion, quatre ou cinq militaires sont venus dans son village et ont informé le chef du village que des billots étaient craqués et inutilisables comme poteaux. Ils ont donc imposé une amende d'un porc aux villageois.A une autre occasion, des villageois furent requis de transporter des billots et des tiges de bambou de leur village jusqu'au camp de Painkyone qui se situait à trois heures de marche. Finalement, les villageois devaient également nettoyer le sol dans les plantations de caoutchouc appartenant aux militaires. Ils devaient apporter leur propre nourriture. Elle n'a jamais dû aller elle-même dans ces plantations.


Ethnie:

Karenni

178 et 179

Age/sexe:

21 et 17 ans, tous deux masculins

Situation familiale:

Tous les deux célibataires (famille de sept et six, respectivement)

Education:

Quatrième année (témoin 178); neuvième année (témoin 179)

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Bee T'Ka, Hlaingbwe, Etat Kayin

Les témoins ont quitté le Myanmar en juillet 1997. Le témoin 178 est venu en Thaïlande une première fois en 1992, alors que le témoin 179 est venu en 1997. En 1997, tous les deux sont retournés à Bee T'ka et, sur la route, ils furent arrêtés par les militaires le 9 juin 1997 à Lubaw (entre Bee T'Ka et la frontière thaïlandaise) afin d'effectuer du portage. Le témoin 178 a précisé qu'ils furent arrêtés par les militaires du bataillon 33 et qu'ils furent attachés et questionnés par un officier qui les a accusés d'être des agents du KNU. Ils ont nié mais n'ont pas été crus. Le jour suivant, ils furent questionnés séparément puis attachés ensemble et battus (nom de l'officier qui les a battus donné à la commission). On leur a même demandé de creuser un trou afin de les enterrer. On leur a bandé les yeux avec des sacs de plastique et versé de l'eau sur la tête afin qu'ils ne puissent pas respirer. Ils furent torturés pendant plusieurs heures et ont même perdu conscience. Un des témoins crachait du sang et avait des blessures internes. A partir du 11 juin 1997, ils furent utilisés comme porteurs. Tout d'abord, ils durent transporter des casseroles avec du riz qui pesaient environ 65 kg, de Lubaw pendant deux jours jusqu'à Thay Mo Hpa. Au début, ils étaient 11 porteurs (tous des hommes) mais, par la suite, le chef du village est venu avec d'autres porteurs et a payé afin qu'ils soient relâchés. Sept porteurs ont toutefois dû rester. Après deux jours, ils sont retournés à Lubaw et depuis cet endroit furent amenés à Kyawko. En tout, ils ont fait du portage pendant sept jours sur un terrain montagneux. Ils recevaient deux repas par jour constitués de riz qu'ils devaient cuisiner eux-mêmes. La nuit, ils étaient surveillés par les militaires. Après sept jours, lorsqu'ils ne pouvaient plus avoir assez de nourriture, on leur demandait de se rendre dans les village avoisinants et de mendier pour tout le groupe de 40 personnes (porteurs et militaires). Ils étaient surveillés par environ quatre ou cinq militaires. Ils ont dû mendier de maison en maison puis revenir avec ce qu'ils avaient pu obtenir. Les militaires allaient dans la maison, alors que les porteurs restaient à l'extérieur; tout ce qu'ils pouvaient trouver dans la cuisine, en particulier du riz, ils le prenaient. Les militaires leur avaient promis qu'ils seraient relâchés lorsqu'ils atteindraient le village de Kyawko. Toutefois, à leur arrivé au village de Kyawko, ils ont dit au témoin 178 qu'ils devaient continuer jusqu'au village de Ser Gaw puisqu'un membre de sa famille y vivait et il devait donc y ramener de la nourriture. Pendant ce temps, le témoin 179 devait rester au camp de Kyawko. Une fois que le témoin 178 a obtenu la nourriture et est revenu (deux heures plus tard) au camp de Kyawko, il a demandé à être relâché, mais le commandant de la compagnie (nom donné à la commission) a, une fois de plus, refusé. Ils furent, par la suite, requis de transporter des marchandises d'une rivière jusqu'en haut d'une colline. Après que le témoin 178 se soit plaint et ait imploré au commandant de les laisser partir, le commandant a appelé la personne qui avait gardé leurs effets personnels et ils furent tous les deux relâchés. Ils sont allés à Ser Gaw et sont revenus en Thaïlande. En ce qui concerne d'autres formes de travail forcé, le témoin 197 a dit qu'à partir de 1995 il étudiait à Hlaingbwe et qu'il n'a donc pas eu à effectuer de travail forcé. Le portage de 1997 constituait la première fois. Mais il fut arrêté et torturé en 1996, sans savoir pourquoi, par les militaires. Pendant environ neuf jours, il fut gardé au soleil et, la nuit, enfermé avec des gens dans un carcan. Sa famille a dû effectuer du travail forcé pendant la même période (1995 à 1997), tel que des services de messager, la fourniture de bois pour le feu ou des rations de riz. Il n'y avait pas de construction de routes ni de portage, mais ils ont dû payer une taxe de porteur afin de ne pas avoir à travailler. Il ne connaît pas le montant exact. En ce qui concerne les tâches de messager, deux villageois devaient chaque jour marcher trois miles jusqu'au camp et aider les militaires à faire tout ce que ceux-ci voulaient, tel qu'envoyer des lettre dans tel ou tel camp. Le témoin 179 a ajouté qu'à Hlaingbwe, lorsque quatre ou cinq étudiants étaient en groupe, le groupe devait se disperser. Il a souvent entendu des cris provenant de la prison et a vu les prisonniers portant des uniformes casser des pierres. A Bee T'Ka, au début de 1997, il a été témoin d'un incident où neuf personnes furent contrôlées; une des personnes disait qu'elle était un fonctionnaire du gouvernement mais fut incapable de donner une pièce d'identité et fut tuée sur place. Cinq se sont enfuies jusqu'à la rivière et ont essayé de nager mais furent capturées. Plus tard, les gens ont vu un corps attaché à un âne qui était traîné le long de la berge

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Ethnie/religion:

Karenni, chrétien

180

Age/sexe:

32 ans, masculin

Situation familiale:

Marié avec trois enfants

Education:

Sixième année

Activité professionnelle:

Travailleur journalier dans l'agriculture

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Bee T'Ka, Hlaingbwe, Etat Kayin

Le témoin et sa famille sont venus en Thaïlande en avril 1996 parce qu'ils ont été accusés d'avoir eu des contacts avec le KNU et ont dû exécuter du travail forcé. Il a été chef de village pendant environ une année. Il y avait dix sections dans son village qui étaient divisées par une rivière: sur la rive est vivaient principalement les bouddhistes, alors que sur la rive ouest vivaient les chrétiens. Le chef du village recevait les ordres concernant le travail forcé du commandant du camp militaire se trouvant dans la région du monastère de Bee T'Ka. Chaque jour, le chef du village devait fournir des personnes pour le travail forcé; dès qu'il recevait les ordres, il devait aller rencontrer les dix chefs de section afin de trouver assez d'individus. Habituellement, l'ordre venait le matin et devait être exécuté le jour même. Lorsque les militaires avaient besoin de gens pour une période plus longue, il n'y avait qu'un ordre ne précisant pas la durée du temps. Parfois, cet ordre était accompagné de cartouches dans une enveloppe en plus d'un morceau de charbon. Entre la saison des pluies de 1995 et avril 1996, le chef du village a reçu quatre ordres accompagnés de cartouches et de morceaux de charbon lorsqu'il ne pouvait trouver un nombre suffisant de personnes. Une lettre contenant une cartouche et un morceau de charbon fixait l'échéance pour la fin de la journée. Durant son assignation, les villageois ont été arrêtés directement à quatre reprises par les militaires pour le travail forcé, sans l'autorité du chef de village. A une occasion, un ordre fut donné par écrit au chef du village de fournir 20 porteurs dans les deux heures. Le chef du village n'a pu réussir et, après les deux heures, les militaires sont venus au village et ont encerclé plusieurs personnes. Finalement, le chef du village leur a demandé de relâcher les travailleurs en trop, ce qu'ils ont fait. Les vingt porteurs requis ont dû travailler pendant trois jours. Concernant les trois autres fois, les militaires venaient parfois au village sans avertissement parce qu'ils désiraient se rendre quelque part sans que personne ne le sache. Ainsi, ils entraient dans le village et capturaient le nombre de personnes qu'ils désiraient. Quelques-uns des villageois ne pouvaient tolérer cette situation et se sont enfuis du village. Après cela, les militaire imposaient des amendes aux autres villageois. Lorsqu'une famille s'enfuyait, les villageois qui restaient devaient payer 40 000 kyats en plus de 65 kg de porc. Le jour de son entrée en fonction, il a reçu l'ordre d'un camp militaire de fournir 80 personnes par jour pendant un mois afin de transporter de la nourriture et les marchandises du camp de Paw Yebu jusqu'à Taun Zun, et également dans d'autres camps. Les gens qui ne voulaient pas effectuer le travail devaient engager un remplaçant, ce qui leur coûtait 100 kyats par jour. Des dix sections du village, deux personnes devaient aller chaque jour au camp militaire près du monastère et attendre qu'on leur donne l'ordre d'effectuer du portage. Ces vingt personnes devaient rester avec les militaires pendant une semaine et ne pouvaient revenir avant d'être remplacées. Afin d'être exempté de ce travail pendant trois jours, on devait payer 600 kyats aux militaires et, pour une semaine, le montant s'élevait à 1 300 kyats. La plupart ne pouvant payer, ils devaient donc y aller. Tout le travail n'était pas rémunéré et les gens devaient apporter leur propre riz. Lorsque l'armée avait un conflit avec le KNU, certaines personnes en profitaient pour s'enfuir. Par la suite, les militaires imposaient des amendes pour chaque personne qui avait pris la fuite; la dernière fois que cela s'est produit, le chef du village a dû payer 4 000 kyats par personne enfuie d'une zone de combat, alors qu'ils effectuaient du portage. Environ deux ou trois fois par mois, 30 à 40 villageois étaient requis comme porteurs par un bataillon qui patrouillait dans la région; ils devaient rester avec le bataillon aussi longtemps que celui-ci restait dans la région, c'est-à-dire pendant trois ou quatre jours, ou même parfois plus. Le chef du village devait également fournir des porteurs pour des voyages plus longs. Au moment de la saison sèche, 30 personnes furent requises pendant une semaine. Parfois, les porteurs étaient attachés et battus parce qu'ils étaient accusés sans aucune preuve d'être liés à l'armée du KNU; les porteurs étaient également battus parce qu'ils étaient trop lents. Lorsqu'il était chef de village, il a vu environ 13 personnes être sérieusement blessées. Elles furent placées dans des carcans et portent encore aujourd'hui les cicatrices sur leur peau. Une personne fut battue jusqu'au sang et a quitté pour la Thaïlande parce qu'il devait prendre des médicaments. Durant la même période, personne de son village ne fut tué et aucune femme ne fut molestée. Dans la seconde moitié de 1995, une nouvelle route fut construite de Bee T'Ka jusqu'à Paw Yebu. Un ordre fut envoyé au chef du village indiquant qu'une personne par famille devait travailler sur cette route jusqu'à ce qu'elle soit terminée. Le travail a duré pendant deux semaines et était non rémunéré. Les travailleurs devaient apporter leur propre nourriture et leurs outils et travaillaient toute la journée sous la supervision des militaires. Par la suite, il y eut la construction d'une autre route d'environ quatre miles du nom de Paw Yebo jusqu'à Taun Zun. Encore une fois, une personne de chaque famille devait travailler sur le site en tout temps. Lorsqu'il n'y avait que des femmes ou des personnes âgées dans la famille, cela dépendait du chef de village qui essayait de trouver quelqu'un d'autre d'une autre famille. Afin d'être exempté du travail, on devait payer 200 kyats par jour. En plus des vingt villageois qui devaient rester en attente de portage, deux personnes devaient aller chaque jour depuis le village afin d'effectuer des tâches de messagerie pour les militaires pendant une journée. L'ordre venait du chef du village qui demandait habituellement aux femmes d'effectuer ces tâches. Egalement, en janvier-février 1996, les militaires ont obtenu des informations selon lesquelles deux armes se trouvaient près du village et ont donc demandé au chef du village de les diriger là-bas. Lorsqu'il a refusé, ils ont arrêté six femmes et cinq hommes et leur ont demandé de les guider. Ils ont dû marcher devant, suivis du chef du village, et les soldats fermaient la marche. Cette marche a duré environ deux heures. Durant la saison chaude, il a reçu l'ordre qu'une personne de chaque famille devait aller au camp militaire près du monastère afin d'apporter des tiges de bambou pour clôturer le monastère. Ce travail a duré environ quatre jours jusqu'à ce qu'il soit terminé.

Ethnie:

Karenni

151

Age/sexe:

41 ans, masculin

Situation familiale:

Marié avec quatre enfants

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Naung Da Bwe, Kawkareik, Etat Kayin

Le témoin est en Thaïlande depuis le début de 1997 avec toute sa famille. Il a quitté le Myanmar à cause du travail forcé et du mauvais traitement que les militaires lui infligeaient. Il a fait du portage et du travail forcé. Plusieurs types de travaux différents étaient requis par les militaires, comprenant la coupe et le transport de bambous et de bois et la culture (autant de types de travaux que l'on pouvait imaginer). A cause de tous ces travaux «... nous n'avions rien à manger pour nous-mêmes et avons été contraints de partir». Chaque maison devait envoyer quelqu'un une à deux fois par semaine pour environ sept jours. Parfois deux ordres différents venaient au même moment, ce qui fait que plus d'une personne par famille devait partir ou payer quelqu'un d'autre: de 200 à 500 kyats à chaque fois. Habituellement, les gens y allaient, sauf s'ils étaient malades et payaient alors quelqu'un d'autre. Les femmes et les enfants étaient inclus. Les ordres émanaient des militaires qui donnaient des instructions au chef de village. Celui-ci relayait les instructions telles que: plus de bois était requis ou telle ou telle chose devait être construite. Par la suite, le chef de village divisait le travail parmi les villageois. «A chaque fois qu'une tâche était complétée, une autre était requise. Cela n'avait jamais de fin.» Cette situation était identique pour tous les villages de la région. Les autorités ne demandaient pas toujours à chaque famille d'envoyer quelqu'un en même temps. Cela se passait sur une base rotative. S'il n'y avait pas assez de personnes, les militaires venaient au village et arrêtaient les gens. Lorsqu'ils venaient, ils prenaient et tuaient les animaux, et tuaient même parfois les hommes. Il a vu trois personnes se faire tuer de cette façon lors de visites des militaires. Ceux-ci les accusaient d'être des rebelles, même si ce n'était pas le cas. Lorsque les porteurs ne pouvaient porter leur charge, ils étaient battus. Il n'a pas vu de porteurs se faire tuer, mais il a entendu plusieurs histoires à cet effet. C'était surtout les hommes qui étaient utilisés comme porteurs et rarement les femmes. Les porteurs étaient beaucoup plus maltraités que les personnes qui exécutaient d'autres types de travaux forcés. Avec le travail forcé, il y avait moins de problèmes, puisque l'armée n'était là que pour surveiller. En ce qui concerne le portage, il recevait très peu de nourriture qui consistait en un petit bol de riz et qui était juste assez pour que les porteurs ne crèvent pas de faim. Aucune nourriture n'était donnée durant les autres types de travaux forcés. Les gens amenaient leur propre nourriture et outils. D'autres types de travaux comprenaient la construction de camps militaires, le creusage des tranchées, la coupe de bambous, la construction de routes et le travail dans des plantations de sucre ou de caoutchouc. Il a personnellement exécuté tous ces types de travaux, à l'exception du travail dans une plantation de sucre. Le travail dans les plantations de caoutchouc était considérable. Les militaires amenaient les semences et les travailleurs exécutaient tout le reste: planter, cultiver, tailler les arbres et récolter. Le caoutchouc était envoyé au quartier général des bataillons 549, 547 et 548. Ceux-ci étaient situés dans le village de Nabu. Il a dû exécuter du travail forcé pour ces trois camps militaires. Ils étaient tous à environ deux miles de son village. Les militaires contrôlaient totalement cette région depuis une année. Depuis ce temps, le travail forcé de grande envergure a débuté. En 1996, lorsqu'il est arrivé, la première chose que les militaires ont demandé fut de débroussailler la jungle autour des camps. Par la suite, ils ont exigé la construction de la route. Il a dû faire ce travail pendant une année avant de quitter. La route était à deux voies avec en surface des petites pierres. Il a exécuté du portage à plusieurs reprises, pour transporter du matériel entre les camps. Il a également exécuté du portage avant l'installation des camps militaires et avant les tâches concernant d'autres travaux forcés. Il a été à plusieurs reprises sur la ligne de front. Durant les combats, plusieurs porteurs furent blessés et certains se sont enfuis. Les porteurs blessés étaient soignés. Durant les offensives, les porteurs étaient utilisés par les militaires à l'avant en tant qu'éclaireurs. Les porteurs étaient parfois envoyés au devant des troupes afin de détecter les mines. A quelques occasions, un ou deux porteurs par semaine étaient tués ou blessés de cette façon. Le portage pouvait durer de quelques jours jusqu'à un mois. Il était effectué sur une base rotative deux à trois fois par année. D'autres types de travaux forcés avaient lieu de deux à trois fois par semaine pendant un à deux jours. Mais, parfois, ceux-ci duraient durant cinq jours si le site de travail était éloigné. Les villageois devaient en moyenne exécuter plus de deux semaines de travail forcé par mois.


Ethnie:

Karenni

152

Age/sexe:

36 ans, masculin

Situation familiale:

Marié avec quatre enfants

Activité professionnelle:

Travailleur journalier

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Treh Wa, Bilin, Etat Mon (le village comptait 50 familles)

Le témoin a quitté le Myanmar il y a une année, mais il y est retourné au début de 1998. Il a de nouveau quitté le Myanmar à la mi-février 1998. Il fut arrêté et soumis à la torture par le LIB 96 il y a de cela une année et trois mois, juste avant son premier départ. Ils l'ont accusé d'être un soldat à la solde du KNU. Il fut battu et torturé avec une lampe à kérozène et on lui a versé de l'eau dans les narines. Il y avait un camp militaire dans la région de son village depuis 1988, ce qui fait que le portage était monnaie courante: plusieurs fois par mois pendant quatre ou cinq ans pour une durée de trois à dix jours à chaque fois. A une occasion, le portage a duré trois mois. Cela devenait de plus en plus fréquent. Durant ces trois mois de portage, il a dû transporter du riz sur la ligne de front. Il a été arrêté par les militaires alors qu'il marchait près de son village et a été contraint d'effectuer ce travail. Les autres fois, il a été arrêté de la même façon ou il recevait l'ordre du chef de village. L'assignation de trois mois a eu lieu il y a trois ou quatre ans. Il fut amené de Thaton et envoyé à Bilin en camion et a dû marcher jusqu'à la ligne de front dans le district de Papun. Il n'a pas reçu d'eau (les porteurs devaient trouver leur propre eau) et a eu droit à seulement un peu de riz: une poignée chaque jour avec une cuillère de curry. Les porteurs n'avaient aucune force, puisqu'ils recevaient peu de nourriture. Plusieurs furent battus et tués par les militaires. Dix porteurs furent battus à mort par les militaires durant cette période de trois mois. Lorsque les porteurs étaient trop lents, ils étaient battus. Il a lui-même été battu. Les femmes n'avaient pas à faire du portage sur la ligne de front, mais étaient utilisées pour des distances plus courtes. Il n'a vu aucun porteur être blessé ou tué pendant les combats. Il transportait deux sacs de riz, un sur son dos et un par-dessus ses épaules. Il était possible de payer 600 kyats pendant trois jours pour éviter ce travail. Aucun traitement médical n'était offert aux porteurs qui étaient malades. Il a dû travailler en tant que porteur pour la dernière fois il y a une année. D'autres types de travaux forcés comprenaient la pose de clôtures et le creusage de tranchées dans le camp militaire qui se trouvait à une heure de marche. Il a exécuté du travail forcé et du portage à différentes occasions. Il y avait également un camp de la DKBA installé il y a une année où il a dû exécuter du travail forcé. Pour la DKBA, il a dû faire du travail dans le camp tel que creuser des tranchées et construire des routes. Au total, en moyenne par mois, il a dû passer environ dix jours dans ce camp, en plus des quinze jours requis pour le travail au camp de la DKBA et du portage. Il ne lui restait plus que cinq jours par mois pour faire son propre travail et gagner sa vie. Il était cultivateur et travaillait pour d'autres gens. Il devait couper du bois et le vendre pour augmenter ses revenus. Mais même en faisant cela, il n'arrivait pas à survivre. C'est pourquoi il est venu en Thaïlande. La quantité de travail forcé est plus importante aujourd'hui qu'elle ne l'a jamais été, puisqu'il y a deux bases militaires à servir. En 1989, son village avait commencé à travailler sur la route de Mawlamyine à Yangon. Le village s'était vu assigner une partie de 1 000 pieds de la route avec une largeur de deux voies. Le chef du village donnait les ordres sur une base rotative. Son dernier projet de travail forcé consistait à ériger des barrières autour de la base de la DKBA. Juste avant son départ, il a payé 4 000 kyats pour être relâché lors d'une seconde arrestation par l'armée. A cette occasion, il avait de l'argent puisqu'il avait pu vendre des feuilles destinées à des toitures en métal.


Ethnie:

Karenni

153

Age/sexe:

28 ans, masculin

Situation familiale:

Marié, une fille de sept mois

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Tichara, Myawady, Etat Kayin (le village comptait plus de 300 familles)

Il a quitté le Myanmar au début de janvier 1998 puisqu'il n'était plus en mesure de subvenir aux besoins de sa famille en raison du temps requis pour le travail qui devait être exécuté pour les militaires et des taxes qui devaient être payées. Il a dû faire: 1) du portage et 2) de la construction de routes. Dans les deux cas, c'est le chef du village qui transmettait l'ordre des militaires bien que les militaires pouvaient venir directement aux maisons ou dans les lieux publics pour arrêter les porteurs. Il n'était pas rémunéré et ne recevait aucune forme de compensation pour ces travaux. 1) Il a été porteur à une seule occasion pendant une semaine durant la saison des pluies. Il a réussi à s'enfuir les autres fois. Le portage a dû être exécuté dans une région montagneuse de l'Etat Kayin. Les porteurs étaient des hommes, âgés entre 14 et 60 ans. Ils n'étaient pas rémunérés. Il était toutefois possible de se faire remplacer. Le montant variait en fonction du nombre de journées: entre 500 et 1 000 kyats. Il était également possible de payer le chef du village pour ne pas avoir à y aller. Il n'a jamais payé et ne connaît pas dès lors le montant qui devait être versé. Ils devaient porter les munitions et devaient marcher toute la journée. Il n'y avait jamais assez de nourriture. Au début, chaque porteur avait droit à sa boîte de conserve. Après quelques jours, trois porteurs devaient se la partager. Ils devaient dormir dans la jungle, sans abri. Personne n'a pu prendre soin de sa famille pendant son absence. Pendant cette période, son épouse a donné naissance à leur fille. Il n'a pas personnellement fait l'objet de mauvais traitements. Des amis auraient toutefois été battus avec un bâton puisqu'ils ne progressaient pas assez rapidement et étaient trop fatigués pour porter la charge qui leur avait été assignée. Il aurait également porté une à trois fois/mois au cours des deux dernières années la nourriture aux militaires qui vivaient dans un camp dans la montagne. La marche jusqu'au camp était d'environ une heure. Il exécutait ce travail avec d'autres hommes en rotation. Le nombre pouvait varier et même excéder 100 personnes. 2) Il a dû travailler sur la route entre son village et Meh Pleh. Il s'agit d'une route pour les voitures. Le site du travail était à trois heures de marche de sa maison. Il a dû y travailler à plusieurs reprises au cours de l'année dernière bien que la construction de la route ait commencé trois ans auparavant. Cette route doit être refaite après chaque saison des pluies. Plus de 20 personnes de son village travaillaient en même temps que lui. Toutefois, il ne peut dire le nombre total d'hommes ou de femmes qui travaillaient sur la route. La journée commençait à 8 heures pour se terminer à 17 heures avec un arrêt d'une heure à midi. Il devait apporter sa propre nourriture mais pouvait retourner chez lui le soir. Il était possible de payer un substitut. Il ne connaît pas le montant puisqu'il n'avait pas l'argent nécessaire pour se faire remplacer. Il était également possible de payer le chef du village pour ne pas avoir à y aller: 100 kyats pour une journée. Au cours de l'année dernière, il a dû également poser des clôtures le long de la route et monter la garde contre le KNU. Pour ce faire, il devait se déplacer chaque matin sur la route avec une charrue afin de vérifier si des mines ou autres explosifs avaient été posés. Une mine a explosé l'année dernière, tuant un travailleur et deux militaires. Taxes: entre 200-300 kyats par mois depuis son retour dans son village en 1995. Il ne connaît pas la raison pour laquelle ces taxes étaient imposées. Pour les payer, il a dû vendre des terres et se faire engager à titre de travailleur journalier.


Ethnie:

Karenni

154

Age/sexe:

44 ans, masculin

Situation familiale:

Marié avec quatre enfants (tous venus avec lui)

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Minzan, Hpa-an, Etat Kayin (le village comptait 500 familles)

Le témoin et sa famille sont en Thaïlande depuis six ans. En janvier 1998, il est retourné dans son village pour voir la situation actuelle. Il est resté pendant vingt jours et est revenu en Thaïlande. Il a trouvé que la situation était mauvaise. Les militaires avaient le contrôle de toute la région. Avant son départ, il travaillait dans les rizières. Il devait donner un pourcentage de ses récoltes aux militaires et un autre pourcentage au propriétaire de la terre, ce qui lui en laissait très peu. «Il était difficile de survivre avec ce qui me restait.» Il ne pouvait se permettre d'effectuer du portage ou des tâches de travail forcé, alors il les évitait en dormant en brousse. Cette stratégie a fonctionné puisqu'elle lui permettait de n'être pas arrêté directement par les troupes. Mais il ne pouvait éviter ce travail lorsque les ordres venaient directement du chef du village. Il a été porteur à quatre occasions, trois fois suite aux ordres du chef du village et une fois suite à une arrestation directement par les militaires. Il s'est enfui à chaque occasion avant la fin de son travail. Ainsi, il a travaillé pendant quatre ou cinq jours à trois occasions. La quatrième occasion a duré un mois et cinq jours. Quatre personnes étaient déjà mortes d'avoir trop travaillé et n'avoir pas reçu assez de nourriture, et il était donc certain qu'il allait mourir lui-même s'il restait. Il s'est donc enfui et est retourné à la maison. Lorsque les porteurs se sentaient faibles et ne pouvaient continuer, ils étaient battus. Après avoir été battus, les porteurs étaient parfois incapables de continuer à marcher et ils étaient abandonnés sur le bord de la route. A chaque fois que les porteurs ralentissaient, ils étaient battus. Ils ne recevaient aucun traitement médical s'ils étaient malades. Ils recevaient peu de nourriture. Les porteurs cuisinaient eux-mêmes leur nourriture. Les militaires préparaient la leur. Ils recevaient environ un contenant et demi de riz par jour avec un peu de curry. Il y avait environ 500 maisons dans le village et le portage était fait sur une base rotative à chaque fois que les militaires venaient. Ils appelaient alors 5, 10 ou 15 personnes à la fois, une ou deux fois par mois. Lorsqu'il n'y avait pas d'hommes à la maison, la famille devait payer 600 kyats. Maintenant, ce montant pouvait s'élever jusqu'à 2 000 kyats puisque de plus en plus de gens refusaient d'effectuer le travail et qu'il était de plus en plus difficile d'obtenir des remplaçants. Seuls les hommes faisaient le portage. Les femmes étaient utilisées pour du travail sur des courtes distances. Il y avait beaucoup de portage à l'époque. Maintenant, les villageois devaient seulement payer une taxe de porteur une fois par mois. Mais il n'y avait plus de portage. Il y avait, toutefois, beaucoup d'autres types de travail forcé, ce qui fait que le temps passé sur le travail forcé était à peu près le même. Puisqu'il estimait que le portage était plus difficile, il pense que la situation s'était un peu améliorée. A l'époque, le travail forcé consistait principalement à travailler dans les camps militaires, pour nettoyer, rénover les bâtiments et cultiver pour l'armée. Aujourd'hui, les constructions de routes étaient le travail principal en plus du travail dans les camps militaires. Il y avait également de l'agriculture imposée sur la plantation de caoutchouc pour le bataillon 202. Les villageois devaient effectuer la plantation et la culture ainsi que la récolte. Le caoutchouc produit était envoyé à la division 22. La route principale sur laquelle s'effectuait le travail était celle de Hpa-an à Shwegun. Elle était à trois miles du village. Lorsqu'il est retourné pour visiter, en janvier 1998, il a dû passer trois de ses vingt jours à exécuter du travail forcé sur la route. A l'époque, l'armée venait directement dans le village pour recruter les gens. Toutefois, aujourd'hui, ceci était fait via le chef du village. Ce dernier donnait les ordres à chaque maison. Le village se voyait assigner une certaine section de la route à compléter. Il n'y avait pas de militaires sur le lieu de travail, mais ils surveillaient quand même que le travail se faisait. Si les travailleurs ne réussissaient pas à terminer le travail à temps, ils encouraient des problèmes avec les militaires. Le chef du village devait faire rapport sur ceux qui ne travaillaient pas de façon adéquate. Personne n'a été battu, seules des menaces furent prononcées. Les travailleurs devaient apporter leur propre nourriture et leurs outils. Personne n'était rémunéré. Ils devaient eux-mêmes donner de l'argent s'ils étaient malades ou s'ils ne pouvaient travailler. Certains travailleurs sont morts sur le site suite à des accidents de travail. Lorsque le chef de village se plaignait, on lui disait que c'était parce que ses travailleurs n'étaient pas assez bons et qu'aucun dédommagement ne serait versé. Il en coûtait 300 kyats par jour si quelqu'un ne pouvait se présenter. Les personnes âgées, les enfants et tous les autres devaient y aller. Lorsque les enfants étaient assez vieux pour transporter des choses (entre 8 et 9 ans), ils devaient y aller. Les militaires n'étaient pas préoccupés par le fait que les enfants devaient travailler puisque le travail devait être complété. Un enfant prenait un peu plus de temps qu'un adulte (souvent les villageois compatissaient avec les enfants et les aidaient à terminer leurs tâches). Un minimum d'une personne par famille devait effectuer ce travail. Il estime qu'il était beaucoup plus difficile de gagner sa vie aujourd'hui. Les cultivateurs doivent vendre tout ce qu'ils ont afin de survivre. Le travail forcé est le problème majeur. Chaque jour passé à effectuer du travail forcé est un jour perdu pour nourrir sa famille. Le portage est aujourd'hui limité. Quatre personnes sont assignées en tout temps dans un village sur une base rotative afin de servir comme porteurs au camp militaire: pour aller chercher de l'eau, cuisiner ou transporter des messages. Auparavant, les villageois devaient également effectuer de la surveillance, mais plus maintenant. Durant cette surveillance, ils devaient payer une amende de plusieurs poulets si on les surprenait en train de dormir. Aujourd'hui, l'armée collecte une nouvelle taxe pour la construction d'une école. Ils imposent cette taxe en fonction du revenu: 7 000 kyats pour les riches et jusqu'à 1 500 kyats pour les pauvres. Mais, il devenait impossible de payer cette taxe additionnelle. Les villageois devaient donc vendre leurs biens et il était devenu impossible de rester. Il n'avait plus de choix que de partir.


Ethnie:

Mulsuman

155

Age/sexe:

38 ans, féminin

Situation familiale:

Mariée avec six enfants

Activité professionnelle:

Travailleur journalier dans l'agriculture

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Yebu, Hlaingbwe, Etat Kayin (le village, à l'époque, comptait 100 familles, mais la majorité est partie)

Le témoin a quitté le Myanmar avec sa famille à la fin de 1997 parce que le travail forcé imposé par les militaires (y compris le portage) couvrait environ vingt jours par mois. En tant que travailleurs journaliers, s'ils devaient effectuer du travail forcé pendant une journée, ils n'avaient plus rien à manger pour le jour suivant. Les militaires traitaient les Musulmans et les Karens de façon discriminatoire, mais les Musulmans se voyaient infliger un traitement encore pire que les autres, ce qui rendait leur situation d'autant plus difficile. Ils étaient contraints d'exécuter du travail forcé encore plus difficile et obtenaient moins de nourriture, ce qui fait que plusieurs d'entre eux quittaient les villages pour se rendre dans les villes. Dans son village, il y avait à l'époque 200 familles musulmanes, mais il n'en restait que 15 ou 16 aujourd'hui. Habituellement, les militaires indiquaient au chef de village le nombre de porteurs requis, mais, à quelques occasions, lorsque le village n'envoyait personne, les militaires venaient les chercher directement. A ces occasions, si les villageois partaient avec les militaires sur le champ, il n'y avait pas de problèmes. Sinon, les militaires pourchassaient les villageois et les battaient. Dans sa famille, le portage était toujours exécuté par les hommes. Son mari a dû transporter des munitions et de la nourriture pour l'armée. Durant plusieurs années, il était normal d'exécuter du portage une fois par mois, habituellement pendant cinq jours, mais parfois pour des périodes plus longues d'une semaine à dix jours, et même jusqu'à deux mois ou plus. Parfois, pour une très courte distance, ce travail ne prenait qu'une journée, mais à ces occasions ils utilisaient deux à trois personnes de la même famille, ce qui compliquait les choses. Parfois, les militaires ordonnaient aux porteurs d'apporter de la nourriture pour plusieurs jours (quinze jours) pour que ceux-ci puissent la manger. Les personnes fortes n'avaient pas de problème pour faire le travail. Si les porteurs étaient fatigués ou incapables de faire le travail, ils étaient battus et, parfois même tués. Quelques-uns de ses amis d'autres villages ont été tués de cette façon. A quelques occasions, son mari a été battu avec une tige de bambou; elle en a été témoin, et ceci est arrivé à beaucoup d'autres personnes. En tant que porteur, un villageois ne recevait que peu de nourriture et devait travailler beaucoup. Ils étaient battus et parfois abandonnés au bord de la route. Elle a vu plusieurs blessures infligées à des porteurs à la suite de violences causées par les militaires. Lorsqu'il y avait des combats dans l'Etat Kayin, les militaires mettaient les porteurs en avant, ce qui fait que ceux-ci se faisaient tuer alors que les soldats restaient en vie. C'est ce qui s'est passé avec son mari. A d'autres occasions, lorsque les militaires s'attendaient à une attaque, elle a été utilisée comme bouclier humain. Les militaires réquisitionnaient tout le village, même les enfants, et les plaçaient devant le camp militaire. Plusieurs villageois sont morts de cette façon (environ 20 personnes de son village). Des Musulmans et des Karens ont été tués de cette façon dans les derniers mois avant qu'elle parte. En ce qui concerne la construction de camps militaires, trois camps existaient dans sa région: Yebu, Nabu et Painkyone. Ils existaient depuis environ vingt ans, mais n'avaient pas toujours été situés au même endroit. Lorsqu'un camp changeait de site, les gens devaient construire un nouveau camp: les hommes, les femmes, les enfants. Dans le cas de Nabu, les habitants de ce village, qui comptait environ 100 familles, ont dû se déplacer il y a deux ou trois ans pour faire place à un nouveau camp militaire. Plus personne ne vit sur ce site. Certains ont déménagé à Kawkareik et d'autres dans des villages autour des collines. Il existe un camp majeur à Yebu qui n'a pas été déplacé, bien que certains petits postes autour l'aient été. Lorsqu'ils construisaient un camp, les gens des villages éloignés devaient venir exécuter du travail forcé. Dans son cas, elle n'a eu qu'à aller au camp de Yebu, mais pas à ceux de Nabu ou de Painkyone. En ce qui concerne le travail dans les camps, les ordres étaient donnés aux chefs de village par écrit, mais en cas de problèmes les militaires venaient directement au village et battaient les gens. Ils ne réquisitionnaient pas toujours une personne par famille, puisque dans certains cas, lorsqu'ils voulaient cinq personnes, cela se faisait d'une façon rotative. Une personne par famille devait y aller, peu importe si le mari était absent pour exécuter du portage ailleurs. En son absence, si elle avait de l'argent, elle devait les payer puisque ceux-ci ne pouvaient accepter qu'elle refuse d'y aller. Puisque son garçon le plus âgé est parti depuis longtemps, son deuxième enfant, qui est une fille, a dû exécuter du travail forcé; parfois, même les jeunes enfants devaient travailler. Dans les camps, les hommes et les femmes devaient exécuter du portage, puiser de l'eau, aller porter des messages aux militaires ou faire tout autre travail requis par ceux-ci. Lorsque les militaires quittaient, ceci impliquait plus de travail puisque de nouveaux militaires arrivaient. Ils devaient également couper du bambou. A quelques occasions, les hommes ont été envoyés dans la forêt pour couper du bois et pour apporter des billots aux militaires. Les villageois devaient également cultiver et donner le fruit de leurs récoltes aux militaires. Ils devaient également leur fournir de la viande et du poulet. Lorsque cela n'était pas fait, les militaires les emprisonnaient et tuaient et mangeaient leur bétail. Son mari, ses enfants et elle-même ont tous eu à travailler sur la route de Nabu à Painkyone. Après son départ, les gens de sa famille ont dû également faire ce travail. Une personne par famille, y compris les enfants de 12 à 13 ans. Elle connaissait des enfants de 10 ans qui ont dû effectuer du travail forcé. Lorsque personne d'une famille y allait, ils devaient payer une amende, mais puisque personne n'avait d'argent un enfant devait y aller. Même les villageois très éloignés de la route devaient travailler. Dans son village, on utilisait une personne par famille, mais pas toujours en même temps. La route entre Nabu à travers la région de Yebu se situait près de chez elle, ce qui implique qu'elle pouvait rentrer à la maison le soir, alors que d'autres devaient dormir sur le lieu de travail. Le traitement était différent du portage, qui était beaucoup plus difficile puisque les porteurs ne pouvaient se reposer que lorsque les militaires se reposaient. Ces derniers ne portaient aucune attention au fait que les porteurs étaient fatigués et affamés, et leur donnaient très peu de nourriture. Par contre, lors du travail sur la route, les villageois pouvaient apporter leur nourriture, dormir et se reposer tant que le travail se faisait. On leur assignait une partie de la route, et ce travail devait être terminé en cinq jours. Lorsqu'on refusait de faire du travail forcé, il fallait payer une amende d'environ 100 kyats par jour. Lorsque le travail était plus éloigné, on devait payer pour trois jours 300 kyats. Dans d'autres cas, cette somme ne pouvait être que de 60 à 70 kyats. Le montant payé variait selon la nature du travail. En ce qui concerne le portage, ce montant pouvait aller de 200 à 300 kyats par jour. Les militaires préféraient l'argent plutôt que d'obtenir des travailleurs. Toutefois, lorsqu'ils avaient vraiment besoin de travailleurs, ils les obtenaient. Ainsi, même lorsque les gens payaient, certains ont dû effectuer du travail forcé.


Ethnie:

Musulman

156

Age/sexe:

12 ans, masculin

Situation familiale:

Huit enfants (mère, sept frères et sœurs)

Education:

Aucune

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Yebu, Hlaingbwe, Etat Kayin

Le témoin a effectué du travail forcé pour les militaires depuis l'âge de 10 ans. Il a quitté le Myanmar au milieu de 1997. En ce qui concerne le travail forcé, il a travaillé sur la construction d'une route. Il devait couper du bambou en vue de la construction de cette route. Il devait creuser des trous et transporter des pierres chaque jour durant la saison sèche de 7 heures le matin à midi, puis il arrêtait pour manger le riz qu'on lui apportait. Il travaillait alors de 13 heures à 17 heures. Le travail était très difficile et il était très fatigué. Parfois, vers 11 heures du matin, les enfants se cachaient dans les buissons. Les militaires ne les voyaient pas, mais les autres travailleurs leur demandaient de revenir. Parmi les adultes, il y avait toujours au moins cinq enfants, et parfois jusqu'à dix. Il a dû lui-même exécuter du travail forcé, puisqu'il n'a pas de père. Lorsque sa mère ne pouvait y aller, c'est lui qui devait y aller. De plus, lorsque des villageois payaient, c'est lui qui devait y aller à leur place et il recevait 30 kyats par jour. Mais, la plupart du temps, il y allait pour sa propre famille. Lorsque les militaires lui ordonnaient d'effectuer un travail quelconque, il devaient le terminer. Dans le cas contraire, ceux-ci l'insultaient mais ne l'ont jamais frappé. A une occasion, il a vu l'officier en charge battre le chef du village parce que celui-ci ne pouvait trouver assez de gens pour exécuter le travail forcé. Il l'a attaché avec une corde et l'a battu avec une tige de bambou; les autres militaires ne semblaient pas être d'accord avec ces actes. Son père est mort alors qu'il effectuait du portage durant des combats, lorsqu'il était encore enfant. Il a entendu dire que les militaires battaient les porteurs qui ne pouvaient pas travailler. Il a vu que certaines personnes avaient des blessures sur le crâne et sur leurs épaules.


Ethnie:

Karenni

                        157

Age/sexe:

48 ans, masculin

Situation familiale:

Neuf (sa femme et sept enfants)

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Bee Lay Noh, Bilin, Etat Mon (à l'origine, il y avait 500 familles dans le village; maintenant seulement 100)

Le témoin en venu en Thaïlande il y a quatre ans: il est resté pendant trois ans et est retourné au Myanmar pendant quelques mois durant la saison des pluies afin de ramener quelqu'un avec lui en août 1996. Il est une fois de plus retourner au Myanmar et est revenu en Thaïlande en octobre 1997. Il y a quatre ans, il a dû couper des arbres et des bambous pour la construction de la route de Bilin à Papun. Il a dû travailler pendant quinze jours et a pu obtenir une journée de repos. Il a dû par la suite travailler une nouvelle fois quinze jours. Durant ce temps, il ne recevait pas assez de nourriture, ce qui fait qu'il ne pouvait continuer à travailler et a décidé de s'enfuir. Trois cents personnes par jour, une personne de chaque maison, devaient travailler sur la construction de la route. Les militaires avaient donné l'ordre au chef de village et les villageois devaient obéir sans rien dire. Il a vu deux femmes, deux jeunes filles et cinq hommes se faire tuer en une journée il y a de cela quatre ans. Ils ont été tués parce qu'ils étaient fatigués et avaient pris une pause durant le travail. Les militaires les avaient insultés, ils ont répliqué, et ceux-ci se sont fâchés et les ont tués. Ils les ont frappés sur la tête et ont violé les deux jeunes filles avant de les poignarder. La construction de la route se poursuivait lorsqu'il est retourné en octobre 1997. La première fois qu'il est retourné au Myanmar dans son village afin de ramener quelqu'un, durant la saison des pluies de 1996, il n'a pas eu à effectuer du travail forcé bien qu'il ait vu d'autres personnes poser des clôtures et creuser des tranchées. En 1997, il a dû effectuer du travail forcé pendant dix jours par mois (une personne de chaque famille devait couper des arbres et du bambou). La route n'est pas complétée mais le camp est complètement terminé aujourd'hui. Malgré cela, ils ont toujours dû continuer à couper du bambou. Les hommes qui ne pouvaient pas transporter le bambou étaient tués par les troupes du SLORC. Les femmes étaient battues et violentées. A une occasion, il a vu un homme âgé informer les militaires qu'il était fatigué et ne pouvaient plus continuer. Les militaires ont répliqué qu'il acceptait de travailler pour le KNU mais pas pour eux; ils l'ont donc battu; ils l'ont tué à coups de couteau. Une journée où tous les villageois coupaient du bambou dans la forêt, les militaires ont bu de l'alcool et ont contraint les femmes à venir dans leur camp. Une des femmes en question était très fatiguée et a demandé de se reposer. Les militaires l'ont battue avec une tige de bambou. Durant la soirée, il a tenté de retrouver cette femme mais elle n'était pas à la maison. Un moine du monastère l'a informé qu'elle avait été tuée par les militaires du SLORC. A une autre occasion, il a vu des militaires battre une femme jusqu'à la mort. Elle devait avec d'autres villageois couper du bambou mais elle avait demandé de se reposer et s'est assise. Un officier a répliqué que ceux qui voulaient se reposer devaient mourir. C'est ce qui s'est produit et ils l'ont tuée. En septembre 1997, les militaires ont brûlé plusieurs villages dans le canton de Bilin et ont contraint les villageois à se relocaliser ailleurs. Son village Be Lay Noh était un grand village avec un important camp militaire. Ainsi, les petits villages autour de Be Lay Noh ont été relocalisés à cet endroit. Plus tard, le commandant du camp a ordonné aux villageois de retourner dans leur village d'origine et ils ont dû construire de nouvelles maisons puisque les anciennes avaient été brûlées par les militaires. Les villageois devaient également couper du bambou et construire des maisons pour les familles des militaires du SLORC et du DKBA. Il s'est enfui avec sa famille et 60 autres familles ainsi que plusieurs autres personnes d'origine karenne des villages avoisinants. En tout, environ 300 familles restaient dans le même camp de réfugiés parce qu'elles n'avaient pas assez de nourriture. Il y a une année, les militaires du DKBA et du SLORC ont pris toutes leurs récoltes. Ils ont donc dû aller mendier. Les militaires leur ont donné seulement que trois petits contenants de riz par jour par famille. Ils ont tenté de s'éloigner du village pour cultiver près des montagnes là où les militaires ne pourraient les trouver, mais les cochons sont venus et ont tout manger.


Ethnie:

Karenni, chrétien

158

Age/sexe:

55 ans, masculin

Situation familiale:

Onze (lui, sa femme et neuf enfants)

Activité professionnelle:

Ancien chef de village

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Bee T'Ka, Hlaingbwe, Etat Kayin

Le témoin est venu en Thaïlande en 1996. Il est retourné dans son village en janvier 1998 et est revenu en Thaïlande en février. Des trois cents familles de son village, seules 50 familles bouddhistes sont toujours là; toutes les familles chrétiennes ont dû quitter. Il y a quatre ans, les troupes du SLORC et du DKBA ont commencé à chasser les villageois bien que certains soient revenus après quelques mois. Ceci s'est produit à plusieurs occasions. Toutefois, il y a deux ans, les militaires ne leur ont pas permis de retourner, ce qui fait que certains villageois ont vendu leur maison et ne sont jamais revenus. Il est venu en Thaïlande après avoir été arrêté à la suite d'accusations de possession d'armes. Avant de devenir le chef du village il y a dix ans, il a effectué quatre voyages de portage de deux à cinq jours chacun. Mais certains de ses enfants et d'autres personnes ont fait du portage pendant un mois de suite. Parfois, les militaires demandaient les porteurs pour trois jours, mais ceux-ci devaient rester jusqu'à un mois. Lorsqu'il est retourné en janvier 1998, les villageois devaient faire du portage tous les mois, habituellement pendant cinq jours. Lorsqu'ils ne pouvaient pas y aller, ils devaient payer 450 kyats par jour. Les villageois devaient effectuer la construction de la route et se rendre à pied sur le lieu de travail. Ils devaient y travailler et dormir sur place pendant une semaine jusqu'à ce que d'autres viennent les remplacer. Ceci implique qu'ils n'avaient plus le temps d'effectuer leur propre travail. Ses enfants ont travaillé il y a environ trois ans sur les routes de Dawlan et Natkyun, et également sur la route entre Ah Pou et Taun Zun pendant environ quatre jours par mois. Les autorités demandaient au chef du village de trouver des travailleurs et, lorsque celui-ci ne pouvait en trouver suffisamment, les militaires venaient et capturaient les gens dans le village. Durant le travail forcé, il a vu des militaires insulter des travailleurs mais jamais les tuer. Lorsque les militaires venaient au village, les villageois s'enfuyaient et les militaires tiraient sur eux. Il a vu plusieurs villageois se faire tuer alors qu'ils s'enfuyaient. D'autres ont été tués parce qu'ils étaient soupçonnés de soutenir le KNU. Lorsqu'il était chef de village, chaque famille a dû effectuer du travail forcé trois à quatre jours par mois. Aujourd'hui, les gens doivent effectuer du travail forcé chaque jour durant la saison sèche, mais toujours la même personne de la même famille. Les demandes d'argent de la part des militaires étaient maintenant un problème majeur. Si les militaires du KNU demandaient aux villageois de payer 10 000 kyats par année, le SLORC et le DKBA leur demandaient également la même somme. Ainsi, la plupart des villageois désiraient venir en Thaïlande bien qu'ils ne le pouvaient pas. Lorsqu'il est retourné dans son village en janvier, il a vu qu'entre Tichara et Tiwablaw, et entre Meh Pleh et Kyokyo, les militaires du SLORC-SPDC avaient brûlé des centaines de fermes ainsi que des rizières. Le bétail n'avait plus de quoi se nourrir et sautait souvent sur des mines. Il était maintenant essentiel d'engager quelqu'un pour montrer le chemin afin d'éviter les mines.


Ethnie:

Karenni, chrétien

159

Age/sexe:

48 ans, masculin

Situation familiale:

Marié avec cinq enfants

Activité professionnelle:

Travailleur journalier (avant la relocalisation)

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Mye Yeh, Kyaukkyi, division de Bago (le village comptait 47 familles; relocalisé il y a quatre ans à Yan Myo Aung avec 650 autres familles de huit villages différents)

Le témoin est arrivé en Thaïlande au début de janvier 1998. Il y a quatre ans, suite à une embuscade des soldats du KNU dans la forêt près de Mye Yeh, lorsque 14 militaires du SLORC furent tués, les troupes du SLORC ont détruit trois puits ainsi que des arbres dans le village. Ils ont arrêté tous les hommes, les femmes et les enfants du village ainsi que ceux de deux villages avoisinants (Ter Paw et Po Thaung Su), les ont attachés et les ont gardés au soleil en préparant leurs armes pour les abattre. Par la suite, un soldat a convaincu le commandant de l'innocence des villageois. Ainsi, ils n'ont pas été tués mais ont dû marcher jusqu'au site de relocalisation à quatre heures de marche. En ce qui concerne le travail forcé, deux ans avant la relocalisation, les villageois ont dû travailler sur la construction d'une route chaque jour pendant la saison sèche et la saison des pluies. Une personne par famille, homme, femme ou enfant, devait transporter des pierres. Il a dû lui-même travailler pendant six jours alors que sa femme a travaillé une journée de 6 heures le matin à 18 heures le soir avec une pause pour manger du riz une fois par jour. Alors qu'il travaillait sur la route, sa femme gagnait de l'argent en ramassant des légumes dans la forêt et en les vendant. Lorsque son tour est venu d'effectuer du portage alors qu'il travaillait sur la construction de la route, il a emprunté de l'argent pour payer afin de ne pas travailler comme porteur. Après la relocalisation, il a dû travailler sur la construction de la route seulement durant la saison sèche et seulement pendant quelques jours par mois puisque le travail était partagé entre plusieurs villages. Lorsque les villageois sont arrivés sur le site de relocalisation, on leur a assigné des tâches à chaque jour et ils devaient surveiller la route durant la nuit. Son quota était de trois jours et trois nuits de suite par mois dans un groupe de trois personnes. Entre février et novembre 1997, il a dû couper de l'herbe une fois toutes les deux semaines sur le site de relocalisation. A cette occasion, il a dû transporter du matériel pour les militaires: avant la relocalisation, cinq fois pendant trois jours à chaque fois; et après la relocalisation, à deux reprises. Pendant les six dernières années, il a été requis comme porteur une fois par mois mais il a payé au lieu d'y aller. Afin d'être exempté du portage pendant trois jours par mois, il devait payer 200 kyats par jour. Tout le monde devait effectuer du travail forcé ou faire du portage et la seule façon de s'en sortir était de payer. Les gens qui ne pouvaient pas payer devaient effectuer le portage; puisque sa femme avait un bébé, il craignait d'être tué durant le portage et il a donc décidé de payer. Quelqu'un de son village est mort durant le portage en janvier 1997, laissant une jeune veuve et un bébé. Il ne voulait pas y aller mais fut arrêté par les militaires. Un de ses compagnons de portage est revenu et lui a annoncé qu'un de leurs compagnons avait sauté sur une mine avec un militaire. De plus, en janvier 1997, quatre personnes du village de Yan Myo Aung se sont perdues durant le portage. Les autres villageois ont présumé qu'ils étaient morts. Après la relocalisation, une personne de chaque famille dans le village devait aller en forêt et couper des arbres et du bambou pendant une durée de un mois et demi. En même temps, les villageois de deux autres villages devaient aller planter des piments. Plus tard, il y eut une inondation des plantations de piments qui a détruit la récolte. Les militaires du SLORC sont venus et ont exigé des villageois ayant planté le piment un dédommagement de 150 000 kyats par village. Alors qu'il exécutait du portage, il fut frappé par les militaires à quelques reprises. A une autre occasion, il a dû transporter 20 mortiers. Comme il peinait avec cette lourde charge, les militaires l'ont battu. Il a fallu qu'un sergent major intervienne pour qu'on lui retire 10 mortiers de sa charge. Il a également vu un jeune garçon être violemment frappé par les militaires, mais il ne sait pas pourquoi. Lors de la construction des routes, les militaires insultaient les gens mais ne les frappaient pas. La dernière fois qu'il a effectué du travail forcé, ce fut en novembre 1997 alors qu'il a dû transporter des mortiers pendant cinq jours. Après cela, il a toujours préféré s'enfuir (comme les autres villageois) lorsque les militaires du SLORC approchaient de son village. Depuis la relocalisation, lorsqu'il n'effectue pas de travail forcé, il survit grâce à la pêche. Il est venu en Thaïlande parce qu'il n'y avait plus de riz et qu'il ne pouvait plus travailler pour sa propre famille.


Ethnie:

Karenni

160

Age/sexe:

Masculin

Situation familiale:

Marié, une fille

Activité professionnelle:

Fermier. Il travaillait sur les terres de son père.

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Noh Hay Hta, Papun, Etat Kayin (le village comptait environ 40 familles. Il y avait un camp militaire à environ trois miles)

Il a quitté le Myanmar en février 1997 puisqu'il n'était pas capable de subvenir aux besoins de sa famille en raison du travail qu'il devait exécuter pour les militaires. Personne ne pouvait s'occuper de ses récoltes pendant ses moments d'absence. Il lui restait cinq jours par mois pendant lesquels il pouvait se consacrer à ses propres affaires, ses propres cultures. 1) Portage. Il a dû faire du portage pendant dix ans, à deux reprises chaque mois. La durée variait, mais n'était jamais moins que cinq jours. Parfois les voyages pouvaient durer jusqu'à un mois, s'il y avait des opérations militaires. Toutes les familles de son village devaient fournir un membre masculin pour ce genre de travail. Ses frères ont dès lors eux aussi eu à faire du portage. L'ordre pour faire du portage venait des militaires, mais était transmis par le chef du village.Il n'a pas vu d'ordre écrit. Il devait transporter des munitions pour les mortiers, la nourriture et les casseroles pour la cuisine. Il y avait environ 40 à 50 porteurs pour 150 soldats. Il n'était pas rémunéré et ne recevait pas suffisamment de nourriture. Il a déjà été pris dans une bataille contre le KNU. Les porteurs devaient rester près des soldats. Il a fait l'objet de mauvais traitements, ayant reçu des coups de pieds puisqu'il était trop fatigué pour suivre le rythme de progression. On aurait menacé de le tuer. Il a vu deux porteurs qui seraient décédés puisqu'ils n'étaient plus en mesure de transporter la charge qui leur avait été assignée. Il n'y avait pas de médicaments disponibles en cas de maladie. 2) Monter la garde à proximité de la route entre Papun et Kamamaung. Son poste de travail était à environ trois miles de sa résidence. Il devait monter la garde à deux reprises pendant un mois, chaque assignation durant cinq jours. Il a exécuté ce travail en 1996 et jusqu'à son départ en février 1997. Tous les villageois devaient exécuter ce travail. Ses trois frères ont également été obligés d'y travailler. En fait, seules les personnes très âgées, incluant son père, étaient exemptées. Environ 400 personnes, incluant hommes, femmes et enfants, travaillaient en même temps que lui. Il devait dormir près de la route pendant ces journées. Il devait monter une tente à cette fin. Il a dû également poser, le long de cette route, une clôture qui servait de défense contre l'Union nationale karenne (Karen National Union) (KNU). En outre, les villageois devaient «nettoyer» la route chaque matin, ce travail consistant à vérifier si des explosifs n'avaient pas été posés. Advenant qu'une mine ait été oubliée et qu'un véhicule de l'armée sautât à son contact, les villageois devaient payer, à titre de représailles, un million de kyats. Chaque villageois, chaque village se voyaient dès lors assigner une section de la route aux fins de faire cette vérification. Il n'était pas rémunéré et devait apporter sa propre nourriture. A une occasion en 1997, après la saison des pluies, il a dû réparer un pont alors qu'il montait la garde. Les femmes de son village n'ont pas fait l'objet de mauvais traitements de la part des militaires. Il a toutefois entendu dire que des femmes d'autres villages auraient été violées, notamment une femme de Po Gay par cinq soldats. 3) Construction de tentes pour l'armée en 1997. L'assignation a duré dix jours et se trouvait à trois heures de marche de sa résidence (neuf miles). Chaque jour, 30 personnes travaillaient ensemble (total pour le mois: 300). Elles provenaient de trois villages différents, incluant le sien. Les ordres étaient donnés par les militaires. Les matériaux et le matériel (notamment bambous) nécessaires pour construire ces installations étaient fournis et transportés par les travailleurs qui ne recevaient aucune indemnisation à cet égard. Il était possible de payer une autre personne pour exécuter le travail: 150 kyats par jour. Il était également possible de verser des pots-de-vin, bien qu'il ne l'ait pas personnellement fait. Il n'était pas possible de refuser et connaît des personnes qui auraient été arrêtées puisqu'elles ne voulaient pas exécuter le travail. Il devait donner au gouvernement cinq paniers de riz sur 100 récoltés (un panier = deux boîtes de conserve de riz non cuit). Pour ce qui est des cannes à sucre, cinq contenants devaient être donnés sur 100. Tous les villageois devaient payer ces montants. C'est le chef de village qui devait collecter ces taxes. Elles étaient imposées au regard de dispositions de la loi. Il ne fait partie d'aucun groupement politique. Il retournerait au Myanmar si les conditions changeaient. Il craint d'être exécuté s'il y retourne (DKBA est dans son village).


Ethnie:

Musulman

161

Age/sexe:

30 ans, féminin

Situation familiale:

Mariée, une fille

Education:

Troisième année

Activité professionnelle:

Vendeur itinérant

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Mon Naing, Hlaingbwe, Etat Kayin (le village comptait 340 familles)

Elle a quitté le Myanmar au début de 1998 en raison du travail forcé pour les militaires. Personnellement, elle a dû faire du portage et monter la garde près d'une route. Son mari a également été requis de faire du portage et de participer à la construction de la route. Il lui restait en moyenne dix à quinze jours par mois pour vaquer à ses propres occupations. Le travail forcé est exécuté en rotation, un membre par famille. De façon générale, elle se partageait le travail forcé avec son époux. Elle a dû faire du portage à plusieurs reprises. En 1997, au total, elle aurait été requise à 12 reprises dont quatre pendant la saison sèche. Elle aurait fait du portage à huit reprises auparavant. A chaque fois, les assignations duraient au moins quinze jours. Au cours des deux mois qui ont précédé son départ, on lui a demandé de se rendre de son village au camp militaire de Mawpokay qui se trouve près de la frontière. Il s'agit d'un voyage d'environ huit jours. La durée totale de cette assignation a été de quinze à dix-sept jours. A l'aller, elle a dû gravir une montagne pendant cinq jours et la descendre par la suite pendant trois. Cent-vingt soldats participaient à ce voyage. C'est le chef de village qui organisait le travail requis par les militaires. Parfois, les militaires arrêtaient directement les personnes dont ils avaient besoin. Un membre par famille devait faire le portage lorsque requis. Son époux, sa nièce, sa sœur et son frère ont également dû faire du portage. En fait, généralement, c'est son époux qui a exécuté le portage depuis les quinze dernières années. Hommes et femmes pouvaient être requis de faire du portage pour les militaires. Parfois jusqu'à 30 à 40 femmes. Les hommes étaient généralement placés au-devant des colonnes et les femmes derrière. Elle a dû transporter des munitions pour les mortiers (cinq) et la nourriture (riz). Elle n'était pas rémunérée et ne recevait pas suffisamment de nourriture. Elle n'a pas personnellement fait l'objet de mauvais traitements, mais plusieurs de ses amies auraient été frappées lorsqu'elles ne réussissaient plus à porter les charges très lourdes qui leur avaient été assignées. Au cours des nuits, les soldats en profitaient pour toucher les femmes et les menaçaient avec leurs armes si elles criaient. Elle aurait été touchée à une reprise. Quatre hommes seraient décédés à bout de force. Il était possible de payer pour être remplacé, mais elle ne l'a pas fait puisqu'elle n'avait pas les fonds pour ce faire. Elle ne sait pas s'il était possible de payer des pots-de-vin. Tout refus pouvait entraîner une arrestation. Elle connaît du reste des personnes qui auraient été arrêtées pour ce motif. Elle a dû monter la garde à proximité de la route de Mon Naing, à Nyamarah (14 miles) durant les huit dernières années, à une reprise chaque mois. Chaque assignation durait cinq jours. Une personne par famille devait faire ce travail qui était exécuté uniquement par les femmes. Elle travaillait avec environ 130 autres femmes. Elle devait dormir près de la route avec quatre autres femmes dans une tente. Elle devait «nettoyer» la route de manière à ce que les militaires puissent y circuler sans danger. Elle devait également tenir les militaires informés de tous mouvements ou de toutes informations concernant le KNU. Elle n'était pas rémunérée et devait apporter sa propre nourriture. Lorsqu'elle était loin pour exécuter ce travail, son époux devait souvent s'absenter également pour faire du portage pour les militaires et de la construction de routes. Pour ce qui est de ce dernier point, son époux a dû y travailler dix jours par mois, quatre mois par année pendant les trois dernières années. Il s'agissait de la même route pour laquelle elle devait monter la garde. La route était principalement utilisée par les militaires aux fins de déplacer troupes, équipements et rations. Elle estime que les Musulmans recevaient le même traitement que les autres villageois pour ce qui est du travail forcé. Toutefois, une quinzaine de Musulmans qui ont tenté de retourner dans leur village, il y a environ trois mois, auraient été arrêtés et transférés vers un monastère bouddhiste où ils auraient été forcés de porter adoration à des objets sacrés de ce culte. S'ils refusaient, ils étaient battus par des membres du DKBA. Une taxe sur les récoltes devait être payée au gouvernement. Sur 100 paniers de riz, cinq devaient être donnés au gouvernement. Sur 100 vis de légumes, sept devaient aller au gouvernement. Elle ne pense pas que les Musulmans devaient payer plus que les membres des autres groupes (bouddhistes ou chrétiens) dans son village.


Ethnie:

Karenni

162

Age/sexe:

48 ans, féminin

Education:

Dixième année

Activité professionnelle:

Chef d'une section du village

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Bee T'Ka, Hlaingbwe, Etat Kayin (le village comptait 200 familles; il était divisé en huit sections, chaque section comptait 20-30 familles)

Elle a quitté le Myanmar au début de 1998 puisqu'elle avait terminé son terme à titre de chef de section et ne voulait plus être en contact avec les militaires. Les soldats la connaissaient. Si elle était demeurée, les soldats seraient éventuellement venus chez elle. Elle a fait son travail contre son gré, mais ne voyait aucune autre alternative puisqu'elle aurait pu être arrêtée ou battue si les militaires estimaient que son travail n'était pas satisfaisant. Les villageois assument le rôle de chef de section conformément à une rotation. Elle a été chef de section pendant un mois et a aidé son successeur pendant six mois. Les femmes sont souvent désignées à titre de chef de section ou de village puisqu'elles font généralement l'objet de moins de mauvais traitements de la part des militaires que les hommes qui assument les mêmes fonctions. Elle n'ose pas retourner puisqu'elle craint d'être arrêtée. A la demande des militaires, elle a dû organiser le travail des villageois pour ce qui est de la construction de la route entre Hpa-an et Dawlan. L'ordre reçu des militaires était écrit. Un membre par famille devait contribuer à ce travail. Elle a dû organiser le travail de 150 personnes incluant 90 femmes pendant six jours. Les villageois n'étaient ni rémunérés ni nourris. Ils étaient généralement réticents à l'idée de travailler mais finissaient par s'exécuter et semblaient finalement heureux de travailler ensemble. Une personne qui refusait d'exécuter le travail assigné pouvait faire face à une sanction qui était administrée par les militaires. Dans le cas où une famille ne pouvait contribuer, elle devait payer. Elle se servait alors de l'argent ainsi recueilli pour acheter de la nourriture pour les autres villageois qui travaillaient. Il était aussi possible de payer un substitut. Elle a également organisé le portage qui devait s'exécuter une fois par mois. Ce travail se faisait conformément à un ordre écrit des militaires. A chaque fois, huit à 12 villageois de sa section étaient désignés. Les villageois pouvaient lui donner directement l'argent lorsqu'ils ne pouvaient pas y aller ou engager un substitut. Il y avait deux types de portage: le premier consistait à transporter matériel, équipement ou nourriture d'un camp à un autre; le second était requis pendant les opérations militaires. Les femmes faisaient généralement le premier alors que le second était réservé aux hommes. Le portage des femmes durait en moyenne une journée alors que celui des hommes dépendait de l'importance de l'opération militaire. Les porteurs n'étaient pas rémunérés, mais étaient trop effrayés pour refuser d'aller faire le portage requis. Advenant un refus injustifié, les militaires les menaçaient de les relocaliser ou de brûler leur village. En outre, elle a dû organiser à trois reprises, pendant trois ans, une fois par année, la construction de deux camps militaires qui se trouvaient à proximité de son village (trois miles). Les villageois devaient aussi fournir le matériel nécessaire (notamment le bois) pour lequel ils ne recevaient aucune compensation. Ils n'étaient pas rémunérés. Elle a dû organiser la collecte de nourriture pour les militaires. A deux reprises pendant le mois, les villageois devaient fournir porcs, poulets et légumes aux militaires qui payaient un prix au moins deux fois inférieur à celui du marché (70 kyats le vis par rapport à 150 kyats). Enfin, à la demande des militaires, elle a dû convaincre les membres du KNU qui habitaient dans son village lorsqu'elle était chef de section de quitter cette organisation. Elle ne l'a pas fait de son plein gré, mais a été expressément requise par les militaires de ce faire.


Ethnie:

Karenni

163

Age/sexe:

37 ans, masculin

Situation familiale:

Marié avec deux enfants

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Klaw Ka Hti, Hlaingbwe, Etat Kayin

Le témoin a quitté le Myanmar au début de 1997. Les villageois devaient exécuter du portage pour les militaires et du travail forcé tel que l'envoi de messages, la coupe du bois, la construction de routes et le déminage. Le travail était organisé par les chefs de village conformément à une rotation. Une personne par famille devait l'effectuer. Parfois, les militaires venaient directement au village et arrêtaient les gens dont ils avaient besoin pour le portage. Il a vu des gens être battus, y compris son oncle qui fut battu jusqu'à ce qu'il tombe inconscient. Il a également vu des porteurs se faire ligoter pour ne pas qu'ils puissent s'échapper. Sa plus grande expérience avec le travail forcé est survenue lorsqu'il vivait avec la famille de sa femme juste avant son mariage, en 1996 et 1997 avant son départ pour la Thaïlande. Les gens de tous les villages de la région étaient contraints de participer à des opérations de coupe de bois. Ils n'étaient pas rémunérés pour le travail et devaient apporter leur propre nourriture. Les billots étaient coupés et transportés près de Paw Po Hta. Les billots étaient alors coupés en morceaux. Il a dû transporter ces billots une fois qu'ils étaient coupés. Les ordre indiquaient combien de travailleurs étaient requis pour ce type de travail. Lorsque les villageois ne respectaient pas les ordres, on leur disait que leur village allait souffrir. Une des punitions était que les militaires venaient au village, cherchaient dans les maisons et tentaient de trouver des activités illicites ou de fausses preuves, telles que des munitions. Ils revenaient plus tard et accusaient ces personnes d'activités rebelles. Ils volaient par la suite tous leurs biens et exigeaient le paiement d'amendes. Les militaires surveillaient de près les travailleurs pendant le travail forcé. Il n'y avait aucun problème lorsque ceux-ci exécutaient le travail. Ils étaient battus s'ils se plaignaient. Son oncle et son cousin furent battus de cette façon. Son oncle fut d'ailleurs battu et est tombé dans le coma et fut laissé sur le sol. Personne ne pouvait l'aider sinon ils étaient eux-mêmes battus. A une occasion, les militaires lui ont tiré dessus et un autre de ses amis fut également blessé alors qu'il retournait à sa village afin d'aller chercher de la nourriture. Ceci s'est passé lorsque la région subissait des combats entre les forces gouvernementales et celles du KNU. Ces combats eurent lieu quatre à cinq ans en arrière lorsque le SLORC a pris le contrôle de la région. Les villageois qui se rendaient à la frontière thaïlandaise étaient accusés à leur retour d'être des rebelles même si ils étaient partis que pour obtenir un traitement médical. Le travail forcé était requis dans chaque famille pour une personne une à deux fois par mois. La durée du travail dépendait de ce qu'il y avait à accomplir mais pouvait durer de deux à trois jours à chaque fois. Au total, les ordres exigeant d'exécuter ce travail étaient reçus trois à quatre fois par mois de façon rotative. Les villageois étaient également requis d'effectuer du portage pour les militaires. Ceci comprenait le transport de marchandises et le service de messager. Ils devaient également monter la garde près des routes lorsque des convois militaires transportant de l'équipement passaient par là. Il n'a pas eu à exécuter du portage lui-même parce qu'il était nouveau dans le village. Son beau-frère a dû effectuer du portage à plusieurs reprises, y compris il y a deux ans. A cette époque, il a reçu qu'un seul repas pendant deux jours. Il s'est enfui après deux jours. Les militaires arrêtaient et emmenaient avec eux autant de porteurs qu'ils pouvaient attraper, bien que parfois ils s'adressaient directement au chef du village. Les villageois (y compris les femmes) étaient requis de nettoyer les routes et de déminer. Ils utilisaient des balais et des bâtons. Il n'a vu personne être blessé par des explosions de mines de cette façon. Le travail forcé était également requis pour la construction de routes sur la route de Klaw Ka Hti jusqu'à Paw Maw Hta. Toutefois, il n'a pas eu à effectuer ce genre de travail durant les deux dernières années.


Ethnie:

Pa-o

164

Age/sexe:

30 ans, masculin

Situation familiale:

Une femme et cinq enfants

Activité professionnelle:

Agriculteur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Ti Lone, Hlaingbwe, Etat Kayin (le village comptait 1 000 familles)

Le témoin est revenu dans son village au milieu de 1997 pour six mois après avoir séjourné en Thaïlande depuis 1988. Il a dû exécuter du travail forcé et du portage à plusieurs reprises avant 1988, mais pas durant sa récente visite puisqu'il ne s'est pas enregistré avec les autorités. De ce qu'il a pu voir, il n'y avait pas beaucoup de travail forcé à part du portage. Les militaires venaient et amenaient avec eux des porteurs de temps en temps, ce qui fait que les villageois devaient se cacher à ces occasions. Le portage était toujours effectué sur une base rotative. Avant 1988, il a fait du portage pour l'armée en effectuant ce qui devait être fait (habituellement transporter du riz et des marchandises). Il y est allé à une reprise en 1987 pendant sept jours. Ils ont voyagé à pied toute la journée et dormaient le long de la route. Les militaires les insultaient et les battaient s'ils avaient des problèmes pour transporter leur charge. L'année dernière, lorsqu'il est retourné dans son village, il a dû payer à une occasion pour ne pas avoir à faire du portage. La situation était très mauvaise durant les six mois qu'il a passés là-bas. Il avait du travail mais ne pouvait toujours pas obtenir assez de nourriture puisque la moitié de ce qu'il gagnait devait être donnée aux militaires comme charge de porteur. Le village était divisé en sections aux fins de déterminer les tâches de portage. Un certain nombre était appelé dans chaque section pour travailler pour les militaires. Il a dû payer afin d'éviter cela puisqu'il n'était pas enregistré et devait contribuer tout de même aux taxes de porteur payées par la famille où il vivait.


Ethnie:

Musulman

165

Age/sexe:

43 ans, masculin

Situation familiale:

Marié avec sept enfants

Activité professionnelle:

Agriculteur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Nabu, Kawkareik, Etat Kayin (le village comptait de 300 à 400 familles)

Le témoin est arrivé en Thaïlande en mai 1997. Il a quitté parce qu'il ne pouvait plus tolérer les troubles et l'oppression du SLORC. Son village fut relocalisé en décembre 1996. Il a dû exécuter plusieurs types de travail forcé ainsi que du portage sur une base continue, particulièrement en 1996 lorsqu'un camp militaire fut construit près de son village. En août 1996, il a vu une femme qui travaillait sur la route être battue à mort parce qu'elle ne pouvait plus travailler. Dans les six mois avant la relocalisation, vingt-huit à trente et un jours par mois devaient être passés à faire du portage ou du travail forcé. En juin 1996, il a dû travailler sur la construction de routes de Nabu à Kyondo. Ce travail était exécuté par les villageois de façon rotative durant l'année. De plus, un nouveau camp fut construit en 1996 avant la relocalisation du village. Un troisième type de travail forcé était le portage. Tous ces types de travaux forcés se faisaient de façon continuelle les uns après les autres. Le village n'a reçu l'ordre de se relocaliser qu'une fois tous ces travaux forcés exécutés. Pendant six mois, ils ont exécuté trois types de travail forcé: construction de routes, travail dans le camp militaire et portage, les uns après les autres sans période de repos ou la possibilité de travailler à leurs propres affaires. Il y avait tout au plus une journée de repos de temps en temps. Les gens mouraient de fatigue ou de malnutrition. Tous les adultes devaient y aller et pas seulement une personne par maison: les femmes et les enfants âgés de 13 ans devaient y aller également. Ils l'ont même placé avec des femmes pour exécuter du travail. Les ordres pour ce travail venaient du chef du village. Mais lorsqu'ils avaient des problèmes pour trouver suffisamment de gens, les militaires venaient directement dans le village et arrêtaient les gens. En ce qui concerne les routes, environ 200 à 300 personnes à la fois de plusieurs villages travaillaient sur la route pendant quinze jours. Ils pouvaient retourner au village pour la nuit. Le travail de groupe se terminait uniquement lorsque la tâche était terminée. On leur disait ce qui devait être fait et le laps de temps octroyé pour ce faire. Le travail sur la route impliquait creuser la terre et la construction de remblais, en plus de couper des arbres et casser des pierres. Il a dû lui-même aller à quatre occasions différentes pendant quinze jours à chaque fois durant six mois avant la relocalisation. Il y a eu six mois de travaux continus sur cette route avant la relocalisation qui fut exécutée par les gens de son village. Lorsqu'il est revenu de ce travail, il y avait du portage à exécuter pour le camp militaire. En ce qui concerne le travail dans le camp militaire, il y avait trois groupes distincts: les bataillons d'infanterie 541, 548 et 549. Ils ont dû construire trois camps près du village de Nabu. Ces camps furent construits sur les terres mêmes des villageois que les militaires se sont appropriées à cette fin. Les villageois ont dû nettoyer le terrain, détruire les maisons et construire les camps. Ils ont coupé des arbres et ont dû les transporter sur le site. La construction de ces trois camps a duré une année. Les bâtiments étaient construits en ciment et également en bois. Ceci était également fait sur une base rotative pendant quinze jours. Lorsque les bâtiments furent terminés, d'autres types de travaux ont dû être exécutés dans le camp. Cela n'avait jamais de fin. La situation était tellement mauvaise que, lorsque la relocalisation est arrivée, ce fut presque un soulagement parce que les villageois avaient la chance de s'échapper. Les femmes et les enfants étaient également impliqués dans le travail au camp militaire. Les militaires insultaient les Musulmans et les battaient s'ils travaillaient trop lentement. Il a également fait du portage en trois occasions pendant dix jours en 1996. Il a dû faire du portage vers les montagnes Dawna dans l'Etat Kayin à de très hautes altitudes. Parfois, les militaires obligeaient les porteurs à travailler toute la nuit sans repos. En ce qui concerne le portage, la moitié du temps les ordres émanaient du chef du village, et l'autre moitié du temps les militaires venaient directement dans le village et arrêtaient tous les gens qu'ils trouvaient. Il fut arrêté à trois occasions: il s'est échappé deux fois et a dû terminer le portage la troisième fois. Les deux premières fois qu'il a fait du portage, il s'est échappé. Sa charge comprenait du riz et des munitions et pesait environ 33 kilos. Les militaires insultaient et battaient les travailleurs et les traitaient comme des animaux. Ils leur tiraient dessus si ceux-ci essayaient de s'enfuir. La violence était la même lors du portage que pendant le travail forcé bien que le traitement qu'il recevait pendant le portage était encore pire puisqu'il n'obtenait ni nourriture ni repos. Parfois, les porteurs étaient affamés et ne recevaient qu'un peu de soupe au riz. Au contraire, les travailleurs pouvaient apporter leur propre nourriture sur les sites de travail forcé. Tout ce que les porteurs recevaient était deux repas le matin et le soir: un total d'une portion de riz au lait condensé sans sel ni curry. Ils ramassaient des feuilles dans la forêt afin de les manger avec le riz et travaillaient toute la journée sans repos. Ils travaillaient même parfois durant la nuit. Si quelqu'un tombait malade, il n'y avait pas de traitement médical. Lorsque les porteurs étaient trop malades pour continuer, ils étaient abandonnés le long de la route. Il n'a jamais vu un porteur se faire tuer par les militaires bien qu'il ait entendu que cela arrivait parfois. Habituellement, il n'y avait pas de femmes porteurs. Le garçon le plus jeune comme porteur avait environ 13 ans. Les hommes devaient effectuer du portage jusqu'à l'âge de 70 ans. A l'occasion, les femmes étaient requises comme porteurs lorsque les militaires ne pouvaient trouver assez d'hommes. Il n'a pas été témoin de cas de violences sexuelles sur les femmes. Il y avait toutefois d'autres formes de violences physiques. Pendant le travail dans le camp militaire, les villageois devaient fournir leur propre nourriture en même temps que ce que tous les militaires avaient besoin, y compris de la nourriture pour eux-mêmes. Lorsque les villageois ne faisaient pas ce que les militaires demandaient, ils encouraient des problèmes. Lorsqu'ils ne pouvaient fournir des animaux, ils devaient donner de l'argent. Le village fut relocalisé en décembre 1996. Lorsque ceci est arrivé, il est parti dans un autre village karen et est resté là-bas jusqu'au moment où il a pu s'échapper pour la Thaïlande. Entre janvier et mai 1997, il s'est caché dans différents villages afin de ne pas avoir à exécuter le travail forcé. Il ajoute que tout le monde était requis pour faire du travail forcé et non seulement les Musulmans. Mais les mauvais traitements qu'on infligeait aux Musulmans étaient pires que ceux infligés aux Karens. En septembre 1997, il a appris que la mosquée de Nabu avait été détruite par les militaires et ceux-ci vivaient à cet endroit depuis la relocalisation. Au moment de la relocalisation, un autre site fut choisi pour que les villageois aillent s'y installer. Mais il n'y avait pas d'eau dans cette région, ce qui fait que personne n'y est allée. Les villageois savaient qu'ils ne pouvaient survivre là-bas. «Il n'y avait aucune compassion pour nous.»


Ethnie:

Karenni

166

Age/sexe:

34 ans, féminin

Situation familiale:

Huit (elle, son mari et six enfants)

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Meh The, Hpa-an, Etat Kayin

Le témoin a livré son témoignage en présence du témoin 167. Elle est en Thaïlande depuis deux mois (depuis le début de 1998). Elle et le témoin 167 sont arrivés ensemble. Elle a travaillé comme chef de village avec une autre femme. Elles recevaient toutes les deux les ordres écrits concernant plusieurs types de travail forcé et de portage, y compris des ordres répétés assortis de menace. En plus du travail forcé, le village devait fournir deux tiers de toute la nourriture ainsi que de l'argent aux militaires sous forme d'impôts. Il était donc impossible de survivre au village. La population se dispersait dans d'autres villes ou en Thaïlande. Les gens ne pouvaient plus supporter le travail forcé et n'avaient pas assez de nourriture pour survivre puisqu'ils devaient donner celle-ci au gouvernement. On leur permettait de conserver seulement qu'un tiers de leur nourriture, ce qui n'était pas suffisant pour survivre. En ce qui concerne ses fonctions en tant que chef de village, elle a été choisie conjointement avec une autre femme puisqu'aucun homme n'osait faire ce travail. Les hommes savaient qu'ils seraient battus ou tués. C'était un peu plus facile pour les femmes. Ainsi, les femmes effectuaient ce travail en rotation et maintenant c'était son tour. Deux femmes servaient en même temps pendant quinze jours parmi celles qui pouvaient réussir ce travail. On utilisait deux femmes à la fois parce qu'une seule n'osait pas faire face aux militaires. La garnison n'était pas près du village, ce qui implique qu'un long voyage devait être effectué. Les femmes craignaient les militaires ainsi que les longs voyages si elles devaient y aller seules. Elle a été chef de village à trois reprises et a dû organiser les tâches de travail forcé. Elle devait également fournir de la nourriture lorsque les soldats l'exigeaient. Les ordres écrits concernant les tâches étaient envoyés par messager. Parfois, elle devait elle-même aller à la rencontre des militaires dans le camp. Le nombre de travailleurs requis était indiqué dans les ordres. A d'autres occasions, les porteurs étaient arrêtés directement. Des tâches de surveillance pendant trois jours étaient continuelles et effectuées en rotation. Le travail dans le camp consistait à couper du bambou et poser des clôtures. Les porteurs étaient utilisés sur une base régulière de cinq jours à la fois en rotation. Elle a elle-même effectué du portage à plusieurs reprises, habituellement pour un ou deux jours, mais sur des courtes distances. Son mari et les autres hommes du village l'ont effectué pendant des périodes plus longues. Elle faisait du portage lorsqu'elle n'était pas chef de village. On demandait également des porteurs d'urgence lorsque les militaires devaient se rendre de village en village. Les nouveaux porteurs étaient choisis par les troupes à l'avance. Les femmes étaient remplacées les premières, puis les enfants et les hommes âgés, qui étaient également utilisés comme porteurs. Quiconque était capable de transporter un sac à dos militaire pouvait être utilisé comme porteur. Les plus jeunes avaient 13 ou 14 ans. Elle a transporté des munitions: six obus d'environ 25 kg. Lorsque les ordres n'étaient pas suivis concernant le nombre requis de travailleurs, le village recevait une amende consistant en un certain nombre de bouteilles d'alcool ou un certain nombre de poulets. Un deuxième ordre était habituellement envoyé, mais cette fois il contenait une cartouche, un morceau de piment et un morceau de charbon comme avertissement. La cartouche signifiait que la personne allait être tuée. Le charbon signifiait que le village allait être brûlé. Elle ne savait pas ce que représentait le piment mais savait que cela n'augurait rien de bon. Elle avait reçu ce type d'avertissement à deux reprises. La première fois fut parce qu'un nombre insuffisant de porteurs avaient été envoyés. La seconde fois, parce que le travail n'avait pas été fait de façon adéquate. La première fois, l'avertissement était écrit en encre rouge et était accompagné d'une cartouche et d'un morceau de charbon. La seconde fois, il y avait une cartouche, un morceau de charbon et du piment. Il n'y a jamais eu de sanction contre son village alors qu'elle était chef du village. Mais d'autres chefs de village ont été enfermés dans le camp militaire et leurs jambes coincées dans un carcan pendant une journée ou deux. Le village devait payer une rançon en poulets ou en porcs afin de les faire libérer. A une occasion, le camp militaire a tiré un obus sur le village et a blessé une personne parce que ceux-ci croyaient que le village abritaient des membres du KULA. Lorsqu'un villageois ne pouvait aller faire du portage, il devait payer 500 kyats aux militaires afin d'engager un remplaçant. A cause du travail forcé considérable et de nombreux paiements, les villageois ne pouvaient plus survivre. Plusieurs ont quitté pour les collines et d'autres devraient suivre. Puisque le village était petit, les gens devaient exécuter du travail forcé à maintes reprises. Le village devait fournir 20 personnes à la fois, ce qui implique qu'environ chaque jour plus de gens devaient être envoyés. Les gens passaient une journée à effectuer du travail et obtenaient une journée de congé. Habituellement, pour chaque famille, une personne allait faire le travail forcé et les autres travaillaient sur la ferme. Mais les villageois devaient également donner les deux tiers de leur nourriture et de leur argent aux militaires, ce qui fait qu'il ne leur restait presque plus rien pour eux.


Ethnie:

Karenni

167

Age/sexe:

18 ans, féminin

Situation familiale:

Mariée avec un enfant

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Meh The, Hpa-an, Etat Kayin

Le témoin a livré son témoignage en présence du témoin 166. Elle n'a pas eu à faire du travail forcé elle-même parce qu'elle n'a pas osé. Son mari est toujours allé à sa place. Il a fait du portage et du travail forcé et a coupé du bambou pour les militaires. Il a exécuté du travail forcé de cinq à huit jours par mois. A une occasion, il en a fait pendant un mois entier. Il fut battu à une occasion parce qu'il avait de la diarrhée ou de la dysenterie et devait se rendre aux toilettes fréquemment. Son mari n'a pas eu à travailler à la construction de routes, mais d'autres gens de son village ont dû y travailler. Sa mère et son père ont également exécuté du travail forcé pour sa famille lorsqu'elle vivait avec eux. Son mari a fait du portage à six reprises entre l'âge de 16 et 18 ans.


Ethnie:

Karenni

168

Age/sexe:

48 ans, masculin

Situation familiale:

Veuf avec quatre enfants

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Tee Pa Doh Hta, Bilin, Etat Mon (le village comptait 217 familles)

Le témoin est venu en Thaïlande en août-septembre 1997 parce que l'armée rendait la vie insécure et difficile dans son village. Lorsque les militaires rencontraient des villageois à la campagne et qu'ils pensaient que ceux-ci allaient s'enfuir, ils les attachaient et menaçaient de les tuer. Afin d'aller travailler dans leurs champs, les villageois devaient obtenir un laisser-passer pour un nombre spécifique de jours; si les militaires avaient des soupçons concernant un villageois, même lorsque celui-ci détenait un laisser-passer, ils pouvaient faire tout ce qu'ils voulaient de lui. Il a effectué du travail forcé à partir de 1983, lorsque des opérations militaires ont débuté dans sa région, et jusqu'en 1987, lorsque le travail forcé est devenu une routine journalière. En effet, ce travail lui prenait la moitié de son temps durant toute l'année, y compris durant l'été et l'hiver, la saison sèche et la saison des pluies. Durant la saison des pluies, les charrettes et les voitures ne pouvaient traverser et les villageois devaient transporter les marchandises pour les militaires. Il n'avait plus le temps de travailler à ses propres affaires parce qu'il devait constamment travailler pour les militaires. La pire forme de travail forcé était le portage. La charge assignée était plus lourde que ce qu'un homme pouvait transporter et il devait en plus transporter sa propre nourriture. Habituellement, le portage se faisait durant cinq jours, en rotation, mais, si le remplaçant n'arrivait pas, cela pouvait durer pendant un mois. De plus, lorsqu'un nouveau groupe de militaires arrivaient, quelqu'un pouvait se voir demander de travailler à nouveau, ce qui implique qu'il ne lui restait plus de temps pour gagner sa vie. Il a effectué du portage à plusieurs reprises; au mois deux fois par année pendant plus d'un mois. La période la plus longue fut pendant deux mois et quinze jours lorsqu'il est venu à Tah Kwa Law Soe en 1989, et trois mois et vingt jours à Twi Pah Wee Cho durant l'opération de 1991. Lors de cette offensive, il y avait 400 à 500 porteurs qui venaient de plusieurs villages, certains appelés par le chef du village, d'autres capturés directement par les militaires. Ce nombre comprenait 30 porteurs de son village (217 familles). Il a dû transporter 12 obus qui pesaient 39 kg. La dernière fois qu'il a fait du portage était en août 1997 pendant sept jours. Après cela, il a quitté le village. Son fils le plus âgé a également dû faire du portage environ 20 fois dans les cinq ou six dernières années à partir de l'âge de 20 ans jusqu'à son départ. Mais son fils n'a pas eu à faire du portage aussi souvent que lui, c'est-à-dire seulement sept, huit ou dix jours à la fois. Les porteurs qui ne pouvaient continuer étaient tués par les soldats, lapidés. Durant l'opération de Twi Pah Wee Cho en 1991, il était trop faible et ne pouvait plus transporter sa charge. Ils l'ont donc battu sur la poitrine (il montre des cicatrices) et il saignait. Ils l'ont également battu sur le côté et sur la tête (il montre de nouveau deux cicatrices). Après l'avoir presque tué, les militaires l'ont renvoyé à Meh Myeh (camp militaire). Durant la même opération, il a vu des militaires tuer deux porteurs qui étaient trop faibles pour continuer. L'un d'eux est mort après avoir été frappé à l'estomac et l'autre fut tué avec une pierre. Les porteurs n'étaient pas rémunérés durant l'opération, mais ils recevaient de la nourriture en petite quantité. De plus, l'été dernier, lui et d'autres villageois ont dû construire un camp militaire, creuser des tranchées et ériger des abris. Ils ont également dû couper des tiges de bambou et poser des clôtures autour du village et du camp. Par la suite, pour le camp militaire, des mines et des trappes en bambou ont été installées entre les clôtures. Ils ont été contraints de faire ce travail forcé non seulement pour leur village, mais également pour deux petits villages où ils devaient apporter leur propre nourriture. Le travail était difficile et pas tellement différent du portage. Les travailleurs devaient travailler de 8 heures le matin à 17 heures; lorsqu'ils travaillaient dans d'autres villages, ils devaient rester là-bas pendant quelques jours. Il a personnellement dû travailler sur les clôtures trois fois par année, mais jamais moins de vingt jours à la fois (parfois, pendant un mois). Lorsqu'il terminait à un endroit, il était envoyé ailleurs si on avait encore besoin de lui. Chaque famille devait fournir une personne pour ce type de travail, faute de quoi il devait donner 1,6 kg de poulet et 100 kyats par jour. Si ce travail durait quatre jours, la personne devait donner l'équivalent de quatre fois 1,6 kg de poulet en plus de 1 000 kyats: la compensation était proportionnelle au nombre de jours d'absence dans le cas des poulets uniquement. Par contre, en ce qui concerne l'argent, les montants exigés étaient excessifs. Si quelqu'un ne pouvait donner du poulet, il devait payer 250 kyats pour chaque poulet qu'il ne pouvait donner. Il a dû donner ce type de compensation à deux ou trois reprises, y compris à une occasion lorsqu'il restait à la maison parce que sa plus jeune sœur était malade. De plus, d'octobre à juin, chaque famille a dû fournir quelqu'un pendant vingt-quatre heures, trois fois par mois, afin de surveiller et nettoyer la route. Pour sa famille, on envoyait généralement son frère plus jeune à partir de l'âge de 10 ans pour effectuer ce travail. Il refusait de laisser son fils plus âgé y aller parce qu'à chaque fois que les militaires voyait quelqu'un de 15 à 16 ans ceux-ci décidaient de l'utiliser comme porteur bien qu'il soit en train d'effectuer une tâche de surveillance. Durant la surveillance, son fils ne pouvait dormir la nuit et devait nettoyer la route ainsi que déminer deux fois par jour. Ce travail était dangereux. Une fois, en 1995, une mine a explosé et une personne qui effectuait une tâche de surveillance a perdu une jambe et est morte par la suite sans traitement. Parfois, lorsque les militaires étaient en embuscade, si quelqu'un tirait sur eux, ils punissaient la personne qui devait surveiller. Lorsqu'une voiture était endommagée ou que des militaires étaient blessés, tout le village devait payer pour le dommage causé. A une occasion, tous les neuf villages se situant près de la route de Yoh Kla jusqu'à Kyo Wine, près de 940 familles, ont dû payer 500 kyats par famille en réparation d'une voiture endommagée.


Ethnie:

Musulman

169

Age/sexe:

30 ans, masculin

Situation familiale:

Marié avec trois enfants

Activité professionnelle:

Pasteur musulman

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Mon Naing, Hlaingbwe, Etat Kayin (il a déménagé à Pata en février 1997)

Le témoin est venu en Thaïlande en septembre 1997 parce qu'il avait dû effectuer du travail forcé ou payer des sommes d'argent qui dépassaient ce qu'il pouvait payer avec son salaire de pasteur de 1 000 kyats par mois. Après être revenu d'un portage d'urgence en février 1997, il a déménagé dans un autre village, à Pata, où la situation n'était pas aussi mauvaise qu'à Mon Naing. Mais la situation là-bas s'est de nouveau détériorée après quelques mois, et il a décidé de quitter le pays avec sa famille. Plus précisément, il a dû effectuer du travail forcé de 1992 à 1997 sous différentes formes: portage, y compris portage d'urgence, travail divers, tâches de surveillance. Afin d'éviter le portage, le témoin devait payer une taxe de porteur. Lorsqu'il trouvait un ami qui pouvait le remplacer, il le payait 80 kyats par jour. Lorsqu'il ne pouvait trouver personne, il devait payer 200 kyats par jour aux autorités. Comme il était pasteur, ses proches ont effectué le portage régulièrement pour lui. En ce qui concerne le portage d'urgence, il fut capturé par les soldats le 30 janvier 1997 et a dû l'effectuer jusqu'au 27 février lorsqu'un porteur de son village ainsi que des membres de sa famille ont payé 2 000 kyats afin de le faire relâcher. Les militaires capturaient n'importe qui et décidaient qu'il y avait du portage d'urgence. Il fut capturé près de sa mosquée par le sergent major Ngwe Zan du bataillon 28 (bataillon de Thura Po Sein, commandant de compagnie Aung Moe). Il a dû transporter une charge d'environ 32 kg de petites cartouches, de riz et de fèves depuis son village en traversant une montagne de 5 000 pieds. Les femmes devaient transporter plus de 16 kg. Il était dans un groupe de 400 à 500 porteurs, comprenant 180 femmes provenant de quatre villages qui devaient transporter des marchandises sur la ligne de front. Lorsque les militaires l'ont arrêté, les mains des hommes étaient attachées et ils restaient ainsi même pour dormir ou pour aller aux toilettes. Ils étaient nourris seulement avec une portion de riz au lait pour huit personnes. Il a vu 16 porteurs être battus à mort. Certains furent battus à mort parce qu'ils ne pouvaient plus transporter leurs charges et s'étaient reposés. Un autre fut tué après avoir bu de l'eau de la rivière. Une autre personne se sentant étourdie, s'est assise un moment et a été battue à mort. Un de ses amis, Soba, un musulman de Kawkareik, fut également battu à mort. Il a également vu d'autres personnes qui ne pouvaient plus transporter leur charge être battues. Elles n'ont pas toutefois succombé à leurs blessures. Habituellement, les militaires battaient les gens lorsque ceux-ci étaient fatigués. Il a lui-même été battu en raison du seul fait qu'il avait regardé dans une autre direction. Les femmes étaient placées entre les militaires et certaines d'entre elles furent violées, y compris cinq femmes musulmanes de son village qui lui ont raconté cet incident le jour suivant. Elles devaient dormir parmi les militaires. Ceci se passait presque toutes les nuits pour toutes les femmes, y compris les musulmanes, les karens ou quiconque se trouvait là. Dans son village, tout le monde a dû effectuer du portage et a été battu ou blessé. Trois furent blessés, incluant son cousin qui a eu une jambe arrachée après avoir marché sur une mine alors qu'il exécutait du portage. Deux villageois ont eu des côtes brisées et deux autres la clavicule cassée alors qu'ils exécutaient du portage et qu'ils se sont fait battre pendant qu'ils se reposaient. Lui-même a eu des problèmes avec son dos à la suite du transport de charges très lourdes, en février 1997. A cette époque, il a dû, avec un autre porteur, transporter un soldat blessé. En 1983-84, son frère plus âgé et son beau-frère ont été tués alors qu'ils effectuaient du portage. Lorsque les corps ont été ramenés après plus de seize jours, son frère avait la gorge tranchée et son beau-frère avait des blessures de baïonnette dans la poitrine. Les porteurs qui les ont ramenés lui ont dit que les militaires les avaient tués. De plus, trois fois par mois, son village (où il ne restait que 80 familles) devait fournir dix personnes pour effectuer des tâches de surveillance qui duraient toute la journée et la nuit pendant cinq jours de suite. On pouvait trouver un remplaçant si l'on payait 30 à 50 kyats par jour ou 70 kyats par jour payés directement aux autorités. Il a lui-même effectué des tâches de surveillance ou a envoyé sa femme, bien que celle-ci avait un bébé de six mois qu'elle devait emmener avec elle. Parfois, sa mère, elle-même, est allée. Lorsqu'il effectuait des tâches de surveillance, il devait apporter des billots avec une charrette pour s'assurer qu'il n'y avait pas de mines sur la route. Finalement, en ce qui concerne le travail volontaire, il devait payer un montant de 200 kyats par jour aux autorités; tout comme le portage, si quelqu'un n'y allait pas, il pouvait envoyer un remplaçant. La différence était que la durée était fixée d'avance et, lorsque le tour de quelqu'un venait, ceux-ci partaient pendant quinze jours. Tandis que pour le portage, lorsque le tour de quelqu'un venait, tout dépendait de la durée pendant laquelle les militaires auraient besoin de porteurs. Lorsque son tour venait pour le travail «volontaire», les membres de sa famille et de sa communauté le remplaçait, tout comme ils le faisaient pour le portage régulier.


Ethnie:

Karenni

170

Age/sexe:

26 ans, masculin

Situation familiale:

Marié

Education:

Troisième année de collège

Activité professionnelle:

Soldat (grade de sergent dans un bataillon d'infanterie)

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Insein, division de Yangon

Le témoin a joint l'armé en 1995 parce qu'il devait gagner sa vie et n'avait pas d'autres choix. Il a déserté et est venu en Thaïlande en août 1997 parce que, en tant que Karen, il ne pouvait plus voir les gens de son peuple être contraints d'effectuer du travail forcé et être opprimés par le gouvernement. En étant dans l'armée, il pouvait protéger les membres de sa famille mais pas les autres personnes. Il y avait donc de la discrimination même dans l'armée entre les Karens et les Birmans. En ce qui concernait l'entraînement des officiers, les étudiants birmans étaient choisis tandis que les Karens devaient payer beaucoup pour pouvoir y avoir droit. Alors qu'il était dans l'armée, il a vu des gens faire du travail forcé à trois ou quatre reprises lorsqu'il était à Lashio, et même à Yangon, et également à Hpa-an, Manerplaw et Kawkareik. Les différents types de travail forcé comprenaient le portage, le déminage, la construction de routes et de ponts. Lorsque le témoin a servi à Lashio, son bataillon (numéro donné à la commission) a dû fournir des civils pour le portage et le travail sur les routes. D'autres bataillons les informaient de leurs besoins en main-d'œuvre. Certains bataillons devaient recruter le plus de personnes possible et son bataillon devait fournir le transport pour ces troupes. Depuis Lashio, il a été témoin de trois groupes de 170, 80 et 90 personnes, respectivement, qui ont été envoyées à Kunlon et Kurkai, sur la frontière chinoise et dans le Nord de l'Etat Shan afin de transporter des munitions et des marchandises pour les militaires. Ceux qui ne pouvaient pas continuer devaient construire des routes. Certains devaient y aller pour une semaine et d'autres pour un mois. Certains ont été tués alors qu'ils tentaient de s'échapper. A Kutkai, lorsqu'un glissement de terrain a arrêté le mouvement des troupes, il y avait des bulldozers disponibles mais les officiers ne les ont pas utilisés puisqu'ils voulaient vendre le carburant sur le marché noir. Ils ont plutôt utilisé des personnes afin de nettoyer la route. Une personne est tombée dans la rivière et est morte. Même à Yangon, il a vu du travail forcé depuis son tout jeune âge, et ceci se poursuit toujours aujourd'hui. Il a vu des gens contraints de niveler les routes pour la construction d'un camp militaire; certains furent mordus par des serpents et ne reçurent aucune indemnisation. Les militaires capturaient trois, voire quatre, camions pleins de personnes. Il a été témoin de tout cela. Une journée où il était en congé, il est retourné chez lui en uniforme et a appris que son ami (nom donné à la commission) avait été capturé par les militaires alors qu'il buvait du thé dans une maison de thé. Il connaissait le chauffeur et a trouvé son ami en prison mais a réussi à le faire libérer en convainquant les officiers qu'il s'agissait de son propre frère. Les gens qui étaient capturés de cette façon devaient travailler pour des périodes de trois à quatre mois et n'étaient pas rémunérées. De plus, des provisions avaient été faites dans le budget du département responsable pour fournir de la nourriture aux porteurs, mais les officiers ne leur donnaient que la moitié de ce dont ils avaient droit et gardaient le reste pour eux-mêmes. Les gens capturés étaient utilisés pour la construction du pont Than Lwin à Yangon, alors que d'autres étaient amenés dans des villes ou même sur la ligne de front. En ce qui concerne ses amis, ils ont généralement réussi à payer pour s'échapper. A chaque deux ou trois mois, les autorités venaient pour collecter 300 kyats de taxes de porteurs imposées à chaque famille dans les régions centrales de Yangon, y compris Insein, Kaway Chaung, Thamine, Kyutgon, qui étaient toutes des quartiers résidentiels de Karens. Mais, en principe, 300 kyats étaient suffisants pour éviter le portage. Par contre, lorsque quelqu'un était capturé pour le portage, les parents devaient payer entre 4 000 et 5 000 kyats pour le libérer. Dans la ville de Hpa-an, juste avant son arrivée en Thaïlande en juin 1997, il a vu des personnes être arrêtées près d'une jetée. Son département a été requis de fournir six camions mais n'a pu en livrer que cinq. Un camion pouvait contenir environ 50 personnes, bien qu'ils en mettaient 80 par camion. Ces gens étaient amenés dans des endroits tels que Nabu, Wawle, Kawkareik, Thingannyinaung. A ces endroits, ils devaient transporter de la nourriture et d'autres marchandises en tant que porteurs pendant deux ou trois mois. Même si elles ne savaient pas où elles se trouvaient, certaines personnes ont tout de même tenté de s'enfuir mais ne sont jamais revenues dans leur village. A Hpa-an, il a vu des militaires battre des porteurs (mais il n'a pas vu cela à Lashio). En juin 1997, le témoin a conduit des porteurs dans un camp militaire près de Manerplaw, où se situait les anciens quartiers généraux du KNU; les porteurs se voyaient remettre des tiges de métal afin de détecter celles-ci. Il restait derrière alors que les hommes qui devaient déminer étaient devant: cinq démineurs devant et cinq personnes derrière. Lorsqu'ils voyaient une mine, ils criaient. Il n'a vu personne se faire blesser bien qu'ils aient trouvé huit ou neuf mines; des experts les ont désamorcées. Dans d'autres groupes, des mines auraient tué plusieurs personnes. Lorsque ses camarades sont rentrés en avril 1997 de Hill 962, un endroit nommé Ta Lay, ils lui ont rapporté que huit porteurs avaient été blessés après avoir marché sur des mines. Ceux qui étaient gravement blessés furent tués par les militaires puisque ces derniers ne voulaient pas leur fournir de traitement médicaux. Il a vu le dossier personnel d'un militaire (nom fourni à la commission) qui a été rétrogradé. Il lui a demandé de lui expliquer les raisons de cet acte. Durant une opération sur la ligne de front, un lieutenant de 25 à 26 ans a groupé les villageois autour du camp et leur a demandé s'ils avaient vu des militaires du KNU. Lorsqu'ils ont répondu «non», le lieutenant a demandé à une femme de 80 ans dans la foule de lui dire la vérité. Il l'a, par la suite, frappée sur le front et lui a demandé, une fois de plus, de dire la vérité. Le caporal a tenté de dissuader le lieutenant qui lui a répondu de s'occuper de ses affaires. Il a continué de frapper la vieille dame bien qu'elle gisait sur le sol. Lorsque le caporal l'a imploré de cesser, le lieutenant l'a sommé de se battre et, puisque le caporal est resté silencieux, il a ramassé la vieille dame et lui a craché au visage. Le caporal savait qu'il ne pouvait arrêter le lieutenant et l'a frappé avec son arme. Ce qui explique que le caporal a été rétrogradé et a été enfermé pendant trois mois. Au camp 1-450 (compagnie 1 du bataillon 450), près de Kawkareik, au début de 1997, des villageois furent requis de couper du bois et de transporter les billots sur un site de construction. Ceci aurait pu être fait avec des bulldozers. Plus de 100 personnes ont été utilisées pour ce travail pendant deux à trois mois. Elles étaient gardées dans un endroit la nuit d'où elles ne pouvaient s'échapper. Finalement, en parallèle à ses tâches dans l'armée, lui et d'autres militaires ont dû planter des arbres et creuser des puits, pour le développement de la discipline militaire. Ceci signifiait qu'ils ont dû travailler des heures supplémentaires la nuit, presque vingt jours par mois. Au lieu de travailler de 8 heures le matin à 16 heures, ils devaient travailler de 6 heures le matin à 3 heures le lendemain matin. Ils ne dormaient que pendant trois ou quatre heures. Ceci arrivait assez régulièrement un peu partout. Par exemple, les officiers plantaient quelque chose, gardaient les deux tiers des profits pour eux-mêmes et un tiers pour acheter des provisions pour l'armée. Lui-même n'a rien reçu.


Ethnie:

Karenni

171

Age/sexe:

46 ans, masculin

Situation familiale:

Marié, trois enfants

Education:

Quatrième année

Activité professionnelle:

Fermier. Il possédait une terre. Son beau-père, qui vit dans un autre village, s'en occupe en cachette.

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Meh The, Hpa-an, Etat Kayin (Le village comptait une trentaine de maisons mais il a été détruit récemment par les militaires afin d'éviter que les membres de l'Union nationale karenne (Karen Nation Union) (KNU) puissent y trouver refuge.)

Le témoin a quitté le Myanmar au début de 1998. Il a dû faire du 1) portage, 2) monter la garde à proximité d'une route et 3) construire un camp militaire. Il lui restait en moyenne quinze jours par mois pour vaquer à ses propres occupations. Pour ce qui est du 1) portage, il a dû le faire environ à 70 reprises depuis les vingt-six dernières années. Il a porté pour la première fois à l'âge de 20 ans et, pour la dernière, il y a environ 2 mois. Il est difficile d'estimer un nombre de fois par mois. En fait, les militaires réquisitionnaient les porteurs au gré de leurs besoins. Les ordres des militaires étaient généralement transmis par le chef de village bien que les soldats pouvaient arrêter les porteurs directement. Les ordres étaient par écrit bien qu'il ne les ait pas vus personnellement. Une personne par famille devait faire le travail conformément à une rotation entre quatre familles. Il était impossible de refuser. Toutefois, il était possible d'engager un substitut: 500 kyats par jour pour les voyages d'importance. Il aurait engagé un substitut à une reprise. Il n'aurait jamais osé offrir un pot-de-vin aux militaires afin d'être exempté. Les distances à parcourir pouvaient varier: de quatre à cinq jours jusqu'à un mois. Le portage pouvait être requis tant en saison des pluies qu'au cours de la saison sèche. Les assignations ont dû être exécutées dans les Etats Mon et Kayin. Il devait dormir avec les soldats. A plusieurs reprises, il a dû marcher toute la nuit, sans moment de répit. Les femmes devaient également faire la même chose. Sa femme a dû se rendre au front à une reprise. Lorsqu'il a porté pour la dernière fois, 60 autres porteurs l'accompagnaient, incluant hommes et femmes. Les femmes transportaient la nourriture, les casseroles et les munitions. Les hommes transportaient surtout les munitions. Il a été pris dans des batailles contre le KNU a cinq reprises. Dans ces cas, les porteurs (hommes et femmes) devaient rester près du soldat de manière à lui fournir les munitions. Il n'était pas rémunéré et ne recevait pas toujours la nourriture en portion suffisante. Il lui était parfois servi qu'un seul repas en deux jours. Il devait, avec les autres porteurs, se contenter de boire de l'eau. Lorsque, à bout de force et affamés, les porteurs ne réussissaient plus à porter leur charge, ils étaient battus et frappés. Il n'a jamais personnellement été battu mais a vu plusieurs porteurs l'être. Les porteurs ne recevaient pas de traitements médicaux ou de médicaments en cas de maladie. Il n'a pas été témoin de mauvais traitements infligés aux femmes mais a entendu dire que, dans d'autres villages, certaines auraient été maltraitées ou auraient fait l'objet de sévices sexuels. Il a également 2) dû monter la garde à proximité de la route entre Thaton et Hpa-an (route qui se rendait également au camp militaire). Cette route est à environ trois miles de son village. Il pouvait être requis de ce faire à un ou deux reprises par mois. C'est le chef du village qui organisait le travail exigé par les militaires. Chaque assignation durait trois jours. Cent-cinquante femmes et hommes travaillaient en même temps que lui dont trois de son village sur la section qui leur était assignée. Le travail consistait à défendre la route contre le KNU. Il devait pour ce faire rester jour et nuit sur la route. Il n'était pas rémunéré et devait apporter sa propre nourriture. Il craignait d'être arrêté, battu, voire tué par les militaires s'il refusait d'exécuter le travail. Cette route était en construction. Il a du reste travaillé à sa construction en 1996 avec d'autres villageois et soldats à une reprise pendant trois jours. Sa femme y a travaillé pour sa part à qautre reprises. Cette route est principalement destinée aux militaires. Enfin, il a participé à la construction du camp militaire de Pwo qui est situé à 1 mille et demi de son village à une seule occasion pendant une journée, il y a environ un an et trois mois. Il a dû y monter les tentes, poser les bambous et les clôtures. Le matériel devait être fourni par les villageois qui ne recevaient aucune indemnisation à cet égard. Les villageois se remplaçaient en rotation puisque la construction du camp a duré au total dix jours. Soixante personnes travaillaient en même temps que lui et provenaient de différents villages. Il n'était pas rémunéré et devait apporter sa propre nourriture. Il n'est membre d'aucune organisation politique.


Ethnie:

Karenni

172

Age/sexe:

50 ans, féminin

Situation familiale:

Veuve, deux filles, un fils

Activité professionnelle:

Commerçante. Vend de la nourriture dans le village

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Pway Taw Roo, Hlaingbwe. Etat Kayin (le village comptait 20 familles)

Elle a quitté le Myanmar au milieu de 1997 puisqu'il ne lui restait pas assez de temps pour vaquer à ses occupations personnelles en raison du travail exigé par les militaires. Depuis la mort de son mari, elle a personnellement dû faire 1) du portage, 2) monter la garde près de la route et 3) participer à la construction d'un camp militaire. Elle n'a pas personnellement fait de travail pour les militaires avant le décès de son époux. Ce sont les chefs de village qui organisaient le travail. Elle n'était pas rémunérée et ne pouvait refuser de travailler par crainte d'être arrêtée. Si le chef de village manquait à sa tâche, les militaires pouvaient les réquisitionner directement. 1) Elle a personnellement dû faire du portage pour les militaires à trois reprises au cours de l'année qui a précédé son départ. Chaque famille devait fournir un membre pour exécuter ce travail. Elle devait transporter des munitions pendant une journée de son village à Painkyone. Une centaine de personnes travaillaient avec elle en même temps, dont une vingtaine de son village, incluant une majorité de femmes. Elle devait apporter sa propre nourriture. Sa soeur s'occupait de ses enfants lors de ses absences. Elle a personnellement fait l'objet de mauvais traitements, ayant été battue et frappée lorsqu'elle était fatiguée. Elle a également vu de nombreuses femmes, la majorité d'âge avancé, battues et maltraitées par les militaires. Elle a vu, à une occasion, une femme sévèrement battue puisque, fatiguée, elle avait déposé son panier afin d'aller à la toilette. 2) Elle a monté la garde près de la route entre son village et Painkyone-Hlaing Bwe-Hpa-an à trois  reprises pendant un mois. Les autres fois où elle a été requise par les militaires pour ce genre de travail, elle a engagé un substitut pour lequel elle a dû payer 30 kyats à chaque fois. Chaque assignation durait une journée complète, incluant la nuit. Vingt personnes -- exclusivement des femmes -- devaient travailler en même temps sur une section de route donnée. Deux personnes montaient la garde ensemble, partageant la même tente et couvrant environ 150 à 200 pieds de route. 3) Elle a également participé à deux reprises, il y a deux ans, à la construction d'un camp militaire (camp 709) qui était situé à trois miles de son village. Chaque assignation durait une journée. Elle devait couper le bois et les bambous dans la forêt à proximité du camp, les transporter jusqu'au lieu de construction et participer à l'édification du camp. Cinquante personnes, dont dix femmes, auraient travaillé avec elle à la première occasion et 30, incluant huit femmes, à la seconde. Elle n'aurait pas fait l'objet de mauvais traitements à ces occasions bien que les militaires s'adressaient aux travailleurs en criant. Des chefs de villages féminins ont toutefois fait l'objet de mauvais traitements puisqu'elles n'ont pas réussi à organiser le travail. Elles ont été attachées et exposées au soleil ardent pendant une demi-journée. Elles ont été relâchées vers 14 heures. Elles ont également été menacées à l'aide d'une arme, des coups de feu étant tirés près de leurs oreilles. Son époux a dû faire du travail forcé au moins une dizaine de fois au cours des vingt années qui ont précédé sa mort. Il a notamment dû faire du portage à deux reprises, la première assignation durant deux jours et la seconde cinq.


Ethnie:

Karenni

173

Age/sexe:

40 ans, masculin

Situation familiale:

Marié, deux filles

Education:

Deuxième année

Activité professionnelle:

Cultivateur, possède deux terres près du village

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Bee T'Ka, Hlaingbwe, Etat Kayin (le village comptait 130 familles)

Il a quitté le Myanmar au milieu de 1997 puisque les militaires le soupçonnaient de faire partie du KNU. Il voudrait retourner dans son village dans la mesure où la situation change. Il a assumé les fonctions de chef de section durant les mois d'avril et de mai 1997. Le chef de section est choisi par le chef de village qui est lui-même élu par les villageois. A ce titre, il a dû organiser le travail requis par les militaires et par l'Union nationale karenne (KNU) (Karen National Union) (à quatre reprises pour cette dernière organisation). Il a dû organiser le travail suivant pour les militaires: portage, construction de route, monter la garde près d'une route et édification de camp militaire. Il risquait l'imposition d'une amende s'il ne pouvait pas organiser le travail requis. Les personnes sélectionnées risquaient d'être arrêtées si elles refusaient de faire le travail. Pour ce qui est du portage, il a dû organiser les équipes de porteurs à cinq reprises. Il devait trouver le nombre de porteurs requis par les militaires. Chaque famille devait fournir une personne pour exécuter le travail. Il a également organisé le travail pour les militaires pour la construction et la surveillance de routes et la construction d'un camp militaire. Il a organisé le travail, à trois reprises, pour la route entre Hpa-an et Dawlan, chaque assignation durant respectivement cinq jours, deux à trois jours et quatre jours et requérant 117, 107 et 37 travailleurs. Pour ce qui est de la surveillance d'une route, il a dû trouver quatre travailleurs à cinq reprises pour des assignations durant chaque fois trois jours. Pour ce qui est du camp militaire, il a dû organiser le travail à trois reprises, devant recruter respectivement 50, 35 et 70 travailleurs pour des assignations durant une journée. A toutes ces occasions, il a travaillé avec les personnes sélectionnées. Antérieurement à ses fonctions de chef de section, il a dû personnellement être porteur au moins deux fois par mois. Les assignations duraient entre cinq et quinze jours. Le nombre de porteurs dépendait du nombre de soldats. Hommes et femmes étaient recrutés. Tous deux devaient porter des munitions, les hommes ayant toutefois des charges plus lourdes à transporter. Il a dû se rendre au front à trois reprises. Hommes et femmes porteurs devaient rester lors des combats. Il n'a pas vu personnellement de sévices sexuels commis contre les femmes mais on lui aurait raconté que des femmes auraient été violées par des soldats. Une femme, qui travaillait avec lui, lui aurait dit avoir été violée par cinq soldats. Une plainte aurait été présentée au commandant qui aurait condamné cet événement et ordonné que de telles actions ne se reproduisent pas. Toutefois, il semblerait que l'ordre donné n'était pas respecté. A deux occasions lorsqu'il était chef de section, il a accompagné les porteurs. Le portage se faisait dans des régions montagneuses. Il a dû porter entre son village et trois autres situés près du sien (son village se situait près des montagnes. Un camp militaire se trouvait à proximité de sa maison). Cent-dix porteurs travaillaient avec lui, dont 10 de son village pour 250 soldats. Seuls des hommes exécutaient ce type de travail. Il devait transporter des munitions pour les mortiers. Chaque assignation a duré cinq jours. Les porteurs faisaient régulièrement l'objet de mauvais traitements, étant battus et frappés dès qu'ils ne réussissaient pas à suivre le rythme de progression. Il n'était pas rémunéré. Antérieurement à ses fonctions de chef de section, il a dû participer à l'édification de trois camps militaires à dix reprises au cours des années 1996 et 1997: cinq fois pour le camp de Nabu, deux fois pour celui de Naungbo et trois fois pour celui de Taun Zun. Il a dû travailler avec des villageois provenant de différents villages. Ils devaient fournir le matériel nécessaire et n'étaient rémunérés ni pour le matériel fourni ni pour le travail accompli. Il a dû également apporter sa propre nourriture. Il était toujours possible de payer un substitut: pour la construction et la surveillance de la route (500 kyats), pour le portage (1 000-1 200 kyats) et pour le camp militaire (100 kyats). Il n'était pas possible de payer des pots-de-vin pour être exempté. Enfin, son épouse a dû travailler pour les militaires depuis son départ. Il ne sait pas exactement le nombre de fois où elle a dû personnellement faire du portage mais il sait qu'elle est requise de ce faire à deux reprises par mois. Il a dû payer une taxe de riz qui devait être versée aux officiers du gouvernement. Au regard de cette taxe, établie par la loi, il devait verser 4  ou 5 pour cent de ces récoltes en fonction de la qualité des récoltes.


Ethnie:

Karenni

174

Age/sexe:

72 ans, féminin

Situation familiale:

Mariée, quatre filles, deux fils

Activité professionnelle:

Son mari est cultivateur et possède sa propre terre.

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Painkyone, Hlaingbwe, Etat Kayin (le village comptait 200 familles)

Le témoin vit au Myanmar et est arrivé en Thaïlande au début de 1998 pour rendre visite à ses filles. Elle souhaite retourner au Myanmar pour aller chercher toute sa famille afin de s'installer en Thaïlande. Elle estime qu'il est difficile de survivre au Myanmar compte tenu du travail exigé par les militaires. De plus, les militaires auraient torturé sa nièce à l'aide d'une baïonnette puisqu'ils la soupçonnaient de faire partie, d'aider ou coopérer avec l'Union nationale karenne (Karen National Union) (KNU). Elle a personnellement dû travailler pour les militaires en exécutant les tâches suivantes: portage, construction et surveillance de route et édification de camp militaire. Son mari a aussi dû exécuter les mêmes genres de travaux. Elle estime qu'environ 10 jours lui restaient pour vaquer à ses occupations alors que son mari devait consacrer au moins 50 pour cent de son temps pour les travaux exigés par les militaires. Pour ce qui est du portage, elle a dû en faire pour les militaires au moins une vingtaine de fois depuis les vingt-huit dernières années. Les ordres étaient généralement donnés par le chef de village, mais les militaires pouvaient également arrêter les personnes dont ils avaient besoin. Elle a personnellement été réquisitionnée par les militaires directement à cinq occasions. Chaque assignation durait entre un et quatre jours. Elle n'était pas rémunérée et devait apporter sa propre nourriture. Elle s'est rendue au front avec d'autres femmes à une occasion. La dernière fois où elle a été porteur remonte à deux mois avant son départ. A cette occasion, les militaires l'aurait réquisitionnée directement sans passer par l'intermédiaire du chef de village. Bien qu'elle ait fait valoir son âge avancé, ils lui auraient rétorqué qu'elle devait trouver quelqu'un pour la remplacer si elle ne voulait pas faire le travail personnellement. Ne trouvant personne, elle a dès lors dû transporter de la nourriture jusqu'à une montagne près du front, à proximité du camp militaire Lerpu. Elle a dû marcher pendant une journée entière, couvrant environ une quinzaine de miles. Il y avait environ 100 porteurs, principalement des femmes puisque les hommes réussissaient à s'enfuir, pour 50 soldats. Elle n'a pas vu de mauvais traitements infligés aux femmes contrairement aux hommes qui étaient régulièrement et violemment battus et frappés. Elle a entendu parlé d'histoires d'abus sexuels dont des femmes auraient fait l'objet, mais n'en a pas vu ou n'en a pas fait l'objet personnellement. Pour sa part, son époux a dû faire du portage pour les militaires un nombre de fois bien supérieur au sien. Il devait porter dans le cadre d'opérations militaires et pour les besoins de camps militaires. Il a été porteur pour la dernière fois en 1996 dans le cadre d'une opération militaire pour une durée de cinq jours. Les assignations de portage pour opérations militaires pouvaient varier entre cinq jours et un mois. Quelques jours avant son départ, son époux a dû porter du matériel pour un camp militaire pendant une journée. Elle a dû également participer à la construction et à la réfection de la route qui traverse son village (longueur: quatre miles) à quatre occasions, chaque fois pendant une journée. La dernière fois remonte à une journée avant son départ. C'est le chef du village qui l'informait du travail à exécuter. Cinq personnes de son village ont travaillé avec elle. La route, incluant un pont, était utilisée par les militaires et les civils. Elle n'était pas rémunérée. Autant de femmes que d'hommes participaient à ces travaux de construction et de réfection de route. Son mari, pour sa part, y aurait participé plus d'une quarantaine de fois depuis les vingt dernières années, chaque corvée durant une journée. Elle a également dû monter la garde auprès de cette route au moins une vingtaine de fois depuis les six dernières années. Chaque assignation couvrait trois nuits. Elle partageait une tente avec deux autres personnes, une seule devant rester éveillée durant la période de veille. Elle pouvait retourner chez elle pendant la journée. Elle a dû monter la garde près de la route, trois jours avant son départ pour la Thaïlande. Hommes et femmes devaient exécuter ce travail. Elle n'a pas fait l'objet de mauvais traitements ou de harcèlement. Elle a entendu parlé de viols collectifs qui auraient été perpétrés par des militaires. Son époux a également monté la garde au moins à dix occasions par année depuis les six dernières années. Enfin, elle a participé à la construction et à la réfection du camp militaire de Painkyone qui est situé dans son village à environ deux miles de sa résidence. La dernière fois où elle a été requise remonte à trois semaines avant son départ, pour une durée de cinq jours. Elle pouvait retourner le soir chez elle. Elle a travaillé avec 30 autres personnes provenant de son village. Chaque famille devait fournir une personne conformément à une rotation préétablie. Les travailleurs devaient fournir le matériel nécessaire. Ils n'étaient rémunérés ni pour le matériel fourni ni pour les heures de travail accomplies. Il était possible d'engager un substitut bien qu'elle ne l'ait pas fait puisqu'elle n'avait pas l'argent pour le payer. Son époux a également participé aux travaux relatifs à ce camp à de nombreuses occasions. Elle devait verser une taxe sur les récoltes de riz équivalant à 4 pour cent de la récolte, puisque ses terres n'étaient pas particulièrement fertiles. Les taxes étaient payées aux représentants du gouvernement et non aux militaires.


Ethnie/religion:

Karenni, bouddhiste

175

Age/sexe:

36 ans, féminin

Situation familiale:

Mariée avec trois enfants

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Meh The, Hpa-an, Etat Kayin

Le témoin a quitté le Myanmar pour la Thaïlande au début de janvier 1998 avec toute sa famille lorsque son village de 36 maisons fut relocalisé. L'ordre de relocalisation a été donné à plusieurs reprises, mais les villageois l'ont ignoré et sont restés sur place. Le premier ordre fut donné par les autorités au chef du village avant la récolte à Tazaungmon (autour de novembre), et les gens n'ont pas écouté cet ordre. Les militaires sont donc venus deux fois au village et ont ordonné aux villageois de partir. Les villageois ont quitté mais sont revenus plus tard. La quatrième et dernière fois, le DKPA a tiré des mortiers sur le village et une maison fut brûlée; heureusement, personne n'a été blessé puisque la plupart des gens travaillaient dans les champs. On leur a demandé de se rendre à Htee Nu, où se situait auparavant un monastère. Ce village se trouvait à deux ou trois heures de marche de son propre village. Elle ne sait pas si d'autres personnes sont parties là-bas puisque sa famille et elle ont quitté vers la Thaïlande avec seulement 2 000 kyats; même les vêtements qu'ils portaient au moment de l'entrevue leur ont été donnés par d'autres personnes. En ce qui concerne le travail forcé, il en existait plusieurs types: construction de routes, portage ou construction de camps. Par exemple, elle a dû travailler dans le camp militaire et, dès qu'elle revenait à la maison, on l'appelait pour du portage. Il y avait plusieurs bataillons dans la région. Certains capturaient des gens pour effectuer du portage, d'autres pour d'autres types de travaux. Pendant certains mois, ni son mari ni elle n'avaient un seul jour pour effectuer leur propre travail. Tous les deux étaient réquisitionnés pour des mois entiers et devaient effectuer différents types de travaux, tels que du portage, la construction de routes ou la construction de camps militaires. Durant la saison des pluies, il y avait encore plus de travail forcé que pendant la saison sèche (lorsque les opérations militaires débutaient et qu'ils étaient forcés de quitter leur village). Lorsqu'elle ne voulait pas effectuer le travail forcé, elle devait trouver un remplacement (ce qu'elle n'a jamais fait). Il y a deux ans, le témoin a vu le chef du village, une femme de plus de 60 ans (nom donné à la commission) être battue. On lui avait demandé de dire aux villageois qu'ils devaient effectuer des tâches de messagerie, mais personne ne l'a écoutée. Ainsi, les soldats du gouvernement sont venus dans le village et l'ont battue. Elle a été blessée et porte maintenant une cicatrice. Elle fut attachée toute la nuit, puis battue. Après avoir été relâchée, les militaires lui ont demandé un porc. Le témoin ne connaît pas le nom ou le rang des militaires impliqués. Le commandant de la compagnie était M. Bo Hla Peine. Un peu plus tard, le même chef de village fut réquisitionné pour trouver des travailleurs pour effectuer du travail forcé. Puisqu'elle avait trop peur de se rendre au camp militaire, ils lui ont écrit à trois ou quatre occasions en incluant des cartouches dans la lettre. Lorsqu'elle est finalement allée au camp, elle a été placée dans un trou pour toute la nuit. Le lendemain, elle fut relâchée et les militaires lui ont demandé une vache. Elle ne pouvait pas fournir une vache mais leur a donné un porc. En ce qui concerne la construction de routes, le témoin a travaillé les trois ou quatre dernières années sur la route entre Lay Kay et Ta Paw, qui existe depuis longtemps mais n'a jamais été utilisée. Aujourd'hui, la route est terminée et est utilisée par les camions militaires et les voitures. Elle n'a jamais vu une charrette sur la route. Les ordres venaient du chef de village selon lesquels une personne par famille devait aller se présenter pour effectuer du travail forcé, au moins un à deux jours à la fois en fonction du travail requis. Les villageois ne recevaient ni nourriture ni argent, ni matériel qu'ils devaient apporter depuis leur maison. Ils devaient travailler jusqu'à la tombée du jour et pouvaient retourner à la maison la nuit. Chaque famille devait y aller trois à quatre fois par mois. Elle a également effectué du portage en quatre occasions. La première fois il y a deux ans pendant deux jours. Elle fut emmenée alors qu'elle dormait à la maison. Tôt le matin, les militaires l'ont réveillée et lui ont donné un panier à transporter qui pesait environ 22 kg. La charge était trop lourde pour elle et elle pleurait, tout en essayant de la transporter. Son mari était absent. Il travaillait dans les champs. Elle a dû transporter ce panier à un endroit près de Shwegun. Il y avait plusieurs porteurs, surtout les femmes. Les hommes étaient battus lorsque les militaires les accusaient de leur donner de mauvaises directions durant le portage. Ils étaient frappés sur la tête. La même année, en 1996, elle a dû effectuer du portage à quatre reprises (trois fois elle fut capturée par les militaires et une fois ce fut à la demande du chef de village). La deuxième et la troisième fois, elle a dû exécuter ce travail pendant trois jours, alors que la dernière fois ce ne fut que pendant deux jours. Son mari a effectué du portage en une occasion. Il avait très peur des Birmans et s'enfuyait à chaque fois que les militaires approchaient. Lorsqu'on l'encerclait pour le portage, il réussissait à s'échapper après quatre jours parce qu'il ne pouvait plus transporter sa charge. Il n'était pas attaché et n'a jamais été battu. Si quelqu'un avait de l'argent, il pouvait payer un remplaçant lorsque le chef du village le convoquait. Toutefois, lorsque les gens étaient arrêtés, ils n'avaient aucun choix et devaient aller effectuer le portage. De toute façon, personne dans son village n'avait de l'argent. Lorsque le camp de Ta Line Kayin fut établi il y a deux ans, à deux heures de marche de son village, les militaires ont ordonné au chef du village d'envoyer une personne par famille afin de participer au travail. Lorsque les ordres étaient respectés, une seule personne par famille devait y aller. Dans le cas contraire, tout le monde devait y aller. Tous devaient alors s'y rendre jusqu'à ce que le camp soit terminé. Cela a duré plusieurs mois au début de la saison des pluies. D'autres villages ont dû contribuer à ce travail, parfois 10, 20, 30 ou même plus étaient présents. Elle a dû elle-même couper du bambou, construire des clôtures ainsi que des trappes de bambou, couper des arbres, nettoyer les buissons et transporter des arbres à un endroit où les militaires amenaient les billots. Son mari n'était pas bien, ce qui fait qu'elle devait tout faire. Elle n'était pas rémunérée et devait apporter sa propre nourriture. Elle pouvait toutefois rentrer à la maison la nuit. Son fils de 17 ans a également dû effectuer du travail forcé tel que couper des arbres pour le camp militaire l'année dernière, mais ce travail n'a pas eu lieu en même temps que le sien. Parfois, les gens tentaient de s'enfuir. Elle a vu des gens être battus et maltraités. Habituellement, deux personnes du village devaient se rendre en même temps pour une journée complète au camp militaire afin d'effectuer des tâches de messager; d'autres villages, en tout cinq, devaient également fournir des messagers. Son fils le plus âgé a dû également servir en tant que messager (mais jamais en même temps qu'elle). De plus, les villageois devaient exécuter des tâches de surveillance. Les ordres venaient toujours du chef de village. Une personne devait être postée sur la route pendant cinq jours, nettoyer cette dernière, par exemple lorsque des camions militaires venaient de passer. L'année dernière, elle est allée en trois occasions pendant cinq jours sans jamais être rémunérée. Elle devait apporter sa propre nourriture et dormait sur le site près des buissons alors que les militaires surveillaient les villageois. Les soldats ne l'ont pas maltraitée. Elle a entendu parler d'abus sexuels, mais elle n'est pas sûre que cela ait eu lieu. Il y a deux ans, sa mère (qui vivait avec eux) est allée pour la famille. Son fils y est également allé à une reprise. En plus d'exécuter du travail forcé, les villageois devaient fournir aux militaires tout ce que ces derniers exigeaient (tel qu'une vache ou un porc). Les villageois devaient également fournir du riz aux militaires. Les militaires leur réclamaient également de l'argent. En 1997, les militaires ont demandé 3 000 kyats pour tout le village.


Ethnie:

Karenni

176

Age/sexe:

30 ans, féminin

Situation familiale:

Mariée avec trois enfants

Activité professionnelle:

Agriculteur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Pa Nya Plee, Hlaingbwe, Etat Kayin

Le témoin est venu en Thaïlande en mai 1997 avec sa famille parce qu'elle avait vu des gens attaqués et tués par les militaires. De plus, elle était contrainte d'exécuter du travail forcé, y compris du portage, même lorsqu'elle était enceinte, ce qui fait qu'elle vivait constamment dans la peur. Les membres de sa famille n'avaient plus de temps pour leur propre travail puisqu'ils passaient tout leur temps à travailler pour les militaires. Lorsque les membres de sa famille sont venus en Thaïlande, ils n'avaient plus rien à la maison. La situation était identique pour son père et sa mère. En novembre-décembre 1996, alors qu'elle était enceinte de six mois, elle fut arrêtée par les militaires pour transporter des charges d'environ 30 à 32 kg (munitions et nourriture) pour les militaires pendant 28 jours. Elle dormait seule à la maison cette nuit-là. Tous les autres villageois s'étaient enfuis, mais elle croyait que, puisqu'elle était enceinte, rien ne qui arriverait. Elle fut appelé à l'extérieur de la maison par les militaires du bataillon 10 et a dû se rendre à un endroit appelé Gat Te, un village du DKBA où les gens revenaient de la frontière thaïlandaise. Elle a dû traverser la chaîne de montagnes de Dawna. Elle a mis trois jours pour rentrer à la maison. Plus de 100 personnes travaillaient comme porteurs, y compris deux femmes et cinq hommes de son village. On leur avait dit que le voyage durerait cinq jours, et le chef du village avait été réquisitionné pour apporter de la nourriture pour cinq jours afin qu'il puisse la transporter. Par la suite, on leur a donné un peu de riz deux fois par jour (parfois le riz était gâté). Les porteurs devaient cuisinier eux-mêmes. Une personne folle transportait du riz et en mangeait continuellement, mais elle ne l'a pas vue être battue. Elle a vu un homme âgé être battu par les militaires parce qu'il ne pouvait plus transporter sa charge. Ils n'ont pas essayé de le battre sur la route, mais plutôt dans un autre endroit, à leur retour, elle a vu l'homme âgé en sang et couvert d'ecchymoses sur la tête et le dos. Il a dû transporter sa charge le jour suivant. Elle a vu plusieurs personnes être battues. Un homme d'une soixantaine d'années, qui transportait une lourde charge de munitions, fut battu avec une tige de bambou pendant qu'il marchait et il avait des ecchymoses partout. Elle pense qu'il n'a pas dû survivre. Un homme qui ne pouvait plus transporter sa charge fut mis dans un sac par les militaires et jeté du haut d'une falaise. Il n'était pas dans son groupe, mais elle en a été témoin. Les porteurs étaient attachés deux par deux le jour et la nuit, hommes et femmes tous ensemble, par groupes de dix; lorsqu'ils devaient aller aux toilettes, deux devaient y aller à la fois et les militaires les suivaient. Une fille de 13 ou 14 ans (nom donné à la commission) d'un village avoisinant, qui effectuait du portage, fut enlevée de son groupe et violée par un officier haut placé (nom et grade de l'officier donnés à la commission). Ce dernier l'a menacée en lui disant que si elle révélait ce qui s'était passé son village serait brûlé. Elle pleurait toute la journée après le viol; elle fut relâchée au même moment que le témoin. Lorsque le témoin était célibataire (il y a environ huit ans), elle a dû effectuer du portage à plusieurs occasions, parfois à la suite d'ordres du chef du village ou lorsqu'elle était arrêtée directement par les militaires pendant des périodes de cinq, dix ou quinze jours. La période la plus longue fut de vingt jours. Avant le portage, elle était en bonne forme. Depuis, il ne lui reste plus que la peau et les os. Depuis son mariage, deux de ses frères plus jeunes ont effectué du portage à plusieurs reprises. Au cours d'un portage en 1996, un de ses frères fut battu par un soldat parce qu'il se plaignait qu'il ne pouvait plus transporter sa charge. Il a souffert pendant longtemps de problèmes à la poitrine. En ce qui concerne la construction de routes, il y a deux ans, et pendant toute l'année, ses deux frères ont dû effectuer du travail forcé en rotation sur la route de Painkyone à Hlaingbwe. Les ordres venaient du chef du village. Une personne par famille devait s'y rendre. Lorsque les militaires exigeaient dix personnes, une personne pour dix familles devait y aller pendant dix jours à la fois (le village comptait 30 familles). Chaque mois, une personne de chaque famille s'y rendait pendant dix jours et travaillait du matin jusqu'à midi et après du début de l'après-midi jusqu'au coucher du soleil. Le travail n'était pas rémunéré et ils devaient apporter leur propre nourriture. En 1996, d'autres villageois ont dû couper du bois, et son frère plus jeune a dû transporter les billots de la forêt jusqu'au site de construction de la route. Les ordres émanaient du chef du village, et plusieurs personnes de son village ainsi que d'autres villages ont dû effectuer ce type de travail pendant dix jours sans être rémunérées et survivant sur de petites rations de nourriture qu'ils devaient apporter eux-mêmes. Depuis son mariage, il y a huit ans, elle a dû effectuer de la surveillance une fois par mois pendant cinq jours et parfois jusqu'à sept jours à la fois. Elle le faisait en rotation avec son frère. Lorsqu'elle effectuait ce travail, elle prenait ses deux enfants avec elle; tous les deux font désormais de l'asthme. Ils devaient tous dormir à côté de la route, même durant la saison des pluies. Elle devait nettoyer le long de la route afin de s'assurer qu'il n'y avait pas de mines. Tout le monde devait faire la même chose le long de cette route. En 1996, une de ses tantes fut tuée lorsqu'elle tentait de déminer. Une mine a explosé et elle a perdu ses deux jambes; une autre femme a perdu une jambe dans la même explosion. Elle n'était pas présente à ce moment, mais elle l'a vue par la suite. Les militaires demandaient également aux propriétaires de charrettes de transporter des billots le long de la route, ce qui fait qu'ils étaient souvent les premiers à être tués. Durant ces tâches de surveillance, elle a vu à une occasion une charrette passer sur la route et exploser sur une mine, le chauffeur et les animaux tirant la charrette furent tués. Jusqu'à ce qu'elle quitte le pays, elle et son frère ont dû aller deux fois par mois dans un groupe de cinq personnes pendant cinq ou sept jours à chaque matin au camp militaire de Painkyone, qui se situait à deux heures de marche de son village. Là-bas, ils devaient faire rapport concernant toute activité militaire dont ils auraient pu être témoins. En 1996, ses frères ont dû construire des clôtures autour du camp militaire de Painkyone, creuser des tranchées et effectuer des travaux de réparation dans le camp. L'ordre émanait du chef. Ses frères ont dû y aller pour deux mois complets jusqu'à ce que le travail soit terminé; ils revenaient habituellement chaque soir. Lorsque quelqu'un ne voulait pas effectuer le travail forcé, il devait payer ou engager quelqu'un pour le remplacer. En ce qui concerne le portage, il était nécessaire de payer plus de 1 000 kyats d'une façon ou d'une autre. Pour les autres types de travail forcé, la plupart des gens y allaient eux-mêmes puisqu'ils n'avait pas d'argent. Elle a dû y aller elle-même puisqu'elle n'avait pas d'argent. Chaque année, les militaires collectaient de chaque village une quantité de riz, de bétail et de toute autre chose dont ils avaient besoin en plus d'un impôt de 100 à 200 kyats par famille, deux fois par mois. En 1995, les militaires sont venus demander du riz. S'ils estimaient qu'un agriculteur pouvait produire 30 sacs de riz, ils lui en prenaient dix; si l'agriculteur en produisait moins, il devait tout de même compenser pour atteindre le quota requis par les militaires.


Ethnie:

Karenni

177

Age/sexe:

45 ans, féminin

Situation familiale:

Veuve avec cinq enfants

Activité professionnelle:

Agriculteur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Htihpokape, Hlaingbwe, Etat Kayin (le village comptait environ 40 familles)

Le témoin a quitté le Myanmar il y a quatre ans. Elle y est retournée pour une année entière en 1996 et a quitté de nouveau en février 1997. Elle a dû effectuer du travail forcé à plusieurs occasions en 1996, presque autant qu'auparavant (bien qu'elle fût exemptée de plusieurs types de travail forcé imposé à d'autres villageois). Elle n'a jamais été rémunérée pour son travail. Les villageois devaient effectuer du portage. Les militaires informaient le chef du village de leurs besoins, habituellement en indiquant le nombre de personnes requises. Lorsque leurs besoins n'étaient pas remplis, ils encerclaient et capturaient les villageois eux-mêmes. En 1996, ils ne sont jamais venus directement au village, mais les villageois ont tout de même dû aller exécuter du travail forcé. En 1996, les villageois furent également requis d'effectuer des tâches de surveillance de la route. Elle a elle-même effectué ce genre de travail à Plakyaw, à trois miles de son village (près de la route de Hlaingbwe à Painkyone). Après une journée, on leur demandait d'aller à Hpagat pour une nuit. Elle n'y est allée qu'à une seule occasion pendant deux jours «pour surveiller ce qui se passait». Ils y allaient deux par deux et il y avait plusieurs personnes le long de la route. Le matin, elle devait nettoyer la route avec des branches pour s'assurer qu'il n'y avait pas de mines. Elle n'a jamais vu une mine exploser. En 1996, les villageois furent également requis par le chef de village de fournir du travail à cette fin. Comme elle était trop vieille et plus en bonne santé, sa famille (elle-même et son frère plus jeune) fut exemptée. Elle devait payer 100 kyats par mois aux militaires. Toujours en 1996, les gens de Htihpokape furent ordonnée par le chef de village de transporter des billots pour des poteaux de téléphone. De Htihpokape, un petit village d'environ 40 familles, cinq personnes ont dû y aller en plus de gens d'autres villages. Elle a dû faire cela à deux ou trois occasions par mois pendant une journée. Des billots étaient transportés à une rivière, puis deux ou trois personnes les sortaient de la rivière avec des chaînes. Elle a elle-même participé à cette opération. A une occasion, quatre ou cinq militaires sont venus dans son village et ont informé le chef du village que des billots étaient craqués et inutilisables comme poteaux. Ils ont donc imposé une amende d'un porc aux villageois.A une autre occasion, des villageois furent requis de transporter des billots et des tiges de bambou de leur village jusqu'au camp de Painkyone qui se situait à trois heures de marche. Finalement, les villageois devaient également nettoyer le sol dans les plantations de caoutchouc appartenant aux militaires. Ils devaient apporter leur propre nourriture. Elle n'a jamais dû aller elle-même dans ces plantations.


Ethnie:

Karenni

178 et 179

Age/sexe:

21 et 17 ans, tous deux masculins

Situation familiale:

Tous les deux célibataires (famille de sept et six, respectivement)

Education:

Quatrième année (témoin 178); neuvième année (témoin 179)

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Bee T'Ka, Hlaingbwe, Etat Kayin

Les témoins ont quitté le Myanmar en juillet 1997. Le témoin 178 est venu en Thaïlande une première fois en 1992, alors que le témoin 179 est venu en 1997. En 1997, tous les deux sont retournés à Bee T'ka et, sur la route, ils furent arrêtés par les militaires le 9 juin 1997 à Lubaw (entre Bee T'Ka et la frontière thaïlandaise) afin d'effectuer du portage. Le témoin 178 a précisé qu'ils furent arrêtés par les militaires du bataillon 33 et qu'ils furent attachés et questionnés par un officier qui les a accusés d'être des agents du KNU. Ils ont nié mais n'ont pas été crus. Le jour suivant, ils furent questionnés séparément puis attachés ensemble et battus (nom de l'officier qui les a battus donné à la commission). On leur a même demandé de creuser un trou afin de les enterrer. On leur a bandé les yeux avec des sacs de plastique et versé de l'eau sur la tête afin qu'ils ne puissent pas respirer. Ils furent torturés pendant plusieurs heures et ont même perdu conscience. Un des témoins crachait du sang et avait des blessures internes. A partir du 11 juin 1997, ils furent utilisés comme porteurs. Tout d'abord, ils durent transporter des casseroles avec du riz qui pesaient environ 65 kg, de Lubaw pendant deux jours jusqu'à Thay Mo Hpa. Au début, ils étaient 11 porteurs (tous des hommes) mais, par la suite, le chef du village est venu avec d'autres porteurs et a payé afin qu'ils soient relâchés. Sept porteurs ont toutefois dû rester. Après deux jours, ils sont retournés à Lubaw et depuis cet endroit furent amenés à Kyawko. En tout, ils ont fait du portage pendant sept jours sur un terrain montagneux. Ils recevaient deux repas par jour constitués de riz qu'ils devaient cuisiner eux-mêmes. La nuit, ils étaient surveillés par les militaires. Après sept jours, lorsqu'ils ne pouvaient plus avoir assez de nourriture, on leur demandait de se rendre dans les village avoisinants et de mendier pour tout le groupe de 40 personnes (porteurs et militaires). Ils étaient surveillés par environ quatre ou cinq militaires. Ils ont dû mendier de maison en maison puis revenir avec ce qu'ils avaient pu obtenir. Les militaires allaient dans la maison, alors que les porteurs restaient à l'extérieur; tout ce qu'ils pouvaient trouver dans la cuisine, en particulier du riz, ils le prenaient. Les militaires leur avaient promis qu'ils seraient relâchés lorsqu'ils atteindraient le village de Kyawko. Toutefois, à leur arrivé au village de Kyawko, ils ont dit au témoin 178 qu'ils devaient continuer jusqu'au village de Ser Gaw puisqu'un membre de sa famille y vivait et il devait donc y ramener de la nourriture. Pendant ce temps, le témoin 179 devait rester au camp de Kyawko. Une fois que le témoin 178 a obtenu la nourriture et est revenu (deux heures plus tard) au camp de Kyawko, il a demandé à être relâché, mais le commandant de la compagnie (nom donné à la commission) a, une fois de plus, refusé. Ils furent, par la suite, requis de transporter des marchandises d'une rivière jusqu'en haut d'une colline. Après que le témoin 178 se soit plaint et ait imploré au commandant de les laisser partir, le commandant a appelé la personne qui avait gardé leurs effets personnels et ils furent tous les deux relâchés. Ils sont allés à Ser Gaw et sont revenus en Thaïlande. En ce qui concerne d'autres formes de travail forcé, le témoin 197 a dit qu'à partir de 1995 il étudiait à Hlaingbwe et qu'il n'a donc pas eu à effectuer de travail forcé. Le portage de 1997 constituait la première fois. Mais il fut arrêté et torturé en 1996, sans savoir pourquoi, par les militaires. Pendant environ neuf jours, il fut gardé au soleil et, la nuit, enfermé avec des gens dans un carcan. Sa famille a dû effectuer du travail forcé pendant la même période (1995 à 1997), tel que des services de messager, la fourniture de bois pour le feu ou des rations de riz. Il n'y avait pas de construction de routes ni de portage, mais ils ont dû payer une taxe de porteur afin de ne pas avoir à travailler. Il ne connaît pas le montant exact. En ce qui concerne les tâches de messager, deux villageois devaient chaque jour marcher trois miles jusqu'au camp et aider les militaires à faire tout ce que ceux-ci voulaient, tel qu'envoyer des lettre dans tel ou tel camp. Le témoin 179 a ajouté qu'à Hlaingbwe, lorsque quatre ou cinq étudiants étaient en groupe, le groupe devait se disperser. Il a souvent entendu des cris provenant de la prison et a vu les prisonniers portant des uniformes casser des pierres. A Bee T'Ka, au début de 1997, il a été témoin d'un incident où neuf personnes furent contrôlées; une des personnes disait qu'elle était un fonctionnaire du gouvernement mais fut incapable de donner une pièce d'identité et fut tuée sur place. Cinq se sont enfuies jusqu'à la rivière et ont essayé de nager mais furent capturées. Plus tard, les gens ont vu un corps attaché à un âne qui était traîné le long de la berge

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Ethnie/religion:

Karenni, chrétien

180

Age/sexe:

32 ans, masculin

Situation familiale:

Marié avec trois enfants

Education:

Sixième année

Activité professionnelle:

Travailleur journalier dans l'agriculture

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Bee T'Ka, Hlaingbwe, Etat Kayin

Le témoin et sa famille sont venus en Thaïlande en avril 1996 parce qu'ils ont été accusés d'avoir eu des contacts avec le KNU et ont dû exécuter du travail forcé. Il a été chef de village pendant environ une année. Il y avait dix sections dans son village qui étaient divisées par une rivière: sur la rive est vivaient principalement les bouddhistes, alors que sur la rive ouest vivaient les chrétiens. Le chef du village recevait les ordres concernant le travail forcé du commandant du camp militaire se trouvant dans la région du monastère de Bee T'Ka. Chaque jour, le chef du village devait fournir des personnes pour le travail forcé; dès qu'il recevait les ordres, il devait aller rencontrer les dix chefs de section afin de trouver assez d'individus. Habituellement, l'ordre venait le matin et devait être exécuté le jour même. Lorsque les militaires avaient besoin de gens pour une période plus longue, il n'y avait qu'un ordre ne précisant pas la durée du temps. Parfois, cet ordre était accompagné de cartouches dans une enveloppe en plus d'un morceau de charbon. Entre la saison des pluies de 1995 et avril 1996, le chef du village a reçu quatre ordres accompagnés de cartouches et de morceaux de charbon lorsqu'il ne pouvait trouver un nombre suffisant de personnes. Une lettre contenant une cartouche et un morceau de charbon fixait l'échéance pour la fin de la journée. Durant son assignation, les villageois ont été arrêtés directement à quatre reprises par les militaires pour le travail forcé, sans l'autorité du chef de village. A une occasion, un ordre fut donné par écrit au chef du village de fournir 20 porteurs dans les deux heures. Le chef du village n'a pu réussir et, après les deux heures, les militaires sont venus au village et ont encerclé plusieurs personnes. Finalement, le chef du village leur a demandé de relâcher les travailleurs en trop, ce qu'ils ont fait. Les vingt porteurs requis ont dû travailler pendant trois jours. Concernant les trois autres fois, les militaires venaient parfois au village sans avertissement parce qu'ils désiraient se rendre quelque part sans que personne ne le sache. Ainsi, ils entraient dans le village et capturaient le nombre de personnes qu'ils désiraient. Quelques-uns des villageois ne pouvaient tolérer cette situation et se sont enfuis du village. Après cela, les militaire imposaient des amendes aux autres villageois. Lorsqu'une famille s'enfuyait, les villageois qui restaient devaient payer 40 000 kyats en plus de 65 kg de porc. Le jour de son entrée en fonction, il a reçu l'ordre d'un camp militaire de fournir 80 personnes par jour pendant un mois afin de transporter de la nourriture et les marchandises du camp de Paw Yebu jusqu'à Taun Zun, et également dans d'autres camps. Les gens qui ne voulaient pas effectuer le travail devaient engager un remplaçant, ce qui leur coûtait 100 kyats par jour. Des dix sections du village, deux personnes devaient aller chaque jour au camp militaire près du monastère et attendre qu'on leur donne l'ordre d'effectuer du portage. Ces vingt personnes devaient rester avec les militaires pendant une semaine et ne pouvaient revenir avant d'être remplacées. Afin d'être exempté de ce travail pendant trois jours, on devait payer 600 kyats aux militaires et, pour une semaine, le montant s'élevait à 1 300 kyats. La plupart ne pouvant payer, ils devaient donc y aller. Tout le travail n'était pas rémunéré et les gens devaient apporter leur propre riz. Lorsque l'armée avait un conflit avec le KNU, certaines personnes en profitaient pour s'enfuir. Par la suite, les militaires imposaient des amendes pour chaque personne qui avait pris la fuite; la dernière fois que cela s'est produit, le chef du village a dû payer 4 000 kyats par personne enfuie d'une zone de combat, alors qu'ils effectuaient du portage. Environ deux ou trois fois par mois, 30 à 40 villageois étaient requis comme porteurs par un bataillon qui patrouillait dans la région; ils devaient rester avec le bataillon aussi longtemps que celui-ci restait dans la région, c'est-à-dire pendant trois ou quatre jours, ou même parfois plus. Le chef du village devait également fournir des porteurs pour des voyages plus longs. Au moment de la saison sèche, 30 personnes furent requises pendant une semaine. Parfois, les porteurs étaient attachés et battus parce qu'ils étaient accusés sans aucune preuve d'être liés à l'armée du KNU; les porteurs étaient également battus parce qu'ils étaient trop lents. Lorsqu'il était chef de village, il a vu environ 13 personnes être sérieusement blessées. Elles furent placées dans des carcans et portent encore aujourd'hui les cicatrices sur leur peau. Une personne fut battue jusqu'au sang et a quitté pour la Thaïlande parce qu'il devait prendre des médicaments. Durant la même période, personne de son village ne fut tué et aucune femme ne fut molestée. Dans la seconde moitié de 1995, une nouvelle route fut construite de Bee T'Ka jusqu'à Paw Yebu. Un ordre fut envoyé au chef du village indiquant qu'une personne par famille devait travailler sur cette route jusqu'à ce qu'elle soit terminée. Le travail a duré pendant deux semaines et était non rémunéré. Les travailleurs devaient apporter leur propre nourriture et leurs outils et travaillaient toute la journée sous la supervision des militaires. Par la suite, il y eut la construction d'une autre route d'environ quatre miles du nom de Paw Yebo jusqu'à Taun Zun. Encore une fois, une personne de chaque famille devait travailler sur le site en tout temps. Lorsqu'il n'y avait que des femmes ou des personnes âgées dans la famille, cela dépendait du chef de village qui essayait de trouver quelqu'un d'autre d'une autre famille. Afin d'être exempté du travail, on devait payer 200 kyats par jour. En plus des vingt villageois qui devaient rester en attente de portage, deux personnes devaient aller chaque jour depuis le village afin d'effectuer des tâches de messagerie pour les militaires pendant une journée. L'ordre venait du chef du village qui demandait habituellement aux femmes d'effectuer ces tâches. Egalement, en janvier-février 1996, les militaires ont obtenu des informations selon lesquelles deux armes se trouvaient près du village et ont donc demandé au chef du village de les diriger là-bas. Lorsqu'il a refusé, ils ont arrêté six femmes et cinq hommes et leur ont demandé de les guider. Ils ont dû marcher devant, suivis du chef du village, et les soldats fermaient la marche. Cette marche a duré environ deux heures. Durant la saison chaude, il a reçu l'ordre qu'une personne de chaque famille devait aller au camp militaire près du monastère afin d'apporter des tiges de bambou pour clôturer le monastère. Ce travail a duré environ quatre jours jusqu'à ce qu'il soit terminé.

Annexe VII (suite)

Mise à jour par VC. Approuvée par NdW. Dernière modification: 21 février 2000.