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Travail forcé au Myanmar (Birmanie)

Rapport de la commission d'enquête instituée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail pour examiner le respect par le Myanmar de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930 Organisation internationale du Travail
Genève, 2 juillet 1998


Annexe VII (suite)

 

Résumés de témoignages

1-50

51-100

101-150

151-180

181-205

  206-246

 

Ethnie:

Karenni

    206

Age/sexe:

65 ans, masculin

Situation familiale:

Sept (lui, sa femme, trois filles et deux fils)

Activité professionnelle:

Agriculteur (cultiver le riz)

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Methali, Kya In Seik Gyi, Etat Kayin (le village comptait 15 familles)

Le témoin est venu au camp de réfugiés mon au début de 1997. Son village fut relocalisé durant la récolte de riz de l'année dernière au village de Taungzun. C'est à cette époque qu'il a décidé de venir au camp de réfugiés. Cinq ou six autres familles ont quitté le village en même temps. Les militaires ont donné au village cinq jours pour la relocalisation. Il a effectué du travail forcé pour la construction de la route de la Passe des trois pagodes. Ce travail a débuté au début de l'année dernière et se poursuivait lorsqu'il a quitté. Il a effectué du travail pour la construction de routes pour la première fois en 1996. A cette époque, le travail était près de son village et les villageois pouvaient revenir au village pour la nuit. Parce que son village était petit, il n'y avait pas de système de rotation. Parfois, une personne de chaque famille devait aller travailler, alors que d'autres fois tout le village devait s'y rendre. Ainsi, il était la seule personne de sa famille à effectuer le travail, alors qu'à d'autres reprises il travaillait avec son fils. Le travail constituait à couper des arbres et construire un remblais en plus de ramasser des pierres. Il devait travailler depuis la première lueur du jour jusqu'à la nuit. Il devait manger avant de commencer le travail. Lorsque les gens étaient fatigués, ils ne pouvaient plus travailler; les militaires continuaient d'exiger le même travail et les battaient. Un de ses fils qui a également exécuté du travail forcé n'a jamais été battu; son autre fils était membre du KUN et a, par conséquent, jamais exécuté du travail forcé. Il a été lui-même battu par les militaires. Il a également dû effectuer du portage durant les trois dernières années. Au début, le portage était arrangé par le chef du village mais, par la suite, les militaires venaient simplement au village et entouraient les gens. Il ne peut compter le nombre exact de fois où il a dû effectuer du portage. Parfois, c'était à six reprises dans un mois si les voyages étaient courts (un ou deux jours). Lorsqu'il devait se rendre à un autre village un peu plus éloigné, le voyage pouvait durer deux semaines. Il devait transporter des charges entre 16 et 32 kg, incluant du matériel militaire. Il n'y avait pas de problème pour les porteurs si ceux-ci pouvaient effectuer le travail. Mais, lorsqu'ils étaient lents, ils étaient battus. Lorsqu'il était lent, les militaires l'ont insulté en lui disant qu'il était inutile et ils l'ont frappé. Parfois, cela pouvait arriver quatre ou cinq fois par jour. Il a vu d'autres porteurs être battus jusqu'à ce qu'ils tombent dans le coma. Quelquefois, lorsque les porteurs étaient trop malades ou trop faibles pour continuer, ils étaient tués et jetés le long de la route. Il a été témoin de cela à deux reprises. Certains porteurs étaient tellement malades ou tellement faibles lorsqu'ils étaient relâchés qu'ils n'avaient même plus la force de retourner dans leur village. Des villageois devaient les ramasser le long de la route et les ramener à leur village pour qu'une infirmière s'occupe d'eux. A deux occasions, lorsqu'il est rentré de portages, il était si faible qu'il ne pouvait plus travailler et d'autres villageois ont dû s'occuper de lui. Certains militaires étaient un peu plus gentils que d'autres. Parfois, les militaires voulaient même lui donner de l'eau, mais ils ne pouvaient le faire puisque eux-mêmes risquaient d'être battus si on les voyait agir ainsi. La dernière fois qu'il a dû effectuer du portage fut en avril 1997 pendant deux semaines. A cette occasion, il a dû transporter six larges obus. C'était très lourd, mais les militaires lui ont dit qu'il était chanceux d'avoir une charge aussi légère. Un matin, les militaires du SLORC sont venus dans sa maison et l'ont accusé d'avoir un fils membre du KNU. En effet, un de ses fils avait été un membre actif du KNU mais l'avait quitté. Ce fils s'était marié et vivait maintenant au village de Mi Hki (près du Passage des trois pagodes). En fait, son fils avait déjà été arrêté par le SLORC et s'était récemment échappé. Mais, à cette époque, il n'était pas au courant de ces détails. Les militaires l'ont battu avec une tige de bambou et l'ont insulté. Les militaires l'ont accusé d'être lui-même un membre du KNU et de cacher des munitions et lui ont demandé où ces dernières se trouvaient. Ils l'ont frappé à plusieurs reprises sur le dos et sur la tête jusqu'à ce qu'il tombe inconscient. Son fils était maintenant dans un camp de réfugiés. Après que son fils se soit échappé, il est venu à la maison et lui a dit de ne pas rester là puisque c'était dangereux. Il a donc décidé de s'enfuir au camp. Avant que son fils s'échappe, il a été torturé et les militaires lui ont coupé une partie de ses oreilles et une partie de ses lèvres.


Ethnie:

Karenni

207

Age/sexe:

50 ans, masculin

Situation familiale:

Sept (lui, sa mère, sa femme et quatre enfants)

Activité professionnelle:

Agriculteur (il était également chef de village)

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Hti Pa Taw Hta, Kya In Seik Gyi, Etat Kayin (le village comptait 20 familles)

Le témoin a quitté son village en septembre 1997 parce qu'il avait entendu qu'il était risqué pour lui de rester. Il a quitté et est resté au village de Kyunchaung avant de partir pour la Thaïlande en janvier 1998. Un de ses amis qui était chef d'un autre village l'a averti que les autorités posaient des questions le concernant et se demandaient pourquoi il avait quitté le village. La première fois, des soldats sont venus dans son village et lui ont dit de leur indiquer le chemin jusqu'au village de Bo Deh. La seconde fois, il a envoyé un de ses villageois à sa place. A d'autres moments, les militaires ne sont pas venus au village pour prendre des porteurs mais ont simplement envoyé un ordre demandant un certain nombre de villageois. Habituellement, ils demandaient deux à trois porteurs mais pouvaient aller jusqu'à dix porteurs. C'était impossible pour le village de fournir autant de porteurs puisque la plupart des villageois s'enfuyaient afin d'éviter le portage. Ceci se passait durant la saison chaude de 1997. Les porteurs étaient maltraités, et un villageois fut battu. Il dépendait de lui en tant que chef d'imposer une rotation aux porteurs après trois jours, dans la mesure du possible. La troisième fois où ils sont venus dans son village, en avril 1997, il était absent. Les militaires ont arrêté toute sa famille et ont commencé à le rechercher. Lorsqu'il est arrivé à la maison, ils l'ont attaché et ont relâché sa famille. Ils ont dit à sa famille de retourner à la maison et d'y rester. Les militaires l'ont emmené dans une grange et l'ont torturé et lui ont demandé où il gardait les armes. Ils l'ont frappé au visage et sur la poitrine et l'ont frappé avec une arme. Le chef du groupe des militaires, un capitaine, l'accusait d'être un rebelle. Le secrétaire du village est intervenu et a expliqué au capitaine que le chef du village était un simple fermier et non pas un rebelle. Le capitaine a refusé d'écouter et a averti le secrétaire qu'il risquait d'avoir certains problèmes. Les militaires ont continué à le torturer et il a souffert de blessures sérieuses, internes et externes. La torture comprenait plusieurs actes barbares tels que placer sa tête sous l'eau pendant plusieurs minutes. Ce type de torture a continué de midi jusque dans la soirée. Le lendemain, vers midi, les militaires ont commencé à le torturer de nouveau. Ils lui demandaient constamment s'il avait une arme et où elle était cachée. Ils l'ont amené une fois de plus à la rivière et ont mis sa tête sous l'eau jusqu'à ce que ses oreilles se remplissent d'eau. Depuis cet incident, il est partiellement sourd. Ils ont continué à le torturer jusqu'à ce qu'il perde conscience et l'ont, par la suite, ligoté et l'ont abandonné près de la rivière. Lorsqu'il a repris conscience, il s'est rendu compte qu'il était ligoté et a aperçu les militaires de l'autre côté de la rivière qui attendaient qu'il revienne à lui. Le troisième jour, les militaires l'ont emmené avec un autre homme qu'ils ont également torturé et qui venait du village de Grupadi. Ils sont arrivés dans la soirée et, à ce moment, d'autres troupes sont arrivées et le commandant a décidé d'amener les deux hommes avec eux pour ne pas qu'ils puissent s'enfuir. A cet instant, il a dit à l'autre homme qu'ils devraient essayer de s'enfuir, sinon ils seraient tués. Alors qu'ils étaient ligotés pendant la nuit, le soldat qui les surveillait s'est endormi et il a réussi à libérer ses mains et s'est enfui.


Ethnie:

Karenni

208

Age/sexe:

54 ans, masculin

Situation familiale:

Douze (lui, sa femme, dix enfants dont deux vivent toujours à la maison)

Activité professionnelle:

Chef de village

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Thi Paw Way, Kya In Seik Gyi, Etat Kayin (le village comptait 47 familles et fut établi il y a dix ans; avant, il vivait dans le canton de Kya In Seik Gyi)

L'armée est venue en mars 1997 et a pris tous les poulets et tous les animaux du village. Les villageois étaient effrayés et n'ont rien dit. De plus, en mars 1997, les villageois reçurent l'ordre de construire un camp militaire à Ya Kra, à environ cinq miles de leur village. Le camp était pour la brigade 44. Son village a dû fournir deux porteurs et une charrette en tout temps pour la construction; il y avait une rotation tous les trois jours (ils étaient relâchés uniquement lorsqu'un remplaçant arrivait). D'autres villages dans la région ont également été contraints de construire ce camp, un total d'environ 40 personnes à la fois. Le travail a duré environ deux mois. Parce qu'il était le chef du village, il devait y aller constamment afin de superviser les villageois. Les militaires étaient désagréables avec les travailleurs et les insultaient mais ne les ont jamais battus. Le traitement était bien pire durant le portage. Le portage a débuté en mars 1997. Le village reçut l'ordre de fournir deux personnes en permanence pour effectuer du portage. Lorsque ces gens n'étaient pas envoyés, l'armée venait et arrêtait les gens. De plus, il y avait habituellement deux militaires du KNU qui restaient dans son village. Les militaires sont venus et ont accusé les villageois d'abriter ces deux militaires. Ceux-ci ont tout d'abord nié. Les militaires les ont battus violemment. Ils ont insisté sur le fait que, si les deux soldats du KNU ne se rendaient pas, ils devraient tuer tous les villageois et brûler le village. Les militaires ayant fait cette déclaration venaient du bataillon 2. Les deux soldats du KNU avaient des familles dans les villages et ont donc préféré se rendre. Ils n'ont pas été tués et ont été relâchés après dix jours. Après cet incident, la brigade 44 fut remplacée par la brigade 22 en avril 1997. Plus tard, en septembre, les militaires ont forcé le village à se relocaliser en 15 jours au village de Bo Deh qui se situait à un mile et demi de leur village d'origine. Le commandant a déclaré que, si les villageois ne voulaient pas s'exécuter, cela le lassait indifférent en notant que les villageois partaient. Les villageois furent informés que quiconque serait vu dans le village d'origine après l'ordre de relocalisation serait tué. Après cela, les villageois ont pu retourner dans leur village d'origine durant le jour mais devaient retourner à Bo Deh entre 18 heures et 6 heures du matin. Ils n'avaient pas besoin de donner de l'argent afin de quitter le lieu de relocalisation durant la journée. L'ordre de relocalisation du village fut donnée par la brigade 22. Après la relocalisation, la brigade 22 fut remplacée par le bataillon 545; ceux-ci étaient extrêmement violents. Les militaires du bataillon 545 volaient des cochons et des poulets aux villageois et, si ces derniers se plaignaient, ils les frappaient. Le village devait fournir trois porteurs pour le bataillon 545, mais certains villageois avaient peur d'y aller. Ils payaient donc 1 300 kyats pour une période de trois jours afin d'éviter d'aller faire du portage. Il n'a jamais personnellement exécuté du portage bien que son neveu y soit allé à environ dix reprises. Les autres villageois ont effectué autant de portage que son neveu. Le traitement des porteurs était très mauvais. Les porteurs étaient battus et souffraient de blessures causées par les charges excessives qu'ils devaient transporter. Il a vu des porteurs avec les épaules lacérées jusqu'au sang, en raison des charges excessives. Le portage se poursuivait au mois de septembre lorsqu'il a quitté le Myanmar. Il y a eu un incident particulièrement déplorable qui s'est déroulé juste avant la relocalisation du village. Certains militaires sont venus et ont arrêté les villageois (du nom de U Kyaw Ku et Ngwe Tu). C'était un dimanche et ils furent arrêtés au sortir de l'église. Les militaires ont tenu une réunion avec les villageois à l'intérieur de l'église. La raison pour laquelle ils ont arrêté ces gens était qu'ils avaient reçu des informations selon lesquelles les individus possédaient des armes. Ceci n'était pas le cas. A l'intérieur de l'église, ils ont attaché quatre villageois et les ont battus devant tous les autres. Ils furent frappés et battus avec des bâtons et des cordes. Deux ont été grièvement blessés. L'un deux était incapable d'ouvrir ses yeux alors que l'autre avait des blessures sur sa poitrine. Les villageois étaient particulièrement choqués du fait que les militaires aient délibérément choisi d'effectuer ces violences à l'intérieur de l'église. Comme il était le chef du village, il a essayé de s'offrir à la place des quatre villageois arrêtés en tant que garantie. Les militaires ont toutefois refusé et l'ont menacé de l'arrêter également. Par la suite, tout le village fut forcé par les militaires de se tenir debout en plein soleil, et ce même pour les enfants. Ensuite, les quatre villageois furent amenés. L'un d'eux était très sérieusement blessé et ne pouvait plus marcher, ce qui fait que les deux autres ont dû le transporter. En tant que chef du village, il a dû se rendre avec les quatre villageois. Ils ont tous été emmenés dans un camp militaire proche de leur village où ils ont passé la nuit. Aucun traitement médical ne fut donné aux villageois blessés, à part un peu de pommade qui s'est révélée inutile (lorsqu'ils ont finalement été relâchés, un des villageois a dû être admis à l'hôpital à cause de la gravité de ses blessures). Ils avaient tous très peur. Le lendemain, ils furent amenés dans un autre camp militaire à environ six miles de là et furent battus par les militaires. Il a personnellement été frappé sur la tête avec un pistolet et giflé. Une fois dans le second camp militaire, ils furent attachés pendant trois ou quatre jours. On leur a donné du riz et un peu de poisson et ils ont dû dormir avec leur mains attachées dans le dos. Par la suite, ils furent relâchés et un des villageois dut se rendre à l'hôpital. Il existe beaucoup d'autres cas de torture de villageois par l'armée. Une personne d'un village avoisinant fut suspectée d'avoir des armes et fut pendue la tête en bas à un arbre et battue de cette façon. Une autre personne fut attachée dans la rivière pendant quatre jours (avec uniquement sa tête hors de l'eau). Un de ses amis d'un autre village fut mis dans un trou parce qu'on l'avait accusé faussement d'entretenir des contacts avec les rebelles. Il fut gardé dans ce trou qui était couvert de boue pendant quatre jours et ne reçut aucune nourriture ni eau. Dans tous ces cas, la brigade 44 était impliquée. Il s'est enfui en Thaïlande en septembre 1997 lors de la relocalisation du village. Au moins 50 autres personnes sont venues avec lui.


Ethnie:

Karenni

209

Age/sexe:

39 ans, masculin

Situation familiale:

Marié avec deux fils

Activité professionnelle:

Cultivateur (riz)

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Paw Ner Mu, Kya In Seik Gyi, Etat Kayin (le village comptait 100 familles)

Le témoin a quitté son village en juin 1997 et est resté dans d'autres villages de la région jusqu'à son arrivée en Thaïlande en août 1997. Il a exécuté du travail forcé et du portage. Les militaires sont venus en mars 1997 et ont arrêté environ 40 villageois avant de les interroger. Ils ont pris dix personnes (y compris lui-même) qu'ils présumaient rebelles dans un village voisin et les ont interrogées et torturées toute la nuit. Les dix furent séparées, trois militaires les ont battues et interrogées. Elles n'étaient pas au même endroit dans le village. Ainsi, il n'a pas vu ce qui arrivait à ses compagnons, bien qu'il ait entendu plus tard qu'ils avaient subi le même traitement que lui. Il a été frappé et battu toute la nuit par les militaires, bien qu'il leur disait qu'il n'était pas un rebelle. A un moment, ils ont mis un pistolet entre ses yeux et lui ont dit qu'ils allaient le tuer. Pendant qu'on le battait, il fut blessé à l'épaule et a été incapable d'utiliser son bras pendant un mois. Sept d'entre eux furent envoyés dans un autre camp alors que lui et deux autres villageois purent rester dans le village. Il a dit au capitaine qu'il n'était qu'un fermier et non un rebelle et qu'il ne possédait pas d'arme. Finalement, le capitaine l'a relâché et lui a donné un laissez-passer afin de retourner dans son village. A ce moment, la brigade 44 était postée dans un camp militaire près de chez lui, nommé Ya Kra. Ces militaires n'ont pas cru qu'il n'était pas un rebelle et ont commencé à l'accuser de toute sorte de chose. Il leur a dit de s'adresser au chef du village et que s'ils voulaient le tuer ils n'avaient qu'à le faire, mais qu'il n'avait aucune information à leur donner. Les militaires se sont fâchés et l'ont arrêté et l'ont enfermé dans une petite pièce (3 m de largeur et 4 m de profondeur) pendant deux jours et deux nuits. Ils lui ont donné une petite quantité de riz et de l'eau. Après cet incident, ils l'ont emmené dans un camp militaire où ils l'ont gardé pendant une semaine. Il pouvait circuler dans le camp mais n'avait pas la permission de le quitter. Finalement, sa femme qui était enceinte est venue au camp et a assuré qu'il n'allait pas quitter le village. Ils ont pu ainsi retourner au village mais ne pouvaient quitter la maison (il n'était pas surveillé, mais s'il était trouvé hors de la maison il risquait des problèmes). Trois ou quatre jours plus tard, la brigade 44 est partie et fut remplacée par la brigade 22 (en avril). Il ne sait pas exactement quand la brigade 22 a quitté mais, en mai, il a noté que de nouveaux militaires du bataillon 549 étaient arrivés. Quelques mois plus tard, le bataillon 545 est arrivé. Lorsque le bataillon 545 est arrivé, la situation s'est considérablement détériorée. Il devait toujours obtenir un laissez-passer des militaires afin d'aller travailler dans ses champs. Bien qu'il possédait ce laissez-passer, il a été vu par certains militaires qui l'ont frappé avec leur arme et l'ont arrêté et utilisé comme porteur. Il s'est enfui après le premier jour; les militaires ont crié mais ne l'ont pas abattu. Il est rentré au village mais, une semaine plus tard (en mai-juin), le chef du village l'a réquisitionné pour effectuer du portage. On lui a donné la possibilité de payer 2 000 kyats pour trois de portage afin de ne pas y aller, mais il ne pouvait payer cette somme. Il a dû travailler en tant que porteur à cette occasion pendant onze jours. Durant ces onze jours, il a dû transporter des armes, des munitions et d'autres équipements qui étaient très lourds, ce qui fait qu'il ne pouvait marcher de façon normale. Il y avait sept autres porteurs avec lui qui venaient de son village. Ils ont dû marcher pendant toute la journée et ne se sont arrêtés qu'occasionnellement. Il ne connaît pas le nom des endroits où ils sont passés. Ils recevaient seulement une petite quantité de riz par jour avec un peu de sel et du poisson. Ils couchaient tous en brousse ou dans les villages qu'ils traversaient. Les porteurs devaient effectuer exactement ce qu'on leur disait. Lorsqu'ils répliquaient, les militaires les battaient. Il a également été frappé parce qu'il ne pouvait plus marcher assez rapidement avec sa charge. Lorsqu'ils traversaient les villages, les militaires volaient les biens des villageois, et ces derniers étaient mis dans les paniers des porteurs. Après onze jours, le chef du village a envoyé des remplaçants et il a pu partir. Une semaine après son retour au village, il a une fois de plus été réquisitionné pour du portage. Il a décidé à ce moment de s'enfuir.


Ethnie:

Birman

210

Age/sexe:

23 ans, masculin

Situation familiale:

Célibataire; parents, cinq frères

Activité professionnelle:

Conducteur de pousse-pousse à vélo

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Myaukma, division Bago, district de Uttah (un camp militaire se trouverait à quatre kilomètres du village)

Il a quitté le Myanmar il y a cinq ans puisqu'il n'était plus en mesure d'exécuter son travail en raison de ce qui devait impérativement être fait pour les militaires. Dix jours par mois étaient réservés pour les travaux requis par les militaires. Il est retourné au Myanmar en juin 1997. Trois jours après être arrivé chez lui, il a été arrêté par les militaires afin de travailler 1) à la construction de l'aéroport à Indagau. Il y est resté pendant trois jours. Cinquante personnes, hommes et femmes, travaillaient avec lui. Il est par la suite retourné chez lui pour être arrêté à nouveau et incarcéré dans un camp de prisonniers près de Bago. Il y est demeuré pendant dix jours avant de s'échapper et de regagner la Thaïlande. Il ne connaît pas la raison qui a mené à son arrestation. Il estime que la situation s'est aggravée depuis son premier départ en 1993. Avant son départ, il a dû faire du portage et participer à la construction de voies ferrées. Dans tous les cas, il n'était pas rémunéré. Il ne pouvait refuser par crainte d'être arrêté et faire l'objet de représailles de la part des militaires. 2) Il a fait du portage en 1991 et 1992 à trois-quatre reprises. Chaque assignation durait une journée et demie. Cinq-six autres porteurs provenant de son village l'accompagnaient sur un total d'environ 300-400 porteurs dans le cadre d'offensives militaires d'importance. C'est le chef du village qui recrutait les porteurs bien que les militaires pouvaient les requérir directement en fonction de leurs besoins pour mener les opérations militaires le long de la frontière avec la Thaïlande. Les porteurs devaient transporter les munitions et ne recevaient qu'une ration de riz le matin et le soir. Lors de combats contre l'Union nationale karenne Karen National Union) (KNU), les porteurs devaient rester près des soldats et étaient souvent utilisés comme boucliers humains. Deux de ses amis auraient été abattus. Aucun traitement médical n'était prodigué aux porteurs qui avaient été blessés ou qui étaient malades. Il a été battu puisqu'il n'était pas en mesure de suivre le rythme de progression. Il était possible de payer pour être remplacé: 1 500 kyats par assignation. Il a payé à deux reprises. 3) Pour ce qui est des voies ferrées, il a dû y travailler deux fois par mois, pendant cinq jours à chaque fois, la première fois en 1990 et la dernière juste avant son départ en 1993. Il s'agissait de la voie ferrée entre Yangon et Bago à huit miles de son village. Cette voie ferrée est en fonction et est utilisée tant par les militaires que par les civils. Une personne par famille devait y travailler. L'ordre des militaires était transmis par le chef de village. Il faisait ce travail en rotation avec son frère et son père. Hommes et femmes étaient requis pour participer à ces travaux, bien qu'avec lui, seuls une trentaine d'hommes âgés entre 15 et 56 ans provenant de différents villages étaient présents. Il devait dormir sur place et apporter sa propre nourriture. Il devait faire les travaux de préparation du terrain: creuser la terre, niveler le sol, transporter et poser les rames. Une section de la voie était assignée à chaque groupe qui avait l'obligation de la terminer. Le travail était supervisé par les militaires. La journée commençait à 5 heures pour se terminer à 20 heures sans répit possible. Il n'a pas fait l'objet de mauvais traitements.


Ethnie:

Mon

211

Age/sexe:

64 ans, féminin

Situation familiale:

Mariée, trois fils, trois filles

Activité professionnelle:

Commerçant

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Anin, Thanbyuzayat, Etat Mon (le village comptait 1 000 foyers et une population d'environ 9 000 personnes)

Elle a dû quitter son village en 1995 puisque son mari était en conflit avec les autorités locales. Elle s'est installée dans un premier temps dans le village Natkyizin, division Tanintharyi. Elle y est restée jusqu'en 1995, moment où elle s'est exilée en Thaïlande. Elle n'a pas personnellement fait de travail forcé (son mari était chef de village, mais en a vu exécuter par d'autres. En effet, son commerce était situé près de la voie de chemin de fer entre Ye et Dawei (Tavoy). Elle a vu des hommes et des femmes (incluant des enfants entre 6 et 14 ans) travailler sur cette voie ferrée. Ils n'étaient pas rémunérés et devaient dormir à même le sol. Le travail était supervisé par les militaires. En outre, elle aurait été témoin de décès causés par la malaria et les mauvaises conditions de travail.


Ethnie:

Birman

212

Age/sexe:

35 ans, masculin

Situation familiale:

Marié, un enfant

Activité professionnelle:

Travailleur journalier

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Village non mentionné, Thanbyuzayat, Etat Mon (le village comptait 3 000 familles)

Il a dû quitter le Myanmar en 1996 puisqu'il n'avait plus les moyens de survivre. Il avait hérité d'une plantation de caoutchouc de huit acres. Celle-ci a été confisquée par les militaires en 1990 afin d'y construire un camp militaire. Pendant les six années qui ont suivi, il a dû exécuter de nombreux travaux pour les militaires: 1) portage, 2) chemin de fer, 3) camp militaire. 1) Pour ce qui est du portage, il devait payer 50 kyats de frais de portage tous les mois. En outre, les militaires réquisitionnaient des porteurs en moyenne deux fois par mois pour leurs opérations militaires contre les Mons et l'Union nationale karenne (Karen National Union) (KNU). Il a été porteur à deux reprises, la dernière fois en 1994, réussissant à s'enfuir avant d'être capturé dans les autres cas. Lors des deux occasions où il a été porteur, les militaires l'ont appréhendé directement. Trois cents porteurs l'accompagnaient à la première occasion et cinq cents à la seconde. Seuls des hommes faisaient partie de son groupe. Il a été témoin de nombreux combats: contre les Mons et le KNU. Il a vu de nombreux porteurs blessés ou malades qui n'ont reçu aucun traitement médical ou de médicaments. 2) Pour ce qui est de la construction de chemin de fer, il a travaillé à cette fin la dernière fois en 1992 pour quatre mois. Deux cents à trois cents hommes et femmes l'accompagnaient, âgés entre 8 et 70 ans. Il n'était pas rémunéré et devait apporter sa propre nourriture. Il devait également dormir près du site de travail, sans abri. Il a fait l'objet de mauvais traitements comme plusieurs autres travailleurs dont le travail ne satisfaisait pas aux militaires. En 1993, les militaires lui ont réclamé la somme de 3 000 kyats, taxe relative au chemin de fer et que chaque foyer devait payer. 3) Enfin, pour ce qui est du camp militaire, chaque foyer dans sa division administrative devait payer 500 kyats pour ne pas avoir à effectuer différents travaux relatifs au camp. Il a payé à trois occasions depuis 1992. Son beau-père aurait toutefois exécuté du travail pour le camp militaire en 1992.


Ethnie:

Rakhine

213

Age/sexe:

24 ans, masculin

Situation familiale:

Marié, pas d'enfant

Activité professionnelle:

Etudiant

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Mahamuni, district de Kyauktaw, Etat Rakhine

Il a dû quitter le Myanmar en 1996 puisqu'il ne réussissait pas à subvenir aux besoins de sa famille. Il lui restait environ sept jours par mois pour vaquer à ses propres occupations, le reste du temps étant consacré aux différents travaux exigés par les militaires. Il a travaillé pour le camp militaire à proximité de son village et participé à la construction de routes et de pagodes. Pour ce qui est du camp militaire, il s'agit du bataillon d'infanterie légère 376. Il a participé à la construction de la route menant au camp et à l'édification des baraques. Il n'a pas fait de portage pour des opérations militaires. En ce qui concerne les travaux routiers, il a participé à la construction de la route entre Kyauktaw et Paletwa entre 1991 et 1995. C'est le chef de village qui transmettait les ordres des militaires. Il s'agissait notamment des travaux préparatoires de nivellement du terrain. Il a dû travailler deux jours par semaine sur cette route. Cent autres personnes travaillaient avec lui sur cette section de route, incluant des hommes et des femmes âgés entre 13 et 50 ans. Ils devaient dormir près de la route et apporter leur propre nourriture. Ces travaux l'obligeaient à manquer l'école. Les travaux étaient supervisés par les militaires. Il a également participé à la construction et à la rénovation de pagodes entre 1991 et 1995. Il a dû faire ce travail deux fois par mois, pendant une journée à chaque fois. Trois cents personnes travaillaient avec lui, incluant des hommes et des femmes âgés entre 13 et 50 ans. Les ordres étaient également transmis par le chef de village et les travaux étaient supervisés par les militaires. Il a fait l'objet de mauvais traitements infligés par les militaires puisqu'ils estimaient que son travail ne progressait pas assez rapidement.


Ethnie:

Karenni

214

Age/sexe:

32 ans, masculin

Situation familiale:

Célibataire, pas d'enfant; cinq frères et sœurs, père décédé

Activité professionnelle:

Commerçant

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Wakema, division Ayeyarwady

Il a dû quitter le Myanmar en juillet 1996 puisqu'il ne réussissait plus à survivre. Les militaires l'obligeaient notamment à vendre sa marchandise à des prix bien inférieurs à ceux du marché. Il a également dû participer à des travaux de construction de routes. Il n'a pas eu à faire du portage puisqu'il a réussi à s'échapper à chaque occasion où les militaires ont tenté de le réquisitionner. Il a participé à la construction de la route entre Pantanaw et Einme, à deux reprises en 1995, à chaque fois pendant deux mois. C'est le chef du village qui lui transmettait les ordres provenant des militaires. La route se trouvant à une quinzaine d'heures de son domicile, pour se rendre au site de travail, il devait faire une partie du chemin à pied et l'autre par bateau. Deux cents à trois cents personnes travaillaient avec lui sur cette section de route, incluant des hommes et des femmes provenant de différents villages. Des femmes étaient parfois accompagnées de leurs jeunes nourrissons. Lorsque les hommes ne pouvaient faire ce travail, les femmes les remplaçaient. Chaque famille devait fournir un travailleur suivant une rotation préétablie. Le travail consistait à niveler le terrain. Il n'était pas rémunéré. Il était possible de payer les militaires de manière à ce qu'ils engagent un substitut. Or l'argent versé aux militaires était rarement utilisé à cette fin, et la charge de travail augmentait dès lors proportionnellement pour les travailleurs restants. Le coût de remplacement: 3 000 kyats pour chaque assignation de quinze jours. Sa famille a payé à plusieurs reprises. Si les militaires estimaient que le travail ne progressait pas assez rapidement, les travailleurs étaient punis, notamment en étant maintenus les pieds enchaînés au soleil. Il a également été témoin de passages à tabac infligés par les militaires.


Ethnie:

Karenni

215

Age/sexe:

37 ans, masculin

Situation familiale:

Célibataire

Activité professionnelle:

Cultivateur et travailleur journalier (ancien militaire)

Domicile (avant de quitter le Myanmar) :

Kawkareit, Etat Kayin (a vécu plus tard à Yangon)

Il a quitté le Myanmar en 1996. Ancien militaire, il a quitté l'armée en 1983 après six ans de service à la suite d'une altercation avec son supérieur. Il a personnellement recruté les porteurs nécessaires pour mener les offensives militaires pendant cette période. Lorsque les porteurs tentaient de s'échapper, il avait ordre de les abattre, ce qu'il a fait à plusieurs reprises. Il a par la suite vécu à Yangon où il devait faire des travaux communautaires tous les samedis. C'est le chef de son secteur qui l'informait du travail à exécuter.


Ethnie:

Birman

216

Age/sexe:

37 ans, masculin

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Thapancho, Pyay (Prome), division Bago

S'est joint à l'armée en 1979. Il a personnellement procédé au recrutement de porteurs. Il trouvait ce travail difficile puisque, bien souvent, il connaissait les personnes qu'il devait réquisitionner aux fins d'exécuter le travail. Il a quitté l'armée après avoir tiré sur son supérieur à la suite d'un conflit. A la suite de cet événement, il a été incarcéré pendant trois ans et a été libéré en juillet 1984. Par la suite, il a fait du portage pour les militaires à une occasion au cours de la saison froide de 1986. Il a été réquisitionné avec 50 autres personnes alors qu'il voyageait sur un train entre Mawlamyine et Bilin. Il devait transporter les munitions et les obus pour les offensives militaires ainsi que la nourriture et les soldats blessés. Il n'était pas rémunéré. Les rations de riz étaient distribuées le matin et le soir. Il n'y avait pas d'abris pour dormir. Il a été envoyé sur le front après la première semaine. Il a dû par la suite traverser de très hautes montagnes et rejoindre un autre front près de Mawhpoklo, Etat Kayin. Il a dû creuser les tranchées et construire les huttes pour les militaires. Il y est demeuré pendant trois mois. Chaque jour, il devait vérifier l'état des mines posées par les militaires. Aucun traitement médical n'était prodigué aux porteurs malades ou blessés. Pas de médicament disponible non plus. Finalement, il a décidé de quitter le Myanmar en juin 1988.


Ethnie:

Birman

217

Age/sexe:

32 ans, masculin

Situation familiale:

Célibataire, pas d'enfant

Activité professionnelle:

Géomètre et commerçant

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Maletto, Ma-u-bin, division Ayeyarwady. Le village comptait 4 000 familles

Il n'a pas eu à faire de travail pour les militaires lorsqu'il était fonctionnaire-géomètre. Il a été requis de ce faire à partir du moment où il a démissionné de ses fonctions. Il a dû participer à la construction d'une route et d'un canal. Le canal reliait Ma-u-bin à Twantay sur une distance de 16 miles et une profondeur de 15 pieds. Il connaît bien ce canal puisqu'il a travaillé sur les plans à titre de géomètre. Il a participé à sa construction à deux reprises, la première fois pendant trois mois et la seconde pendant 1 mois et demi. Le travail a consisté lors de la première occasion à creuser le tunnel et lors de la seconde à réparer ce qui s'était effondré pendant la saison des pluies. Il a participé à plusieurs reprises, au cours des années 1993 et 1994, à la construction de la route entre Ma-u-bin et Twantay et à celle reliant Ma-u-bin et Yangon. Il a dû y travailler à toutes les saisons. Il s'agissait d'importantes routes, dont la largeur équivalait à quatre voitures. Comme le terrain sur lequel étaient construites ces routes était à un niveau inférieur à celui de la mer, des travaux de remblayage étaient requis. Le travail commençait le matin vers six heures et se terminait après le coucher du soleil. Cinq mille personnes y auraient travaillé en 1991-92 et 10 000 en 1993-94, incluant des hommes et des femmes âgés entre 13 et 60 ans. Les femmes étaient souvent accompagnées de leurs jeunes nourrissons. Ils n'étaient pas rémunérés et devaient dormir près de la route. Les conditions de travail étaient mauvaises et plusieurs personnes sont décédées des suites de complications liées à la malaria, de la faim ou à d'autres maladies infectueuses. Si les travailleurs prenaient du retard, ils faisaient l'objet de passages à tabac. Il n'a pas personnellement été battu. Les routes sont terminées mais ne sont pas vraiment utiles et peuvent être utilisées seulement pendant la saison sèche. Il était possible de payer pour ne pas avoir à travailler: 3 000 kyats pour le canal et 5 000 kyats pour les routes. Il a payé à une reprise pour le canal et à deux reprises pour les routes. De 1994 à 1996, il a exercé le métier de commerçant. Toutefois, il aurait été forcé de nettoyer les environs du palais de Mandalay et à faire des travaux généraux de nettoyage tous les samedis dans cette ville. Une personne par famille devait le faire. Il a décidé de quitter le Myanmar en juin 1996.


Ethnie:

Birman

218

Age/sexe:

25 ans, masculin

Activité professionnelle:

Etudiant

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Mawlamyine (Moulmein), Etat Mon

Il a été arrêté par des membres du bataillon d'infanterie 208 alors qu'il voyageait avec d'autres personnes. Il a été amené au camp militaire de Kyar-In-Seik-Gyi où il est resté trois jours. Il a par la suite dû porter des obus, de la nourriture et des vêtements pour les soldats dans une opération militaire contre le Front démocratique des étudiants birmans (All Burma Student Democratic Front). Quinze autres porteurs l'accompagnaient. Neuf ont été tués par les militaires puisqu'ils n'étaient pas en mesure de porter la charge qui leur avait été assignée. Il est revenu au camp. Il a été requis de porter dans une seconde opération militaire. Cent porteurs accompagnaient cette fois les soldats. Il a réussi à s'enfuir. Tous ces événements se sont déroulés au cours d'un mois.


Ethnie:

Birman

219

Age/sexe:

24 ans, masculin

Situation familiale:

Célibataire

Activité professionnelle:

Cultivateur (rizière). Son frère s'occupe de ses terres

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Kawet Yekanchaung, Dedaye, division Ayeyarwady

Il a quitté le Myanmar puisqu'il ne réussissait plus à survivre, notamment parce qu'il devait vendre à des prix bien inférieurs à ceux du marché ses récoltes au gouvernement. Il a dû travailler à la construction d'un canal entre Pyapon et Dedaye, en 1994-95 à quatre reprises. C'est le chef du village qui transmettait les ordres provenant des militaires. Les 700 familles de son village devaient fournir un membre pour exécuter ce travail. Il travaillait en rotation avec son frère. Son frère pour sa part y aurait travaillé à huit reprises. Quatre-vingt-treize villages ont travaillé sur ce canal. Chaque village se voyait assigner une section qu'il devait terminer. Trois-cent-cinquante personnes travaillaient en même temps que lui, incluant des hommes et des femmes dont les plus jeunes avaient 10 ans. Certaines femmes étaient accompagnées de leurs jeunes nourrissons. Chaque assignation durait quinze jours. Le travail consistait à creuser le sol et à niveler le terrain. Il n'était pas rémunéré et devait dormir à proximité du site de travail. Il devait également apporter leur propre nourriture. Il était possible de payer un substitut: 1 500 kyats. Il a payé à deux reprises. Les travailleurs faisaient fréquemment l'objet de mauvais traitements, sans raison. Il a vu des travailleurs laissés au soleil, les pieds immobilisés dans un carcan pendant deux à trois jours. Il n'a pas personnellement fait l'objet de mauvais traitements.


Ethnie:

Mon

220 à 228

Age/sexe:

220: 63 ans, masculin; 221: 63 ans, féminin; 222: 23 ans, masculin; 223: 40 ans, masculin; 224: 30 ans, masculin; 225: 44 ans, masculin; 226: 14 ans, masculin; 227: 30 ans, masculin; 228: 19 ans, masculin

Activité professionnelle:

Le témoin 220 était chef de village alors que le témoin 221 était moine

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Anin, Thanbyuzayat, Etat Mon (sauf le témoin 228 qui était du village de Chabone, canton Yebyu et division Tanintharyi)

Le témoin 220 et sa femme qui est le témoin 221 sont venus en Thaïlande il y a plus de deux ans. Avant de quitter, ils ont vécu pendant environ trois ans à Ye Bu (mais sont retournés fréquemment au village d'Anin). Ils ont quitté parce qu'ils ne pouvaient plus payer les taxes de porteur ainsi que les contributions au SLORC et aux milices Pyithu Sit, qui fournissaient des armes au gouvernement, alors que les villageois devaient leur fournir de la nourriture et un logement. Avant de quitter pour Ye bu il y a cinq ou six ans, il y avait 700 familles dans le village d'Anin. De ses proches, cinq familles ont dû partir. De la famille du témoin 223, six maisons ont dû quitter le village. Lorsque lui et sa femme, après deux ans en Thaïlande, ont décidé de retourner brièvement dans leur village au début de l'année, il ne restait que quelques maisons. Le témoin 228 déclare que son village d'environ 70 maisons, Chabone, fut relocalisé l'année dernière, ce qui fait que la plupart des habitants sont venus en Thaïlande. Le témoin 220 était un membre du conseil local du village d'Anin pendant quatre ans avant que le SLORC fût établi le 18 septembre 1988. Il devint le chef du village une année et demie plus tard. Deux à trois ans après l'établissement de SLORC, le travail forcé, qui était limité auparavant au portage, fut étendu à d'autres activités pour le village d'Anin. Ce travail forcé comprenait notamment: construction de bâtiments pour les militaires; plus tard, construction du chemin de fer de Ye-Dawei (Tavoy), construction de la route de Thanbyuzayat jusqu'à Anin; portage; tâche de surveillance près du chemin de fer; en fait, tout ce que les militaires avaient besoin (réparation du toit du bâtiment de la police, creuser des tranchées, nettoyer le village et les bâtiments des militaires et, durant la saison des pluies, ramasser des feuilles pour les toitures). L'organisation du travail forcé était la suivante: pour le portage, depuis 1990, les gens étaient toujours arrêtés par les militaires. Pour les autres travaux, les militaires envoyaient une lettre au chef du village en lui mentionnant le nombre de personnes dont ils avaient besoin pour effectuer une tâche. Ce nombre variait selon le travail qui devait être accompli. Les personnes choisies devaient se rendre. Il y avait environ 40 sous-chefs de village qui étaient en charge de 20 maisons chacun. Lorsque le chef du village recevait l'ordre, il disait aux sous-chefs de fournir les personnes requises sur une base rotative. Pour la construction de bâtiments militaires, l'ordre venait du bataillon 31, alors que pour la construction du chemin de fer, il venait du bataillon 104. En ce qui concerne les menaces dans les cas où les gens ne se rendaient pas pour effectuer le travail, elles n'étaient pas incluses dans la lettre mais prononcées verbalement lorsque la lettre était remise au chef du village. Ces menaces indiquaient que, si le travail n'était pas accompli selon les règles, le chef du village serait arrêté ainsi que tous les autres villageois. Ceux qui ne pouvaient y aller devaient payer 2 500 kyats par famille. Pour la construction de nouveaux bâtiments militaires, le travail durait environ un mois; pour la réparation de vieux bâtiments, ce travail durait environ sept jours. Comme le site était près du village, les gens pouvaient retourner au village la nuit. Ils devaient travailler de 5 heures jusqu'à 18 heures en apportant leur propre nourriture et en nourrissant également le militaires. Dès l'âge de 12 ans, et ce jusqu'à 50 ou 60 ans, les hommes et les femmes devaient travailler. Les enfants et les personnes âgées travaillaient uniquement lorsqu'il n'y avait personne d'autre de disponible dans la maison. Les militaires ne battaient pas les gens qui construisaient les bâtiments mais les insultaient et les menaçaient. La construction du chemin de fer de Ye-Dawei a débuté autour de 1993 et se poursuivait toujours. Environ 700 personnes du village d'Anin ont travaillé sur ce projet. Elles étaient séparées en deux groupes de 350 personnes qui travaillaient de façon rotative pendant 14 jours. Les travailleurs étaient choisis par les quarante sous-chefs qui étaient responsables d'environ 20 maisons et devant fournir 20 personnes. Si un sous-chef ne pouvait fournir le nombre requis de personnes, il devait payer une amende de 2 500 kyats par personne pendant deux semaines. Le trajet pour se rendre sur le site de travail était de six heures de train. Le site de travail se situait près du village de Kalot. En principe, les travailleurs dormaient dans la jungle et construisaient eux-mêmes des petits abris en plus de faire le propre cuisine. Le travail était assigné par section et chaque personne devait compléter une certaine unité chaque jour. Les militaires donnaient directement les ordres aux sous-chefs en ce qui concerne le travail qui devait être effectué par chaque groupe. Si ceux-ci ne réussissaient pas à accomplir le travail, ils étaient punis. Les femmes et les enfants de 12 ans ainsi que les personnes âgées (50 ou 60 ans) devaient également travailler. Les gens du village d'Anin n'étaient pas maltraités bien que les villageois d'autres endroits qui désobéissaient aux ordres étaient battus par les militaires. A chaque jour, huit personnes du village devaient effectuer des tâches de surveillance près du chemin de fer. Finalement, en ce qui concerne le portage, cette pratique existait avant 1988 mais fut en nette augmentation après l'établissement du SLORC. Jusqu'en 1990, les porteurs étaient arrêtés directement par les militaires dans les villages ou les ordres étaient donnés directement au chef du village. Pour le portage, les militaires réquisitionnaient un certain nombre de personnes qui pouvaient aller jusqu'à 40 à la fois. Lorsque les combats s'intensifiaient près de la frontière, les militaires amenaient tout le monde avec eux. Les troupes marchaient près de la frontière et, en moyenne une fois par mois, ils utilisaient 20 à 30 porteurs par jour (certaines personnes pendant un à deux mois, alors que d'autres pour seulement dix jours). Certains porteurs ne sont jamais revenus puisqu'ils se sont fait tuer ou se sont échappés. Personne ne voulait aller faire du portage, ce qui fait que la majorité des gens préférait donner de l'argent. Les hommes s'enfuyaient alors que les femmes et les enfants restaient. En 1990, le chef du village a informé les militaires qu'il ne voulait pas être responsable pour réquisitionner des porteurs. Il leur a donc demandé de s'arranger entre eux. Après cela, à chaque fois que les villageois étaient informés que les militaires arrivaient dans la région, ils préféraient s'enfuir. Le témoin 225 fut arrêté par les militaires pour des fins de portage avec environ 200 autres personnes en 1990-91. Les militaires l'ont emmené pendant un mois près de la montage de Kalama. Il devait transporter du riz et d'autres types de nourriture (environ 80 kg pour deux porteurs). Lorsqu'un porteur était fatigué, les militaires le frappaient avec leurs bottes. Dans certaines situations, lorsqu'un porteur était malade et ne pouvait plus transporter sa charge, les militaires le fusillaient. Le témoin 225 a vu environ dix personnes sur 200 porteurs tuées. Environ 15 à 20 personnes furent frappées et certaines furent grièvement blessées. En général, les militaires ne se préoccupaient pas de ceux qui ne pouvaient plus bouger et les fusillaient purement et simplement. Les porteurs devaient tolérer des blessures très graves suite aux charges excessives qu'ils devaient transporter. Le témoin 225 a été malade et il crachait du sang. Les porteurs n'ont jamais reçu de traitement médical et devaient se soigner eux-mêmes. On leur interdisait de fumer et ils ne recevaient qu'un peu de riz et des feuilles de bananes. Ils n'avaient pas le droit de cuisiner. Le témoin 225 fut envoyé à Kawkareik (avec environ 1 000 personnes sur un bateau) lorsqu'il fut relâché. Le témoin 222 a effectué du portage autour de 1993-94 pour le bataillon 109. Il devait transporter des marchandises (dans son cas, environ 40 kg de riz) jusqu'à Nat Ein Taung près de projets pétroliers. Il a été envoyé par son village pour effectuer du portage parce que c'était son tour. Il y est allé avec sept ou huit autres personnes de son village. En tout, il y avait environ 7 000 personnes. Mais ceux qui pouvaient se permettre de payer 1 000 kyats étaient relâchés. Ainsi, 300 personnes ont pu éviter le portage. Il a été absent pendant environ dix jours et il a mis six jours pour se rendre à Nat Ein Taung. Sur le chemin, il y avait des combats et deux porteurs furent blessés. Les militaires les ont fusillés parce qu'ils ne pouvaient plus transporter leurs charges. Un porteur était responsable de cinq autres porteurs (dans le cas où ceux-ci voulaient s'enfuir) et certains se sont enfuis et furent tués. Il n'a pas été témoin de cela personnellement. Si un porteur réussissait à s'enfuir, le militaire était puni. Il a vu à une occasion un officier frapper un soldat avec son arme parce qu'un porteur s'était enfui. De Nat Ein Taung, il a dû transporter les biens d'un soldat sur son dos. Sur le chemin du retour, il a vu environ 15 corps, principalement des porteurs, qui avaient été tués après avoir été fusillés ou battus. Lors des combats, les militaires ordonnaient aux porteurs de se coucher par terre. Le témoin 222 n'a jamais été battu bien que certains porteurs qui ne pouvaient transporter leurs charges le furent. Il a vu toutefois certaines personnes âgées ne pouvant transporter leurs charges être relâchées. Les porteurs recevaient une petite quantité de riz et de poisson. Le témoin 226, qui a quitté le Myanmar il y a environ trois ans alors qu'il était âgé de 11 ans, n'a pas eu à effectuer du travail forcé.


Ethnie:

Birman

229

Age/sexe:

30 ans, féminin

Situation familiale:

Une mère et trois sœurs

Activité professionnelle:

Commerçant

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Ye, Etat Mon

Le témoin est venu en Thaïlande en 1997 parce qu'il était trop difficile de survivre en Birmanie. Dans le village de Ye, les hommes avaient très peur et plusieurs s'étaient enfuis vers la Thaïlande. Les autorités du Myanmar ont demandé à sa famille d'exécuter du travail forcé. Un membre de sa famille devait y aller. Puisque tous les membres de sa famille étaient des femmes, elles ne pouvaient y aller et devaient payer plutôt une somme d'argent. Au milieu de 1996, elles ont dû payer 3 000 kyats. Un membre plus éloigné de sa famille a travaillé de 1995 jusqu'à la fin de 1996 pour les ingénieurs du gouvernement en tant que travailleur contractuel sur le projet du chemin de fer du village de Koe Mine (à neuf miles du village de Ye). Le contracteur recevait de l'argent pour engager des travailleurs afin qu'ils exécutent un travail déterminé. Il devait aller dans la région afin de trouver 100 personnes à qui il payait 180 kyats par jour. Il devait identifier les travailleurs et les ramener avec lui. Parfois, ces travailleurs contractuels travaillaient au côté de personnes qui exécutaient du travail forcé. A certaines occasions, les militaires ont réquisitionné ces travailleurs contractuels pour qu'ils effectuent du portage. Dans le village de Ye ainsi que dans le reste du canton, chaque famille devait fournir un membre pour travailler sur le chemin de fer. En principe, le contracteur utilisait les travailleurs qualifiés pour les travaux d'ingénierie ou de construction de ponts, alors que les travailleurs forcés faisaient du travail plus difficile. Il y avait également des prisonniers qui étaient utilisés pour casser des pierres. Il y avait beaucoup de gens qui faisaient du travail forcé sur la construction du chemin de fer. Chaque ville et chaque village se voyaient allouer une quantité de travail à exécuter. Lorsque le village avait une population plus considérable et était plus près du chemin de fer, le travail devait être complété en cinq jours. Dans le cas contraire, le délai pouvait aller jusqu'à dix jours. La fréquence dépendait du lieu où la personne vivait. A Ye, les gens étaient bien organisés et se rendaient au travail forcé que deux fois en huit mois. Un peu plus loin du village, les gens étaient plus pauvres et devaient s'y rendre un peu plus souvent (environ quatre fois en huit mois). Jusqu'à aujourd'hui, sa famille a dû payer entre 80 et 90 kyats par mois. Plus éloigné du centre ville, le taux était de 90 kyats. Les gens en ville pouvaient être arrêtés pour le portage et avaient ainsi peur d'ouvrir leur porte. Si quelqu'un pouvait payer entre 5 000 et 10 000 kyats, il pouvait se voir exonérer du travail. Toutefois, ceux qui vivaient éloignés de Ye ne pouvaient se permettre ce genre de chose. Sa famille possédait une voiture. Parfois, elle était réquisitionnée avec un chauffeur pendant trois à quatre jours par les militaires. Ces derniers promettaient de fournir de l'essence mais ne l'ont jamais fait. Lorsque les gens étaient amenés comme porteurs, ceux qui pouvaient s'échapper revenaient rapidement alors que les autres pouvaient être absents de trois à six mois. Le portage a débuté il y a fort longtemps. Tous les groupes ethniques dans le village de Ye étaient traités de la même façon. Autour de la ville, les villages étaient constitués principalement de Mons et de Karens. Certains membres de sa famille ont dû effectuer du portage et ont beaucoup souffert. Ils n'étaient jamais aussi bien traités que les militaires. Un de ses jeunes cousins réquisitionné pour le portage fut absent pendant trois mois. Il a, par la suite, pu trouver un remplaçant dans le village. Lorsque les porteurs étaient fatigués, ils étaient battus et on les privait de riz. Lors des combats, les porteurs manquaient d'entraînement et pouvaient être blessés. De plus, ceux qui étaient malades et qui ne pouvaient plus transporter leurs charges étaient fusillés. Son cousin fut battu mais n'en a pas gardé de séquelles.


Ethnie:

Musulman

230

Age/sexe:

45 ans, masculin

Situation familiale:

Marié avec quatre enfants

Activité professionnelle:

Vendeur de boissons froides

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Mawlamyine (Moulmein), Etat Mon

Le témoin a dû exécuter du travail forcé mais uniquement avant de quitter le pays suite aux événements de 1988. Les membres de sa famille qui sont restés au Myanmar devaient aller une fois par semaine pendant une journée travailler à l'aéroport de Mawlamyine afin de nettoyer le sol et couper le gazon. Lorsqu'ils ne pouvaient y aller, ils devaient payer 300 kyats. Les ordres venaient des autorités du district via le chef du village. De plus, les membres de sa famille ont également dû travailler sur l'entretien de la route et ont dû couper le gazon une fois par semaine environ trois fois par mois pendant une demi-journée et même une journée entière. Ils payaient habituellement 300 kyats afin de ne pas y aller. Ils ont également dû payer des taxes de porteurs de 300 kyats deux fois par mois. Parfois, lorsqu'un visiteur venait et s'enregistrait auprès des autorités en tant que visiteur dans leur maison, ils devaient payer 50 kyats. Egalement, lors de grands événements, les militaires venaient leur réclamer de l'argent. Le témoin a montré un document daté du 27 juin 1990 qui confirmait le versement de 10 000 kyats pour la réparation et la réfection de routes (somme qui devait être payée par les propriétaires de commerces mais qui ne remplaçait pas le travail forcé).


Ethnie:

Bouddhiste

231

Age/sexe:

36 ans, masculin

Situation familiale:

Marié avec un enfant

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Kyaukphyu, Etat Rakhine

Le témoin a quitté le Myanmar il y a dix ans. Lorsqu'il est retourné à Kyaukphyu pendant trois mois en 1995, il a été témoin de travail forcé sur la route de Minbu dans la Division de Magway jusqu'à Taungkok dans l'Etat Rakhine près d'Ann. Ce travail faisait partie d'un projet qui avait débuté en 1993. Le travail avait été distribué par région; 600 à 700 personnes de cette région devaient y travailler. A la suite des ordres des autorités, chaque famille devait envoyer un travailleur. Pendant les trois mois où il est retourné pour vivre avec sa famille, cette dernière fut réquisitionnée à quatre reprises pendant dix jours pour travailler. Il s'est lui-même rendu pour sa famille à trois occasions pendant dix jours; il fut exempté à la quatrième occasion en payant 150 kyats par jour au chef du village. Il devait marcher pendant quatre heures jusqu'au site de travail et devait apporter sa propre nourriture pendant dix jours. Il devait rester sur ce lieu pendant toute la période et il travaillait de 7 heures le matin jusqu'à 18 heures, avec une pause pour le déjeuner. Il dormait à la belle étoile. Les militaires les surveillaient mais ne les ont pas battus. Il n'a jamais effectué d'autre travail forcé pendant ces trois mois, et il n'y avait pas de taxe de porteur dans l'Etat Rakhine. Une majorité de Rakhines s'étaient joints à l'armée et n'opprimaient pas les villageois.


Ethnie:

Birman

232

Age/sexe:

31 ans, masculin

Situation familiale:

Marié avec deux enfants

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Kaw Tot, près du village de Ye, Etat Mon (le village comptait environ 2 000 familles; il est originaire de Yangon)

Le témoin a quitté le Myanmar pour la première fois en 1991 mais est retourné pendant un mois en novembre 1997. Dans le village de Kaw Tot, sa femme ainsi que ses trois sœurs mariées vivaient avec leurs enfants et leur mari ensemble dans une grande maison afin de réduire les charges liées au travail forcé. Le chef du village a voulu les considérer comme plusieurs familles. En novembre 1997, il est allé demander à certains membres de sa famille d'exécuter du travail forcé pour couper des buissons autour du chemin de fer de Ye-Dawei pendant une journée. Ils ont versé, afin d'être exemptés, une somme de 150 à 200 kyats pour une journée. Ils ont ainsi payé une seule fois pour toute la maison. Ils ont également dû payer des taxes de porteurs d'environ 700 kyats par mois directement aux militaires. On a exigé d'eux quatre fois 700 kyats pour un mois parce que les militaires n'acceptaient que l'on puisse les considérer comme une seule famille.


Ethnie:

Mon

233

Age/sexe:

34 ans, masculin

Situation familiale:

Marié avec un enfant

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Taungpone, Ye, Etat Mon (le village comptait 4 000 familles)

Le témoin est venu en Thaïlande il y a environ dix ans et a essayé, à plusieurs reprises, de retourner au Myanmar mais n'y est pas parvenu; puisqu'il y avait un manque d'hommes, on les a contraints à exécuter du travail forcé. Sa femme, qui est retournée il y a environ six mois (elle continue d'effectuer des aller et retour), a dû effectuer du travail forcé dans les six derniers mois. Les femmes devaient nettoyer les buissons près d'un pont deux fois par mois pendant une journée complète afin d'empêcher une embuscade de la part de rebelles. Les hommes étaient envoyés à Dawei (Tavoy) pour travailler sur le gazoduc ou le chemin de fer. Il sait tout parce qu'il y a environ 50 jours sa femme lui a téléphoné et lui a dit de ne pas venir puisque l'armée recrutait toujours des hommes pour une durée d'un mois. Certaines femmes ont dû ramasser des pierres pour le chemin de fer. Sa femme a dû y aller deux fois par mois afin de nettoyer les buissons ou de ramasser les pierres. Puisque son mari n'était pas là, elle devait y aller ou payer. Tous devaient également payer une taxe mensuelle de porteur variant en fonction du revenu de chacun. Le travailleur ordinaire payait 700 kyats par mois, alors qu'un propriétaire terrien pouvait payer 1 500 kyats.


Ethnie:

Mon

234 et 235

Age/sexe:

35 et 25 ans, tous deux masculins

Situation familiale:

Tous deux célibataires

Activité professionnelle:

Tous deux travaillaient sur la construction du chemin de fer

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Ye, Etat Mon (témoin 234); Sakaya, Ye, Etat Mon (témoin 235)

Les deux témoins furent engagés par un contracteur afin de travailler sur la construction du chemin de fer de Ye-Dawei (Tavoy) qui a débuté en 1992. Ils ont tous deux dû payer 1 000 kyats à la personne responsable des chemins de fer afin d'obtenir cet emploi. On leur avait promis un salaire de 100 kyats par jour en tant qu'employés du gouvernement mais ils n'ont jamais rien reçu. Après six mois de travail sur le chemin de fer sans avoir été payés (en 1995 et 1996), ils ont décidé de quitter avec quatre autres personnes. Alors qu'ils travaillaient sur le chemin de fer, ils ont vu du travail forcé sur le site de construction. En ce qui concerne le travail forcé, en 1995 et 1996, les autorités locales du LORC leur ont ordonné de creuser des tranchées dans la ville de Ye sans rémunération. Ce travail avait lieu une fois par semaine ou trois fois par mois pendant une ou deux journées à la fois durant la saison sèche. Ils devaient travailler de 7 h 30 le matin jusqu'à 16 heures. Ils ne travaillaient pas lorsqu'il pleuvait. En tout, il y avait environ 600 personnes de différents villages qui travaillaient. Le témoin 234 a été utilisé comme porteur avant d'obtenir le travail sur la construction du chemin de fer. Il ne se souvient plus exactement du moment où il a dû faire ce portage, mais cela a duré pendant quinze jours. Les militaires l'ont arrêté lors d'une visite à Mawlamyine (Moulmein) et l'ont envoyé par camion au passage des Trois pagodes. Ils ont arrêté énormément de gens, environ 10 à 15 camions pleins. Les gens n'étaient pas ligotés mais ils étaient surveillés. Il a dû transporter des sacs de cartouches qui pesaient environ 20 kg. Il n'a jamais été rémunéré et a reçu un peu de riz. Il a vu d'autres personnes qui étaient incapables de transporter leur charge et qui furent battues mais pas tuées. Certaines ont été grièvement blessées à la suite de ces violences. Il n'a vu personne être abandonné le long de la route. Après quinze jours, il fut relâché au passage des Trois pagodes. Il a mis six jours pour rentrer à la maison. Par la suite, lorsqu'il fut employé pour la construction du chemin de fer. Ils ont tous deux dû payer des taxes de porteur d'environ 600 kyats par mois.


Ethnie:

Birman

      236

Age/sexe:

44 ans, masculin

Situation familiale:

Marié avec cinq enfants

Activité professionnelle:

Il faisait des filets de pêcheurs

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Setse, Thanbyuzayat, Etat Mon (le village comptait environ 1 000 familles)

Le témoin est venu en Thaïlande en 1993 parce qu'il devait effectuer du travail forcé et payer des taxes de porteur qu'il ne pouvait plus assumer. Il n'avait plus le temps de travailler pour sa propre famille. Conformément aux ordres des autorités locales, il devait aller une à deux fois par semaine nettoyer les buissons ou effectuer des tâches de surveillance, avec 80 à 100 personnes de son village. Les militaires les surveillaient et les insultaient mais ne les battaient pas. Si quelqu'un n'y allait pas, les militaires le trouvaient. Si la personne ne pouvait pas y aller, elle devait payer une amende d'environ 300 à 500 kyats. Quatre à cinq jours par mois, et ce durant toute l'année, une personne par famille devait également effectuer du travail de réfection sur la route entre Thanbyuzayat et Setse. Environ 80 à 100 personnes à la fois devaient s'y rendre. Le tout était organisé par huit à dix sous-chefs responsables chacun de dix familles. Le travail forcé était exécuté de façon rotative entre village ou région. Les travailleurs du gouvernement n'étaient pas obligés d'effectuer du travail forcé. Ceux qui ne voulaient pas y aller devaient payer une amende. En 1990 et jusqu'en 1993, elle s'élevait pour une journée à 300- 500 kyats. Il devait également payer des taxes de porteur s'élevant à 200 kyats par mois, outre les 300 à 400 kyats qui devaient être versés pour les portages d'urgence. Ces paiements devaient être effectués au moins une et même deux fois par mois. Il a dû effectuer du portage à une occasion lorsqu'il fut arrêté par les militaires du bataillon 26 vers 1985 ou 1986. Il a dû transporter de lourdes charges jusqu'au passage des Trois pagodes pendant deux mois. Il s'est par la suite enfui. Il a été battu parce que sa charge l'empêchait d'avancer rapidement. Il n'a jamais été rémunéré et a reçu uniquement un peu de riz. Il a vu des porteurs tués par les militaires, y compris un homme qui ne marchait pas assez rapidement et blessé à l'épaule. Les militaires l'ont attaché et lui ont passé une corde autour du cou. Par la suite, ils l'ont frappé avec leurs bottes et l'ont étranglé jusqu'à ce que mort s'ensuive. Il a également vu deux porteurs qui transportaient de lourdes charges et qui voulaient se reposer; un soldat du bataillon 26 leur a dit «si vous vous reposez, vous vous reposerez pour le reste de votre vie». Il les a par la suite poussés du haut de la falaise. Il a vu environ 60 porteurs sur un total de 108 mourir durant le portage. Lorsque les personnes ne pouvaient transporter leur charge, elles étaient battues et certaines mouraient. Les soixante porteurs furent tués par les militaires et non par l'ennemi. Ainsi, il a toujours payé les taxes de porteur parce qu'il ne voulait pas effectuer du portage. Il s'est finalement enfui en Thaïlande. Après son départ, sa famille a dû travailler sur la construction du chemin de fer de Ye-Dawei (Tavoy). Ils devaient s'y rendre une fois par année pendant vingt jours.


Ethnie:

Birman

237

Age/sexe:

35 ans, masculin

Situation familiale:

Marié avec deux enfants

Activité professionnelle:

Capitaine d'un petit bateau qu'il louait du propriétaire et qui pouvait transporter 25 à 30 personnes.

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Kawthaung, division de Tanintharyi

Le témoin a quitté le Myanmar il y a cinq ans parce que les autorités réquisitionnaient son bateau afin d'être transportées gratuitement; il n'avait dès lors plus d'argent pour payer le propriétaire du bateau (environ 150 bahts par jour). Il était réquisitionné environ deux fois par mois pendant une journée complète. Il devait payer l'essence et être au service des militaires. De plus, il a dû transporter ces militaires à trois ou quatre occasions pendant un mois dans le cadre de situations d'urgence. Il devait habituellement transporter toute sorte de personnes en position d'autorité: police, autorités d'immigration et militaires. Pour les urgences, il devait également transporter de la nourriture ou des habitants des petites îles près de Kawthaung. Les situations dites d'urgence se produisaient normalement lorsque les militaires, la police ou les autorités d'immigration voulaient se rendre sur une des îles sans lui donner d'explication. Ce n'était jamais pour transporter des gens à l'hôpital ou pour assister des personnes en danger. De plus, chaque samedi, une personne de chaque maison devait aller exécuter du travail forcé consistant à nettoyer le village ou à creuser des tranchées. Si quelqu'un n'y allait pas, il devait payer 200 kyats. Habituellement, il préférait payer plutôt que d'envoyer quelqu'un de sa famille. Dans cette région, il n'y avait pas de taxes de porteur. Les gens devaient uniquement payer une taxe de pompier d'environ 50 kyats par mois. Cet argent allait aux pompiers bien que ces derniers recevaient déjà un salaire et qu'il n'y avait jamais d'incendie.


Ethnie:

Mon

238

Age/sexe:

20 ans, masculin

Situation familiale:

Ses parents et quatre frères et sœurs

Education

Septième année

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Zathabyin, Hpa-an, Etat Kayin

Le témoin a quitté le Myanmar il y a quatre ans parce qu'il devait effectuer du portage et d'autres types de travail forcé. A l'âge de 15 ans, alors qu'il était en sixième année, il fut arrêté lors d'une visite à Kyondo, près de Kawkareik. A un point de contrôle policier, on l'a fait sortir de l'autobus dans lequel il voyageait avec trois autres personnes (le chauffeur, son assistant et un ancien soldat) et il fut mis dans une petite cellule. Les militaires ont ordonné aux policiers de réquisitionner des hommes pour le portage et de les garder jusqu'à ce qu'ils reviennent les chercher. Alors que la police s'est absentée, il a réussi à s'échapper. Il n'y avait pas de taxes de porteur sur une base régulière. Il existait uniquement une taxe de porteur d'urgence sur une base irrégulière. Lorsque les autorités demandaient des porteurs, on devait payer environ 1 000 kyats afin de ne pas y aller. Ceci arrivait environ une fois par mois dans sa famille. Toutes les familles devaient contribuer au travail forcé et chacune se voyait assigner une tâche particulière qu'elle devait terminer en cinq jours. Ceci devait être fait une fois tous les trois ou quatre mois. L'ordre émanait des autorités locales. Il était possible de rentrer à la maison le soir. En 1997 (lorsqu'il est retourné dans son village pendant deux mois), il a dû travailler à deux occasions pendant quinze jours à transporter des pierres et à niveler le sol pour la construction d'un pont entre son village et la route de Zathabyin à Mawlamyine (Moulmein). Un membre de chaque famille devait s'y rendre.


Ethnie:

Mon

239 et 240

Age/sexe:

Le témoin 239: 26 ans, et le témoin 240: 18 ans, toutes deux de sexe féminin

Situation familiale:

Toutes les deux mariées; avant de quitter le village, le témoin 239 était dans la maison de ses parents avec quatre frères et sœurs; le témoin 240 était dans la maison de sa grand-mère avec sa mère et sa sœur plus jeune

Education

Témoin 239: quatrième année; témoin 240: septième année

Activité professionnelle:

Témoin 239: pêcheur et vendeur de poisson

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Zathabyin, Hpa-an, Etat Kayin

Les deux témoins ont dû exécuter elles-mêmes du travail forcé (le témoin 239 depuis l'âge de 13 ans). Le témoin 239 a quitté le Myanmar il y a environ une année; le témoin 240 a quitté le Myanmar il y a deux ans. Le témoin 240 a déclaré que, pour la construction de la route de Zathabyin jusqu'à Hpa-an, chaque famille devait fournir une personne pendant quatre à six jours environ trois fois tous les deux mois. Le travail pouvait s'effectuer en quatre jours si on faisait partie d'un grand groupe alors qu'il s'effectuait en six jours si le travail était plus considérable. La durée dépendait des instructions du chef du village. Le témoin 240 y est allé à deux reprises. Les autres fois, ils sont venus dans sa famille; la famille a alors préféré payer 1 000 à 2 000 kyats pour quatre à six jours. Lorsqu'elle y est allée, elle est restée sur le lieu de travail puisqu'il était éloigné de son village. Elle a dormi sur place à une occasion alors que les autres fois elle a préféré rentrer durant la soirée. Ils devaient apporter leur propre nourriture et leurs instruments de travail. Le témoin 239 confirme ces déclarations. Elle a elle-même exécuté du travail forcé à de nombreuses reprises depuis l'âge de 13 ans parce que sa famille ne pouvait se permettre de payer et que ses parents étaient très vieux. Parfois, elle devait y aller deux fois par mois. Le témoin 240 a déclaré qu'il y avaient des militaires qui venaient normalement donner des instructions pour la fin du travail. Lorsque les militaires s'en allaient, les travailleurs pouvaient se reposer. Il n'y avait pas de harcèlement sexuel. Le témoin 239 a indiqué que, lorsqu'un chef militaire de Hpa-an est venu, ils ont dû nettoyer la route pendant une journée. Ceci arrivait deux à trois fois par mois pendant une journée complète (8 heures du matin à 18 heures). Le témoin 240 a ajouté qu'elle allait normalement exécuter ce type de travail (alors que sa famille avait tendance à payer plutôt que de l'envoyer travailler sur la route). Les taxes de porteur devaient être payées une fois par mois, parfois pour du portage d'urgence. Le taux dépendait des revenus de chaque famille. Pour le témoin 239, sa famille payait environ 300 kyats alors que, pour le témoin 240, elle payait environ 600 kyats.


Ethnie:

Birman

241

Age/sexe:

24 ans, féminin

Situation familiale:

Six (elle vivait avec ses parents)

Activité professionnelle:

Pêcheur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Myeik (Mergui), division Tanintharyi

Le témoin a quitté le Myanmar en janvier 1997. Son jeune frère fut arrêté en 1994-95 alors qu'il se rendait dans un village près de Myeik (Mergui). Il fut amené à Netaye Taung avec deux personnes de son village. Son jeune frère est tombé malade alors qu'il effectuait du portage, et les deux autres personnes ont déclaré que les militaires l'avaient abandonné dans la jungle. Eux-mêmes ont pu s'enfuir plus tard et ont essayé de le trouver. Malheureusement, il était déjà mort. Elle n'a jamais effectué de travail forcé. Dans sa famille, les autres membres ont dû en effectuer très souvent. Habituellement, son jeune frère qui est mort devait y aller trois fois par mois et parfois pendant un mois complet. Il partait dans des endroits éloignés, et ce depuis l'âge de 16 ans. Il était le seul homme de la famille à l'exception de son vieux père.


Ethnie:

Karenni

242

Age/sexe:

21 ans, féminin

Situation familiale:

Cinq (elle, ses parents et deux sœurs)

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Hpa-an, Etat Kayin (a vécu depuis 1979 dans une région contrôlée par le KNU dans l'Etat Kayin)

(Ceci est un résumé du témoignage donné par «Wa Wa» lors de la deuxième session de la commission à Genève.)

En sa capacité d'officier du FTUB en charge des femmes et des enfants, elle a interviewé plusieurs réfugiés qui ont effectué du travail forcé. Elle a fait ses entrevues pendant trois mois, débutant en avril 1996. Les gens qu'elle a interviewés ont eu à travailler sur la construction de la route entre Nabu et Dawlan, Nabu et Kawkareik et Nabu et Kyondo. Nabu était un village musulman qui fut relocalisé lorsque l'armée est arrivée en 1995. Certains des villageois devaient se rendre très loin de leur village afin d'effectuer le travail forcé. Les femmes, les enfants âgés de 10 à 12 ans ainsi que les personnes âgées entre 50 et 60 ans devaient tous effectuer ce travail. Les villageois ne pouvaient se reposer que pendant une heure durant la journée. Ils devaient fournir leur propre nourriture, le bois pour le feu ainsi que le matériel pour cuisiner. Certains villageois sont morts à la suite de maladies. Certains furent battus par les militaires. Un homme âgé d'environ 60 ans est mort d'épuisement. Une jeune fille fut tuée lors d'un accident de travail (glissement de terrain); sa famille n'a reçu aucune indemnisation. Lorsqu'un villageois ne pouvait se rendre pour effectuer du travail forcé, il devait engager un remplaçant qui pouvait lui coûter entre 200 et 1 000 kyats. Les villageois qu'elle a interviewés lui ont également fait part du portage qu'ils avaient dû effectuer. Les gens qu'elle a interviewés lui ont dit qu'ils avaient été contraints de signer un papier pour l'armée et que leurs terres furent confisquées sans indemnisation. Aucun des villageois ne possédait de voiture. Les routes étaient réservées aux militaires. Les ordres concernant le travail forcé et le portage étaient donnés par les militaires par l'intermédiaire du chef du village.


Ethnie:

Karenni

243

Sexe:

Masculin

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Yangon

(Ceci est un résumé du témoignage fourni par «Min Lwin» lors de la deuxième session de la commission à Genève.)

Le témoin a quitté Yangon en 1982 et est allé travailler dans une usine de ciment à Thayet dans la partie centrale du Myanmar. Il a quitté l'usine de ciment durant les événements de 1988 et est allé dans une région contrôlée par le KNU près de la frontière thaïlandaise. A cet endroit, il a travaillé comme mécanicien pour le KNU. Alors qu'il était dans cette région, il a parlé à des gens qui s'étaient échappés alors qu'ils étaient porteurs pour le SLORC. Ils lui ont dit qu'il devait transporter des charges entre 20 et 45 kg. Ils devaient accompagner les militaires à la ligne de front durant les combats. Ils devaient alors surveiller les munitions des militaires. Ils devaient également creuser des tranchées et aller chercher de l'eau pour les militaires. Ces porteurs ont été arrêtés dans des cinémas ou le long des routes. Les porteurs étaient battus lorsqu'ils étaient trop lents. Après avoir travaillé pour le KNU, le témoin a travaillé pour le FTUB en tant que secrétaire pour les droits de l'homme et les droits des travailleurs. Il a préparé des documents concernant les droits de l'homme. Il a interviewé plusieurs réfugiés (70 ou 80) sur les raisons de leur départ du Myanmar. Ses dernières rencontres ont eu lieu le 24 octobre 1997. La plupart des gens ont quitté le Myanmar à cause du travail forcé et parce que leurs terres avaient été confisquées par l'armée. Le travail forcé comprenait le travail de construction de routes ainsi que le travail dans les plantations qui appartenaient aux militaires. Il y avait également du travail de coupe de bois (les gens d'origine lao qui venaient de la région près de Mong Hsat dans l'Etat Shan ont dû effectuer ce type de travail). Les gens de Hmawbyi à Yangon ont dû effectuer du travail sur la route de Hmawbyi. D'autres personnes ont dû effectuer du travail forcé sur les projets d'irrigation dans la division de Yangon. Il a interviewé un prisonnier qui a dû travailler à la centrale électrique de Kalaymyo près de Kabaw. Les personnes de l'Etat Kayin lui ont dit que le travail forcé consistait à travailler, pour les bataillons 547, 548 et 549, sur les plantations que possédaient les militaires. Ils ont également dû effectuer du travail sur la construction de la route entre Hpa-an, Myawady et Mawlamyine (Moulmein), ainsi que la construction de camps militaires. Lorsque le site du travail était loin du village, les gens devaient dormir sur place. Aucun abri n'était fourni. Lorsqu'une personne ne pouvait y aller, elle devait engager un remplaçant. Les gens de la division de Ayeyarwady lui ont également dit qu'ils avaient déjà effectué du travail forcé qui consistait à construire une ferme pour l'élevage de poissons ainsi qu'un pont à Myaungmya. Il a également interviewé des gens qui ont effectué du travail forcé près de Kyaukkyi (division de Bago). Le témoin a également agi en tant qu'interprète pour une entrevue avec des gens qui ont effectué du travail forcé sur le chemin de fer de Ye-Dawei (Tavoy). Les ordres étaient habituellement donnés au chef du village par les militaires. Dans les villages plus populeux, le chef du village était nommé par les militaires alors que, dans les petits villages, les villageois le choisissaient eux-mêmes. Dans les villages où les villageois choisissaient eux-mêmes le chef du village, il y avait habituellement une rotation entre les villageois. Ceci venait du fait que la tâche de chef de village impliquait qu'il était responsable pour tout ce qui se passait dans le village: lorsqu'il y avait des problèmes, les militaires punissaient le chef du village. Ceci explique que personne ne voulait être chef du village s'il n'y avait pas de rotation. A plusieurs reprises, les femmes étaient choisies comme chef du village parce que l'on considérait que les militaires les traiteraient de façon un peu plus clémente. Cette rotation concernant la position de chef du village s'effectuait presque toutes les deux semaines. Les gens qui ont dû effectuer du travail forcé lui ont également parlé des punitions infligées par les militaires durant ce travail. Plusieurs personnes furent battues parce qu'elles ne travaillaient pas assez vite, et une femme qui était enceinte fut punie. On lui a demandé de se rouler plusieurs fois sur le sol. A la suite de cet incident, elle a perdu son bébé.


Ethnie:

Karenni

244

Age/sexe:

14 ans, féminin

Situation familiale:

Sept (elle-même, ses parents, deux sœurs plus âgées et deux frères plus jeunes)

Education:

Activité professionnelle:

Ses parents étaient agriculteurs

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Naw Khee, Kawkareik, Etat Kayin (le village comptait 40 familles)

(Ceci est un résumé du témoignage rendu par «Naw Mu» lors de la deuxième session de la commission à Genève.)

Le témoin a exécuté du travail forcé pour la première fois alors qu'elle n'avait que 11 ans. Elle était la seule personne dans sa famille qui était disponible pour effectuer du travail forcé. Les villageois recevaient les ordres du chef du village et devaient fournir un travailleur par famille. Sa mère était malade et son père et sa sœur plus âgée étaient hors du village pour travailler. Le premier endroit où elle a dû travailler fut à T'Nay Cha (Nabu) qui était à une demi-journée de marche de son village. Elle y est allée avec d'autres personnes de son village. Elle devait construire un remblais pour une route liant T'Nay Cha (Nabu) à Kawkareik. Ils devaient tous travailler de 6 heures jusqu'à 17 heures avec une pause d'une heure le midi. Le travail était très difficile et on ne leur permettait pas de se reposer. Ils devaient rester sur le site pendant trois jours et y dormir. Tous ne recevaient ni argent, ni nourriture, ni abri. Lorsqu'ils commettaient des erreurs pendant le travail, ils étaient battus par les militaires. Elle n'a jamais été personnellement battue. Il y avait d'autres enfants du même âge sur le lieu de travail ainsi que des personnes plus âgées. Certaines personnes étaient très âgées. Elle a dû effectuer ce travail à plusieurs reprises. A d'autres occasions, d'autres membres de sa famille ont dû le faire. Sa famille devait fournir un travailleur trois fois par mois. Le travail s'est poursuivi durant une période de deux ans; sa famille s'est par la suite enfuie vers la Thaïlande. Sa famille a également dû effectuer du travail forcé pour la construction d'un camp militaire à T'Nay Cha (Nabu). Elle a elle-même effectué ce travail. Ils devaient fournir des tiges de bambou pour la construction du camp. C'était son père qui coupait le bambou pour elle. Son père a également dû travailler en tant que porteur.


Ethnie:

Karenni

245

Sexe:

Masculin

Education:

Sixième année

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Mawlamyine (Moulmein), Etat Mon (sa famille s'est déplacée plus tard à Kanbauk dans la division de Tanintharyi)

(Ceci est un résumé du témoignage fourni par «M. Po» lors de la deuxième session de la commission à Genève.)

Le témoin a quitté Kanbauk après s'être marié et s'en est allé à Nsat Ein Taung près de la frontière thaïlandaise. Cette région était à l'époque sous le contrôle du KNU. Par la suite, l'armée du Myanmar a attaqué la région et il a dû fuir. Il est allé au village de Tat Lei Ya en Thaïlande qui se situait près de Nat Ein Taung. En 1995, il est retourné au Myanmar dans un village nommé Thuka (environ à une heure de la frontière près de Nat ein Taung). Il a ouvert une boutique à Thuka et a fait le commerce de marchandises entre le Myanmar et la Thaïlande. Il a dû également voyager dans d'autres endroits au Myanmar afin d'acheter des marchandises pour sa boutique. Il s'est notamment rendu à Taungthonlon (Trois montagnes) près de Dawei (Tavoy). En février 1997, il a effectué un voyage au village de Kalet Kyi. Il est arrivé à Kalet Ki le soir du 8 février. Il est resté chez des amis. Vers 6 heures le lendemain, les militaires sont venus dans cette maison. Ils ont pointé leurs armes et ont ordonné à tous les hommes de sortir de la maison. Les quatre hommes de la maison sont sortis. A cet instant, un total d'environ 30 hommes du village furent amenés sous la menace des armes par les militaires jusqu'à un camp militaire près de Hti Law Pei, ce qui représentait une distance d'environ trente minutes. Les militaires étaient membres du bataillon 104 (4e compagnie) sous les ordres du lieutenant Aung Pai Oo. Une personne a tenté de s'enfuir mais fut rattrapée et fut violemment battue. Après s'être arrêtés un court moment au camp, les porteurs ont dû continuer avec leurs charges. Le lieutenant Aung Pai Oo aurait affirmé que si les porteurs tentaient de s'échapper ils seraient tués. Le témoin a lui-même dû transporter 45 kg de riz sur son dos. Il savait que cette charge était très lourde puisqu'il avait déjà fait le commerce du riz et était habitué à transporter de telles marchandises. Il a également dû travailler auparavant en tant que journalier à Kanbouk et était habitué à transporter de très lourdes charges. Ils ont tous dû porter leurs charges jusqu'au village de Kalet Kyi. Lorsqu'ils sont arrivés à Kalet Kyi, il y avait des combats avec le KNU. Les porteurs furent placés au milieu des militaires et reçurent l'ordre de ne pas tenter de s'échapper. Les combats ont duré environ quinze minutes. Ils se sont par la suite retirés de Hti Law Pei jusqu'à Kane Po Kye. Ils ont passé la nuit à Kane Po Kye et les porteurs reçurent de la nourriture: un peu de riz et un peu de poisson. Les porteurs ont dû dormir à l'extérieur sans abri. Il faisait froid et brumeux cette nuit-là. Le lendemain matin, vers 6 heures, sans petit déjeuner, ils ont continué à progresser le long de la rivière pour se rendre jusqu'à un village nommé Myitta et Kanadaw. Ils se sont arrêtés en route pour déjeuner. Les porteurs ont eut droit à un peu de riz. Ils se sont arrêtés en chemin vers 19 heures et ont dormi près des arbres. Il faisait encore froid et brumeux cette nuit-là. La nuit suivante, vers 3 heures du matin, ils sont arrivés à Myitta. Onze porteurs furent placés dans une petite trappe afin qu'ils ne puissent pas s'échapper (le quatrième jour, un porteur avait réussi à s'échapper), et les militaires ont dormi au-dessus de cette trappe. Il y avait tellement de monde dans la trappe qu'ils n'ont pas pu dormir. Le lendemain matin, après avoir mangé, ils furent emmenés en camion à la mine de Hainda dans la région de Taungthonlon. Après avoir récupéré les marchandises, ils ont continué en camion jusqu'à la centrale électrique de Paung Daw Gyi. Le jour suivant, ils ont marché jusqu'au village de Paung Daw. Il a dû une fois de plus transporter du riz. Ils sont arrivés à Paung Daw dans la soirée. Ils ont passé la nuit dans une plantation d'arachides. Le lendemain matin, ils ont continué à pied jusqu'à Pya Tha Chaung. Sur le chemin, un des porteurs fut blessé au genou et ne pouvait plus continuer. Il fut relâché. La charge de cet homme fut alors redistribuée entre les autres porteurs. M. Po a dû par la suite transporter des casseroles. La charge était beaucoup plus lourde parce que ces casseroles étaient pleines de riz (le poids s'allégeant plus le riz était consommé). Ils sont arrivés à Pya Tha Chaung vers 15 heures et ont pris d'autres porteurs: un jeune homme, quatre hommes âgés de plus de 60 ans, et 25 femmes. Il y avait des combats à Pya Tha Chaung avec les militaires du KNU. Durant les combats, les porteurs furent placés au milieu du groupe de militaires afin qu'ils ne puissent pas s'échapper. Ce soir-là, ils ont dormi dans une étable à l'extérieur du village. Il a dû cuisiner pour les porteurs ainsi que pour les militaires. Parce qu'il a fait la cuisine, les porteurs ont pu avoir un peu plus de nourriture ce soir-là. Le jour suivant, ils sont retournés au village et, vers midi, d'autres combats ont éclaté avec le KNU. Les combats n'ont pas duré très longtemps. Les porteurs furent placés au milieu du groupe de militaires et on leur a signifié qu'ils seraient tués s'ils tentaient de s'échapper. Enfin, de 15 heures à 21 heures, il y eut des combats plus violents. La situation était grave puisqu'il était impossible de se protéger. Cette nuit-là, ils ont dormi sur les bambous. Le lendemain matin, à 5 h 30, ils sont allés dans un autre village et sont arrivés vers 19 heures. Ils ont dormi à l'extérieur sans abri. Cette nuit-là, il a dû cuisiner jusqu'à 23 heures parce qu'il devait s'éloigner des militaires pour cuisiner afin d'éviter que la fumée n'indique aux militaires du KNU leur présence. Vers 21 heures, deux autres porteurs se sont enfuis. Le jour suivant, ils ont tous marché jusqu'à un autre village karen. Le jour suivant, ils sont partis et ont marché pendant trois jours et trois nuits sans se reposer. Le troisième jour vers 16 heures, ils sont arrivés de l'autre côté de la rivière Hti Hta près du camp de Hti Hta (un camp du KNU). De 16 heures à 18 heures, il y eut de violents combats et ils ont finalement réussi à occuper le camp de Hti Hta. Il est resté à Hti Hta pendant dix jours en tant que chef cuisinier. Après cela, il est allé dans un camp sur la montagne Hti Hta pendant six jours. Il a dû cuisiner et transporter de l'eau jusqu'en haut de la montagne jusqu'au camp. S'il quittait le camp à 6 heures le matin pour aller chercher de l'eau, il revenait à 15 heures. Le septième jour, il n'y avait plus de nourriture dans le camp. Le capitaine a donc ordonné à six personnes (lui y compris) d'aller chercher de la nourriture. Il a réussi à s'enfuir avec quatre autres porteurs; il a marché pendant douze jours dans la jungle en survivant avec peu de nourriture. Le douzième jour, ils ont rencontré d'autres porteurs en fuite et ont tous voyagé ensemble. Le jour suivant, ils ont atteint le village de Htee Hpo Lay où ils ont rencontré des militaires du bataillon 401. Les militaires leur ont demandé leur provenance et les ont arrêtés. C'était le 25 mars. Il connaît la date parce qu'il a demandé à un militaire qui avait une montre quel jour c'était. Le jour suivant, certains militaires avec des blessures sont arrivés et ils ont tous dû les transporter jusqu'au village de Myitta sur des brancards. Il y avait quatre porteurs qui devaient transporter deux soldats blessés. Au village de Myitta, il s'est enfui et s'est caché dans la maison d'un ami. Il a réussi à obtenir un document du capitaine du bataillon 25, grâce à l'aide du chef du village de Myitta, qui certifiait qu'il avait terminé sa tâche de portage. Il a donc pu retourner à Thuka qui était une région contrôlée par les forces du KNU. Toutefois, sa famille n'était plus là. Elle avait fui en Thaïlande. Alors qu'il était porteur, il a vu des militaires battre des porteurs à plusieurs reprises, mais lui-même n'a jamais été battu. Un porteur fut grièvement blessé durant les combats à Pya Tha Chaung. Il a vu des porteurs battus à morts et d'autres mourir d'épuisement. Le porteur le plus jeune qu'il a pu voir avait 13 ans. Les porteurs les plus âgés avaient entre 67 et 68 ans.


Ethnie:

Karenni

246

Sexe:

Masculin

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Yangon

(Ceci est un résumé du témoignage de «Ka Hsaw Wa» donné sur vidéo lors de la deuxième session de la commission à Genève.)

Le témoin a quitté Yangon en 1988 suite aux manifestations estudiantines auxquelles il a participé. A cette époque, il venait de terminer l'école secondaire. Il s'est rendu dans une région contrôlée par le KNU près de la frontière thaïlandaise. Pendant six à sept mois, il a vécu dans une région contrôlée par le KNU dans le canton de Kyaukkyi (division de Bago), désignée par le KNU comme étant la région de la brigade no 3. Il devait se cacher. Puisqu'il avait toujours vécu à Yangon, il n'avait jamais vu ou effectué du travail forcé. Alors qu'il voyageait, il a pu parler à plusieurs villageois et a appris que plusieurs essayaient de quitter les zones contrôlées par les militaires parce qu'ils devaient effectuer du travail pour ces derniers. Ils lui ont expliqué qu'ils devaient couper du bois pour le feu, construire des routes et des chemins de fer, et travailler dans les camps militaires. Il a personnellement vu des villageois travailler dans un camp militaire. Certains villageois se cachaient parce qu'ils avaient peur d'être recrutés comme porteurs par les militaires. Les hommes, les femmes et les enfants étaient utilisés comme porteurs. Les enfants étaient également utilisés pour travailler pour les militaires en tant que messagers. Dès 1988, il a vu des ordres écrits concernant le travail forcé. Les ordres spécifiaient le nombre de personnes requises et la nature du travail ainsi que sa durée. Parfois, les ordres étaient accompagnés de charbon et de cartouches en guise d'avertissement au village. En effet, ceci signifiait que le village pouvait être brûlé lorsque les ordres n'étaient pas respectés. Il a commencé à travailler pour le groupe Karen Human Rights (KHRG) au début de 1992. Il a pu dresser des rapports sur toutes les formes de travail forcé, y compris le portage, la construction de routes et de chemins de fer. Les villageois devaient également travailler dans les camps militaires. Les représentants du KHRG ont interviewé des centaines de porteurs qui leur ont expliqué les différentes formes de portage ainsi que les conditions déplorables dans lesquelles ils devaient exécuter ce travail. Ils étaient en effet tués s'ils essayaient de s'échapper. Les porteurs n'étaient jamais rémunérés ou nourris. Il n'y avait aucun traitement médical afin de s'assurer que les gens pouvaient continuer le travail. Il a personnellement vu des villageois effectuant du portage en 1992. Il a pu discuter avec des porteurs qui venaient de différents endroits tels que Yangon, l'Etat Shan et l'Etat Kayah. Les porteurs devaient transporter des marchandises, des munitions et de la nourriture. Durant les combats, les porteurs étaient utilisés comme boucliers humains ou pour détecter les mines. Après la chute de Manerplaw, il est allé à Mae Sot en Thaïlande au début de 1995. Il a quitté le KHRG et a commencé à travailler pour l'établissement d'une organisation nommée Earth Rights International dont la fonction principale est d'obtenir des informations sur la construction du gazoduc dans la division de Tanintharyi. Entre avril 1995 et mai 1996, il a effectué quatre longs voyages dans cette région et a pu rencontrer de nombreuses personnes. A d'autres occasions, il a effectué plusieurs petits voyages tous les mois dans cette région près de la frontière. Son dernier long périple fut en mai 1996 afin d'identifier des plaignants potentiels en vue de poursuites judiciaires devant la Cour du district fédéral des Etats-Unis. Il a interviewé plus de 200 personnes parmi lesquelles 100 avaient des choses à dire concernant le gazoduc. Il a observé que beaucoup de portage dans cette région était lié au fait que les militaires surveillaient le gazoduc. Il estime que la sécurité du gazoduc était la raison première pour laquelle il y avait une présence militaire accrue dans cette région. Il a interviewé des villageois de Migyaunglaung et de Eindayaza qui lui ont dit avoir travaillé sur la construction du chemin de fer de Ye-Dawei (Tavoy). Les gens devaient travailler pendant quinze jours et retournaient dans leur village pendant quinze jours. Les villageois de Natkyizin devaient payer des taxes pour le gazoduc allant de 500 à 1 000 kyats qui étaient collectées par les militaires. De plus, il a pu parler aux villageois de Migyaunglaung et de l'île de Keinzebok qui ont dû effectuer du travail pour les militaires.


Mise à jour par VC. Approuvée par NdW. Dernière modification: 21 février 2000.