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Table of Contents

Résumé

Introduction

Thème de l’étude : La liberté syndicale et la négociation collective dans l'économie des plateformes

La diversité de l'économie émergente des plateformes

L'accès à la liberté syndicale et la reconnaissance effective du droit de négociation collective

La recherche et ses principales conclusions

Pour quelles raisons et sous quelles formes les travailleurs des plateformes s'engagent-ils collectivement ? Aperçu empirique

Principales conclusions

Motivations poussant les travailleurs à s'associer avec des collègues et à rejoindre divers types de groupes en vue d’améliorer les conditions de travail sur les plateformes numériques de travail géolocalisées

Motivations incitant les travailleurs à échanger avec leurs collègues sur les plateformes numériques de travail en ligne

Initiatives prises par des organisations d'employeurs et de travailleurs et auto-organisation des travailleurs dans l'économie des plateformes

Principales conclusions

Initiatives des organisations de travailleurs dans l'économie des plateformes

Initiatives de plateformes de travail numériques, de travailleurs indépendants des plateformes qui créent des organisations entrepreneuriales et sensibilisation par les organisations d'employeurs

Négociation collective dans l'économie des plateformes

Principales conclusions

Caractéristiques des conventions collectives couvrant les plateformes numériques de travail géolocalisées

Transparence des algorithmes utilisés pour gérer les activités et le travail : le rôle des syndicats et des représentants des travailleurs

Tendances en matière de négociation collective dans l'économie des plateformes géolocalisées

Effets des conventions collectives couvrant les plateformes numériques de travail

Conclusion

Les organisations de travailleurs, la négociation collective et d'autres efforts de dialogue social émergent dans l'économie des plateformes

La diversité de l'économie des plateformes : Les contributions du dialogue social et de la négociation collective

Créer un environnement réglementaire favorable à la concrétisation des opportunités offertes par les plateformes numériques de travail

Regarder vers l'avenir : l'importance croissante des plateformes numériques de travail

Annexe

Références

Remerciements

Copyright


Voir tous les documents de travail de l'OIT

Concrétiser les opportunités de l'économie des plateformes par la liberté syndicale et la négociation collective

Résumé

Introduction

Thème de l’étude : La liberté syndicale et la négociation collective dans l'économie des plateformes

La diversité de l'économie émergente des plateformes

L'accès à la liberté syndicale et la reconnaissance effective du droit de négociation collective

La recherche et ses principales conclusions

Pour quelles raisons et sous quelles formes les travailleurs des plateformes s'engagent-ils collectivement ? Aperçu empirique

Principales conclusions

Motivations poussant les travailleurs à s'associer avec des collègues et à rejoindre divers types de groupes en vue d’améliorer les conditions de travail sur les plateformes numériques de travail géolocalisées

Motivations incitant les travailleurs à échanger avec leurs collègues sur les plateformes numériques de travail en ligne

Initiatives prises par des organisations d'employeurs et de travailleurs et auto-organisation des travailleurs dans l'économie des plateformes

Principales conclusions

Initiatives des organisations de travailleurs dans l'économie des plateformes

Initiatives de plateformes de travail numériques, de travailleurs indépendants des plateformes qui créent des organisations entrepreneuriales et sensibilisation par les organisations d'employeurs

Négociation collective dans l'économie des plateformes

Principales conclusions

Caractéristiques des conventions collectives couvrant les plateformes numériques de travail géolocalisées

Transparence des algorithmes utilisés pour gérer les activités et le travail : le rôle des syndicats et des représentants des travailleurs

Tendances en matière de négociation collective dans l'économie des plateformes géolocalisées

Effets des conventions collectives couvrant les plateformes numériques de travail

Conclusion

Les organisations de travailleurs, la négociation collective et d'autres efforts de dialogue social émergent dans l'économie des plateformes

La diversité de l'économie des plateformes : Les contributions du dialogue social et de la négociation collective

Créer un environnement réglementaire favorable à la concrétisation des opportunités offertes par les plateformes numériques de travail

Regarder vers l'avenir : l'importance croissante des plateformes numériques de travail

Annexe

Références

Remerciements

Copyright


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Concrétiser les opportunités de l'économie des plateformes par la liberté syndicale et la négociation collective

Felix Hadwiger

Résumé

La présente étude fournit des données empiriques provenant de diverses régions du monde, et qui permettent d’identifier les possibilités pour les travailleurs de l'économie des plateformes d’avoir accès à la liberté syndicale et à la négociation collective. Elle montre que les revendications collectives, la création de nouvelles organisations de travailleurs et plateformes, le dialogue social et dans une certaine mesure la négociation collective deviennent des réalités dans l'économie des plateformes. Les expériences de terrain décrites dans cette étude indiquent qu’il existe tant une demande que les moyens de créer un environnement encore plus favorable à la liberté syndicale et à la négociation collective afin de concrétiser les opportunités de l'économie des plateformes dans l’intérêt des travailleurs et des employeurs.

Introduction

Thème de l’étude : La liberté syndicale et la négociation collective dans l'économie des plateformes

Ces dernières années, la pandémie de COVID-19 a encore accéléré les transformations numériques qui étaient déjà en cours dans le monde du travail. Par conséquent, la concrétisation des opportunités de l'économie des plateformes pour les travailleurs et les entreprises figure actuellement dans l’ordre du jour politique de nombreux États Membres de l'OIT.1

La présente étude analyse l'accès à la liberté syndicale et la reconnaissance effective du droit de négociation collective dans l'économie des plateformes qui émerge. La Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail de 1998 stipule qu'en tant que principes et droits fondamentaux au travail, la liberté syndicale et la reconnaissance effective du droit de négociation collective sont des éléments essentiels "dans le but d’assurer le lien entre progrès social et croissance économique [...] donnant aux intéressés eux-mêmes la possibilité de revendiquer librement et avec des chances égales leur juste participation aux richesses qu'ils ont contribué à créer, ainsi que de réaliser pleinement leur potentiel humain". La Déclaration du centenaire de l'OIT pour l’avenir du travail, 2019, réaffirme que la liberté syndicale et la reconnaissance effective du droit de négociation collective sont des droits habilitants qui constituent un élément essentiel en vue de parvenir à une croissance inclusive et durable.2 La garantie de ces droits peut contribuer à faire en sorte que les opportunités de l'économie des plateformes se concrétisent à la fois pour les employeurs et les travailleurs.

La liberté syndicale et la reconnaissance effective du droit de négociation collective sont des principes et des droits fondamentaux reconnus par la convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (n° 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. Ces principes et droits fondamentaux s'appliquent à tous les employeurs et travailleurs,3 à de très rares et restreintes exceptions.4

Encadré 1 : Les droits à la liberté syndicale et à la négociation collective

  • Liberté syndicale : “Les travailleurs et les employeurs, sans distinction d’aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s’affilier à ces organisations, à la seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières.” (Convention n° 87, article 2).

  • Reconnaissance effective du droit de négociation collective : “Des mesures appropriées aux conditions nationales doivent, si nécessaire, être prises pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les organisations d'employeurs d’une part, et les organisations de travailleurs d’autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi.” (Convention n° 98, article 4).

Encadré 2 : Contexte institutionnel de la présente étude

Conformément à deux résolutions de la Conférence internationale du Travail,5 le plan d'action révisé sur le dialogue social et le tripartisme pour la période 2019-23, visant à donner suite aux conclusions adoptées par la Conférence internationale du Travail en juin 2018,6 qui a été approuvé par le Conseil d'administration en 2019, et aux décisions du Conseil d'administration sur l'ordre du jour des futures sessions de la Conférence internationale du Travail,7 la présente étude fournit des données empiriques provenant de différentes régions du monde et permettant d’identifier les voies d’accès à la liberté syndicale et la négociation collective qui s’offrent aux travailleurs de l'économie des plateformes.

La présente étude répond spécifiquement à l’Annexe I, volet 2(e) du plan d'action révisé, qui donne mandat au produit intitulé “renforcer les activités de recherche et de formation » sur l'accès à la liberté syndicale et la reconnaissance effective du droit à la négociation collective des travailleurs des plateformes numériques et de l'économie gig”. La présente étude répond aussi spécifiquement au para. 13. a.v de l'Appel mondial à l'action de l'OIT en vue d’une reprise centrée sur l’humain qui soit inclusive, durable et résiliente pour sortir de la crise du COVID-19, aux termes duquel l'OIT renforcera son soutien aux efforts des États Membres visant à “exploiter toutes les possibilités de création d’emplois décents et d’entreprises durables qu’offrent le progrès technologique et la transformation numérique, y compris le travail via les plateformes… notamment en réduisant la fracture numérique entre les individus et les pays". En outre, l’étude tient compte des orientations de la Déclaration du centenaire de l'OIT, de la Résolution concernant les inégalités et le monde du travail8 et des Conclusions de la Réunion d’experts sur les formes atypiques d’emploi.9

La diversité de l'économie émergente des plateformes

Le volume exact de la main-d'œuvre occupée dans l'économie des plateformes est inconnu car les données fiables sont encore rares (OIT 2022a). Cependant, on s'attend généralement à ce que ce nombre augmente dans les années à venir – puisqu’il y a potentiellement environ 90 millions d'opportunités d'emploi rien qu'en Inde. (Augustinraj et Bajaj 2021).10

Le nombre de plateformes numériques de travail augmente et l'économie des plateformes émergente transforme certaines parties du monde du travail (OIT 2022a;OIT 2021a). Elle modifie l'organisation du travail en permettant aux entreprises et aux particuliers d'entrer en contact avec les travailleurs,11 par exemple pour organiser un trajet en voiture, commander de la nourriture ou des produits d'épicerie, ou trouver un travailleur indépendant pour le développement de logiciels sur des plateformes numériques de travail.

Le travail dans l'économie des plateformes peut prendre une multiplicité de formes. En général, les plateformes de travail numérique sont classées en deux grandes catégories : les plateformes en ligne sur le web et les plateformes géolocalisées (De Stefano 2016b). Les secteurs dominants sur les plateformes de travail géolocalisées sont notamment les services de taxi, de livraison et de travaux à domicile (plombiers et électriciens, par exemple), le travail domestique et les soins à la personne (garde d'enfants, soins aux personnes âgées ou aux personnes handicapées, par exemple) (OIT 2021a). Sur les plateformes de travail en ligne, il y a notamment la traduction, la rédaction, les services financiers et concernant les brevets, la conception et le développement de logiciels ou des travaux à court terme, tels que l'annotation d'images, la modération de contenu ou la transcription de vidéos. (OIT 2021a). Pour un nombre croissant de travailleurs, l'accès au travail par le biais des plateformes de travail numériques crée une variété de nouvelles opportunités, tout en lançant parfois aussi des défis relatifs aux conditions de travail (OIT 2022a;OIT 2021a).

Les plateformes de travail numériques offrent des avantages aux travailleurs et aux entreprises et, plus largement, aux consommateurs et à la société dans son ensemble. Pour les travailleurs, elles peuvent créer de nouvelles opportunités de revenus et d'emploi, tout en augmentant la capacité des travailleurs à combiner heures de travail et vie quotidienne. En particulier, l'économie des plateformes offre des possibilités d'emploi à des groupes de travailleurs traditionnellement défavorisés et confrontés à des obstacles pour accéder au marché du travail, notamment les femmes, les personnes handicapées, les jeunes, les réfugiés, les migrants et les travailleurs issus de minorités raciales et ethniques. (OIT 2022a;OIT 2021a;CE 2021;Berg 2016;De Stefano 2016a). Pour les entreprises, notamment les petites et moyennes, l'économie des plateformes offre de nouvelles possibilités d'élargir l’accès au marché et aussi à une main-d'œuvre mondiale 24 heures sur 24, améliorant ainsi leur efficacité, favorisant l'innovation, la réduction de leurs coûts et l’augmentation de leur productivité. (OIT 2022a;OIT 2021a;OIE 2021).

Ces dernières années, la popularité croissante de l'économie des plateformes est allée de pair toujours davantage avec des actions collectives coordonnées des travailleurs des plateformes, notamment des grèves sauvages, des déconnexions collectives et des manifestations dans différentes régions du monde. Les revendications sont principalement liées aux salaires, aux conditions de travail, à la classification des emplois et à la sécurité et la santé au travail (Bessa et al. 2022).

Alors que l'économie des plateformes crée des opportunités génératrices de revenus en facilitant l'accès aux marchés du travail pour les travailleurs du monde entier, certains éléments indiquent que l'accès à un travail décent peut parfois être difficile. Il peut s'agir, entre autres, de difficultés dans l'exercice des principes et droits fondamentaux au travail, d'une quantité de travail insuffisante pour assurer la subsistance du travailleur, d'une protection sociale inadéquate, d'une faible rémunération, de longues heures de travail, de problèmes de santé et de sécurité au travail, de pratiques discriminatoires, de licenciements abusifs, d'un manque d'accès aux mécanismes de règlement des différends et d'une sous-utilisation des compétences (OIT 2022a;OIT 2021a;OIT 2021d;Wood et al. 2019;Berg et al. 2018).

Dans les pays du G20, "environ 90 pour cent des personnes interrogées concernant les plateformes de taxi et de livraison ont déclaré que le travail sur les plateformes était leur principale source de revenus et ces proportions étaient assez semblables d'un pays à l'autre” (OIT 2021a).

Cette grande diversité d'opportunités et de défis est également liée aux caractéristiques, capacités et besoins différents des travailleurs actifs dans l'économie des plateformes (OIT 2022a;OIT 2021a). La situation n’est pas du tout la même selon qu’un travailleur utilise l'économie des plateformes comme source de revenu principale et permanente ou comme un revenu complémentaire pour une période limitée (OIT 2021a).12 En outre, le type et le niveau des compétences requises pour les travaux et les projets ne sont pas uniformes. (OIT 2022a). Alors que les travailleurs des plateformes en ligne basées sur le web ont tendance à avoir un niveau d'éducation élevé, le niveau d'éducation moyen des travailleurs des plateformes de services de taxi géolocalisées et de livraison est en général moins élevé. (OIT 2021a).

L'accès à la liberté syndicale et la reconnaissance effective du droit de négociation collective

Les travailleurs et les employeurs ont le droit de créer et d'adhérer aux organisations de leur choix afin de promouvoir et de défendre leurs intérêts respectifs, ainsi que le droit de négocier collectivement avec l'autre partie. De nombreuses réglementations du marché du travail sont fondées, entre autres, sur l'hypothèse de l'existence d'un déséquilibre du pouvoir de négociation entre les personnes et leurs employeurs lors de la négociation du salaire et des conditions de travail (Freedland et Davies 1983). La raison d'être de la négociation collective est de pallier la faiblesse du pouvoir de négociation d’un individu et de renforcer la position inégale et donc vulnérable d'un fournisseur individuel de main-d'œuvre vis-à-vis de l'employeur. Le droit à la liberté syndicale est une condition préalable à l’épanouissement de la négociation collective.

L'émergence de l'économie des plateformes a donné lieu à des hypothèses répandues selon lesquelles les difficultés juridiques et pratiques rendraient presque impossible la participation des travailleurs des plateformes à des organisations de travailleurs, à des actions de groupe coordonnées (telles que les protestations, les manifestations ou la déconnexion collective de l'application) et à la négociation collective (Johnston et Land-Kazlauskas 2018;Vandaele 2018). Certaines de ces difficultés sont particulièrement aiguës dans le cas des plateformes en ligne, car leurs travailleurs sont dispersés dans différentes juridictions. (OIT 2021a;Albrecht, Papadakis et Mexi 2021). C'est pourquoi la plupart des exemples pratiques identifiés et décrits dans ce rapport se rapportent à l'économie des plateformes géolocalisées.

Défis pratiques et juridiques liés à la liberté syndicale et à la reconnaissance effective du droit de négociation collective dans l'économie des plateformes

Les obstacles pratiques à l'organisation et à la négociation collective des travailleurs de l'économie des plateformes qui sont cités dans la littérature comprennent la dispersion géographique de ces travailleurs dans des lieux de travail déconnectés tels que leurs propres véhicules ou domiciles ou ceux de leurs clients; les difficultés qui en résultent à l’heure d’éveiller une conscience collective, sont encore aggravées par la stratégie des plateformes qui projettent une image individualiste et entrepreneuriale du travail qu’elles offrent, ainsi que par le taux de renouvellement élevé des travailleurs;et la perspective de représailles contre ceux qui tentent de se syndiquer sans pouvoir compter sur des protections efficaces (Rodríguez Fernández 2020;De Stefano et Aloisi 2018;Prassl 2018).

Normes internationales du travail les plus pertinentes en matière de liberté syndicale et de négociation collective:

Les contestations juridiques portent souvent sur la classification incorrecte des travailleurs des plateformes en tant que travailleurs indépendants ou contractuels indépendants (OIT 2022a;Aloisi et Gramano 2019;De Stefano 2016a). Certaines plateformes ont adopté un “modèle de contrat” qui classe leurs travailleurs comme “indépendants” ou “entrepreneurs indépendants” (De Groen et al. 2021; De Stefano et al. 2021a). Cependant, dans de nombreux systèmes de droit du travail, les travailleurs indépendants ne bénéficient pas des mêmes droits que les travailleurs dans le cadre d'une relation de travail. (OIT 2016). Dans les règlementations nationales, l'accès à la négociation collective dépend souvent de la classification en tant que salarié ou catégorie spéciale de travailleurs indépendants, comme les "travailleurs” au Royaume-Uni. (Forsyth 2022). L'adoption du modèle contractuel signifie que, selon les restrictions imposées par la législation nationale, les travailleurs appartenant aux diverses catégories de l'économie des plateformes peuvent être privés du droit de négocier collectivement et de la capacité de mener des actions syndicales légales selon la législation et la pratique nationales. 13

A l'OIT, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations (CEACR) (2020) a rappelé que "l'ensemble des principes et droits fondamentaux au travail sont applicables aux travailleurs des plateformes de la même manière qu'à tous les autres travailleurs, quelle que soit leur classification d'emploi". 14 L’encadré 3 donne un aperçu des observations et demandes directes de la CEACR et des décisions du Comité de la liberté syndicale (CFA)15 sur des cas spécifiques concernant le champ d'application du droit de négociation collective basé sur les normes internationales du travail de l'OIT.

Encadré 3 : Champ d'application du droit de négociation collective dans les normes internationales du travail de l'OIT

  • En 2019, dans une demande directe portant spécifiquement sur l'économie des plateformes, la CEACR a invité un gouvernement “à tenir des consultations avec les parties concernées dans le but de garantir que tous les travailleurs des plateformes couverts par la convention [n° 98], quel que soit leur statut contractuel, sont autorisés à participer à une négociation collective libre et volontaire. Considérant que de telles consultations sont de nature à permettre au gouvernement et aux partenaires sociaux concernés d'identifier les adaptations appropriées à introduire aux mécanismes de négociation collective afin de faciliter leur application aux différentes catégories de travailleurs des plateformes, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les progrès accomplis à cet égard."16

  • En 2017, la CEACR a rappelé que l'article 4 de la convention n° 98 “prévoit le principe de la négociation collective libre et volontaire, ainsi que l'autonomie des parties à la négociation, pour tous les travailleurs et tous les employeurs couverts par la convention. En ce qui concerne les travailleurs indépendants, la commission [a rappelé], le paragraphe 209 de son Étude d’ensemble sur les conventions fondamentales de 2012, selon lequel le droit à la négociation collective devrait couvrir également les organisations représentant des travailleurs indépendants”.17

  • En 2016, la CAS a eu une discussion diverse et riche sur les droits de négociation collective des travailleurs indépendants dans le cadre d’un cas concernant l'Irlande au titre de la convention n° 98. Dans sa conclusion consensuelle, reflétant les points de vue divergents des mandants de l'OIT, la “Commission a noté que ce cas concerne des questions se rapportant aux droits de la concurrence irlandais et de l’Union européenne... [et] a suggéré que le gouvernement et les partenaires sociaux identifient les types de modalités contractuelles qui auraient une incidence sur les mécanismes de négociation collective”.18

  • Dans deux cas, le Comité de la liberté syndicale a demandé aux gouvernements concernés “d'organiser des consultations [...] avec l’ensemble des parties concernées afin de trouver une solution qui satisfasse les deux parties de manière à ce que les travailleurs indépendants puissent jouir pleinement de leurs droits syndicaux pour promouvoir et défendre leurs intérêts, y compris par le biais de la négociation collective;et [...] en consultation avec les partenaires sociaux concernés, déterminer les particularités des travailleurs indépendants qui ont une incidence sur la négociation collective afin d’établir des mécanismes spécifiques de négociation collective pour les travailleurs indépendants, le cas échéant".19

La recherche et ses principales conclusions

La présente étude fournit des données empiriques provenant de diverses régions du monde, et qui permettent d’identifier les possibilités pour les travailleurs de l'économie des plateformes d’avoir accès à la liberté syndicale et à la négociation collective. Elle montre que les protestations collectives, la création de nouvelles organisations de travailleurs et plateformes, le dialogue social, et dans une certaine mesure la négociation collective deviennent des réalités dans l'économie des plateformes. Les expériences de terrain décrites dans cette étude indiquent qu’il existe tant une demande que les moyens de créer un environnement encore plus favorable à la liberté syndicale et à la négociation collective afin de concrétiser les opportunités de l'économie des plateformes dans l’intérêt des travailleurs et des employeurs.

Dans la phase préparatoire de ce projet de recherche, une première série d’entretiens a été menée à bien avec une quinzaine d'experts, représentants d'organisations d'employeurs et de travailleurs et experts du monde universitaire, afin d'identifier les développements importants et les études de cas potentielles dans différentes régions du monde (ces premiers entretiens ont été réalisés entre février et avril 2021). Il convient de noter que les études de cas de la présente étude se limitent à décrire les développements concernant l'accès à la liberté syndicale et la reconnaissance effective du droit à la négociation collective;elles n'analysent pas en profondeur les conditions de travail des travailleurs des plateformes.

Le chapitre 1 présente une analyse quantitative des enquêtes nationales menées auprès des chauffeurs de taxi et des livreurs traditionnels et utilisant des applications. Les enquêtes ont été menées en Argentine, au Chili, au Ghana, en Inde, en Indonésie, au Kenya, au Liban, au Mexique, au Maroc et en Ukraine, avec un total de 6 739 répondants qui étaient des chauffeurs de taxi ou des livreurs traditionnels ou basés sur des applications. Ce chapitre montre la motivation des travailleurs des plateformes géolocalisées à s'engager les uns avec les autres et à rejoindre différents types de groupes pour échanger des expériences sur des questions d'intérêt commun ou pour améliorer collectivement leurs conditions de travail. La plupart des livreurs et des chauffeurs de taxi de la plateforme de localisation qui ont été interrogés ne connaissaient pas d'organisation syndicale à laquelle ils pourraient adhérer. Au lieu de cela, ils s’étaient surtout organisés en groupes informels de travailleurs, par exemple sur Facebook ou WhatsApp ou dans d'autres groupes de médias sociaux.

Le chapitre 2 attire l'attention sur la situation "sur le terrain” en documentant des exemples concrets d'organisation et de négociation collective dans l'économie des plateformes. Des études de cas ont été commandées en Australie, au Chili, en Inde, au Nigeria, en Ukraine et en Espagne. Elles ont été élaborées par des experts locaux, qui ont mené une vingtaine d'entretiens avec des informateurs nationaux (soit des travailleurs et des représentants d'organisations d'employeurs et de travailleurs jusqu’aux chercheurs universitaires). Les exemples nationaux décrivent les efforts déployés par les organisations d'employeurs et de travailleurs pour atteindre les travailleurs sur les plateformes numériques et la manière dont ces travailleurs s'autoorganisent en vue de se faire entendre concernant leurs conditions de travail. Ils montrent également les contributions potentielles que le dialogue social et la négociation collective peuvent apporter à la résolution des conflits du travail dans l'économie des plateformes.

Le chapitre 3 présente une analyse de contenu d'un "premier groupe de conventions collectives” couvrant les travailleurs des plateformes numériques. Il s’appuie sur une étude de fond préparatoire commandée à cet effet et sur l’examen qu’en font des chercheurs universitaires. Au total, 11 conventions collectives ont été identifiées, couvrant les travailleurs des plateformes numériques en Autriche, au Chili, au Danemark, en Italie, en Norvège, en République de Corée, en Espagne et en Suède. Pour la majorité des conventions collectives identifiées, les textes originaux ont été collectés, traduits et analysés pour la présente étude. Toutes les conventions collectives réglementent le temps de travail et comprennent des dispositions sur les salaires horaires et les structures de paiement incitatives. Toutes les conventions collectives identifiées s'appliquent aux travailleurs des plateformes dans le cadre d'une relation d'emploi, qui souvent, sont occupés dans le secteur de la livraison de nourriture en Europe.

Enfin, la conclusion présente des remarques finales basées sur les expériences décrites et analysées dans les chapitres précédents.

Pour quelles raisons et sous quelles formes les travailleurs des plateformes s'engagent-ils collectivement ? Aperçu empirique

Principales conclusions

Figure 1 : Nombre de répondants (n=6 739) parmi les livreurs et les chauffeurs de taxi basés sur une application et traditionnels, par pays

Dans l'ensemble, les observations analysées dans les enquêtes par pays indiquent l'existence d'un besoin et d'une motivation des travailleurs des plateformes géolocalisées à se rassembler et à s'engager les uns avec les autres sous une forme ou une autre pour améliorer leurs conditions de travail - indépendamment du caractère prétendument individualiste du marché du travail numérique et des incertitudes concernant leur classification d'emploi et droits du travail correspondants dans de nombreux pays.

Ce chapitre fournit un aperçu empirique des moyens par lesquels les travailleurs des plateformes s'engagent les uns avec les autres et des formes que prennent ces associations. En outre, les données analysées mettent en lumière leurs motivations pour rejoindre différents types de groupes et les effets de cette adhésion. Le chapitre analyse des données sur les solidarités sur le lieu de travail compilées par des enquêtes nationales commandées par l'OIT. La plupart des résultats sont limités aux travailleurs des plateformes géolocalisées. La dernière section du chapitre apporte un éclairage sur les solidarités sur le lieu de travail des travailleurs des plateformes en ligne basées sur le web.

Les données d'enquête analysées comprennent les observations de 6 739 répondants de dix pays différents, elles mettent l’accent sur les économies en développement et émergentes (Argentine, Chili, Ghana, Inde, Indonésie, Kenya, Liban, Mexique, Maroc et Ukraine).20 Les enquêtes par pays ont été menées entre avril 2019 et février 2020 sous la forme d'entretiens personnels assistés par ordinateur (CAPI). Si la majorité des questions de l'enquête étaient quantitatives, certaines étaient pourtant qualitatives et permettaient des réponses textuelles ouvertes.

Il n'existe pas de statistiques officielles complètes sur les travailleurs des plateformes, y compris leur nombre et leurs caractéristiques. Par conséquent, il n'y a pas de base à partir de laquelle on peut tirer un échantillon aléatoire. Dans ce contexte, l'objectif premier de l'enquête était de constituer un échantillon aussi représentatif que possible de la population cible des travailleurs des plateformes. La population ciblée était constituée de tout travailleur âgé de 18 ans ou plus, travaillant dans le secteur des taxis ou des livraisons depuis au moins trois mois. Le critère du travail dans le secteur depuis trois mois a été utilisé pour s'assurer que le travailleur pouvait fournir des réponses significatives.21

Les répondants aux enquêtes ont été regroupés en quatre catégories : (1) les livreurs utilisant une application, (2) les chauffeurs de taxi utilisant une application, (3) les livreurs traditionnels et (4) les chauffeurs de taxi traditionnels. La conception de l'enquête permet de comparer les résultats entre les chauffeurs de taxi et les livreurs traditionnels et ceux qui utilisent des applications. 22

Motivations poussant les travailleurs à s'associer avec des collègues et à rejoindre divers types de groupes en vue d’améliorer les conditions de travail sur les plateformes numériques de travail géolocalisées

En général, les intérêts communs et une identité partagée sont considérés comme des conditions préalables à une représentation collective efficace des travailleurs (Hyman et Gumbrell-McCormick 2020 ; Rodríguez Fernández 2020). Cependant, le travail sur les plateformes est souvent caractérisé par l'absence d'un lieu de travail commun dans lequel les travailleurs peuvent apprendre à se connaître et à communiquer entre eux et avec leurs représentants, notamment en vue de défendre leurs intérêts face à l'employeur. Par conséquent, on dit souvent que la dispersion du marché du travail sur les plateformes de travail numériques rend très difficile pour les travailleurs la prise de conscience de leurs intérêts collectifs et le développement d’une identité commune (Johnston et Land-Kazlauskas 2018; Vandaele 2018).

Toutefois, les données recueillies dans le cadre des enquêtes nationales révèlent que, dans les dix pays concernés, une proportion importante des chauffeurs de taxi et des livreurs basés sur des applications sont en contact les uns avec les autres d’une manière ou de l’autre. Cela se produit malgré le caractère prétendument individualiste et dispersé du marché du travail numérique, en vertu duquel les travailleurs resteraient isolés les uns des autres. L'interaction et l'engagement peuvent se produire sur une base non régulière par le biais de rencontres quotidiennes non planifiées. À cet égard, environ 82 pour cent des livreurs et 66 pour cent des chauffeurs de taxi interrogés ont déclaré qu'ils discutaient avec d'autres chauffeurs de leurs expériences professionnelles au moins plusieurs fois par semaine. Ces échanges peuvent avoir lieu en présentiel dans des stations de taxis, des parkings, des stands de thé ou des lieux de restauration, ou se dérouler sous forme numérique via des téléphones portables et des médias sociaux.

En outre, une part importante des chauffeurs de taxi et des livreurs utilisant des applications ont rejoint différents types de groupes sur les médias sociaux, motivés qu’ils sont pour améliorer leurs conditions de travail. L'organisation des travailleurs des plateformes en différents types de groupes et d'associations23 est au centre de ce chapitre. Les sections suivantes résument les informations relatives aux solidarités sur le lieu de travail recueillies dans le cadre des enquêtes par pays susmentionnées de l'OIT, sous quatre conclusions principales.

Première conclusion : Les travailleurs des plateformes de géolocalisation ignorent souvent l'existence des organisations syndicales

  • Une grande majorité des chauffeurs de taxi et des livreurs basés sur des applications et interrogés ne connaissent pas d'organisation syndicale à laquelle ils peuvent adhérer. Même lorsque les travailleurs des plateformes de géolocalisation connaissent l'existence de ces organisations, ils décident rarement d'en devenir membres. Cela révèle une différence majeure par rapport aux chauffeurs de taxi et aux livreurs traditionnels interrogés, qui sont beaucoup plus susceptibles d'être membres d'un syndicat. Par exemple, au Ghana et en Indonésie, les chauffeurs de taxi traditionnels sont 7 fois plus susceptibles d'être membres d'un syndicat que leurs homologues basés sur des applications, et en Inde, 26 fois plus. 24

Environ 85,7 pour cent des livreurs et 68,4 pour cent des chauffeurs de taxi basés sur des applications ont déclaré ne pas connaître d'organisation syndicale à laquelle ils pourraient adhérer (voir figure 2). Cela implique que certains chauffeurs de taxi et livreurs basés sur une application connaissent l'existence d'une organisation syndicale à laquelle ils pouvaient adhérer. Cependant, il apparaît également que la majorité d'entre eux ont décidé de ne pas y adhérer.25

Figure 2 : Connaissance de l’existence d'une organisation syndicale

Le taux d’affiliation syndicale des chauffeurs de taxi et des livreurs utilisant des applications est faible

Dans l'ensemble, le niveau d'affiliation syndicale des chauffeurs de taxi et des livreurs basés sur des applications est faible selon les enquêtes nationales. Lorsque des répondants déclarent être membres d'un syndicat, il s'agit surtout de l'adhésion à des organisations syndicales telles que le Online Drivers Union ou l'Uber Drivers Association qui organisent principalement les travailleurs basés sur des applications. La majorité des membres du syndicat ont déclaré participer activement aux activités du syndicat plusieurs fois par semaine. Les chauffeurs de taxi basés sur des applications sont également plus susceptibles d'être membres d'un syndicat que les livreurs dans la même situation - bien que les taux de syndicalisation des deux catégories professionnelles soient faibles parmi les répondants.26

Les chauffeurs de taxi et les livreurs répondants basés sur une application qui ont adhéré à une organisation syndicale sont également plus susceptibles de signaler une amélioration de leurs conditions de travail que ceux qui ont adhéré à un groupe de médias sociaux.27 Concernant les avantages de l'adhésion à un syndicat, les travailleurs basés sur une application ont indiqué que les informations et les revendications qu'ils exprimaient étaient transmises par le syndicat à l'entreprise de la plateforme. Les répondants ont également apprécié l'échange avec d'autres travailleurs afin de recevoir des conseils sur les droits fondamentaux du travail, d'organiser des manifestations, de recevoir des informations sur les réglementations gouvernementales relatives à l'économie des plateformes et de bénéficier d'un soutien financier dans les moments difficiles (par exemple, en obtenant l'accès à des régimes d'assurance par le biais du syndicat).

Les comparaisons montrent que les chauffeurs de taxi et les livreurs traditionnels sont plus susceptibles d'être syndiqués

Dans l'ensemble, les chauffeurs de taxi et les livreurs traditionnels répondants étaient beaucoup plus susceptibles d'être syndiqués que leurs homologues utilisant des applications. Cependant, la moyenne des adhésions syndicales entre les pays dissimule des différences importantes entre les dix pays de l'échantillon. Les taux d'affiliation déclarés pour les chauffeurs de taxi traditionnels varient de 0 pour cent au Kenya et au Mexique à 40,9 pour cent en Inde.28 Les différences entre les pays vont du Liban, où les chauffeurs de taxi traditionnels sont 1,2 fois plus susceptibles que les chauffeurs de taxi utilisant l'application d'être membres d'un syndicat, à l'Inde, où les chauffeurs de taxi traditionnels sont 26 fois plus susceptibles que les chauffeurs de taxi utilisant l'application d'être membres d'un syndicat. Très peu nombreux sont les chauffeurs de taxi et les livreurs traditionnels répondants qui ont déclaré être membres d'une organisation syndicale comptant également des travailleurs basés sur une application parmi ses membres.

Deuxième conclusion : Les chauffeurs de taxi et les livreurs basés sur une application utilisent différents types de groupes sur les médias sociaux pour se réunir, poussés par la motivation d’améliorer leurs conditions de travail

  • Parmi les personnes interrogées, environ 28,4 pour cent des chauffeurs de taxi et 33,3 pour cent des livreurs utilisant une application ont déclaré être membres d'un "groupe Facebook, WhatsApp ou autre média social". Une grande partie des chauffeurs de taxi basés sur une application (80,1 pour cent) et des livreurs dans la même situation (76,8 pour cent) qui sont membres échangent activement au moins plusieurs fois par semaine dans ces groupes. Parmi ces travailleurs, une grande partie des chauffeurs de taxi et des livreurs basés sur une application ont rejoint ces groupes avec l'espoir ou la motivation d'améliorer leurs conditions de travail. Une proportion non négligeable d'entre eux a déclaré que l'adhésion à ces groupes s'est traduite par une amélioration réelle de leurs conditions de travail (voir les figures 3 et 4).

Près d'un tiers des travailleurs utilisent des groupes Facebook, WhatsApp ou d'autres médias sociaux pour discuter de leurs problèmes et se soutenir mutuellement

Parmi les répondants, les chauffeurs de taxi et les livreurs basés sur une application et qui sont membres d'un groupe Facebook, WhatsApp ou d'un autre média social ont indiqué que ces groupes constituent surtout une instance permettant de discuter des problèmes auxquels ils sont confrontés, de se soutenir et s'entraider. Il s'agit souvent d'informations sur le trafic et la sécurité routière ou sur les contrôles effectués par les autorités. Les groupes fournissent également un soutien en cas d'urgence ou d'accident ou pour la réparation, la vente et la location de voitures ou de vélos. Dans les groupes de médias sociaux pour les livreurs à vélo, des informations sont également échangées sur les conditions météorologiques.

Figure 3. Adhésion des chauffeurs de taxi basés sur une application à des groupes de médias sociaux, par pays

Figure 4. Adhésion des livreurs basés sur une application à des groupes de médias sociaux, par pays

Dans plusieurs groupes, les informations circulent sur la manière d'améliorer les revenus (par exemple, des informations sur les zones à forte demande, les meilleurs itinéraires, les tarifs et les systèmes de bonus dans les applications). Certains groupes fournissent également des informations sur les commandes ou les clients frauduleux et concernant les problèmes techniques rencontrés avec l'application. Les groupes constituent des forums dans lesquels les chauffeurs peuvent obtenir des conseils de leurs pairs (plus expérimentés) sur ces questions. En outre, les répondants ont indiqué que plusieurs groupes fournissent des plateformes de socialisation (blagues, mèmes) et de soutien moral entre travailleurs utilisant l'application.29

Selon les répondants, certains de ces groupes fournissent des informations sur les activités de lobbying politique des travailleurs et de leurs organisations afin de défendre leurs intérêts ; sur les manifestations et les grèves ; la coopération et la solidarité entre les membres ; les collectes de charité ; la manière de défendre les droits des chauffeurs de taxi et des livreurs basés sur des applications ; et des informations et des discussions sur les nouvelles réglementations du travail prévalant sur les plateformes numériques de leurs pays respectifs.

Les motivations et les raisons qui poussent les travailleurs à entrer en contact et interagir les uns avec les autres via des groupes Facebook, WhatsApp ou d'autres médias sociaux sont diverses

Les répondants ont également été interrogés sur les motivations et les raisons qui les ont poussés à entrer en contact et interagir les uns avec les autres via Facebook, WhatsApp ou d'autres groupes de médias sociaux. À l'échelle du pays, environ 62,7 pour cent des chauffeurs de taxi et 45,9 pour cent des livreurs utilisant une application ayant rejoint ces groupes l'ont fait dans l'espoir d'améliorer leurs conditions de travail.

Toutefois, la situation est très variable entre les divers pays étudiés. Ainsi au Liban, environ 16 pour cent30 des livreurs utilisant une application ont rejoint un groupe Facebook, WhatsApp ou un autre média social dans l'espoir d'améliorer leurs conditions de travail (cf. figure 4) ; au Kenya, ils sont environ 70,3 pour cent dans ce cas. De semblables variations entre les pays peuvent aussi être observées pour les chauffeurs de taxi utilisant une application (voir figure 3).

Participation à des groupes Facebook, WhatsApp ou autres médias sociaux : Impacts sur les conditions de travail

Environ 47,2 pour cent des chauffeurs de taxi et 34 pour cent des livreurs répondants utilisant une application ont déclaré que leur participation à des groupes Facebook, WhatsApp ou autres médias sociaux les avait aidés à améliorer leurs conditions de travail. Les variations sont considérables entre les dix pays (voir figures 3 et 4).

Un grand nombre de chauffeurs de taxi et de livreurs utilisant des applications ont déclaré que les groupes de médias sociaux les ont utilement conseillés sur la manière d'améliorer leurs revenus lorsqu'ils ont commencé à travailler sur des applications. Ils ont notamment été renseignés sur les heures et les zones où il était préférable de travailler et ont reçu d'autres conseils sur la façon de gagner davantage et de recevoir plus de commandes. Certains travailleurs ont également rapporté que les groupes les ont aidés à obtenir collectivement de meilleures conditions de travail, telles que des péages moins élevés ou de meilleures modalités de paiement des trajets sur autoroutes dans certains pays.

Parmi ceux qui ont rejoint ces groupes, plusieurs chauffeurs de taxi et livreurs utilisant des applications ont déclaré que la participation à des groupes Facebook, WhatsApp ou d'autres médias sociaux leur permettait de recevoir le soutien d'autres chauffeurs en cas d'urgence (comme un accident ou un vol de voiture). Un répondant a indiqué que lorsqu'il a eu un accident, d'autres membres du groupe sont venus l'aider et ont appelé sa famille. En outre, les chauffeurs apprécient les groupes de médias sociaux grâce auxquels ils apprennent davantage sur les méthodes de travail, les zones et les situations dangereuses, ou la manière de traiter les clients problématiques. Les réponses varient selon les pays.

En outre, quelques répondants ont indiqué que les groupes de médias sociaux les aidaient à améliorer les conditions de travail en recueillant leurs revendications et en les aidant à en référer ensemble à la direction des entreprises plateformes. Les revendications sont recueillies par l'"administrateur du groupe" ou un "président", qui les envoie à l’entreprise de la plateforme ou organise des réunions et des discussions avec sa direction. Ces groupes ont également aidé les travailleurs à améliorer leurs conditions de travail en les aidant à s’informer sur leurs droits, en organisant des manifestations et des marches, en sensibilisant le grand public à leurs conditions de travail précaires et en faisant pression collectivement au niveau politique pour obtenir une amélioration de la réglementations et des conditions de travail.

Troisième conclusion : les chauffeurs de taxi et les livreurs basés sur des applications participent moins souvent à des actions collectives coordonnées que les chauffeurs de taxi et les livreurs traditionnels

  • Bien qu'un nombre important de chauffeurs de taxi et de livreurs basés sur une application s'organisent sur Facebook ou WhatsApp ou dans d'autres groupes de médias sociaux mus par la motivation d'améliorer leurs conditions de travail, ils participent rarement à des actions collectives telles que des protestations, des manifestations ou la déconnexion collective de l'application pour représenter efficacement leurs intérêts. Cette conclusion renvoie à la question de savoir comment l'adhésion à des groupes de médias sociaux se traduit par des améliorations des conditions de travail des travailleurs des plateformes géolocalisées.

Figure 5 : Participation à des actions de groupe coordonnées

Au niveau international, environ 8,9 pour cent des chauffeurs de taxi et 3,4 pour cent des livreurs répondants utilisant une application ont déclaré avoir participé à des actions collectives coordonnées, telles qu'une protestation, une manifestation ou une déconnexion collective de l'application. Là encore, on observe des variations importantes entre les différents pays. Au Chili (28,6 pour cent), en Inde (13,9 pour cent) et au Maroc (33,3 pour cent), une fraction significative des chauffeurs de taxi utilisant une application a participé à des actions collectives coordonnées, telles qu'une protestation, une manifestation ou une déconnexion collective de l'application. Dans d'autres pays, comme l'Indonésie (2,7 pour cent), le Liban (1 pour cent) et le Mexique (0,5 pour cent), pratiquement aucun chauffeur de taxi utilisant l'application n'a participé à des actions collectives coordonnées. Cela indique à nouveau l'importance des circonstances et des systèmes de relations professionnelles propres à chaque pays.

Comment les travailleurs basés sur des applications ont-ils découvert les actions collectives coordonnées ?

La plupart des travailleurs utilisant une application ont déclaré avoir découvert les actions collectives coordonnées par le biais de Facebook, WhatsApp, Telegram ou d'autres groupes de médias sociaux. Il convient de noter ici que cela inclut explicitement les groupes de médias sociaux gérés par les syndicats. Une proportion importante de travailleurs utilisant une application a appris l'existence d'actions collectives coordonnées par des collègues. Seul un petit nombre de ces travailleurs ont découvert ces actions dans les journaux ou à la télévision.

Qu'essayaient-ils de réaliser ?

Environ la moitié des actions collectives coordonnées menées par les travailleurs basés sur des applications visaient à obtenir une augmentation de salaire. Les revendications portaient notamment sur une augmentation des tarifs, une réduction des commissions prélevées par les entreprises des plateformes ou une redéfinition de la structure des primes et des rémunérations incitatives. Certaines actions collectives coordonnées portaient sur les droits légaux des travailleurs des plateformes. Plusieurs d'entre elles visaient également à obtenir la reconnaissance des organisations de travailleurs basés sur des applications ou le statut de syndicat. En outre, les travailleurs des plateformes ont eu recours à des actions de groupe coordonnées pour demander une plus grande sécurité de l’emploi, pour protester contre le blocage des comptes, pour aider et soutenir les cas de travailleurs individuels, pour sensibiliser à leurs conditions de travail après de graves accidents de travailleurs à vélo ou pour protester contre le fait que certains travailleurs à vélo ne disposaient pas de l'équipement adéquat pour être protégés contre les blessures et les mauvaises conditions météorologiques.

Ont-ils réussi ?

Lorsqu'on leur a demandé si les actions de groupe coordonnées étaient couronnées de succès, environ un tiers des travailleurs basés sur les applications qui ont participé à l'une de ces actions ont déclaré qu'elles avaient (partiellement) réussi à faire aboutir leurs revendications. Parmi les résultats obtenus, on peut citer l'augmentation des tarifs, la reconnaissance médiatique (à la télévision, dans la presse écrite ou à la radio) ou la création et l'enregistrement de syndicats pour les chauffeurs de taxi et les livreurs basés sur des applications.

Environ deux tiers des travailleurs basés sur une application qui ont participé à une action de groupe coordonnée ont déclaré que ces actions n'avaient pas abouti ou que les résultats restaient encore à venir. Les chauffeurs de taxi et les livreurs basés sur des applications ont souvent fait remarquer que l'entreprise de la plateforme n'avait pas réagi ou que rien ne s'était passé. En outre, les travailleurs ont également fait état de certaines difficultés d'organisation, car souvent un nombre insuffisant de travailleurs basés sur les applications avaient participé à une action de groupe coordonnée, comme le fait de se déconnecter collectivement de l'application à un moment précis. Peu de travailleurs basés sur une application ont mentionné des menaces, comme la désactivation de leur compte, s'ils participaient à une action collective coordonnée.

Les chauffeurs de taxi et les livreurs traditionnels sont plus susceptibles de participer à des actions collectives coordonnées que leurs homologues basés sur des applications

Environ 17,3 pour cent des chauffeurs de taxi traditionnels interrogés et 9,3 pour cent des livreurs ont déclaré avoir participé à une action collective coordonnée, telle qu'une protestation ou une manifestation. En outre, concernant les chauffeurs de taxi et les livreurs traditionnels, la situation est très variable selon les pays. Au Chili (28,6 pour cent), en Inde (42,4 pour cent) et au Maroc (28,2 pour cent), un pourcentage important de chauffeurs de taxi traditionnels a déclaré avoir participé à des actions collectives coordonnées. Dans d'autres pays, comme l'Ukraine (2,7 pour cent), l'Indonésie (2,7 pour cent) et le Liban (0,0 pour cent), seuls quelques rares chauffeurs de taxi traditionnels ont déclaré avoir participé à de telles actions. Par ailleurs, concernant les chauffeurs de taxi et les livreurs traditionnels, les variations du niveau de leur engagement dans de telles actions indiquent l'importance des circonstances juridiques et pratiques et des systèmes de relations professionnelles propres à chaque pays.

Quatrième conclusion : Certains chauffeurs de taxi et livreurs traditionnels et basés sur des applications ont déclaré être ou avoir été découragés de participer à des actions de groupe collectives coordonnées ou de rejoindre des associations de travailleurs ou des groupes représentant les intérêts des travailleurs

  • Les enquêtes par pays montrent que certains travailleurs basés sur une application se sentent découragés de participer à des actions collectives coordonnées ou de s'engager dans des associations de travailleurs. Souvent, les travailleurs qui se disent découragés indiquent leur intention de ne travailler que temporairement sur l’application, et leur sentiment que les actions collectives n’ont aucun impact sur leurs conditions de travail. Ils sont peu nombreux à avoir déclaré se sentir découragés par la direction des entreprises des plateformes de participer à des actions collectives coordonnées ou de s'engager dans des associations de travailleurs.

Environ 2,3 pour cent des chauffeurs de taxi et 3,6 pour cent des livreurs répondants et basés sur une application ont déclaré être découragés ou avoir été découragés de participer à une action collective ou de rejoindre une association de travailleurs ou un groupe représentant leurs intérêts. Ces chiffres doivent être pris en compte dans le contexte plus large des faibles taux de syndicalisation et d'engagement dans des actions collectives coordonnées. Dans un sous-échantillon de travailleurs basés sur une application qui ont effectivement participé à des actions collectives coordonnées, environ 8,8 pour cent des chauffeurs de taxi et 18,8 pour cent des livreurs ont déclaré être découragés ou avoir été découragés de participer.

Les raisons de ce découragement varient. Soit les discussions dans les groupes de médias sociaux prenaient beaucoup de temps et ne débouchaient souvent sur aucune action concrète, soit leurs collègues les décourageaient de participer, soit ils considéraient leur travail basé sur des applications comme temporaire et ils voulaient simplement travailler et gagner de l'argent. Certains de ces travailleurs ont déclaré avoir été découragés de participer à des actions de groupe par des circonstances éventuellement liées à leur statut migratoire.

Quelques-uns de ces travailleurs répondants basés sur une application ont déclaré avoir été découragés de participer à des actions de groupe coordonnées car ils avaient reçu des messages de groupe envoyés par la direction des entreprises de plateforme et ils se sentaient menacés d’une désactivation de leur compte. Certains d'entre eux ont déclaré avoir été explicitement avertis de ne pas créer ou rejoindre des groupes de médias sociaux liés à l'entreprise de plateforme.

Comparaison avec les chauffeurs de taxi et livreurs traditionnels

En comparaison, 7,6 pour cent des chauffeurs de taxi et 3,5 pour cent des livreurs traditionnels répondants ont déclaré être ou avoir été découragés de participer à des actions collectives ou encore d'adhérer à une association ou à un groupe de travailleurs représentant leurs intérêts. Dans un sous-échantillon de travailleurs traditionnels qui ont effectivement participé à des actions collectives coordonnées, environ 16,5 pour cent des chauffeurs de taxi traditionnels et 3,1 pour cent des livreurs traditionnels ont déclaré être découragés ou avoir été découragés de participer. Il faut tenir compte du fait que les chauffeurs de taxi et les livreurs traditionnels sont aussi plus susceptibles de participer à des actions collectives coordonnées et d'adhérer beaucoup plus fréquemment à des syndicats que leurs homologues utilisant des applications. Cela pourrait expliquer en partie pourquoi ils déclarent aussi plus fréquemment être ou avoir été découragés de participer à des actions collectives ou de rejoindre des associations ou des groupes de travaileurs représentant leurs intérêts.

Motivations incitant les travailleurs à échanger avec leurs collègues sur les plateformes numériques de travail en ligne

Les travailleurs des plateformes en ligne sur le web effectuent des tâches sur des plateformes de programmation micro-tâches, freelance et concurrentielle. Concernant l'organisation des travailleurs, les défis sont amplifiés dans l'économie des plateformes en ligne sur le web par rapport à l'économie des plateformes géolocalisées. Les travailleurs sur les plateformes en ligne sur le web ne sont pas nécessairement situés dans le même espace géographique que leurs demandeurs et sont en concurrence directe avec d'autres travailleurs de plateforme pour accéder aux tâches proposées par la leur tout en souffrant souvent d'un manque d'identité professionnelle partagée entre eux. (OIT 2021d ; Berg et al. 2018 ; Wood, Lehdonvirta et Graham 2018 ; Rodríguez Fernández 2018; Lehdonvirta 2016). Les efforts pour favoriser leur association se concentrent principalement sur les forums et les groupes dans les réseaux sociaux ou dans des formules d'action alternatives, telles que le développement de classements de plateformes pour alerter les travailleurs eux-mêmes sur les conditions de travail sur des plateformes spécifiques. (LaPlante et Silberman 2016).

Depuis 2017, plusieurs enquêtes ont été entreprises par l'OIT pour mieux comprendre les conditions de travail sur les plateformes en ligne sur le web. Il s'agit notamment d'une enquête mondiale sur les travailleurs collaboratifs de cinq grandes plateformes de micro-tâches (2017) ; d'une enquête mondiale sur les travailleurs des plateformes de programmation freelance et concurrentielle (2019-2020) ; et d'enquêtes nationales sur les travailleurs des plateformes en Chine et en Ukraine (2019).31 Sur la base des réponses obtenues, les sections suivantes analysent de quelle manière les travailleurs des plateformes en ligne sur le web s'organisent les uns avec les autres et le rôle que les organisations syndicales jouent éventuellement à cet égard.

Un nombre important de travailleurs collaboratifs sur les plateformes de micro-tâches se tournent vers les forums en ligne pour se soutenir mutuellement

La majorité des travailleurs collaboratifs (58 pour cent) ont indiqué dans les enquêtes qu'ils ne recourent ni à des syndicats, ni à des groupes de solidarité, forums en ligne ou tout autre groupe pour discuter de leurs problèmes ou recevoir des conseils liés au travail collaboratif ou un quelconque type de protection.

Pourtant, environ un tiers d’entre eux se tournent vers des forums en ligne pour discuter de leurs problèmes ou demander des conseils en matière de travail collaboratif. Nombre de ces forums en ligne, comme Turkopticon, TurkNation et TurkerHub, sont liés à des plateformes spécifiques, comme Amazon Mechanical Turk (MTurk). En outre, plusieurs travailleurs collaboratifs ont déclaré utiliser des groupes Facebook ou Reddit pour discuter de problèmes ou demander des conseils. Certains des forums auxquels font référence les travailleurs collaboratifs ont une portée régionale, comme le Indonesian Online Worker Forum ou le Online Microworkers Nepal. Cependant, la plupart des forums semblent attirer un public international de travailleurs collaboratifs. Ces derniers ont indiqué qu'ils utilisaient les forums en ligne pour se soutenir mutuellement, notamment pour discuter du travail disponible et des problèmes liés aux tâches et pour apporter un soutien général. Les échanges dans les forums en ligne comprennent des questions sur les entreprises et les personnes qui proposent du travail sur des plateformes en ligne basées sur le web, et sur leur fiabilité. Dans l'ensemble, les travailleurs collaboratifs utilisent les forums en ligne pour se soutenir et s'entraider et non pas pour discuter des conditions de travail ou organiser des protestations (en ligne).

Seuls quelques travailleurs collaboratifs sur les plateformes de micro-tâches se tournent vers les syndicats pour obtenir un soutien

Un petit nombre de travailleurs collaboratifs ont déclaré s'être tournés vers des syndicats pour discuter de problèmes, demander des conseils ou recevoir une forme de protection liée au travail collaboratif. Les syndicats mentionnés par les répondants opèrent dans différentes régions du monde et comprennent le Sindicato de Empleados de Comercio (Argentine) ; le Canadian Freelancer Union et Alberta Union of Provincial Employees (Canada) ; IG Metal et ver.di (Allemagne) ; le National Joint Council of Action of the National Defense Workers' Federation (Inde) ; l'Unión General de Trabajadores (UGT) (Espagne) ; Unite (Royaume-Uni) ; et le Freelancers Union (États-Unis).

Les travailleurs freelances sur les plateformes en ligne adhèrent rarement à des syndicats et des associations professionnelles

Les travailleurs des plateformes de freelances interrogés ont déclaré qu'ils consultaient régulièrement un certain nombre de ressources en ligne lorsqu'ils travaillaient sur une plateforme, notamment YouTube (60,4 pour cent), des blogs (36,1 pour cent), des cours ou des universités en ligne (43 pour cent), des forums ou d'autres communautés en ligne (48,3 pour cent) ainsi que des plateformes proposant une aide et un soutien sur un sujet spécifique (38,5 pour cent).

Toutefois, une grande majorité de ces travailleurs (82,6 pour cent) ont déclaré ne s'adresser ni aux syndicats, ni aux associations ou organisations professionnelles ni à d'autres organisations concernant leur travail sur les plateformes. Environ 12,9 pour cent d’entre eux ont déclaré s'adresser à des associations ou organisations professionnelles pour discuter de leur travail en freelance. Il s'agissait principalement de groupes sur Facebook et LinkedIn, ainsi que d'organisations professionnelles telles que Online Professional Workers Association (OPWAK) qui s’est constituée en 2019 au Kenya. Rares sont les freelances sur les plateformes en ligne qui ont déclaré s'être tournés vers des syndicats comme ressources supplémentaires lors de l'exécution de leurs tâches.

Initiatives prises par des organisations d'employeurs et de travailleurs et auto-organisation des travailleurs dans l'économie des plateformes

Principales conclusions

Figure 6 : Études de cas par pays commandées par l'OIT

Au Ghana, c'est le non-paiement des primes qui a d'abord motivé les chauffeurs basés sur une application pour s'organiser - "les primes n'arrivaient pas et nous avons réalisé que c'était parce que personne ne parlait au nom des chauffeurs". En outre, les chauffeurs ont estimé que la désactivation non transparente des chauffeurs par les entreprises de plateforme était frustrante (Akorsu et al. à paraître).

Le chapitre 1 a montré, grâce aux enquêtes par pays, que les travailleurs des plateformes de géolocalisation sont généralement motivés pour se regrouper et s’unir sous certaines formes pour améliorer leurs conditions de travail. A partir de cette généralité, l'objet de ce chapitre est d'identifier et de documenter plus en détail des exemples concrets "sur le terrain" dans différentes régions du monde. Ces exemples décrivent les efforts déployés par les organisations d'employeurs et de travailleurs pour atteindre les travailleurs de l'économie des plateformes et la manière dont ces travailleurs s'auto-organisent en vue de pouvoir agir sur leurs conditions de travail.

Les exemples mentionnés sont tirés d'études de cas commandées par l'OIT en Australie,32 au Chili,33 en Inde,34 au Nigéria,35 en Ukraine36 et en Espagne.37 Dans la phase préparatoire du projet de recherche (février-avril 2021), des entretiens ont été menés avec des représentants d'organisations d'employeurs et de travailleurs et des experts du monde universitaire et de la société civile. Ces représentants ont permis d'identifier des développements importants et des études de cas dans diverses régions du monde. A partir de ces entretiens initiaux, des pays ont été sélectionnés pour analyse en fonction de leurs développements législatifs et judiciaires innovants, sans perdre de vue l’équilibre régional.

Dans l'ensemble, concernant les études de cas nationales, les collaborateurs de ce chapitre ont procédé à des entretiens avec une vingtaine d'informateurs nationaux, allant des travailleurs de la plateforme aux représentants d'organisations d'employeurs et de travailleurs, en passant par les chercheurs universitaires. En outre, ils s'appuient sur des études de cas de la littérature académique et grise et sur des reportages.

Encadré 4 : Exploiter les opportunités de l'économie des plateformes au profit des entreprises et des travailleurs

Ce chapitre montre que des actions collectives coordonnées (notamment les manifestations, les grèves et les déconnexions collectives) ont vu le jour dans toutes les régions du monde, ce qui indique la valeur potentielle du dialogue et de la négociation collective pour la paix sociale dans l'économie des plateformes. En général, le dialogue et la négociation collective y ont davantage de chances de produire des résultats concrets lorsqu'ils sont soutenus par des cadres juridiques et réglementaires solides et qu'ils sont ancrés dans les traditions des pays en matière de relations professionnelles. Cette considération générale peut contribuer à expliquer les variations régionales notables que l'on peut observer entre les exemples issus des pays du Nord et les pays du Sud du globe qui sont présentés dans ce chapitre.

Initiatives des organisations de travailleurs dans l'économie des plateformes

Des groupes informels de travailleurs, des syndicats nouvellement créés et des syndicats déjà existants sont actifs dans l'économie des plateformes. Ils s'engagent dans des actions de groupe coordonnées (manifestations, grèves et déconnexions collectives), recourent à des litiges stratégiques ou à des causes types et tentent de sensibiliser le public à travers les médias et les processus réglementaires. Les exemples montrent également un activisme syndical dans l'économie des plateformes au nom de groupes de travailleurs traditionnellement défavorisés, tels que les travailleurs migrants. Dans l'ensemble, les exemples nationaux indiquent que les travailleurs des plateformes géolocalisées ont adopté une plus grande variété de stratégies que les travailleurs du web en ligne. Les différences notables dans les efforts d'organisation entre les pays du Nord et du Sud sont également examinées ci-après.

Création d’organisations de travailleurs dans l'économie des plateformes

Les enquêtes de l'OIT dans dix pays ont révélé que les chiffres déclarés concernant l'affiliation syndicale des travailleurs de l'économie des plateformes sont globalement faibles (voir chap. 1). Cependant, dans certains cas, ces travailleurs ont créé de nouvelles organisations et parfois ils ont rejoint des syndicats existants (OIT 2022a ; OIT 2021a ; OIT 2021d). Dans certains pays, les syndicats existants se sont montrés très actifs pour atteindre les travailleurs de l'économie des plateformes et soutenir leurs efforts d'organisation.

Les travailleurs des plateformes créent de nouvelles organisations de travailleurs

Dans diverses parties du monde, on constate la création de nouvelles organisations de travailleurs. Cependant, l'auto-organisation des travailleurs des plateformes allant au-delà des groupes de médias sociaux a principalement émergé dans les secteurs du covoiturage et de la livraison de nourriture (OIT 2022a).

Les types d'organisations dans lesquelles les travailleurs de l'économie des plateformes s'organisent sont très divers. Les organisations nouvellement créées prennent différentes formes juridiques et présentent divers niveaux de maturité organisationnelle. Par exemple, au Chili, certaines organisations nouvellement créées perçoivent des cotisations syndicales, ont établi des statuts ou des principes directeurs, disposent de systèmes de quotas et sont représentées par des représentants élus.38 D'autres organisations n'ont pas encore de statuts ni de principes directeurs ni de registre des membres et ressemblent à des groupes plus informels (voir encadré 5 pour les noms des organisations nouvellement créées et leur champ d'action au Chili).

Dans l'économie des plateformes, des organisations syndicales et des comités d'entreprise officiellement enregistrés ont vu le jour, en particulier dans les pays où l'environnement réglementaire est favorable.39 Les interactions entre les syndicats déjà existants et ces organisations de travailleurs nouvellement créées sont parfois marquées par la concurrence et le conflit, ou par la coopération et le soutien mutuel. L’encadré 5 illustre par des exemples concrets la création d'organisations de travailleurs et indique dans certains cas comment ces nouvelles organisations s'engagent auprès des syndicats existants.40

Encadré 5 : Exemples d'organisations de travailleurs nouvellement établies sur des plateformes géolocalisées

  • En Australie, le Rideshare Driver Network a démarré sous la forme d'un groupe Facebook privé en 2018 et est désormais une organisation à but non lucratif constituée en société visant à améliorer les conditions de travail et la rémunération des conducteurs de covoiturage australiens.41 C'est un membre fondateur de l'Alliance internationale des travailleurs du transport basés sur des applications et a mené des campagnes conjointement avec le Transport Workers Union.

  • Au Brésil, le Sindicato dos Motoristas de Transporte Individual por Aplicativo organise les conducteurs de l'économie des plateformes. L'organisation est active dans différents États du pays (tels que Rio Grande do Sul42 dans le sud et Rondonia dans le nord-ouest43 ). Dans certains de ces États, la nouvelle organisation a collaboré avec la Central Única dos Trabalhadores, notamment dans le cadre de grèves organisées dans plusieurs villes.

  • Au Chili, 44 , plusieurs organisations de travailleurs de l'économie des plateformes ont été créées : Riders United Now (créée en janvier 2020 et organisant les travailleurs de Order Now et Rappi); Penquista Delivery Drivers (créée en janvier 2018 et organisant les travailleurs de PedidosYa et Cornershop); Cornershop Union (créée en juillet 2016 et organisant les travailleurs de Cornershop); Asociación Gremial de Conductores de Aplicación (ACUA) (qui organise des travailleurs d'Uber et de DiDi); UBER Independent Workers Union (créé en 2018 et qui organise des travailleurs d'Uber); et Shopper freelancer (créé en 2020 et qui organise des travailleurs de Cornershop).

  • En Equateur 45 et au Pérou,46 divers groupes sur les réseaux sociaux créent des espaces de collaboration pour les travailleurs de l'économie des plateformes, inaugurant ainsi une formalisation progressive des organisations émergentes de ces travailleurs dans ces pays.

  • En Géorgie, les efforts d'auto-organisation ont abouti à une manifestation, à l'issue de laquelle les travailleurs ont annoncé la formation d'un syndicat des travailleurs des applications de livraison de nourriture Glovo, Wolt, Bolt Food et Elvis, ainsi que des services de taxi Yandex et Bolt.47 Les principaux objectifs de ce syndicat sont l’obtention de contrats de travail par les coursiers, y compris une couverture d'assurance maladie, une compensation pour les heures supplémentaires et les intempéries, ainsi que des congés payés.

  • Au Ghana, plusieurs associations de conducteurs basés sur des applications ont été identifiées, notamment Ghana Online Drivers Union; Ghana Online Drivers Association; Online Drivers' Union of Ghana ; Smart Drivers Union (SMART); Online Family Drivers Union; Online Drivers' Partners Association; Ride Share Online Drivers Union; et Super Car Owners (Akorsu à paraître). Ces associations présentent des structures organisationnelles différentes. Si certaines se sont dotées de statuts et d’un système de collecte des cotisations, d'autres sont encore en train de rédiger leur constitution et ne collectent des cotisations que lorsque le besoin s'en fait sentir. Certaines sont affiliées au Trades Union Congress of Ghana. Les membres de deux de ces associations paient une cotisation hebdomadaire par transferts d'argent en ligne.

  • En Indonésie, une capacité "étonnante" d'auto-organisation, d'entraide et de participation de la communauté de base des chauffeurs de transport basés sur des applications (Ford et Honan 2019) a été constatée au cours des dernières années. En 2022, des centaines de communautés informelles de chauffeurs livreurs de nourriture ont été signalées, dans lesquelles les travailleurs se consultent quotidiennement pour obtenir des conseils sur tout, des meilleurs itinéraires pour une livraison aux stratégies pour améliorer leurs revenus.48

  • Au Nigeria, la Drivers and Private Owners Association (PEDPA)49 a été créée en 2019 et est affiliée au Trade Union Congress.

  • En Espagne, des organisations de travailleurs de plateforme ont commencé à émerger, comme RidersxDerechos en juillet 201750 ou FreeRiders. Ces nouvelles associations collaborent avec des associations existantes, comme Intersindical Valenciana51 ou Intersindical Alternativa Catalana52 ou avec les plus grands syndicats d'Espagne - l'UGT et Comisiones Obreras (CCOO). RidersxDerechos n'est pas un syndicat mais s'est constitué en association et a enregistré son nom et son logo. Cette association coopère en matière juridique avec les syndicats déjà établis. En outre, des associations de travailleurs autonomes économiquement dépendants ont commencé à émerger, défendant la classification des travailleurs comme « indépendants » à partir de 2018. Il s'agit notamment de l'Association espagnole des cyclistes messagers, de l'Association professionnelle des coursiers autonomes et de l'Association des coursiers autonomes. En 2020, Repartidores Unidos ou Riders United a été fondée, qui se pose en défenseure du travail collaboratif plutôt qu’en association de coursiers.53

  • En Uruguay, l'organisation de travailleurs Sindicato Único de Repartidores, composée exclusivement de travailleurs livreurs, a été fondée en 2019.54 La création de l'organisation a été soutenue par la Federación Uruguaya de Empleados de Comercio y Servicios. En outre, l'ACUA, une association de chauffeurs de l'économie des plateformes, a été créée.55

  • Aux États-Unis, les organisations de travailleurs dans l'économie des plateformes pourraient prendre la forme de corporations affiliées à des syndicats, comme l'Independent Drivers Guild qui représente les chauffeurs Uber (Johnston et Land-Kazlauskas 2018).

Les syndicats existants tendent la main aux travailleurs et à leurs organisations dans l'économie des plateformes

L'encadré 5 indique que de nombreux syndicats de travailleurs des plateformes nouvellement créés sont en contact régulier ou sont soutenus par des syndicats déjà existants. Plusieurs exemples nationaux montrent que des syndicats déjà existants et bien établis fournissent un soutien et un accès au pouvoir institutionnel à des organisations émergentes de travailleurs des plateformes (voir également Webster et al. 2021). Lencadré’encadré 6 présente quelques exemples concrets de la manière dont les syndicats existants ont tendu la main aux travailleurs de l'économie des plateformes et à leurs organisations.

Encadré 6 : Les syndicats tendent la main aux travailleurs et à leurs organisations dans l'économie des plateformes

  • En Géorgie, pour donner suite aux protestations des travailleurs des plateformes, la Confédération des syndicats géorgiens a exprimé sa solidarité et son soutien et a discuté des méthodes potentielles d’assistance dont disposent les syndicats existants.56 En outre, des organisations de la société civile ont soutenu les revendications des coursiers et se sont dit prêtes à fournir une assistance juridique si nécessaire.57

  • Au Kenya, le Transport and Allied Workers' Union of Kenya (TAWU-K) est un syndicat enregistré, affilié à l'Organisation centrale des syndicats et à la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF). TAWU-K a élaboré une nouvelle stratégie d'organisation et de recrutement conçue spécifiquement pour les travailleurs des plateformes. Sur la base de cette nouvelle stratégie d'organisation, le syndicat a déclaré avoir recruté plus de 2 000 chauffeurs des plateformes et avoir étendu ses activités de Nairobi à Mombasa, Nakwu, Kisumu, Edoret et Mt Ken (Webster et Mesikane 2021).

  • Au Nigeria, le Syndicat des transports routiers a commencé à organiser les travailleurs des plateformes, en particulier les chauffeurs Uber.58

  • En Espagne, les dirigeants syndicaux répondants ont observé que la distance entre les organisations de travailleurs nouvellement établies dans l'économie des plateformes et les syndicats déjà existants s'est réduite, favorisant une harmonisation, la convergence des positions et la collaboration. Pour contacter les travailleurs fournissant des services sur les entreprises des plateformes, les syndicats déjà existants collaborent non seulement avec ces nouvelles organisations mais aussi avec d'autres organisations plus établies, telles que les associations de femmes immigrées, afin d'atteindre les personnes qui fournissent des services de ménage via les plateformes.59

  • En Suisse, dans le Canton de Genève, des livreurs de plateforme se sont tournés vers les syndicats SIT et Unia pour les défendre et les représenter dans un conflit avec une entreprise de plateforme. Grâce au dialogue social et à l'implication des syndicats existants, le nombre de licenciements éventuels a finalement été considérablement réduit.60

  • En Ukraine, la Fédération des syndicats d'Ukraine (FPU), la plus grande fédération syndicale du pays, a exprimé de profondes inquiétudes concernant l'économie des plateformes. La stratégie de la FPU pour 2021-2026 vise à formaliser le travail des travailleurs des plateformes et à leur accorder le droit à la négociation collective.61

L'encadré 7 décrit en détail comment un syndicat déjà existant a soutenu la création et le fonctionnement de syndicats nouvellement créés pour les travailleurs de l'économie des plateformes en Inde. Cet exemple illustre la manière dont les syndicats et les syndicats nouvellement créés pour les travailleurs des plateformes peuvent collaborer.

Encadré 7 : En y regardant de plus près : Les syndicats tendent la main aux travailleurs des plateformes en Inde

En Inde, le Centre of Indian Trade Unions (CITU) a soutenu un certain nombre d'initiatives visant à organiser les travailleurs des plateformes, notamment le All-India Gig Workers Union (AIGWU), qui déploie des efforts intersectoriels pour organiser ces travailleurs. Le CITU soutient les activités d'organisation de l'AIGWU, en jouant un rôle consultatif dans l'élaboration des revendications et des stratégies des travailleurs. Le CITU a également soutenu ses syndicats de travailleurs du transport au niveau de l'État par l'inclusion stratégique des travailleurs des plateformes en tant que membres dans des conseils ou sous-comités séparés.62

Outre les affiliations à des syndicats existants, la formation d'organisations de travailleurs spécifiques à une application a été considérée comme un moyen de renforcer les négociations collectives et les efforts de coordination entre les travailleurs des plateformes. L'Indian Federation of App-based Transport Workers (IFAT) est l'une de ces organisations qui fonctionne comme une fédération nationale de syndicats affiliés au niveau des États pour les travailleurs du transport et de la livraison basés sur des applications dans dix villes indiennes.63 L'IFAT s'est engagée directement auprès de diverses parties prenantes par le biais de différentes techniques, notamment des manifestations publiques à grande échelle64 , des négociations directes avec les entreprises et le gouvernement, des actions en justice d'intérêt public,65 , des recherches66 et des forums publics et semi-publics.67 Si l'IFAT et l'AIGWU ont réussi à obtenir l'enregistrement officiel d'un syndicat, le processus d'enregistrement n'a pas été simple.

La plupart des organisations de travailleurs nouvellement établies se trouvent dans le secteur du transport et de la livraison basés sur des applications. L’encadré 8 décrit comment les organisations de travailleurs explorent les possibilités d'organiser les travailleurs dans un autre secteur.

Encadré 8 : Les organisations de travailleurs tendent la main aux travailleurs du secteur des soins et de l’esthétique dans l'économie des plateformes en Inde.

Dans le nord de l'Inde, selon une organisatrice de base des travailleurs de la plateforme, les femmes travaillant dans le secteur des soins à la personne sont très difficiles à organiser, mais le CITU s'y intéresse énormément, car il dispose d'un comité de coordination des travailleuses qui examine les questions de genre. À Noida, de nombreuses entreprises des plateformes ont vu le jour, avec 300 à 400 travailleuses effectuant des massages, donnant des soins de beauté et assurant d'autres services connexes. L'association All India Domestic Workers les a interrogées pour savoir à quels problèmes elles sont confrontées. Le travail d'organisation des travailleuses des plateformes est très récent, pas encore formel et toujours au stade de petites interventions pour voir quelles sont les stratégies d'organisation qui pourraient réussir.

L'encadré 9 décrit de manière plus approfondie la création d'un syndicat pour les travailleurs d'une plateforme de livraison de produits d'épicerie qui se trouvent dans une relation d'emploi et décrit la relation avec les syndicats existants au Chili. À cet égard, il convient de noter que le président du syndicat nouvellement créé a été élu à la tête de l'organisation nationale des syndicats, la Central Unitaria de Trabajadores de Chile (CUT) en 2021. En outre, l'exemple illustre les différences découlant de la classification des travailleurs lors de la création d'une organisation. 68

Encadré 9 : En y regardant de plus près : Le syndicat Cornershop des travailleurs de l'économie des plateformes au Chili

Au Chili, le syndicat de Cornershop a été créé en décembre 2016. Cette création a été rendue possible par le fait qu'au début des opérations de Cornershop, tout le personnel qui travaillait dans les différentes fonctions de l'entreprise de la plateforme était dans une relation d'emploi formelle au Chili. Les membres du syndicat se sont organisés conformément aux pouvoirs qui leur sont accordés par le Code du travail en tant que syndicat d'entreprise, en développant des activités internes pour renforcer et protéger les membres, en participant à des discussions pour améliorer les conditions de travail, la sécurité au travail et d'autres questions.

La création de l'organisation était similaire à celle des syndicats d'autres industries. On a commencé par discuter des problèmes communs à tous les travailleurs. Les discussions ont pris de l'ampleur et sont apparues au grand jour d'abord lors de la constitution formelle du syndicat, puis lorsqu’une pétition visant à conclure une convention collective a été présentée à l'entreprise. Le syndicat et Cornershop ont conclu des conventions collectives en 2017 et 2019 qui s'appliquent aux acheteurs salariés de l'entreprise de la plateforme (voir chap. 3).

Relations avec les syndicats déjà existants : Le syndicat a établi des relations permanentes avec d'autres organisations, notamment le réseau de travailleurs des hypermarchés Lider-Walmart, avec lequel il partage des bureaux. Sur la base de cette relation, la participation du syndicat au comité de coordination des syndicats du commerce et des services financiers (Trade and financial Services Unions Coordinating Committee) est toujours en vigueur. Le président du syndicat de Cornershop s'est présenté à un poste de direction de la Central Unitaria de Trabajadores de Chile - CUT et a été élu dirigeant national de l'organisation pour la période 2021-2024.69 C'est l'une des premières fois que le dirigeant d'un syndicat nouvellement créé dans l'économie des plateformes occupe un poste de direction élu dans un syndicat existant.

Différences découlant de la classification des travailleurs : Cornershop a commencé à embaucher des chauffeurs-livreurs en tant qu'entrepreneurs indépendants. Le changement dans le système de contrat avec les acheteurs a généré une deuxième organisation sur la plateforme appelée Shoppers Unidos, qui n'est pas enregistrée et qui a travaillé "clandestinement" par crainte d'éventuelles représailles contre ses membres.70

L'exemple du Chili dans l'encadré 9 décrit la création réussie d'un syndicat. Cependant, la création de nouvelles organisations de travailleurs dans l'économie des plateformes doit relever plusieurs défis, notamment une grande volatilité des membres en raison de la nature souvent temporaire de ce type de travail, et les processus d'enregistrement nécessaires à la reconnaissance publique de l’organisation en tant que syndicat (Johnston et Land-Kazlauskas 2018).71 L'encadré 10 décrit la tentative de création d'un syndicat pour les travailleurs des plateformes en Ukraine et détaille les obstacles connexes qui sont communs à de nombreux pays dans le monde.

Encadré 10 : Défis à relever pour créer un syndicat pour les travailleurs des plateformes en Ukraine

En Ukraine, 72 après des protestations de travailleurs (principalement de Glovo, UberEats et Dominos Pizza), une trentaine de coursiers ont décidé de créer un syndicat appelé Independent Couriers Union. Ils ont adopté une charte, mais l'organisation n'a pas été approuvée par le processus d'enregistrement de l'État. Finalement, en raison du taux de rotation élevé parmi les travailleurs des plateformes, les coursiers membres du syndicat ont quitté leur emploi et ont cessé leurs activités syndicales.

Mise en place de comités d'entreprise dans l'économie des plateformes

Dans certains pays, les travailleurs de l'économie des plateformes ont commencé à créer des comités d'entreprise. Selon les pays, les comités d'entreprise peuvent bénéficier d'une grande variété de droits, allant des droits à l'information et à la consultation à ceux de la participation à la codétermination des droits. Toutefois, lors de la création d'un comité d'entreprise, les travailleurs des plateformes seraient parfois confrontés à des obstacles liés aux mesures prises par les entreprises des plateformes, tandis que le caractère temporaire du travail sur les plateformes peut réduire les incitations à l'engagement des travailleurs.73 L'encadré 11 illustre l'élection de comités d'entreprise et de représentants de la santé et de la sécurité dans des entreprises de plates-formes géolocalisées en Australie, en Autriche, en Allemagne et en Norvège, ainsi que la création du Riders Forum (Forum des coursiers) en Belgique.

Encadré 11 : Mise en place de comités d'entreprise et de représentants de la santé et de la sécurité

  • En Australie, 74 les syndicats organisant les livreurs de nourriture s’appuient sur les dispositions de la législation sur la santé et la sécurité au travail (SST) pour obtenir l'élection de représentants des travailleurs. La loi sur la santé et la sécurité au travail établit un processus permettant aux représentants de la santé et de la sécurité des travailleurs d'être élus par les "travailleurs" d'un "groupe de travail". Au début de l'année 2021, sept représentants de la sécurité de Deliveroo ont été élus - un événement annoncé par le syndicat comme "une étape importante pour l'économie des plateformes en Australie", car il permettrait aux coursiers d'aider leurs collègues à faire valoir leurs droits et à contrer les risques en matière de sécurité tels les accidents, les chutes et le stress thermique.75 Les représentants élus ont des pouvoirs importants en vertu de la loi SST, notamment celui d'enquêter sur les risques de sécurité et les plaintes des travailleurs en rapport avec les questions de sécurité, d'ordonner la cessation d'un travail dangereux, d'informer SafeWork New South Wales des incidents de sécurité et de lancer le processus de formation de comités de santé et de sécurité au travail.

  • En Autriche, le Syndicat des transports et des services (VIDA) a créé un comité d'entreprise pour les cyclistes de Foodora. Les objectifs du comité d'entreprise sont notamment de favoriser de meilleures conditions de travail, d’obtenir des primes supplémentaires pour le travail de nuit ou en hiver et des contrats de travail permanents pour les cyclistes.76

  • En Belgique, l’entreprise de plateforme Deliveroo a annoncé la création du Forum des coursiers, qui se réunira tous les trois mois et qui doit être une instance de consultation et de discussion entre la direction et les représentants des coursiers. L’entreprise a annoncé que 20 coursiers belges seront élus et agiront en tant que porte-parole des 3 000 coursiers qui travaillent pour Deliveroo dans le pays. Toutefois, ils ne constitueront pas un comité d'entreprise traditionnel. Par conséquent, les porte-parole des livreurs qui seront élus ne bénéficieront pas des mêmes protections contre le licenciement que les représentants syndicaux.77

  • En Allemagne, les coursiers de l'entreprise de plateforme Lieferando (Just Eat Takeaway.com) ont créé des comités d'entreprise à Cologne, Stuttgart, Nuremberg et Francfort/Offenbach et un comité d'entreprise responsable pour Kiel, Hambourg, Hanovre et Braunschweig.78 Toutefois, des articles de presse récents font état d'obstructions aux élections des comités d'entreprise de la part de l'entreprise dans certains cas. 79

  • En 2018, un accord a été signé pour mettre en place un comité d'entreprise européen au sein de l'entreprise de plateforme Delivery Hero, comprenant une disposition visant à inclure des représentants des salariés au conseil d’administration (OIE 2019). L'accord a été signé avec le Syndicat de l'alimentation, des boissons et de la restauration, la Fédération italienne des travailleurs du commerce, de l'hôtellerie, des cantines et des services et la Fédération européenne de l'alimentation, de l'agriculture et du tourisme. En 2021, la plateforme de livraison de produits d'épicerie Gorillaz a fait appel aux tribunaux du travail pour empêcher l'élection d'un comité d'entreprise à Berlin. Cependant, un tribunal du travail a jugé que les travailleurs pouvaient aller de l'avant avec l'élection d'un comité d'entreprise.80

  • En Norvège, la plateforme de livraison de nourriture Foodora et le syndicat Fellesforbundet ont signé une convention collective (voir chap. 3). Cette convention collective fixe le cadre de la mise en place de délégués syndicaux dans l'entreprise. Le comité de travail des délégués syndicaux organise des réunions mensuelles avec la direction, au cours desquelles les deux parties soulèvent des questions. Foodora a le devoir d'informer les travailleurs des changements à venir et d'écouter les avis des délégués syndicaux.81

Initiatives sur les plateformes en ligne dans l'économie des plateformes

Par rapport à la situation des plateformes géolocalisées, les obstacles juridiques et pratiques à l'organisation et à la création d'organisations formelles de travailleurs sont encore plus prononcés pour les travailleurs des plateformes de travail en ligne sur le web qui couvrent différentes juridictions (OIT 2021a). Ces travailleurs peuvent également être moins désireux de s'organiser. Cette observation a été confirmée par la présente étude, qui constate que les groupes de travailleurs sur les plateformes de travail en ligne basées sur le web prennent souvent la forme de groupes en ligne dans lesquels les travailleurs discutent de leurs tâches et de leurs doléances. On peut citer comme exemple les groupes de travailleurs en microtâches sur Amazon MechnicalTurk (LaPlante et Silberman 2016). Les noms de ces forums sont notamment Turkopticon, TurkNation et TurkerHub. Très souvent, ces groupes se limitent à être des mécanismes d'entraide (voir chap. 1).

L’encadré 12 illustre les initiatives sur les plateformes de travail en ligne sur le web qui s'adressent aux créateurs de contenu sur des plateformes telles que YouTube, Twitch ou Instagram et aux travailleurs sur des plateformes telles que Mechanical Turk, Upwork ou Clickworker. En outre, il fournit un bon exemple de la façon dont les protestations contre l'adoption d'une nouvelle loi se sont traduites par des manifestations présentielles de travailleurs de l'informatique et de travailleurs de plateformes web en ligne en Ukraine.

Encadré 12 : Initiatives sur les plateformes en ligne basées sur le web

  • L'Union des YouTubers est une association de YouTubers qui a été fondée en 2018. L'objectif du syndicat est d'améliorer les conditions de travail des créateurs de vidéos sur YouTube.82 Depuis juillet 2019, le YouTubers Union coopère avec le syndicat allemand IG Metall dans le cadre du projet "FairTube". Leurs revendications portent notamment sur l’instauration de règles claires et compréhensibles en matière de publicité et de suppression de vidéos, sur la mise en place d'un organe d'arbitrage indépendant et sur la création d'un organe de codétermination des YouTubers vis-à-vis du groupe. Le projet FairTube s'adresse aux créateurs de contenu qui partagent leur contenu sur une plateforme telle que YouTube, Twitch ou Instagram et aux travailleurs qui effectuent des travaux sur des plateformes telles que Mechanical Turk, Upwork ou Clickworker, ainsi qu'aux travailleurs qui accomplissent des tâches dans le monde physique, comme les clients mystères83 et les contrôles de promotion.84

  • En Ukraine, les associations de travailleurs des plateformes web en ligne sont généralement formées au cours de bavardages sur Telegram ou dans des groupes sur les réseaux sociaux. En 2021, un groupe d'environ 300 travailleurs de l’informatique a créé la première association indépendante du secteur en Ukraine, la Guilde des Spécialistes en informatique,85 pour protester contre la loi ukrainienne sur la stimulation du développement de l'économie numérique en Ukraine. La Guilde des spécialistes en informatique représente à la fois les travailleurs des plateformes et le personnel des entreprises informatiques. 86 En juillet 2021, ils ont organisé des manifestations à Kiev, Kharkiv et Dnipro contre l'adoption de la loi susmentionnée.87 Le groupe Facebook "beFree - freelance pour les Ukrainiens sur Facebook"88 compte près de 32 000 membres. Il réunit des freelances, notamment ceux qui travaillent sur des plateformes web. Les participants partagent leur expérience de l'exécution de tâches sur diverses plateformes web, prodiguent des conseils sur l'enregistrement en tant qu'entrepreneur et sur le paiement des impôts, et ont la possibilité d'obtenir des conseils de comptables, d'avocats et autres professionnels.

  • En Espagne, le syndicat UGT promeut un réseau de créateurs et d'influenceurs pour exiger des conditions de travail décentes auprès des plateformes numériques - comme YouTube, Instagram et Tik Tok. Les travailleurs du numérique associés à UGT dénoncent "le manque de transparence et de protection des créateurs et des consommateurs contre les algorithmes arbitraires ...".89

Organiser les travailleurs migrants dans l'économie des plateformes

Dans plusieurs pays, les plateformes de travail sont une source importante d'emploi et de revenus pour les travailleurs migrants. On estime qu'environ 17 pour cent des travailleurs des plateformes sont des migrants et que cette proportion est plus élevée dans les pays développés (38 pour cent) que dans les pays en développement (7 pour cent) (OIT 2022a).

En Argentine, par exemple, les migrants représentent environ 74 pour cent des travailleurs interrogés dans le secteur de la livraison. (OIT 2021a). En Australie, de nombreux éléments indiquent une forte concentration de travailleurs migrants dans l'économie des plateformes, notamment dans les secteurs du covoiturage et de la livraison de nourriture. Une enquête menée en 2019 par la Delivery Riders Alliance a révélé que 75 pour cent des travailleurs du secteur de la livraison de nourriture qui ont répondu étaient titulaires d'un visa temporaire, notamment des étudiants internationaux et des personnes titulaires d'un visa vacances-travail ou d'un visa de transition.90 Une étude sur les expériences de travail des chauffeurs Uber dans l'État du Queensland a conclu que :

  • "Contrairement aux non-migrants, les conducteurs migrants sont plus susceptibles de dépendre des revenus d'Uber pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Plus important encore, ces chauffeurs migrants semblent avoir moins d'options alternatives de travail à leur disposition, se retrouvent donc dans une position plus précaire, et dépendent de la plateforme Uber et de son système managérial de notation par étoiles défectueux. Les heures de travail " flexibles " permettent à ces migrants précaires d'accumuler suffisamment de travail pour gagner l'argent nécessaire à leur survie, alors que les travailleurs moins précaires - qui sont souvent des non-migrants - peuvent accéder à des quarts de travail flexibles quand cela leur convient." (Holtum et al. 2021, p. 16).91

Une forte proportion de travailleurs migrants peut constituer un autre obstacle à la réussite de la syndicalisation des travailleurs dans l'économie des plateformes. Cela peut être dû à des barrières linguistiques, au caractère temporaire de la relation de travail ou à un statut d'immigré peu clair. L'encadré 13 illustre, à l'aide d'exemples concrets, les défis identifiés et la manière dont les syndicats sont entrés en contact avec les travailleurs migrants dans l'économie de plateforme.

Encadré 13 : Les organisations de travailleurs et les travailleurs migrants

  • En Australie, de nombreux efforts syndicaux dans l'économie de plateforme ont été entrepris au nom des travailleurs migrants (par exemple, plusieurs des cas tests du TWU et ses efforts de sensibilisation aux décès de coursiers de livraison de nourriture en 2020). En outre, les campagnes et actions syndicales dans l'économie des plateformes ont été coordonnées avec le Migrant Workers Centre (MWC),92 , qui se situe au Victorian Trades Hall Council à Melbourne. Dans le cadre de ses activités de lutte contre l'exploitation des travailleurs migrants, le MWC a fait pression sur le gouvernement fédéral et les gouvernements des États pour qu'ils renforcent les protections des travailleurs des plateformes, notamment en leur fournissant des informations sur leur travail dans leur propre langue.93

  • Au Chili, Riders United Now a été fondé en 2020, principalement pour organiser les travailleurs de PedidosYa. La majorité des chauffeurs-livreurs qui s'identifient à Riders United Now sont de nationalité vénézuélienne et presque tous sont en situation migratoire régulière.94

  • En Espagne, les migrants représentent une grande partie des travailleurs des plateformes, en particulier les livreurs : deux coursiers sur trois (64 pour cent) viennent d'Amérique latine (Adigital 2020). Lors des entretiens, les organisateurs syndicaux ont exprimé l'avis que la vulnérabilité des personnes sans permis de travail oblige les migrants à fournir des services sans aucune garantie en matière de salaire ou de conditions de travail. Et c'est aussi l'une des difficultés lorsqu'il s'agit d'action syndicale ou d'affiliation des coursiers.95

  • En Ukraine, les travailleurs de l'économie des plateformes sont généralement peu conscients des activités syndicales et du fait que les intérêts des travailleurs peuvent être représentés par des organisations. Cela est particulièrement vrai pour les jeunes travailleurs, qui sont fortement représentés sur certaines plateformes de travail, ainsi que pour les travailleurs migrants, qui souvent ne connaissent pas leurs droits, ne parlent pas la langue locale ou ne sont intéressés que par un travail temporaire.96

Manifestations, grèves et déconnexions collectives des travailleurs de l'économie des plateformes

Ces dernières années, la croissance de l'économie des plateformes est allée de pair, de plus en plus, avec des actions collectives coordonnées des travailleurs des plateformes, notamment des grèves sauvages, des déconnexions collectives et des manifestations. Le chapitre 1 a révélé qu'environ 8,9 pour cent des travailleurs des taxis et 3,4 pour cent des livreurs basés sur des applications ont déclaré dans les enquêtes avoir participé à des actions collectives coordonnées telles qu'une protestation, une action commémorative, une manifestation ou une déconnexion collective de l'application, avec des différences notables entre les pays. Une grande partie des actions collectives coordonnées des travailleurs des plateformes visaient à obtenir une augmentation de salaire. Certaines actions collectives coordonnées visaient également à obtenir la reconnaissance du statut de syndicat pour les organisations de travailleurs des plateformes (voir chapitre 1).

Fondées sur les conclusions générales du chapitre 1, les sections suivantes décrivent plus en détail des exemples concrets d'actions collectives coordonnées en donnant, par exemple, des informations sur l'organisation des manifestations, le nombre de travailleurs de la plateforme impliqués et leurs revendications (cf. encadré 14). Les résultats importants de l'indice de Leeds sur les protestations des travailleurs des plateformes97 sont également résumés.

Conclusions de l'indice de Leeds sur la protestation des travailleurs des plateformes

L'indice de Leeds de protestation des travailleurs sur les plateformes utilise des données tirées d'une combinaison de ressources en ligne, notamment des bases de données de médias d'information. Il documente une augmentation générale du volume des événements de protestation pour la période allant de janvier 2017 à juillet 2020 et rend compte du nombre d'incidents de protestation liés aux conditions de travail sur les plateformes numériques de travail (Bessa et al. 2022).98 Le salaire était de loin la cause la plus importante des actions de contestation avant la pandémie (64 pour cent), suivi par le statut dans l’emploi (20 pour cent), les conditions de santé et de sécurité (19 pour cent) et les questions réglementaires (17 pour cent). Les protestations relatives aux conditions de santé et de sécurité constituent plus de la moitié des litiges depuis le début de la pandémie (jusqu'à 65 pour cent de toutes les protestations au deuxième trimestre 2020), l'Amérique latine étant particulièrement touchée. Les plaintes liées à la reconnaissance syndicale ont motivé 6 pour cent de toutes les protestations des travailleurs des plateformes dans le monde. Les protestations des travailleurs sur les plateformes numériques de travail sont surtout le fait des travailleurs eux-mêmes et de groupes informels de travailleurs constitués ad hoc, mais de plus en plus, les actions de protestation reçoivent le soutien de syndicats nouvellement créés ou déjà existants (Voir encadré 14).

Encadré 14 : L'implication des syndicats dans les manifestations

L'indice de Leeds sur les protestations des travailleurs des plateformes indique que les syndicats ont été impliqués dans 18,3 pour cent (syndicats existants) ou 31,4 pour cent (syndicats nouveaux et existants) des événements de protestation identifiés (Bessa et al. (2022)). Ces chiffres doivent être considérés dans le contexte des faibles taux d'affiliation syndicale (voir chapitre 1) dans l'économie des plateformes. L'implication des syndicats existants dans les protestations peut indiquer les efforts croissants des syndicats déjà existants dans certaines régions du monde pour atteindre les travailleurs de l'économie des plateformes. Par ailleurs, 6,4 pour cent des protestations ont été organisées par les seuls syndicats existants, sans aucun autre groupe, malgré des taux d'adhésion très faibles. Ce constat indique également que l'auto-organisation des travailleurs sous la forme de "nouveaux syndicats" ou l'adhésion à des "syndicats existants" est propice à l'articulation des intérêts des travailleurs sous la forme de protestations. Les syndicats - qu'ils soient existants ou nouveaux - sont plus susceptibles de s'impliquer dans des protestations visant à obtenir un salaire et une reconnaissance syndicale que dans d'autres doléances motivant les protestations des travailleurs.

Les actions de protestation sont apparues dans toutes les régions du monde et notamment dans les services de covoiturage et de livraison. Toutefois, il y a de grandes différences entre les régions. En Afrique, en Asie et dans le Pacifique, en Amérique latine et dans les États arabes, les travailleurs compteraient principalement sur les manifestations et les grèves pour se faire entendre. Dans ces régions, les protestations sont le plus souvent menées par des syndicats nouvellement créés ou par des groupes de travailleurs ad hoc temporaires et informels. En Europe, on constate une implication plus importante des syndicats déjà existants dans les manifestations des travailleurs de l'économie des plateformes. Dans les autres régions, l'implication des "syndicats existants" dans les manifestations et les grèves des travailleurs des plateformes est faible, à quelques notables exceptions près, dont certaines seront abordées dans ce chapitre.

Exemples concrets d'actions collectives coordonnées sur les plateformes de transport et de livraison

L’encadré 15 illustre, à l'aide d'exemples concrets de pays de différentes régions du monde, comment les travailleurs des plateformes de transport et de livraison se sont engagés dans des protestations telles que des manifestations, des grèves et des déconnexions collectives. Il ne donne pas un aperçu exhaustif des cas de protestations des travailleurs sur les plateformes de transport et de livraison et se limite à fournir des exemples de différentes régions du monde. En outre, de nombreuses protestations de travailleurs n'ont pas abouti à des améliorations concrètes des conditions de travail, mais elles ont fait l'objet d'une couverture médiatique et ont influencé l'opinion publique.

Encadré 15 : Exemples de protestations de travailleurs sur les plateformes de transport et de livraison

  • En Australie, l'organisation RideShare Drivers United (RSDU) est un forum de chauffeurs en ligne, qui compte environ 7 000 membres.99 Créée en 2016, le RSDU a été particulièrement actif dans l'organisation d'une série de manifestations de déconnexion des chauffeurs de covoiturage entre 2017 et 2019 dans les principales villes australiennes.100

  • En Argentine, en 2018, l'Asociación de Personal de Plataformas a initié ce qui a été appelé dans les médias la "première grève numérique" dans la ville de Buenos Aires. Les travailleurs ont commencé à s'organiser en groupes WhatsApp pour échanger et discuter entre eux en réaction à la décision prétendument unilatérale d'une plateforme de livraison de modifier son algorithme d'attribution des commandes. En juillet 2018, les travailleurs de la plateforme ont décidé de ne pas exécuter les commandes acceptées sur l'application (Audibert 2020).

  • En Chine, les travailleurs de l'industrie de la livraison de nourriture qui travaillent sur des plateformes se seraient engagés dans des grèves à petite échelle, médiatisées par WeChat, visant les sous-traitants qui sont leurs employeurs directs. (Liu et Friedman 2021).

  • En France, en novembre 2021, l'Intersyndicale Nationale VTC a annoncé une manifestation devant les bureaux de la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés du gouvernement français. Le syndicat demandait que les chauffeurs aient accès aux données que les plateformes conservent les concernant.101

  • En Géorgie, en janvier 2021, plus de 100 travailleurs de Glovo ont organisé un rassemblement devant les bureaux de l'entreprise à Tbilissi.102 En mars 2021, plusieurs dizaines de coursiers de Bolt Food ont réclamé une augmentation de salaire ainsi que des changements dans l'algorithme de rémunération. Certains ont également demandé à l'entreprise de réintégrer les coursiers qui auraient été suspendus pour s'être élevés contre leurs conditions de travail.103

  • En Grèce, en septembre 2021, des grèves et des boycotts de consommateurs ont été signalés, ce qui a conduit la plus grande plateforme de livraison de nourriture de Grèce, E-Food, de décider de continuer à employer ses coursiers et d'accepter la demande des travailleurs de contrats illimités.104

  • À Hong Kong, en Chine, en novembre 2021, plusieurs centaines de coursiers de Foodpanda ont participé à une grève pour protester contre la réduction des frais de livraison et l'élargissement des zones de livraison.105

  • En Inde, en avril 2021, environ 3 000 chauffeurs de taxi, y compris ceux travaillant sur des plateformes de covoiturage, ont organisé une manifestation au Karnataka contre la concurrence déloyale sur les prix exercée par les sociétés de plateforme Ola et Uber, à la suite du décès par suicide d'un chauffeur de taxi engagé par la KSTDC (une organisation du secteur public au niveau de l'État).106

  • Au Mexique, le collectif de travailleurs #NiUnRepartidorMenos (livreurs pour Uber Eats, DiDi Food et Rappi) a annoncé par le biais de Twitter un arrêt de travail et une manifestation réclamant des salaires plus élevés et des primes supplémentaires pour le travail de nuit et le travail dans des conditions météorologiques défavorables.107

  • Au Nigeria, en 2021, les chauffeurs d'Uber et de Bolt ont participé à des manifestations contre les bas salaires, organisées par la Professional E-hailing Drivers and Partners Association, tandis que plus tard dans l'année, des manifestations ont été organisées par la National Coalition of Ride-Sharing Partners à propos des problèmes de sécurité.108

  • En Fédération de Russie, les travailleurs de la plateforme du Delivery Club109 ont organisé une manifestation et mis sur pied un syndicat appelé Courier110 au début du mois de juin 2020. L'application de messagerie Telegram111 et le groupe Vkontakte ont joué un rôle crucial dans la mise en relation de tous les travailleurs intéressés. Parmi les autres revendications des travailleurs figuraient l'abolition du système d'amendes, la réintégration des coursiers précédemment licenciés et l'obtention de classifications d'emploi pour tous les coursiers.

  • En Espagne, les mouvements de protestation ont été initiés par des groupes tels que RidersxDerechos en juillet 2017112 et FreeRiders. Ces nouvelles associations collaborent avec des syndicats existants, comme Intersindical Valenciana113 ou Intersindical Alternativa Catalana,114 ou les plus grands syndicats d'Espagne, l'UGT et Comisiones Obreras. En mars 2021 et avant la promulgation de la loi sur les coursiers, des manifestations ont également été organisées par l'Association professionnelle des coursiers autonomes et Repartidores Unidos pour demander que l'option de rester indépendant soit incluse dans la nouvelle loi.115 Ces organisations de coursiers autonomes ont plaidé en faveur du travail indépendant des travailleurs des plateformes afin de donner aux travailleurs une plus grande autonomie dans l'organisation de leur travail.116 Après la promulgation de la loi sur les coursiers et la non-conformité présumée de certaines entreprises de plateformes, des manifestations et des grèves ont été appelées par les CCOO pour que les coursiers demandent des contrats de travail.117

  • En Afrique du Sud, en 2021, les chauffeurs d'Uber et de Bolt ont manifesté pour protester contre des problèmes de rémunération et de sécurité, entre autres. L'Association des transports publics privés a indiqué qu'environ 500 chauffeurs ont participé aux protestations.118 En décembre 2020, en réponse à une baisse des tarifs, environ 2 000 livreurs basés sur l'application à travers Johannesburg se sont collectivement déconnectés de la plateforme Uber Eats. Finalement, les demandes des travailleurs n'ont pas été satisfaites, mais la large couverture médiatique de la grève a été considérée comme un succès pour eux (Webster et Mesikane 2021).

L’encadré 16 analyse de manière plus approfondie un exemple concret en Ukraine avec quelques caractéristiques typiques des actions de protestation des travailleurs des plateformes de livraison. En Ukraine, les premières protestations sont apparues en réponse à une réduction de salaire signalée et à l'accident mortel d'un chauffeur coursier alimentaire à Kharkiv. Les protestations des travailleurs ont d'abord été menées par un groupe de travailleurs ad hoc établi de manière temporairement informelle et ont impliqué des manifestations devant les locaux de l’entreprise de la plateforme et des déconnexions collectives des travailleurs de l'application. L'organisation des travailleurs s'est principalement faite en ligne via des services de messagerie.

Encadré 16 : En y regardant de plus près : Manifestations des travailleurs des plateformes de livraison en Ukraine

En Ukraine, une première grande manifestation de coursiers a eu lieu en juillet 2019. Un groupe de travailleurs de la livraison de Glovo a organisé un rassemblement devant les bureaux de Glovo à Kiev, dénonçant la précarité de leur travail et demandant l'annulation d'un changement récent dans le système de primes de Glovo qui avait conduit à une diminution de la rémunération en fonction du nombre d'heures travaillées.119 Plus de 300 livreurs étaient membres du groupe d'initiative en ligne qui a émergé après le changement de politique de Glovo en 2019.

Outre la réduction du système de primes, la mort d'un coursier Glovo de 20 ans à Kharkiv est devenue l'un des déclencheurs des protestations des coursiers en 2019. Le coursier a eu un accident, qui a provoqué sa mort pendant les heures de travail.120 Les coursiers des services de livraison Uber Eats et Glovo ont organisé une action commémorative à Kiev le 31 juillet 2019.121

Les demandes des coursiers incluaient : (a) la révision du système de primes ; (b) l'assurance pour chaque coursier en cas d'accident de la route ou d'un autre accident pendant le temps de travail ; (c) l'arrêt du blocage de l'application mobile des coursiers qui protestent contre les conditions de travail. L'exigence de relations de travail, la protection adéquate des livreurs par l'inspection du travail (le Service public du travail en Ukraine) et les services fiscaux figuraient à l'ordre du jour des protestations.122 .

En 2020, plusieurs dizaines de livreurs des entreprises de plateforme Glovo et Rocket ont organisé un rassemblement dans le centre d'Odessa en raison du "serrage de vis" de la direction - les salaires des coursiers auraient baissé d'au moins un tiers.123

En octobre 2021, environ 70 livreurs de l’entreprise de plateforme Bolt se sont déconnectés de leurs applications, pour protester contre une prétendue baisse de salaire de 50 pour cent.124 Il est rapporté que les travailleurs de la plateforme ont éteint leurs applications à 14 heures pendant plusieurs jours, ce qui a rendu difficile pour l'entreprise d'exécuter les commandes de nourriture. Toutefois, aucune amélioration concrète des conditions de travail à la suite de ces déconnexions collectives n'a été signalée.125

Les protestations dépassent le cadre du secteur du covoiturage et de la livraison

La majorité des manifestations, des grèves et des déconnexions collectives de travailleurs sont signalées pour les chauffeurs de taxi et les chauffeurs-livreurs basés sur une application dans l'économie des plateformes. Toutefois, au-delà de ces secteurs, les travailleurs ont eu recours à des actions de protestation pour exprimer leurs doléances concernant les salaires et les conditions de travail. L’encadré 16 donne un exemple de protestations de travailleurs du secteur de la beauté sur des plateformes numériques de travail en Inde.

Encadré 17 : Protestations de travailleurs du secteur de la beauté travaillant sur des plateformes numériques de travail en Inde

En Inde, le 8 octobre 2021, plus de 100 travailleuses du secteur de la beauté se sont rassemblées devant le siège social de Urban Company à Gurgaon pour protester contre leurs conditions de travail abusives.126 Il s'agit peut-être du premier cas largement rapporté d’esthéticiennes travaillant sur des plateformes numériques de travail qui s'organisent pour mener une action collective en Inde. Ces travailleuses se sont plaintes des bas salaires, des conditions de travail inadéquates et des commissions élevées demandées par l'entreprise. 127

Twitter a également été utilisé pour afficher une solidarité intersectorielle entre les syndicats, les organisateurs et les militantes, comme on l'a vu récemment lorsque ces acteurs ont contribué à amplifier la protestation des esthéticiennes non affiliées de la plateforme de services personnels Urban Company.128

Le rôle de la technologie dans les actions de protestation

Plusieurs études ont montré l'importance des groupes et de la technologie des médias sociaux dans l'auto-organisation des travailleurs ou comme moyen pour les syndicats déjà existants d'atteindre les travailleurs de l'économie des plateformes. (Aslam et Woodcock 2020 ; Maffie 2020 ; Rodríguez Fernández 2020). Dans de nombreux cas, les organisations de travailleurs nouvellement créées, les syndicats déjà existants et les travailleurs eux-mêmes utilisent des services de messagerie tels que WhatsApp et Telegram pour s'organiser et entrer en contact avec un plus grand nombre de travailleurs des plateformes.

Dans les entretiens menés avec les organisateurs syndicaux et les représentants des associations de travailleurs, les groupes WhatsApp et Telegram ont été considérés comme essentiels pour unir les travailleurs des plateformes d'une même zone et pour échanger des informations, des préoccupations et des espoirs.129 Toutefois, outre les outils technologiques, les représentants syndicaux interrogés ont estimé que des stratégies spécifiques à chaque secteur étaient nécessaires, comme se rendre sur une place publique où travaillent des guides touristiques et attendre qu'ils aient terminé leur travail. Cet exemple montre l'importance des tâches et stratégies syndicales traditionnelles et fondamentales pour l'organisation des travailleurs dans l'économie des plateformes.130 Comme illustré ci-dessus, la technologie joue souvent un rôle majeur dans l'organisation des actions de protestation. Cependant, il arrive souvent que les protestations ne soient pas entièrement menées en ligne mais utilisent des méthodes traditionnelles, telles que des grèves et des manifestations en présentiel.131

L’encadré 18 illustre le rôle de la technologie dans les actions de protestation, avec des exemples concrets provenant de diverses parties du monde.

Encadré 18 : Exemples du rôle de la technologie dans les actions de protestation

  • En Colombie, en 2020, les travailleurs des plateformes ont créé un syndicat appelé Unidapp, qui cherche à atteindre les travailleurs de plateforme par le biais d'une application qu'ils prévoient de rendre disponible dans les magasins d'applications en ligne. Le syndicat indique qu'il utilise la technologie comme une alliée pour augmenter le nombre de ses membres et mieux défendre les droits des travailleurs des plateformes.132

  • En Inde, les plateformes de médias sociaux ont été utilisées par les travailleurs pour amplifier les manifestations en présentiel. Par exemple, lors des protestations contre les modifications apportées à la loi sur les véhicules à moteur, les travailleurs du Tamil Nadu ont utilisé des techniques telles que la diffusion en direct des manifestations.133

  • Au Ghana, les médias sociaux, en particulier les plateformes de groupes WhatsApp, ont été identifiés comme la ressource la plus importante utilisée pour organiser les chauffeurs des plateformes dispersés (Akorsu à paraître).

  • En Espagne, les chauffeurs-livreurs de Madrid et de Barcelone ont organisé des protestations et des manifestations spontanées pour obtenir des taux de rémunération plus élevés.134 Ces protestations ont été organisées spontanément par les travailleurs et non par des syndicats ou des associations de chauffeurs-livreurs. En réponse aux protestations, Glovo a accepté de rencontrer les administrateurs des comptes Instagram, qui ont aidé à diffuser les protestations et ont supprimé les multiplicateurs de taux négatifs et la pénalité pour reconnaissance faciale incorrecte, afin d'empêcher que les comptes ne soient loués à un autre chauffeur.135

  • Au Royaume-Uni, le United Private Hire Drivers, une branche de l'Independent Workers Union of Great Britain, a exhorté les clients d'Uber à ne pas franchir un "piquet de grève numérique" alors que les chauffeurs britanniques du service basé sur l'application ont organisé une grève nationale coordonnée.136

  • Aux États-Unis, en septembre 2021, l'organisation Gig Workers' Collective a appelé les clients qui font leurs achats sur la plateforme à boycotter l'application de livraison de produits d'épicerie et à faire pression pour améliorer les conditions des travailleurs. En utilisant le hashtag #DeleteInstacart, les travailleurs ont tenté de faire pression sur l'entreprise.137

Les défis de l'organisation des protestations des travailleurs

L'organisation de manifestations de travailleurs dans l'économie des plateformes est soumise à plusieurs défis. Souvent, ces défis découlent de la dispersion du marché du travail sur les plateformes de travail, où les travailleurs ne se connaissent pas personnellement (Johnston et Land-Kazlauskas 2018). D'autres défis découlant de leur classification en tant que travailleurs indépendants ou entrepreneurs indépendants concernent la protection des travailleurs lors de leur participation à des manifestations. (OIT 2021a). Dans certains cas, les entreprises des plateformes auraient répondu aux protestations des travailleurs en les pénalisant par la désactivation de leurs comptes, en niant l'importance des protestations et en envoyant des avis aux travailleurs pour qu'ils continuent à travailler pendant les périodes de déconnexion, entre autres. Dans ces cas, l'absence de protection juridique efficace contre les actions des entreprises de plateformes peut avoir un effet dissuasif sur les actions collectives des travailleurs de l'économie des plateformes. (OIT 2021a).

L’encadré 19 illustre les difficultés à organiser des protestations en raison de la dispersion des travailleurs et de l'opposition et des mesures signalées de la part des entreprises de plateforme en réponse aux protestations des travailleurs, avec des exemples de différentes régions du monde.

Encadré 19 : Défis pour l'organisation d'actions de groupe coordonnées dans l'économie des plateformes

  • Au Chili, en avril 2020, dans la ville de Santiago, le groupe Riders United Now a dénoncé le licenciement d'une cinquantaine de travailleurs après une manifestation publique contre un changement du système de revenus et contre les licenciements antisyndicaux dus à des manifestations réalisées en pleine pandémie de COVID-19.138

  • En Allemagne, en octobre 2021, le collectif de travailleurs Gorillas, un groupe de livreurs, a déclaré que la quasi-totalité du personnel de trois entrepôts en grève avait été licencié et a affirmé que cela était censé créer un effet de refroidissement parmi les travailleurs.139 L’entreprise de la plateforme a confirmé que les travailleurs avaient été licenciés pour avoir participé à des grèves "inopinées", car le droit du travail allemand interdit les grèves inopinées, non syndiquées et spontanées.

  • Au Ghana, les travailleurs des plateformes interrogés ont déclaré qu'en raison de leur charge de travail élevée, ils n'avaient pas le temps d'assister à des réunions supplémentaires des organisations de travailleurs et de s'impliquer dans des manifestations, même s'ils accueillent favorablement les associations en général (Akorsu à paraître).

  • En Espagne, des chauffeurs-livreurs de Madrid et de Barcelone ont mené des actions spontanées.

  • Au Nigeria, certains chauffeurs Uber interrogés ont déclaré qu'ils n'étaient pas au courant des actions de grève. D'autres ont affirmé qu'ils ne connaissaient pas les prétendus meneurs et qu'on ne pouvait donc pas s'attendre à ce qu'ils leur obéissent.140

  • En Espagne, en 2019, les coursiers de Glovo ont mené plusieurs grèves pour exiger d'être classés comme salariés, ce qui a entraîné l'effondrement du service et des applications dans les grandes villes. La plateforme a répondu en offrant aux coursiers une prime pour qu'ils ne soutiennent pas la grève et, dans les cas les plus extrêmes, a déconnecté les coursiers protestataires de l'application (Cordero Gordillo 2021).

  • En Ukraine, certains travailleurs des plateformes interrogés ont noté que le sentiment de solidarité entre les travailleurs des plateformes est supprimé par la concurrence inhérente au modèle économique de l'économie des plateformes.141

Litiges et sensibilisation publique

Les exemples ci-dessus ont illustré des manifestations, des grèves et des déconnexions collectives de travailleurs dans l'économie des plateformes. En général, les litiges sont plus fréquents sur les plateformes géolocalisées que sur les plateformes en ligne basées sur le web. En outre, les syndicats et les organisations de travailleurs poursuivent souvent une stratégie à plusieurs facettes, comprenant des litiges stratégiques ou des litiges de causes-types et des actions de lobbying auprès des gouvernements fédéraux et étatiques en vue d’obtenir une réglementation accrue de l'économie des plateformes.

Contentieux des syndicats et des travailleurs des plateformes

Dans de nombreux pays, les protections juridiques sont liées à la question juridique de la différence entre les "entrepreneurs indépendants" et les "salariés" et, par conséquent, les litiges stratégiques des syndicats se concentrent parfois sur la classification des travailleurs. En outre, les syndicats déjà existants fournissent souvent des conseils juridiques ou soutiennent les efforts de contentieux des initiatives des travailleurs des plateformes pour s'organiser en syndicats ou en comités d'entreprise. La littérature existante fournit plusieurs analyses comparatives des litiges en cours dans le monde entier concernant les plateformes numériques de travail (Hießl à paraître; ILAW Network 2021; De Stefano et al. 2021a).

Par exemple, le réseau International Lawyers Assisting Workers (ILAW) Network (2021) fournit un résumé des principales décisions judiciaires concernant la plateforme numérique, montrant que des syndicats ont souvent été directement ou indirectement impliqués dans les efforts de litige. (Réseau ILAW 2021). Le soutien des syndicats dans les efforts de contentieux est souvent crucial car ceux-ci peuvent impliquer des coûts élevés et les procédures judiciaires concernant la classification des travailleurs peuvent prendre beaucoup de temps dans plusieurs pays.

Il n'est pas possible, dans le cadre de ce rapport, de présenter un aperçu exhaustif des décisions judiciaires touchant à la classification des travailleurs dans l'économie des plateformes (voir également OIT 2022a). En outre, comme mentionné plus haut, il est important de noter que le contentieux n'est pas une activité neutre en termes de coûts, ni rapide et facile, ce qui a conduit à des stratégies syndicales divergentes selon les pays. En Europe et en Amérique du Nord, les syndicats particulièrement bien institutionnalisés utilisent la voie juridique pour offrir des protections aux travailleurs de l'économie des plateformes. Dans plusieurs pays, cela s'est traduit par un grand nombre d'actions en justice, tandis que dans d'autres pays, les organisations de travailleurs de base semblent s'appuyer davantage sur des actions de protestation que sur des actions en justice.142 En outre, toutes les affaires bien connues sur la classification des travailleurs des plateformes concernent l'économie des plateformes basée sur la localisation et non l'économie des plateformes en ligne basée sur le web. Les décisions des tribunaux ne sont pas unanimes lorsqu'il s'agit de classer les travailleurs des plateformes comme travailleurs dépendants ou indépendants (OIT 2022a).

L’encadré 20 donne des exemples d'actions en justice. Il résume brièvement des décisions bien connues du Royaume-Uni et du Brésil, et utilise les exemples de l'Espagne et de l'Ukraine pour illustrer l'une des conclusions générales mentionnées ci-dessus, à savoir que dans certains pays, les actions en justice sont nombreuses (par exemple en Espagne), alors que dans d'autres pays, les syndicats s'appuient beaucoup moins sur les actions en justice pour accéder à la liberté syndicale et à la négociation collective (par exemple en Ukraine).

Encadré 20 : Décisions judiciaires sur la classification des travailleurs dans l'économie des plateformes en Espagne et en Ukraine

  • Au Royaume-Uni, l’arrêt de la Cour suprême sur les chauffeurs Uber du 19 février 2021 a conclu que les chauffeurs utilisant l'application sont dans une relation de dépendance avec Uber car Uber détermine le paiement qu'ils reçoivent pour leur travail, impose les termes du contrat, pénalise le refus de services et restreint la communication entre les clients et les chauffeurs (OIT 2022a).

  • Au Brésil, la Haute Cour de justice a jugé que les chauffeurs utilisant l'application sont des travailleurs indépendants parce qu'ils fournissent leurs services de manière occasionnelle, sans horaire fixe et ne reçoivent pas de salaire fixe.143

  • En Espagne, dans le cadre de la stratégie syndicale, de multiples procès ont été intentés contre des résiliations de contrats (déconnexions de l'application par l'entreprise) demandant que les coursiers soient considérés comme des salariés directs et que les résiliations de contrats soient considérées comme des licenciements abusifs. De leur côté, les entreprises des plateformes ont contesté devant les tribunaux les rapports de l'Inspection du Travail144 ou le rapport du Trésor public sur la classification des coursiers comme salariés. La majorité des jugements ont été prononcés en faveur de la considération des coursiers comme étant des salariés directs,145 bien que certains aient été prononcés en faveur de leur considération comme des travailleurs autonomes économiquement dépendants146 .

  • En revanche, en Ukraine, une étude de cas commandée par l'OIT n'a pas identifié de cas pertinents dans l'économie des plateformes concernant la classification des travailleurs dans le pays (septembre 2021).

L'indice de Leeds sur les protestations des travailleurs des plateformes rapporte qu'un nombre important d'actions de protestation (15,3 pour cent de toutes les protestations signalées) impliquent des litiges entre syndicats et travailleurs des plateformes (Bessa et al. 2022). En particulier, les syndicats d'Amérique du Nord, d'Europe et d'Asie centrale soutiennent les travailleurs qui intentent des procès contre des entreprises des plateformes, contestent la classification des travailleurs des plateformes comme étant indépendants, ou cherchent à obtenir une reconnaissance officielle des syndicats, et ils protègent d'autres formes de protestation (Bessa et al. 2022). Cependant, dans d'autres régions du monde aussi, les syndicats et les organisations de travailleurs ont commencé à recourir au litige pour défendre leurs intérêts et protéger les efforts de syndicalisation (cf. encadré 21 : Litiges par les syndicats au Chili et en Uruguay21).

Encadré 21 : Litiges par les syndicats au Chili et en Uruguay

  • Au Chili, l'organisation de travailleurs Riders Unidos Ya a intenté un procès à la plateforme avec le soutien de la CUT147 et a déposé pour la première fois dans le pays une plainte pour antisyndicalisme présumé lors de l'organisation de travailleurs de livraison basés sur l'application. Deux recours collectifs ont été déposés. L'un s'est terminé par une conciliation et le second devant la Cour d'appel après avoir été rejeté par le tribunal du travail.

  • En Uruguay, en 2018, l'ACUA a poursuivi l’entreprise de plateforme Uber pour obtenir la reconnaissance de la relation de travail.148

Les syndicats peuvent également soutenir les travailleurs individuels des plateformes dans des questions juridiques allant au-delà de la classification des travailleurs. L'encadré 22 donne des exemples concernant les réclamations auprès des assurances, le droit à des équipements de travail et l'utilisation et le fonctionnement des outils numériques sur les applications.

Encadré 22 : Exemples de litiges syndicaux allant au-delà de la classification dans l'emploi

  • En Australie, le STT a soutenu la famille d'un client décédé d'Uber Eats dans sa plainte contre Uber et iCare, l'assureur des accidents du travail de la Nouvelle-Galles du Sud.149

  • En Allemagne, le syndicat NGG a soutenu le procès de deux travailleurs des plateformes de livraison. Le tribunal a estimé que les livreurs avaient le droit de recevoir un téléphone portable et un vélo, payés par l'entreprise. L’entreprise de la plateforme a fait appel de la décision. 150

  • En Inde, en septembre 2021, l'IFAT a entamé une procédure d'intérêt public auprès la Cour suprême de l'Inde afin d'obtenir des prestations de sécurité sociale pour les travailleurs du transport et de la livraison basés sur les applications.151

  • En Italie, en décembre 2020, un tribunal de Bologne a jugé que l'algorithme utilisé par une plateforme numérique de travail était discriminatoire car il générait des effets désavantageux sans tenir dûment compte des différences entre divers cas (OIT 2022a). Au retour d'une période d'absence pour diverses raisons (problèmes de santé, engagements liés à la prise en charge de membres de la famille ou à une action collective), les travailleurs étaient automatiquement déclassés par l'algorithme. Le cas a été mis en avant par le syndicat italien le plus représentatif, la CGIL.

  • Au Royaume-Uni, le syndicat App Drivers & Couriers Union (ADCU) et le Worker Info Exchange ont engagé une action en justice contre Uber pour le licenciement abusif d'un chauffeur et d'un coursier après que le système de reconnaissance faciale de l'entreprise ne les a pas identifiés. Des recherches ont montré que les logiciels de reconnaissance faciale ne fonctionnent pas aussi bien pour les personnes de couleur et pourraient ne pas les reconnaître. L'Independent Workers' Union of Great Britain affirme qu'au moins 35 autres chauffeurs ont vu leur inscription à Uber résiliée à la suite d'erreurs présumées du logiciel.152

Revendication des syndicats et des travailleurs des plateformes en vue d’obtenir un changement de réglementation

En plus des litiges stratégiques et des causes-types, les syndicats et les organisations de travailleurs poursuivent souvent des stratégies de sensibilisation du public, par exemple en s'engageant auprès des médias ou dans des initiatives réglementaires. Les organisations de travailleurs peuvent faire pression sur les gouvernements à différents niveaux pour qu'ils adoptent de nouvelles initiatives réglementaires (OIT 2021a). L'encadré 23 illustre les efforts de sensibilisation des organisations de travailleurs, avec des exemples concrets de pays.

Encadré 23 : Revendication des syndicats et des travailleurs des plateformes en vue d’obtenir un changement de réglementation

  • En Australie, la RSDAA153 est un groupe de défense en ligne, basé sur l'adhésion, pour les chauffeurs de véhicules de covoiturage, qui se concentre principalement sur le lobbying et la soumission de propositions aux organismes gouvernementaux et fournit diverses formes de conseils et d'assistance aux chauffeurs.154

  • Au Costa Rica, une association de chauffeurs basés sur une application a proposé d'installer un organe administratif indépendant pour le règlement des litiges entre les entreprises de la plateforme et les chauffeurs. L'association tentait d'intégrer cette proposition dans la législation costaricienne (OIT 2021a).

  • Au Chili, les représentants des régulateurs interrogés indiquent qu'au cours du processus législatif en cours visant à promulguer un projet de loi réglementant le travail sur les plateformes numériques qui a vu le jour au Sénat, ils ont été en contact avec certaines associations de travailleurs des plateformes afin d'entendre leurs exigences et leurs propositions d'amélioration de la réglementation. Il s'agit par exemple de la Guilde des chauffeurs d'APP Concepción et Chillan (Grecco), du syndicat Cornershop et de l'ACUA Chile.155

  • Au Ghana, la National Alliance of Digital Drivers Union-Ghana tente de donner une voix aux travailleurs des plateformes et a appelé le gouvernement et le parlement à réviser le droit du travail du Ghana pour couvrir les nouvelles formes de travail dans l'économie des plateformes numériques.156

  • En République de Corée, le Conseil économique, social et du travail offre un forum aux représentants des travailleurs, des employeurs et du gouvernement pour engager le dialogue. Le Conseil a mis en place de multiples comités traitant des questions relatives aux plateformes numériques, notamment le Comité sur la transformation numérique et l'avenir du travail. (OIT 2021a).

  • Aux États-Unis, les travailleurs des plateformes ont constitué, en réaction à la pandémie, Los Deliveristas Unidos, qui compterait des milliers de livreurs de nourriture ayant organisé des rassemblements et fait pression sur le conseil municipal de New York pour obtenir plus de droits et de protections.157

La sensibilisation du public par les organisations de travailleurs met souvent en avant les conditions de travail des secteurs du transport et de la livraison de nourriture de l'économie des plateformes. Cependant, plusieurs initiatives de sensibilisation vont également au-delà de ces secteurs. Les entreprises des plateformes numériques gagnent de plus en plus d'importance dans la fourniture de travail domestique et de soins. (OIT 2021b). Dans le monde entier, le nombre de ces entreprises actives dans le secteur des services domestiques et des soins est passé de 28 plateformes en 2010 à 224 en 2020. (OIT 2021b). En réaction, par exemple en Australie, les syndicats ont utilisé l'enquête Victorian On-Demand Inquiry pour défendre leurs intérêts et ont fait des soumissions sur l'impact des plateformes numériques sur les salaires et les conditions de travail des travailleurs dans le secteur des soins (cf. encadré 24).

Encadré 24 : En y regardant de plus près : Les syndicats du secteur des soins participant à l'enquête sur la demande de l'État de Victoria en Australie158

En Australie, l'enquête Victorian On-Demand s'est intéressée de près à deux plateformes de services de soins personnels et les a comparées : HireUp, un fournisseur enregistré du National Disability Insurance Scheme (NDIS) (qui peut offrir tous les services à tous les participants au NDIS) ; et Mable, un fournisseur non enregistré (qui peut offrir des services aux participants autogérés et gérés par un plan du NDIS). Mable facilite l'engagement de travailleurs de soins en tant qu'entrepreneurs indépendants par le client, alors que HireUp emploie directement des travailleurs en tant qu'employés occasionnels dans le cadre du Social, Community, Home Care and Disability Services Industry Award 2010 (Prix 2010 du secteur des services sociaux, communautaires, de soins à domicile et pour handicapés) (James 2020 ; le Sénat, commission spéciale sur la sécurité de l'emploi 2021). Les plateformes opérant dans le secteur des soins adoptent généralement de nombreux systèmes technologiques pour contrôler les performances des travailleurs et la qualité du service, du type de ceux que l'on trouve partout dans les systèmes de covoiturage et de livraison de nourriture, y compris les évaluations des clients, les critiques, les classements et même les pénalités financières. (Flanagan 2019 ; Macdonald 2021).

Quatre syndicats - la Fédération australienne des infirmières et sages-femmes (ANMF), le Syndicat australien des services (ASU), le Syndicat des services de santé et communautaires (HACSU) et le Syndicat uni des travailleurs (UWU) - couvrent les travailleurs du secteur des soins personnels ; tous se sont engagés dans des actions de sensibilisation et ont soumis des propositions aux enquêtes gouvernementales sur l'impact des plateformes numériques sur les salaires et les conditions des travailleurs du secteur des soins. L'HACSU a déclaré à la Victorian On-Demand Inquiry que les taux de rémunération des travailleurs de Mable, compte tenu du non-paiement de la pension de retraite ou du chargement occasionnel pour ces entrepreneurs indépendants, sont inférieurs aux taux minimums légaux pour les soins personnels ou le travail infirmier. (James 2020). L'enquête a identifié des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs engagés par le biais des plateformes de soins qui ne sont pas basées sur l'emploi, notamment les risques liés à l'entrée dans des maisons privées dans des circonstances où les travailleurs sont responsables de leur propre sécurité. (James 2020 ; le Sénat, Commission spéciale sur la sécurité de l'emploi 2021, examinant la tentative de Mable, par le biais de sa documentation contractuelle, de déplacer la responsabilité en vertu des règlements de la WHS). L'ANMF et l'UWU ont indiqué dans leur témoignage à l'enquête du Sénat sur la sécurité de l'emploi que l'engagement par le biais des plateformes (et d'entreprises de location de main-d'œuvre) dans le secteur des soins personnels entraînait des heures de travail excessives, souvent sur plusieurs sites. (le Sénat, Comité spécial sur la sécurité de l'emploi 2021). L'UWU soutient également qu'" une longue histoire de sous-estimation des industries féminines a ... contribué à l'envahissement de l'économie des plateformes " dans le secteur des services de soins personnels, qui connaît une croissance rapide en Australie. (UWU 2020, p. 54).

L'ASU, l'HACSU et l'UWU sont engagés dans des processus en cours au sein de la Fair Work Commission (FWC) concernant les ajustements du Prix du secteur des services sociaux, communautaires, de soins à domicile et pour handicapés (y compris la résistance aux efforts des groupes commerciaux représentant les fournisseurs à but lucratif pour éroder les conditions de travail, telles que les dispositions du Prix réglementant le temps de travail). (Macdonald 2021). Cependant, les syndicats ne se sont pas engagés dans des négociations collectives au nom des travailleurs basés sur les plateformes dans le secteur des soins, ce qui reflète les niveaux inférieurs de négociation formelle d'entreprise dans le secteur des services sociaux et communautaires en général, ainsi que la nature dispersée de la main-d'œuvre. (Macdonald 2021).

Initiatives de plateformes de travail numériques, de travailleurs indépendants des plateformes qui créent des organisations entrepreneuriales et sensibilisation par les organisations d'employeurs

Cette section décrit comment les organisations d'employeurs donnent une voix aux entreprises de l'économie des plateformes et s'adressent aux salariés, aux travailleurs freelances et aux travailleurs indépendants. Certains travailleurs indépendants de l'économie des plateformes se sont également autoorganisés en associations d'indépendants. Les études de cas commandées pour cette étude ont examiné les initiatives des organisations d'employeurs relatives à l'économie des plateformes dans les pays sélectionnés. Les exemples de pays identifiés sont inclus dans cette section et sont complétés par des initiatives d'organisations d'employeurs et de plateformes de travail numérique qui ont été identifiées dans une analyse documentaire.

En général, les entreprises des plateformes ont tendance à réglementer unilatéralement par le biais des conditions qu'elles appliquent à leurs travailleurs indépendants ou à leurs contractants indépendants (OIT 2021a). Cependant, certaines entreprises de plateforme individuelles s'engagent à dialoguer avec les organisations de travailleurs et les groupes informels de travailleurs ou à améliorer unilatéralement les conditions de travail (cf. encadré 30). D'autres entreprises des plateformes ont décidé de rejoindre des organisations nationales d'employeurs (Hauben, Kahancova et Manoudi 2021) ou de créer de nouvelles organisations d'employeurs (OIT 2022a). Les entrepreneurs indépendants ou les travailleurs autonomes peuvent également décider d'adhérer à des associations d'entrepreneurs ou à des organisations d'employeurs. (OIE 2019).

L’encadré 25 donne des exemples de travailleurs indépendants des plateformes et d'entreprises des plateformes qui rejoignent ou créent des associations.

Encadré 25 : Travailleurs indépendants des plateformes et entreprises de plateformes rejoignant des organisations d'employeurs ou créant des associations

  • Au Chili, l'ACUA présente des caractéristiques proches du micro-entrepreneuriat ou du travail indépendant. 159

  • En Allemagne, le Deutscher CrowdSourcing Verband160 est un exemple de la création d'organisations commerciales spécifiques à une plateforme pour défendre les intérêts des "employeurs" (OIT 2022a).

  • En Italie, en 2018, un groupe d'entreprises de plateformes de livraison de nourriture a créé une nouvelle organisation d'employeurs, AssoDelivery,161 pour négocier avec le gouvernement et les organisations de travailleurs (OIE 2019).

  • Au Kenya, en 2019, l'OPWAK a été fondée.162 Ses membres s'identifient principalement à des petites entreprises ou des freelances.

  • En Slovaquie, Uber est devenu membre de l'Union nationale des employeurs et de l'Association professionnelle des entreprises de technologies de l'information (OIE 2019).

  • En Espagne, de nombreuses entreprises des plateformes sont devenues membres de Sharing España, un groupe créé au sein de l'Association espagnole de l'économie numérique (Adigital)163 qui rassemble différentes entreprises de l'économie collaborative, à la demande et d'accès, dans le but d'analyser et de diffuser l'impact que ces nouvelles économies et les modèles basés sur les plateformes ont sur le développement socio-économique et la durabilité.

Par ailleurs, d'autres organisations ne sont pas spécifiques au travail sur les plateformes mais concernent les travailleurs indépendants en général. Il s'agit, par exemple, de l'UNIZO164 en Belgique, de la FNAE165 en France, de l'IPSE166 au Royaume-Uni et du Freelancers Union167 aux États-Unis. Les freelances présents sur les plateformes numériques de travail peuvent décider d'adhérer à ces organisations ou à des organisations similaires afin de s'organiser et de bénéficier de leurs services.

L’action des organisations d'employeurs incluent souvent la défense publique du modèle contractuel des plateformes. Certaines entreprises de plateformes peuvent avoir recours aux tribunaux pour garantir la classification des travailleurs de l'économie des plateformes en tant qu'entrepreneurs indépendants. En Espagne, plusieurs entreprises de plateformes ont exprimé leur préférence pour la classification des travailleurs en tant qu'indépendants dans le domaine des plateformes de livraison numérique en réponse à la réforme réglementaire de la loi 12/2021, qui a introduit une présomption réfutable de relation de travail pour les livreurs (encadré 26).

Encadré 26 : Réactions des organisations d'employeurs et des plateformes individuelles à la loi sur les coursiers en Espagne

En Espagne, les organisations d'employeurs CEOE et CEPYME ont participé à une table ronde sur le dialogue social au cours de laquelle elles se sont mises d'accord sur le contenu de la loi 12/2021 qui inclut une présomption de relation de travail dans le domaine des plateformes de livraison numérique (voir le chapitre 3 pour plus de détails). En réponse, l'une des entreprises de livraison espagnoles (Glovo) a annoncé son retrait de l'organisation patronale espagnole CEOE, car cet accord avait été obtenu par le dialogue social. De même, l'Asociación de Plataformas de Servicios bajo demanda, une association regroupant les principales plateformes de livraison de nourriture en Espagne, a publié une déclaration regrettant l'approbation de la règlementation.168

Dans l'économie des plateformes géolocalisées, la majorité des entreprises expriment une préférence stricte pour les chauffeurs-livreurs indépendants et autonomes, mais en même temps, certaines entreprises engagent un dialogue avec les organisations de travailleurs et les groupes informels de travailleurs. L’encadré 27 présente les opinions exprimées lors d'entretiens avec des représentants d'entreprises des plateformes, sur la base d'une analyse des déclarations publiques des plateformes au Chili.

Encadré 27 : Entretiens avec des experts et opinions exprimées publiquement par des représentants d'entreprises des plateformes au Chili

Au Chili, les entretiens169 menés avec des représentants d'entreprises des plateformes ont montré que certains d'entre eux étaient au courant de l'existence d'organisations de travailleurs ou de groupes de médias sociaux dans l'économie des plateformes en général, voire de groupes concernant spécifiquement leur entreprise. La plupart des représentants des entreprises des plateformes ont exprimé une préférence stricte pour les chauffeurs-livreurs indépendants et autonomes. En même temps, certains représentants d’entreprises des plateformes ont indiqué qu'ils avaient approché des organisations de travailleurs et entretenu une relation informelle permanente avec elles, dans le but par exemple de collaborer pour améliorer les conditions de travail en mettant en place des régimes d'assurance en cas d’accident. D'autres représentants d'entreprises de plateformes ont déclaré qu'ils n'avaient aucune connaissance des organisations de travailleurs pertinentes ou des groupes de médias sociaux relatifs à leur plateforme.

En outre, les organisations d'employeurs et les entreprises des plateformes soulignent souvent les avantages de la flexibilité et des possibilités de générer des revenus grâce au travail sur les plateformes.170

Encadré 28 : Défense de leurs intérêts par des organisations d'employeurs

En Australie, les principaux groupes d'employeurs et d'entreprises (par exemple, l'Australian Industry Group, la Chambre de commerce et d'industrie australienne) se sont toujours prononcés contre toute réglementation de l'économie des plateformes, soulignant sa flexibilité et les possibilités d'entreprendre (AiGroup Workforce Development 2016 ; James 2020). Ils soulignent également que le travail sur les plateformes offre des possibilités de participer au marché du travail à certains groupes qui ne pourraient pas le faire autrement, comme les jeunes travailleurs qui cherchent à concilier travail et études. (James 2020). L'AiGroup offre des services de représentation aux opérateurs des plateformes, y compris une défense de leurs intérêts concernant les questions de politiques,171 et, en 2021, il a coordonné l'élaboration des Principes nationaux de sécurité pour les plateformes de livraison de nourriture, qui ont été signés par Deliveroo, DoorDash, Hungry Panda, Menulog et Uber Eats.172

Les entreprises des plateformes ont maintenu des positions similaires à celles des principales organisations commerciales dans les débats publics, soutenues par l'opinion du ministre australien des relations professionnelles selon laquelle une intervention réglementaire dans l'économie des plateformes étoufferait l'innovation.173 Deliveroo a affirmé que si ses coursiers étaient reclassés en tant que salariés, la demande de travail de livraison de nourriture chuterait car elle ne serait plus aussi flexible et donc attrayante pour les travailleurs. (Deliveroo n.d.).

Entreprises des plateformes engagées dans l'amélioration des conditions de travail ou dans le versement d’un salaire décent

Certaines entreprises des plateformes ont tendu individuellement la main aux syndicats et se sont engagées à améliorer les conditions de travail. En Australie, une forme de dialogue entre employeurs et syndicats a eu lieu dans le cadre d'une demande de la plateforme de livraison de nourriture Menulog concernant la création d'un nouvel accord à la Fair Work Commission (concernant une discussion du rôle de l'entreprise des plateformes Just Eat Takeaway.com dont Menulog est une filiale, voir le chapitre 3).

L’encadré 29 décrit en détail le processus et les déclarations faites par l’entreprise de plateforme Menulog lors de la demande de l’instauration d’un accord à la Fair Work Commission en Australie (octobre 2021).

Encadré 29 : L’entreprise de plateforme Menulog (Just Eat Takeaway.com) a demandé à la Fair Work Commission de créer un nouvel accord pour les services de livraison sur demande en Australie.

En Australie, Menulog a commencé à tester l'emploi direct de certains de ses coursiers en juin 2021, conformément aux dispositions du Miscellaneous Award174 2020, qui s'applique aux employeurs et aux salariés couverts par la loi sur le travail équitable et qui ne sont pas couverts par un autre “accord”.175 L'essai a débuté avec une dizaine de coursiers basés à Sydney ; Menulog a pour objectif de porter ce nombre à 100, travaillant pour la plupart en équipes de quatre heures, fournissant leurs propres vélos électriques (avec une allocation d'entretien) et équipés d'uniformes haute visibilité fournis par Menulog. (Workplace Express 2021a; Bonyhady 2021).176 Le directeur général de la plateforme a expliqué que ce changement d'approche était motivé par la nécessité d'aligner sa position sur celle de sa nouvelle société mère européenne, Just Eat Takeway.com. Il a déclaré que l'entreprise respecte les lois sur le lieu de travail, mais qu'elle peut aller plus loin :

  • "Nous nous sommes engagés à assurer la sécurité de nos coursiers, à leur fournir une couverture d'assurance et un revenu équitable. Nous devons à nos coursiers de contribuer à l'amélioration de leur niveau de vie et, nous avons donc commencé à examiner comment nous pouvons améliorer notre mode de fonctionnement et, dans ce cadre, comment nous pouvons créer un modèle de salarié en Australie. ... Nous avons l'intention d'étudier les possibilités d'emploi en faisant la demande de l’instauration d’un nouvel accord auprès de la Fair Work Commission et en consultant les principales parties prenantes." (Workplace Express 2021b)177

Menulog a engagé une consultation sur l’accord proposé avec le TWU, "qu'il reconnaît comme l'organisation syndicale représentant les intérêts des coursiers travaillant dans l’”industrie à la demande" (Workplace Express 2021b, paragraphe 11). Le TWU a salué l'initiative de Menulog, la qualifiant de "moment décisif pour l'économie des plateformes en Australie" et s'engageant à travailler avec les plateformes "sur cet essai important qui remettra en cause le mythe selon lequel flexibilité et équité sont en contradiction".178 Fin juin 2021, alors que son essai d'emploi direct commençait, Menulog a officiellement demandé à la FWC la création d'un nouvel accord pour le secteur des services de livraison à la demande.179 La création de nouveaux accords en vertu de la loi sur le travail équitable est assez exceptionnelle. Parmi d'autres facteurs, la FWC aura la satisfaction de savoir que la création d'un accord favorisera l'"objectif des accords" (section 134), y compris la fourniture de conditions d'emploi minimales équitables et pertinentes fondées sur les besoins des personnes faiblement rémunérées, l'inclusion sociale par la participation à la main-d'œuvre, les pratiques de travail flexibles, l'efficacité et la productivité des entreprises et les performances économiques nationales. L'article 163 est également pertinent, en particulier la stipulation de l'article 163(2) selon laquelle "[l]a FWC ne doit pas mettre en place un accord couvrant certains employeurs ou salariés à moins qu’elle n'ait examiné la possibilité de prendre une décision modifiant un accord existant pour les couvrir".

La FWC au grand complet a depuis reçu des soumissions écrites de Menulog, du TWU, d'associations d'employeurs/de l'industrie, du gouvernement du Victoria et d'universitaires. Dans sa soumission, le TWU a fait valoir que le travail effectué par les travailleurs du transport dans les services de livraison à la demande est la collecte, le transport et la livraison de produits consommables ; la nature de cette tâche n'est pas modifiée par le fait qu'un système ou une plateforme en ligne est utilisé dans ce processus ; l'exécution de ce travail est couverte par le prix du transport routier et de la distribution ; par conséquent, la FWC devra être convaincue que l’accord ne répond pas à l'objectif d’autres accords (y compris en ne fixant pas de normes appropriées pour le secteur de la livraison à la demande) avant d’en créer nouveau.

Le cas Menulog constituera un test important de la capacité du système d'indemnisation à être utilisé pour répondre, par le biais d'une réglementation adaptée, aux circonstances particulières de l'économie des plateformes/du travail sur plateforme (bien que l'application de toute indemnisation résultante doive encore surmonter l'obstacle que constitue l'hypothèse d'une classification d'entrepreneur imposée par la grande majorité des plateformes). La candidature de Menulog est également importante car elle illustre la volonté des plateformes de s'engager avec les syndicats dans la réglementation du travail sur les plateformes. Toutefois, la relation entre Menulog et le TWU sera mise à l'épreuve au fur et à mesure de la progression du cas, étant donné la position du syndicat selon laquelle Menulog n'a pas encore clairement démontré la nécessité d'un nouvel accord spécifiquement conçu pour les services de livraison à la demande.

Le 28 janvier 2022, la FWC s'est prononcée contre la création de ce nouvel accord et a estimé que le Road Transport Award, qui régit de nombreux chauffeurs routiers, s'applique aux chauffeurs de livraison de nourriture utilisant des applications. Cependant, Menulog peut encore essayer de convaincre la FWC qu'un nouvel accord sectoriel serait plus efficace que l’accord du transport routier. Par ailleurs, l'entreprise de plateforme peut négocier avec le TWU d'autres changements.180

D'autres entreprises des plateformes se sont engagées à collaborer avec les représentants des travailleurs, à verser un salaire de subsistance ou à garantir un salaire et des honoraires raisonnables à leurs travailleurs (cf. encadré 30)

Encadré 30 : Engagement des entreprises des plateformes en faveur d'un salaire de subsistance, d'une rémunération raisonnable ou de négociations collectives

  • En Géorgie et au Maroc, la plateforme de livraison Glovo va commencer à déployer le Couriers Pledge181 en collaboration avec la FairWork Foundation.182 L'entreprise a annoncé qu'elle paierait à tous les travailleurs un salaire de subsistance, ainsi que la mise en place d'autres politiques visant à améliorer les conditions de travail qui ont été suggérées par la FairWork Foundation. Glovo a l'intention de mettre en œuvre son engagement dans tous les pays où elle est active.183

  • En Afrique du Sud, la plateforme de services domestiques SweepSouth s'est engagée à reconnaître et à négocier avec un organe collectif de ses travailleurs. La FairWork Foundation considère qu'il s'agit d'une étape significative de la part d'un acteur important du secteur, qui reconnaît le droit fondamental des travailleurs de la plateforme à la liberté syndicale et à la négociation, indépendamment de leur classification.184

  • La Charte des principes du Forum économique mondial pour le bon fonctionnement des plateformes a été signée par d'importantes plateformes de travail numérique, dont Cabify, Uber, Deliveroo et Grab.185 La Charte de principes engage les plateformes à assurer la diversité et l'inclusion, la sécurité et le bien-être, la flexibilité et des conditions équitables, une rémunération et des cotisations raisonnables, la protection sociale, l'apprentissage et le développement, la voix et la participation, et à veiller à ce que l'équité et la non-discrimination soient une priorité dans la conception des algorithmes.

Négociation collective dans l'économie des plateformes186

Principales conclusions

Figure 7 : Conventions collectives dans l'économie mobile et des plateformes (janvier 2022)

Le tableau 1 donne un aperçu de ces conventions, en indiquant les parties contractantes, le niveau de négociation (au niveau de l'entreprise ou du secteur) et le statut de la convention (durée et statut dans la mise en œuvre).

L'une des premières conventions collectives négociées entre une plateforme de travail numérique et un syndicat a été la convention dite "de Hilfr" conclue entre la Fédération unie des travailleurs danois (3F) et la plateforme danoise Hilfr, en 2018 (Ilsøe et Larsen 2021). Alors que le nombre global des conventions collectives se situait à un niveau faible en septembre 2021, on peut observer une tendance à l'augmentation de la conclusion de telles conventions dans l'économie des plateformes ces dernières années. Les recherches menées dans le cadre de la présente étude ont permis d'en identifier 11 dans l'économie des plateformes qui sont actuellement en vigueur dans huit pays (Autriche, Chili, Danemark, Italie, Norvège, République de Corée, Espagne et Suède).

Pour l'avenir, Uber a facilité la réalisation éventuelle de négociations collectives futures en signant un accord de reconnaissance au Royaume Uni en 2021, dans lequel l’entreprise a reconnu le syndicat GMB comme l'organisation représentative des chauffeurs Uber dans le pays.187 En Allemagne en 2021, l’entreprise de plateforme de livraison Lieferando et le syndicat NGG auraient discuté de la négociation d'une convention collective (Fairwork 2021). Ces exemples indiquent une tendance continue vers une conclusion accrue de conventions collectives dans l'économie des plateformes au cours des années à venir.

Tableau 1 : Conventions collectives dans l'économie des plateformes géolocalisées (janvier 2022)

Premier groupe de conventions collectives dans l'économie des plateformes

Ce chapitre présente les caractéristiques de base des conventions collectives identifiées dans l'économie des plateformes géolocalisées (voir encadré 31). Il est important de noter que toutes les conventions collectives identifiées s'appliquent aux travailleurs des plateformes de travail numérique ayant une relation de travail et non aux travailleurs indépendants. Les conventions collectives identifiées portent également sur le travail géolocalisé (travail à la demande via des applications) et ne concernent pas le travail sur les plateformes en ligne basées sur le web (qui pourraient s'étendre sur plusieurs pays et juridictions). La plupart des conventions collectives ont été conclues entre des syndicats et des plateformes individuelles en Europe, principalement dans le secteur de la livraison de nourriture. Dans certains cas, des accords sectoriels existants ont été étendus pour couvrir certains groupes de travailleurs des plateformes (par exemple en Espagne) ou encore, des accords sectoriels ont été négociés pour les travailleurs des plateformes de livraison (par exemple en Autriche et au Danemark). Pour la plupart des conventions collectives identifiées, les textes originaux ont été collectés, traduits et analysés pour cette étude.

Encadré 31 : Caractéristiques des conventions collectives dans l'économie des plateformes géolocalisées

Champ d'application : Les conventions collectives identifiées s'appliquent aux salariés et non pas aux travailleurs indépendants dans l'économie des plateformes géolocalisées. Cependant, il est important de noter que la majorité des travailleurs des plateformes ne travaillent pas en tant que salariés mais en tant qu'entrepreneurs indépendants. Par conséquent, la plupart des travailleurs des plateformes n'entrent pas dans le champ d'application des conventions collectives identifiées. Quelques-unes d'entre elles étaient censées s'appliquer aux travailleurs indépendants de l'économie des plateformes, mais elles ont été retirées ou leur application a été contestée devant les tribunaux du travail (pour de plus amples détails, voir la section ci-dessous intitulée "Conventions collectives pour les travailleurs indépendants de l'économie des plateformes"). En outre, un accord de reconnaissance syndicale a été conclu au nom des travailleurs qui représentent un sous-ensemble de travailleurs indépendants au Royaume-Uni.

Analyse du contenu des conventions collectives : Toutes les conventions collectives identifiées réglementent le temps de travail (par exemple, les heures de travail quotidiennes et hebdomadaires, les périodes de préavis et les périodes de repos) et elles comprennent des dispositions sur les salaires horaires ou les structures de paiement incitatives. En outre, la plupart d’entre elles confèrent le droit aux salariés de recevoir des vêtements de travail adéquats et certaines comprennent des dispositions spécifiques concernant la surveillance ou le suivi des smartphones ou autres appareils numériques. La plupart des conventions collectives identifiées traitent également des droits et responsabilités des syndicats et des représentants des travailleurs et établissent des mécanismes de réclamation. Cela peut inclure des dispositions sur l'élection des représentants syndicaux, des cours de formation pour les représentants syndicaux élus et les droits d’affichage et de réunion, qui peuvent également être exercés en mode numérique.

Caractéristiques des conventions collectives couvrant les plateformes numériques de travail géolocalisées

Nature expérimentale des conventions collectives

Les conventions collectives analysées appartiennent à un "premier groupe de conventions collectives"188 couvrant les plateformes numériques de travail. La plupart de ces conventions sont assez récentes et certaines sont encore en cours de mise en œuvre. Beaucoup d'entre elles sont de nature expérimentale, cherchant à répondre aux spécificités de l'économie des plateformes. Elles abordent les caractéristiques classiques d'une relation de travail, telles que les salaires et le temps de travail. Toutefois, ces conventions diffèrent considérablement en termes de longueur, de détail et de portée. Dans plusieurs d’entre elles, les partenaires sociaux déclarent expressément leur intention de "piloter" la première version de la convention et d’accumuler l’expérience en vue d’établir des relations de négociation collective permanentes dans l'économie des plateformes.

Encadré 32 : Caractère expérimental de ces conventions collectives

Just Eat Takeaway.com - CGIL/CISL/UIL (Italie) : " Cette convention présente un caractère expérimental et sera en vigueur jusqu'au 31 mars 2024 ; jusqu'à son éventuel renouvellement, la convention restera en vigueur " (traduction non officielle ; italiques ajoutés).

Hilfr - 3F (Danemark) : " Les parties déclarent conjointement que cette convention collective à l'essai constitue une tentative d’établir un pont entre les plateformes numériques et le modèle de marché du travail danois. L'objectif de la convention collective à l'essai est, en partie, de recueillir des expériences en vue d'établir des relations permanentes de négociation collective" (traduction non officielle ; italiques ajoutés).

L'annexe à cette étude présente un aperçu des conventions qui ne constituent pas des conventions collectives mais des codes de conduite ou des pactes sociaux négociés entre les organisations de travailleurs et les entreprises ou les organisations d'employeurs des plateformes, y compris dans le cadre de l'économie des plateformes en ligne.

Projecteur sur la livraison de nourriture et l'Europe

Plusieurs des conventions collectives dans le domaine de la livraison de nourriture ont été conclues par l'entreprise des plateformes Just Eat Takeway.com ou ses filiales avec des organisations syndicales nationales au Danemark, en Italie et en Espagne. En outre, un accord sectoriel en Autriche s'applique principalement aux chauffeurs-livreurs employés par Lieferando (Just Eat Takeaway.com).

Toutes les conventions collectives identifiées traitent du travail géolocalisé et la majorité d’entre elles ont été conclues dans des pays européens (Autriche, Danemark, Italie, Norvège, Espagne, Suède). Celles qui ont été analysées portent sur neuf accords concernant le secteur de la livraison de nourriture (Autriche, Chili, Danemark, Italie, Norvège, Espagne, République de Corée et Suède).189 L'une des conventions collectives identifiées concerne le transport de passagers en Suède.190 La convention signée par la plateforme Hilfr opère dans le secteur du nettoyage au Danemark.

Cette répartition inégale entre les régions, les pays et les secteurs industriels peut s’expliquer notamment par les traditions divergentes qui prévalent en matière de dialogue social entre les divers pays et secteurs industriels. En outre, les chauffeurs de transport et de livraison basés sur des applications dans l'économie des plateformes peuvent se rencontrer et échanger plus souvent au coin des rues et en attendant dans les restaurants que les travailleurs d'autres secteurs comme ceux du nettoyage et des soins dans l'économie des plateformes par exemple, ce qui peut faciliter la négociation collective pour les premiers. En outre, les chauffeurs de transport et de livraison basés sur une application sont plus susceptibles de ne travailler que pour une entreprise de plateforme spécifique, ce qui peut faciliter le développement d'une identité commune parmi les travailleurs. Dans l'ensemble, la proximité physique et l'identité commune des travailleurs des services de transport et de livraison basés sur les applications peuvent les rendre plus faciles à mobiliser et à organiser en syndicats que les travailleurs d'autres secteurs basés sur la géolocalisation et que ceux de l'économie des plateformes en ligne. (Tassinari et Maccarrone 2020).

La plupart des conventions collectives dans l'économie des plateformes sont très récentes

La figure 8 décrit l'évolution des conventions collectives dans l'économie des plateformes au cours de la période 2017-2021. Plusieurs des conventions recensées ont été conclues pour une durée déterminée et devraient être prolongées ou renégociées à leur expiration (cf. tableau 1). La figure 8 indique également si les conventions ont été prolongées et renouvelées au cours de la période observée. Parmi celles qui ont été renouvelées, il y a la convention collective signée par Delivery Technologies (Cornershop), qui a été signée pour la première fois en 2017 et renouvelée en 2020 pour la période 2020-2022. De même, les conventions collectives signées par l’entreprise des plateformes Bzzt et l'accord sectoriel signé par la Chambre de commerce autrichienne ont été renouvelés en 2021.

La figure 8 montre une tendance à l'augmentation des conventions collectives conclues dans l'économie des plateformes géolocalisées. Elle montre également que plus de la moitié de celles qui sont recensées (y compris celles qui ont été renouvelées) ont été conclues en 2021.

Figure 8 : Développement des conventions collectives dans l'économie des plateformes, y compris celles qui ont été renouvelées (janvier 2022)

Les conventions collectives sont principalement conclues au niveau de l'entreprise par des entreprises individuelles des plateformes

La majorité des conventions collectives identifiées ont été conclues au niveau de l'entreprise avec des entreprises individuelles des plateformes (Chili, Danemark, Italie, Norvège, République de Corée, Espagne et Suède). Il s'agit notamment des conventions collectives conclues par les entreprises des plateformes Bzzt, Delivery Technologies, Foodora (Just Eat Takeaway.com), Hilfr, Just Eat Takeaway.com et Woowahan. Dans une certaine mesure, cette concentration au niveau de l'entreprise peut refléter le fait que les entreprises des plateformes ne sont pas membres d'organisations nationales d'employeurs ou d'autres organisations sectorielles (Ilsøe et Larsen 2021). De même, certaines entreprises des plateformes multinationales et leurs syndicats peuvent préférer négocier au niveau de l'entreprise plutôt que d'être liés par des conventions collectives de niveau supérieur (sectoriel, national). Enfin, lorsque des accords sectoriels existent déjà dans des industries connexes (transport, nettoyage, etc.), cela peut avoir un impact sur le mode de négociation des entreprises des plateformes (Ilsøe et Larsen 2021).

Complémentarité et liens entre les conventions collectives d'entreprise et sectorielles dans l'économie des plateformes

Dans certains pays, on peut observer une complémentarité des accords au niveau du secteur et de l'entreprise. Par exemple, en Italie, l’entreprise de plateforme Just Eat Takeaway.com et les syndicats CGIL/CISL/UIL ont convenu d'appliquer l'accord sectoriel "Logistique, transport, marchandises et expédition" aux livreurs, et d'établir également une convention collective spécifique au niveau de l’entreprise. En Suède, les termes des conventions collectives signées entre Foodora (Just Eat Takeaway.com) et le Syndicat suédois des travailleurs du transport sont complémentaires à la convention collective sectorielle des poids lourds (Accord sur le Transport). Le Syndicat suédois des travailleurs du transport a également signé une convention collective avec l'entreprise des plateformes Bzzt qui ressemble à l'accord ordinaire pour le secteur des taxis en Suède. Au Danemark, l'accord sectoriel entre la Chambre de commerce danoise/Just Eat et le syndicat 3F s'est inspiré de l'accord sectoriel dans la logistique.

Les conventions collectives au niveau sectoriel dans l'économie des plateformes

En Autriche, le VIDA et l'Association pour le transport de marchandises de la Chambre de commerce autrichienne ont conclu un accord sectoriel pour la livraison de nourriture en 2021 (la convention collective a été conclue pour la première fois en 2019 et renouvelée en 2021).191 En octobre 2021, le marché autrichien de la livraison de nourriture était principalement partagé entre deux grandes entreprises de plateforme, Mjam (anciennement Foodora et filiale de Delivery Hero) et Lieferando (Just Eat Takeaway.com). Lieferando conclut des contrats de travail avec ses livreurs de repas et Mjam propose des contrats de service indépendants à ses livreurs.192 La convention collective sectorielle susmentionnée conclue entre la Chambre de commerce autrichienne et VIDA est applicable aux livreurs salariés. Par conséquent, dans la pratique, l'accord sectoriel couvre actuellement principalement les chauffeurs-livreurs de nourriture par application pour Lieferando en Autriche.193

En Espagne, un accord sectoriel dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration entre le CEHAT-FEHR et l'UGT-CCOO-CIG a été étendu dans le but d'inclure les travailleurs de la plateforme qui bénéficient de la classification de salarié.194 L'extension du champ d'application fonctionnel de la convention nationale pourrait également impliquer l'application des conventions collectives régionales et provinciales du secteur de l'hôtellerie et de la restauration, dans lesquelles sont fixées les conditions de travail relatives au temps de travail et aux salaires. Par exemple, la convention collective provinciale du secteur de l'hôtellerie et de la restauration de Cordoue (Espagne) a le même champ d'application que la convention nationale du secteur.195 Par conséquent, elle inclut les travailleurs des plateformes dans son champ d'application dans le secteur. Cependant, en juillet 2021, les experts nationaux ont estimé que les conventions collectives du secteur de l'hôtellerie et de la restauration ne s'appliquent qu'à un petit nombre de livreurs salariés utilisant des applications en Espagne.196

Au Danemark, la Chambre de commerce danoise (DE), au nom de Just Eat Takeaway.com, a négocié avec le syndicat 3F un accord sectoriel pour la livraison de nourriture à partir de 2021-2023 (Ilsøe et Söderqvist 2022). Cette nouvelle convention collective sectorielle dans l'économie des plateformes est un accord long et élaboré qui s'inspire de l'accord sectoriel existant pour la logistique entre 3F et DE. L'accord a pour objectif de couvrir de multiples plateformes à l'avenir. Les entreprises qui tombent dans le champ d'application de l'accord et qui, au moment de leur admission à la Confédération des employeurs danois, n'ont pas de convention collective ou d'accord local avec le groupe 3F Transport ou l'une des branches du syndicat, seront couvertes par la convention sur la livraison de nourriture dès leur admission.

Analyse du contenu des conventions collectives dans l'économie des plateformes

La section suivante présente une analyse du contenu du texte des conventions collectives, montrant comment les partenaires à la négociation cherchent à équilibrer les besoins de flexibilité des entreprises des plateformes tout en assurant la protection des travailleurs. Les conventions portent sur le champ d'application personnel (relation de travail), les horaires de travail journaliers et hebdomadaires, les heures minimales et les délais de préavis. Dans le cadre de la livraison de nourriture, les dispositions relatives aux salaires horaires sont souvent associées à une structure de primes qui repose sur le nombre de livraisons effectuées. La plupart des conventions collectives identifiées comprennent des dispositions qui donnent aux salariés le droit de recevoir des équipements de travail adéquats (tels que des casques de vélo, des vestes imperméables et des gants) et, dans certaines conventions, le partenaire social a convenu de dispositions spécifiques concernant la surveillance ou le suivi des smartphones ou autres appareils numériques utilisés par les chauffeurs-livreurs. En outre, la plupart des conventions collectives identifiées traitent des droits et des responsabilités des parties, garantissant ainsi des relations de travail productives et établissant des mécanismes de règlement des réclamations.

Champ d'application : Les conventions collectives dans l'économie des plateformes s'appliquent aux salariés

Les conventions collectives identifiées s'appliquent aux travailleurs de l'économie des plateformes ayant une relation de travail. Selon la convention collective conclue entre Just Eat Takeaway.com - CGIL/CISL/UIL, "les contrats de travail subordonnés à une durée indéterminée constituent la forme commune de relation de travail en vertu de laquelle le travailleur effectue son travail pour l'entreprise" (traduction non officielle). La convention collective négociée entre l’entreprise des plateformes Hilfr et le syndicat danois 3F utilise un modèle optionnel dans lequel les travailleurs deviennent des salariés par défaut après 100 heures de travail via la plateforme et sont ensuite couverts par la convention collective. En outre, certaines des conventions collectives identifiées traitent de l'utilisation des contrats de travail à durée déterminée et de la transition des contrats de travail à durée déterminée vers des contrats de travail à durée indéterminée.

L'encadré 33 présente des exemples de formulation du champ d'application des conventions collectives identifiées dans l'économie des plateformes.

Encadré 33 : Dispositions relatives à la relation de travail

  • Dansk Erhverv - 3F (Danemark) : "Cette convention collective s'applique aux salariés des entreprises qui fournissent des aliments préparés, y compris les denrées alimentaires propres à la consommation après une transformation mineure, et des boissons... Les livraisons peuvent être effectuées, par exemple, à vélo, en scooter, en moto, en voiture de moins de 2 000 kg et dans des véhicules similaires.” (traduction non officielle ; italiques ajoutées)

  • FEHR-CEHAT - UGT-CCOO-CIG (Espagne) : "La présente convention s'applique aux ... travailleurs qui fournissent leurs services dans le cadre d'un contrat de travail ... Est également inclus le service de livraison de repas et de boissons transformés ou préparés, à pied ou dans tout type de véhicule ... pour le compte d'une autre entreprise, y compris les plateformes numériques." (traduction non officielle ; italiques ajoutées)

  • Hilfr - 3F (Danemark) : "Les freelances obtiennent automatiquement le statut de salarié après 100 heures de travail via la plateforme et sont ensuite couverts par la présente convention collective... Les freelances qui souhaitent rester freelances après 100 heures de travail fournies par la plateforme doivent informer Hilfr de cette décision bien avant l'expiration des 100 heures." (traduction non officielle ; italiques ajoutées).

  • Just Eat Takeaway.com - CGIL/CISL/UIL (Italie) : "L’entreprise s'engage à offrir la possibilité de signer un contrat de travail de durée indéterminée à tous les coursiers qui travaillent pour elle." (traduction non officielle ; italiques ajoutées).

Dispositions relatives au salaire horaire (ou au paiement selon les résultats)

Nombre des conventions collectives identifiées dans le secteur de la livraison de nourriture combinent un salaire horaire avec une structure de primes qui dépend du nombre de livraisons. En outre, une structure de primes est souvent convenue pour encourager le travail de nuit, le travail le week-end, les jours fériés ou le travail dans des conditions météorologiques défavorables. Beaucoup de conventions définissent un maximum de la durée du travail, considèrent que les heures de travail au-delà de ce seuil sont des heures supplémentaires et prévoient des primes supplémentaires. Dans le même temps, les conventions font référence aux précautions prises en matière de sécurité et à l'atténuation des risques pour justifier une limitation du versement de primes maximales aux travailleurs. Certaines conventions prévoient des indemnités de congés payés ou d'autres indemnités supplémentaires. Comme indiqué ci-dessus, nombre de ces conventions sont de nature expérimentale et les partenaires sociaux ont convenu dans certains cas de revoir les structures de primes et leurs effets sur les conditions de travail après une période d'essai (par exemple, Just Eat Takeaway.com - CGIL/CISL/UIL.

L’encadré 34 montre comment les dispositions relatives au salaire horaire (ou au paiement selon les résultats) et les allocations supplémentaires sont formulées dans les conventions collectives identifiées.

Encadré 34 : Dispositions relatives au salaire horaire (ou au paiement selon les résultats)

  • Just Eat Takeaway.com - CGIL/CISL/UIL (Italie) : "... la rémunération horaire du Coursier - conformément au tableau spécifique convenu entre les parties - est fixée au montant brut de 8,50 €... La Prime d'amélioration visant à permettre aux Coursiers de travailler efficacement et dans le respect des règles de sécurité et de circulation calculée sur la base des commandes livrées au cours d'un mois, sur la base des montants suivants pour chaque livraison jusqu'à un total de 250 dans un mois : 0,25 € ; pour chaque livraison dépassant 250 : 0,50 €." (traduction non officiell; italiques ajoutées).

  • Dansk Erhverv - 3F (Danemark) : " Le taux horaire normal garanti est le suivant : 1er mars 2021-1er mars 2022 : Dkr124,20. (...) Pour les trois premières heures supplémentaires par jour, une prime de 50 pour cent du taux horaire normal sera versée. Pour toutes les autres heures, un supplément de 100 pour cent du taux horaire normal sera versée. (...) Les suppléments suivants au taux horaire normal sont payés pour le personnel à temps partiel et à temps plein : Toute la semaine de 18.00 à 23.00 : 10 DKr. Toute la semaine de 23.00 à 06.00 : 20 DKr. Les jours fériés de 00.00 à 24.00 : Dkr20." (traduction non officielle ; italiques ajoutées)

  • Chambre économique fédérale autrichienne - VIDA (Autriche) : "Si le travail est effectué entre 22 heures et 5 heures, une majoration de 100 pour cent est versée... Les salariés qui ont un an d'ancienneté dans l'entreprise au 1er juillet reçoivent une allocation de vacances payable le 1er juillet. La prime de vacances s'élève à 100 pour cent du salaire mensuel minimum brut KV." (traduction non officielle ; italiques ajoutées).

  • Just Eat Takeaway.com - CGIL/CISL/UIL (Italie) : "Afin de minimiser le risque pour la santé et la sécurité des coursiers, un maximum de quatre livraisons en une heure sera pris en compte pour déterminer cet accord. Par conséquent, les livraisons effectuées au-delà du seuil dans la même heure ne seront pas prises en compte dans le cadre de l’accord" (traduction non officielle ; italique ajoutées).

  • Just Eat Takeaway.com - CGIL/CISL/UIL (Italie) : "Cette Commission bilatérale, après 180 jours à compter de la signature de la présente convention, à la demande d'un ou plusieurs de ses membres, procédera à un examen de la performance et de l'impact du Bonus de valorisation, ou du futur Bonus de résultat, et pourra proposer toute modification de son fonctionnement, y compris, entre autres, l'hypothèse de sa consolidation partielle, compte tenu de la réalisation moyenne de l'objectif de deux commandes par heure" (traduction non officielle ; italiques ajoutées).

Dispositions relatives au temps de travail et à la flexibilité négociée

Les dispositions relatives au temps de travail dans les conventions collectives identifiées visent à équilibrer les besoins en flexibilité des entreprises des plateformes et la protection des travailleurs. Les conventions traitent des heures de travail quotidiennes et hebdomadaires, d’un minimum d’heures ouvrées et des périodes de préavis, de la durée minimale des équipes, des périodes de repos quotidiennes et des jours de repos hebdomadaires, des congés annuels et du travail de nuit.

Par exemple, la convention entre Dansk Erhverv et 3F stipule que le temps de travail hebdomadaire normal est d’au moins 8 heures et va jusqu'à 37 heures. Les quarts de travail, tant pour les salariés à temps plein que pour ceux à temps partiel, doivent être d'au moins 4 heures et les employés doivent être informés de leur planning quatre semaines à l'avance. Toutefois, la même convention prévoit une flexibilité supplémentaire en acceptant que des heures de travail hebdomadaires variables puissent être convenues et que des équipes supplémentaires puissent être mises en place.

Selon la convention conclue entre Just Eat Takeaway.com et CGIL/CISL/UIL, les salariés ont droit à une pause non rémunérée si les services dépassent un certain seuil horaire. La convention apporte une flexibilité supplémentaire en stipulant qu'en raison des spécificités du service, les contrats de travail des coursiers comportent une clause élastique, qui permet de modifier (sans frais supplémentaires) l'horaire hebdomadaire défini par l'entreprise, avec un préavis minimum de deux jours. En outre, il introduit un concept de "banque des heures" ou de suivi des heures travaillées au moyen de "comptes" pour les travailleurs individuels, ce qui augmente la flexibilité des horaires de travail.197 Il est stipulé que les heures supplémentaires effectuées par les coursiers à temps partiel doivent être accumulées dans une banque des heures. Les travailleurs ont alors droit à un repos compensatoire ou au paiement des heures supplémentaires.

L'encadré 35 présente des exemples de la manière dont les dispositions relatives au temps de travail et à la flexibilité sont formulées dans les conventions collectives identifiées.

Encadré 35 : Dispositions relatives au temps de travail et à la flexibilité

  • Dansk Erhverv - 3F (Danemark) : "La durée hebdomadaire normale de travail effectif est d'au moins 8 heures et jusqu'à 37 heures ... Les horaires de travail peuvent être fixés avec une durée hebdomadaire de travail variable. La durée hebdomadaire variable du travail ne doit pas dépasser 44 heures normales par semaine. Les équipes supplémentaires sont incluses dans le calcul des heures normales ... Les équipes des salariés à temps plein et à temps partiel doivent être d'au moins 4 heures." (traduction non officielle ; italiques ajoutées).

  • Just Eat Takeaway.com - CGIL/CISL/UIL (Italie) : "... en trois régimes de temps de travail (de 10 heures à 20 heures ou 30 heures minimum par semaine) répartis sur un maximum de 6 jours ouvrables, même sous forme discontinue au cours d'une seule journée, selon l'horaire hebdomadaire... Pour les quarts de travail dépassant 6 heures, les coursiers ont droit à une pause non rémunérée de 30 minutes... Les heures supplémentaires effectuées par les coursiers à temps partiel sont accumulées dans une banque d’heures jusqu’à une valeur égale à la moitié des heures travaillées dans le mois et donnent droit à un repos compensateur." (traduction non officielle ; italiques ajoutées).

  • Just Eat Takeaway.com - CGIL/CISL/UIL (Italie) : "En raison des caractéristiques spécifiques du service, le contrat de travail du coursier comprend une clause élastique, qui permet (sans majorations supplémentaires) de modifier l'horaire hebdomadaire défini par l’entreprise, avec un préavis minimum de 2 jours" (traduction non officielle ; italiques ajoutées).

  • Delivery Technologies SpA et Cornershop Chile Company Union (Chili) : "Le 30 avril, le 17 septembre et les 24 et 31 décembre, le temps travaillé de 17h00 à 21h00 sera payé avec une majoration de 50 pour cent. ... L'entreprise veillera à ce qu'aucun salarié ne soit laissé avec des commandes en attente de livraison après 21h00 les jours indiqués." (traduction non officielle ; italiques ajoutées)

  • Chambre économique fédérale autrichienne - VIDA (Autriche) : "La pause de repos quotidienne est de 30 minutes. Aucune mission ne sera confiée au salarié pendant les pauses déclarées ... Le salarié a droit à une période de repos ininterrompue de 36 heures par semaine civile. Le salarié a droit à un dimanche non travaillé par mois civil." (traduction non officielle ; italiques ajoutées).

  • Hilfr - 3F (Danemark) : "Les règles relatives au temps de travail, aux périodes de repos et aux périodes de repos de 24 heures en vigueur à tout moment constituent un accord conforme à la présente convention collective." (traduction non officielle ; italiques ajoutées)

Dispositions relatives à l'accès aux équipements de travail

La plupart des conventions collectives identifiées contiennent des dispositions sur les vêtements de travail adéquats (tels que les casques de vélo, les vestes imperméables, les pantalons imperméables, les gants et les surchaussures) qui doivent être fournis par l'entreprise de la plateforme. Si les salariés utilisent un équipement privé pour travailler, la plupart des conventions stipulent l'obligation pour l’entreprise de la plateforme de rembourser les travailleurs pour l'utilisation de leur propre équipement. Le montant à rembourser peut être calculé sur la base du nombre d'heures de travail ou du kilométrage pour les voitures et les motos. La convention signée par la Chambre économique fédérale autrichienne - VIDA prévoit le remboursement de l'utilisation des téléphones portables privés utilisés pour les livraisons. En Espagne, la convention signée par Just Eat Takeaway.com stipule que le téléphone portable est toujours fourni par l'entreprise de la plateforme.198 Au Chili, la convention signée par l'entreprise de la plateforme Cornershop stipule que les travailleurs doivent recevoir une allocation pour compenser le coût d'un plan de données pour l'utilisation de leurs smartphones comme outils de travail.

Les détails de l'équipement fourni varient selon les conventions. Pour plus de détails, voir l'encadré 36.

Encadré 36 : Dispositions relatives à l'accès aux équipements de travail

  • Just Eat Takeaway.com - CGIL/CISL/UIL (Italie) : "A titre d'exemple, l’entreprise met à la disposition des coursiers tous les équipements de protection individuelle ( EPI) prévus par la législation en vigueur (à titre d'exemple, casque, combinaison imperméable, veste de haute visibilité, et tout autre outil approprié)... L’entreprise reconnaît une indemnité à titre de remboursement kilométrique pour les coursiers qui - à sa demande - utilisent leur propre véhicule." (traduction non officielle ; italiques ajoutées)

  • Dansk Erhverv - 3F (Danemark) : "L'entreprise fournit le véhicule et les caisses de transport... L'entreprise fournit des vêtements de travail adaptés, un casque de vélo et d'autres équipements de protection individuelle, conformément à la loi sur l'environnement de travail... Si l'entreprise ne fournit pas de véhicules, elle doit verser au salarié les indemnités suivantes pour l'utilisation de son propre véhicule : Pour les voitures et les motos, le kilométrage est payé selon les tarifs gouvernementaux. Pour les cyclomoteurs, les scooters et les bicyclettes, etc., une majoration de 10,00 DKK par heure est appliquée." (traduction non officielle ; italiques ajoutées)

  • Delivery Technologies SpA et Cornershop Chile Company Union (Chili) : "L'entreprise versera à tous les travailleurs une allocation mensuelle dont l'objectif est de soutenir le coût d'un plan de données pour l'utilisation de leurs smartphones comme outils de travail." (traduction non officielle ; italiques ajoutées).

  • Chambre économique fédérale autrichienne - VIDA (Autriche) : "Les vêtements de travail tels que les casques de vélo, les vestes imperméables, les pantalons imperméables, les gants, les surchaussures doivent être fournis par l'employeur dans une qualité appropriée... Si un téléphone portable privé est utilisé pour l'activité professionnelle nécessaire, le coursier à vélo doit être indemnisé pour les coûts à hauteur de 20,00 € par mois." (traduction non officielle ; italiques ajoutées).

Dispositions relatives à l'utilisation d’algorithmes dans la gestion du travail et la sécurité et confidentialité des données

Quelques-unes des conventions comprennent des dispositions spécifiques concernant la surveillance ou le suivi des smartphones ou autres appareils numériques utilisés par les livreurs. La convention collective entre Hilfr et 3F fait référence au droit des salariés de demander que les commentaires désobligeants et faux soient supprimés de leurs profils en ligne sur la plateforme. La plupart des conventions identifiées ne traitent pas explicitement de l'utilisation autorisée ou non des données collectées sur les smartphones dans le cadre de procédures disciplinaires à l'encontre des travailleurs.

En Espagne, la convention négociée entre Just Eat Takeaway.com et les syndicats UGT et CCOO couvre un terrain nouveau car elle inclut des dispositions sur la protection des données et la déconnexion numérique et sur l'information des représentants des travailleurs concernant les algorithmes utilisés pour la gestion du travail (OIT 2022a).199 La convention aborde la transparence de la prise de décision algorithmique et garantit que les algorithmes et/ou les systèmes d'intelligence artificielle utilisés sont soumis à une supervision humaine. À cette fin, il a été convenu de créer une commission mixte, composée de représentants des travailleurs et de l'entreprise de la plateforme, appelée "Commission Algorithme".200

Encadré 37 : Dispositions relatives à la sécurité des données et à la vie privée

  • Dansk Erhverv - 3F (Danemark) : " L'entreprise doit veiller à ce que le smartphone ou l'appareil en question ne soit pas surveillé ou suivi pendant les loisirs. " (traduction non officielle ; italiques ajoutées).

    Si l'entreprise de la plateforme met une voiture à la disposition du livreur, elle peut se réserver dans le contrat de travail normalisé "le droit d'obtenir les données du GPS et du système logistique afin de vérifier que le véhicule est utilisé uniquement pour les besoins de l'entreprise et que les termes du présent contrat sont respectés". (traduction non officielle ; italiques ajoutées).

  • Hilfr - 3F (Danemark) : "Les parties sont convenues que le salarié peut, à tout moment, demander que les commentaires, images ou personnages désobligeants, faux et offensants soient retirés de son profil et d'autres endroits de la plateforme qui peuvent être associés - et clairement attribués – au salarié. Cela ne peut pas avoir d'effet négatif sur les conditions d'emploi du salarié. (traduction non officielle ; italiques ajoutées)

  • Just Eat Takeaway.com - UGT et CCOO (Espagne) : Comprend un chapitre sur l'environnement numérique, la vie privée et les droits, y compris la déconnexion, le droit à l'information face aux algorithmes et aux systèmes d'intelligence artificielle conformément à l'article 64.4.d) du Statut des travailleurs, y compris la création d'une commission paritaire, la "Commission Algorithme", dotée de compétences spécifiques (résumé non officiel).

Dispositions relatives aux relations professionnelles et au règlement des différends

La plupart des conventions collectives identifiées traitent des droits et des responsabilités des parties, garantissant ainsi des relations professionnelles saines et des mécanismes efficaces de résolution des conflits. Cependant, les dispositions varient largement d'une convention à l'autre et parfois des dispositions essentielles, telles que celles relatives aux délégués syndicaux ou à la déduction des cotisations syndicales, ont été reportées jusqu'à une renégociation de la convention collective (Hilfr - 3F).

La convention entre Just Eat Takeaway.com et CGIL/CISL/UIL garantit l'exercice du droit syndical, dans les formes prévues par la loi et par la CCNL (convention sectorielle des transports). Par ailleurs, les conventions traitent, par exemple, de l'élection des représentants syndicaux, des stages de formation des élus syndicaux et des droits d'affichage et de réunion, qui peuvent également être exercés en mode numérique. De même, la convention entre Just Eat Takeaway.com et UGT/CCOO inclut les droits, pour les représentants syndicaux, d'utiliser des panneaux d'affichage virtuels et autres outils numériques. Certaines des conventions réglementent la rémunération des représentants syndicaux pendant l'exercice de leurs fonctions.

Plusieurs conventions renvoient les différends découlant de l'interprétation du texte des conventions à un comité composé d'un nombre égal de représentants des parties contractantes. Les conventions comprennent également des références à des cadres généraux ou à des protocoles utilisés pour stipuler les normes de traitement des conflits du travail dans les pays. En outre, la convention entre Dansk Erhverv et 3F comprend un protocole sur l'accès aux données salariales pour décourager le dumping salarial.

Encadré 38 : Dispositions relatives aux relations de travail et au règlement des différends

  • Just Eat Takeaway.com - CGIL/CISL/UIL (Italie) : "L’entreprise garantit l'exercice des droits syndicaux, dans les formes prévues par la loi et par la CCNL, à tous les salariés.” (traduction non officielle ; italiques ajoutées).

  • Chambre économique fédérale autrichienne - VIDA (Autriche) : "Les litiges résultant de l'interprétation de la convention collective sont réglés par une commission composée en nombre égal de deux représentants de chacun des organismes contractants et d'un président. Les représentants des organes contractants sont désignés parmi les participants aux négociations de la présente convention collective.” (traduction non officielle ; italiques ajoutées)

  • Dansk Erhverv - 3F (Danemark) : "Dans chaque entreprise – ou, dans le cas des grandes entreprises, dans chaque section de celles-ci - comptant cinq travailleurs ou plus, les travailleurs qui y sont salariés doivent élire l'un de leurs membres comme représentant syndical auprès de la direction ou de son représentant... Le groupe de Transport 3F s'engage à ce que les travailleurs élus comme représentants syndicaux qui n'ont pas suivi un cours pour représentants syndicaux avant l'élection suivent cette formation dès que possible après l'élection. La Confédération de l'industrie et des employeurs danois s'engage à contribuer à ce que le représentant syndical nouvellement élu dispose de la liberté nécessaire pour suivre le cours.” (traduction non officielle ; italiques ajoutées)

  • Dansk Erhverv - 3F (Danemark) : "Protocole sur l'accès aux données salariales. Cette disposition vise à décourager le dumping salarial. La disposition ne peut être utilisée pour exiger la divulgation d'informations sur les salaires aux fins d'une enquête générale sur la situation salariale dans l'entreprise, y compris une enquête générale sur la possibilité d'engager des actions collectives contre l'entreprise. Le représentant syndical doit avoir tenté sans succès d'obtenir lui-même les informations sur les salaires avant de présenter sa demande. Le groupe de Transport 3F peut demander les informations salariales dans les mêmes conditions que le représentant syndical.” (traduction non officielle ; italiques ajoutées)

  • Dansk Erhverv - 3F (Danemark) : "La condition préalable au versement de la rémunération est que le représentant syndical ait suivi la formation de base du groupe de Transport 3F, qui dure actuellement 4 semaines... La rémunération s'élève à : pour une circonscription jusqu'à 49 personnes incluses, 9 000 DKr par an ; pour une base électorale comprenant entre 50 et 99 personnes, 16 500 DKr par an ; pour une base électorale de 100 personnes ou plus, 33 000 DKr par an.” (traduction non officielle ; italiques ajoutées).

  • Just Eat Takeaway.com - CGIL/CISL/UIL (Italie) : "Le droit d'affichage est exercé de manière limitée à son siège social et/ou par le biais de panneaux d'affichage numériques ; le droit de réunion est exercé en mode numérique, ou dans des locaux de l'entreprise adaptés à cet effet, mis à disposition par l’entreprise ou par les syndicats signataires de la présente convention.” (traduction non officielle ; italiques ajoutées)

  • Hilfr - 3F (Danemark) : "La convention sur la déduction des cotisations syndicales, des cotisations aux clubs syndicaux locaux, etc. sera négocié en tant qu'élément facultatif lors de toute renégociation de la convention collective et avant le 1er janvier 2019." (traduction non officielle ; italiques ajoutées)

  • UGT-CCOO-CIG et FEHR-CEHAT (Espagne) : "Une commission mixte des parties à la convention est nommée, composée de représentants des organisations patronales et de représentants des syndicats. Les attributions de la commission mixte sont celles qui sont énoncées ci-après, ainsi que toutes les autres matières établies par la loi et toutes celles qui lui sont attribuées : a) Interprétation du texte de la présente convention. b) Suivi de son application." (traduction non officielle ; italiques ajoutées)

Autres domaines thématiques identifiés dans les conventions collectives

En outre, les conventions collectives identifiées comprennent d'autres domaines thématiques et dispositions. Par exemple, en République de Corée, la convention collective identifiée offre un accès aux allocations de chômage et aux cotisations de retraite et elle prévoit également un fonds de développement des compétences pour les salariés (OIT 2022b).

Les conventions collectives peuvent améliorer le contenu ainsi que le champ d'application pour les personnes ayant droit à des mesures de protection sociale. Plusieurs des conventions collectives identifiées comportent des dispositions relatives à la protection sociale, telles que les régimes de retraite, les indemnités de congé maladie, des assurances contre les accidents du travail ou les dommages causés à des tiers. Souvent, le droit aux régimes de protection sociale dépend d'une durée minimale de la relation de travail avec l'entreprise de la plateforme. En outre, plusieurs des conventions identifiées comportent des références à des dispositions législatives permettant de déterminer les droits aux régimes de sécurité sociale.

La plupart des conventions collectives stipulent l'obligation pour l’entreprise de la plateforme de fournir aux salariés des protections de sécurité adéquates pour leur travail. Pendant la pandémie de COVID-19, cela a pu être interprété comme une obligation de fournir des EPI supplémentaires aux travailleurs. Cependant, la convention signée entre Just Eat Takeaway.com et CGIL/CISL/UIL est la seule dans laquelle une référence spécifique à la crise du COVID-19 a pu être identifiée.

Encadré 39 : Pandémie de COVID-19 et protocoles de sécurité

Just Eat Takeaway.com - CGIL/CISL/UIL (Italie) : "Tant que l'état d'urgence lié à COVID-19 demeure, l’entreprise applique les protocoles de sécurité définis par les partenaires sociaux au niveau national" (traduction non officielle ; italiques ajoutées).

Au Danemark et en Suède, les entreprises des plateformes appliquent les conventions collectives négociées pour les agences de travail temporaire

Dans certains pays, outre les conventions susmentionnées entre les organisations syndicales et patronales et les entreprises des plateformes, on observe une autre tendance de la règlementation du travail dans l'économie des plateformes. Au Danemark et en Suède, certaines plateformes ont créé un "modèle d'agence de travail temporaire", selon lequel elles s'appuient sur les réglementations existantes pour embaucher des travailleurs des plateformes en tant que travailleurs temporaires. Cela peut se faire avec ou sans la participation des syndicats.

En Suède, le syndicat Unionen a négocié avec les entreprises des plateformes Gigstr201 et Instajobs202 et ces plateformes sont couvertes par la convention collective générale des travailleurs intérimaires (Söderqvist et Bernhardtz 2019). Au Danemark, les plateformes Chabber203 et Meploy204 ont utilisé la législation sur les entreprises de travail intérimaire pour embaucher des travailleurs des plateformes en tant qu'intérimaires et s'inspirer du contenu des accords sectoriels pertinents. (Ilsøe et Larsen 2021). Dans le cas du Danemark, cette pratique signifie que les travailleurs des plateformes sont embauchés dans le cadre de contrats Zéro heure et que leur niveau de salaire correspond à celui existant dans l'entreprise utilisatrice. Dans les cas où l'entreprise utilisatrice est couverte par des accords sectoriels, les travailleurs des plateformes reçoivent des salaires tels que réglementés dans l'accord sectoriel (Ilsøe et Larsen, 2021).

Des conventions collectives pour les travailleurs indépendants dans l'économie des plateformes ?

La Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail reconnaît la liberté d'association et la reconnaissance effective du droit de négociation collective comme l'une des quatre catégories de droits fondamentaux. Ces droits s'appliquent aux travailleurs des plateformes, quelle que soit leur classification (OIT 2022a).205 En outre, la Déclaration du centenaire de l'OIT réaffirme que tous les travailleurs devraient bénéficier d'une protection adéquate et du respect de leurs droits fondamentaux. Comme mentionné ci-dessus, dans son Etude d’ensemble de 2012, la CEACR comprend que "la reconnaissance du droit de négociation collective a une portée générale et devrait bénéficier aux travailleurs [indépendants]".206 Cela est réitéré dans l’Étude d’ensemble de 2020, qui indique que "tous les principes et droits fondamentaux au travail [y compris le droit de négociation collective] sont applicables aux travailleurs des plateformes... quel que soit leur statut d'emploi." 207

Négociation collective pour les travailleurs indépendants et lois sur la concurrence

Le droit de la concurrence peut créer un obstacle à la négociation collective pour les travailleurs indépendants dans l'économie de plateforme. Si les travailleurs des plateformes sont classés comme des salariés, il est évident que la conclusion d'une convention collective ne remet pas en cause les règles de la libre concurrence (Rodríguez Fernández 2021). Cependant, le "modèle collaboratif", dans lequel les syndicats et les entreprises des plateformes cherchent à préserver les options de freelancing, peut entrer en collision avec les lois nationales sur la concurrence ou les lois antitrust (OIE 2019). Par conséquent, dans certains pays, la classification des travailleurs des plateformes peut encore être pertinente lorsqu'il s'agit d'exercer leur droit à la négociation collective (OIT 2022a).

Les questions relatives à la conclusion de conventions collectives pour les travailleurs indépendants ont fait l'objet de débats dans certains pays.208 Les discussions portent souvent sur les travailleurs indépendants qui ne disposent pas d'un pouvoir de négociation suffisant pour pouvoir influencer leurs conditions de travail, soit parce qu'ils se trouvent dans une situation comparable à celle des travailleurs salariés, soit parce que les entreprises pour lesquelles ils fournissent des services exercent un pouvoir de monopsone. Dans de tels cas, il y a un certain consensus sur le fait que la négociation collective pour les indépendants, notamment dans le cas des travailleurs des plateformes, est compatible avec les règles de la libre concurrence (OIT 2022a).

Ces dernières années, certaines entreprises des plateformes et certains syndicats ont tenté de conclure des conventions collectives et d'autres formes écrites de collaboration dans lesquelles les travailleurs des plateformes sont classés comme travailleurs indépendants. Toutefois, au moment de la préparation de la présente étude, toutes les conventions collectives identifiées destinées à s'appliquer aux travailleurs indépendants de l'économie des plateformes ont été déclarées non représentatives par les tribunaux du travail nationaux ou ont été retirées par les parties à la négociation elles-mêmes. À ce jour, bien que des tentatives de négociations collectives pour les travailleurs indépendants de l'économie des plateformes aient eu lieu, elles n'ont pas encore abouti (Rodríguez Fernández 2021).

À l'avenir, pour les pays de l'Union européenne, le projet de lignes directrices récemment publié décrit comment la Commission européenne envisage d'appliquer le droit européen de la concurrence aux conventions collectives qui réglementent les conditions de travail de certaines catégories d'indépendants sans salariés.209 Ces lignes directrices indiquent que les conventions collectives entre certains groupes d'indépendants sans salariés210 et les plateformes numériques de travail ne relèvent pas du champ d'application de l'article 101 du TFUE (Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne) et n'enfreignent donc pas le droit européen de la concurrence.211

Encadré 40 : Initiative de l'UE visant à harmoniser le droit de la concurrence avec les négociations collectives

Le projet de lignes directrices de la CE explique comment la Commission envisage d'appliquer le droit européen de la concurrence aux conventions collectives concernant les conditions de travail de certaines catégories d'indépendants sans salariés.212 Il indique que les conventions collectives entre les indépendants sans salariés en situation de faiblesse et les plateformes numériques de travail ne relèvent pas du champ d'application de l'article 101 du TFUE et n'enfreignent donc pas le droit européen de la concurrence. Cela s'applique également si les travailleurs indépendants en question n'ont pas été reclassés en tant que travailleurs par les autorités/juridictions nationales.

Toutefois, pour que cette exemption s'applique, il faut que (1) le travail de la plateforme soit fourni, au moins en partie, à distance par des moyens électroniques, tels qu'un site web ou une application mobile ; (2) qu'il soit fourni à la demande d'un destinataire du service ; et (3) qu'il implique, en tant que composante essentielle, l'organisation d'un travail effectué par des particuliers, indépendamment du fait que ce travail soit effectué en ligne ou dans un certain lieu. L'exemption du droit européen de la concurrence ne s'applique pas aux plateformes qui n'organisent pas le travail de particuliers mais fournissent simplement un moyen par lequel les travailleurs indépendants sans salariés peuvent atteindre les clients finaux.

Les paragraphes suivants décrivent brièvement les conventions collectives identifiées entre les entreprises des plateformes et les syndicats qui concernent les travailleurs indépendants de l'économie des plateformes. Outre la conclusion de conventions collectives, les entreprises et ls syndicats des plateformes ont également conclu un certain nombre d'accords, de déclarations ou de codes de conduite, pour la plupart non contraignants, qui visent à promouvoir des normes de travail minimales pour les travailleurs indépendants de l'économie des plateformes (voir annexe).

Conventions collectives pour les travailleurs indépendants

Au Danemark, en 2018, la plateforme de freelance Voocali213 a conclu une convention collectiive avec le syndicat HK. Cependant, HK a ensuite choisi de retirer la convention en raison des expériences d'autres plateformes avec les lois sur la concurrence du pays.214 En outre, comme indiqué ci-dessus, la plateforme Hilfr et le syndicat danois 3F ont convenu d'un modèle hybride dans lequel les travailleurs deviennent des salariés par défaut après 100 heures de travail sur la plateforme et sont ensuite couverts par la convention collective. Initialement en 2018, l'accord comprenait également un tarif horaire minimum pour les freelances sur la plateforme. Cependant, en réponse à un avis concernant une évaluation à venir par l'Autorité danoise de la concurrence et de la consommation, Hilfr s'est engagé en 2019 à supprimer de la convention le tarif horaire minimum pour les "Freelancehilfrs" (Jacqueson et al. 2021).

En Italie, en 2018, un groupe d'entreprises des plateformes de livraison de nourriture a créé une nouvelle organisation d'employeurs appelée "AssoDelivery "215 pour négocier avec le gouvernement et les organisations de travailleurs.... (OIE 2019).216 En 2020, AssoDelivery et le syndicat Unione Generale del Lavoro (UGL) ont signé une convention collective s'appliquant aux travailleurs indépendants des plateformes de livraison numériques.217 Toutefois, les tribunaux de Bologne, Florence et Palerme ont déclaré que le syndicat signataire n'avait pas une représentativité suffisante parmi les travailleurs des plateformes.218

Conventions collectives applicables aux catégories intermédiaires de travailleurs

Certaines juridictions créent des figures intermédiaires entre le travail dépendant et le travail indépendant, comme le "travailleur" au Royaume-Uni ou le "travailleur indépendant économiquement dépendant" en Espagne (OIT 2022a). Par exemple, en Grande-Bretagne, en 2021, la Cour suprême a décidé que les chauffeurs d'Uber pouvaient être reclassés comme "travailleurs" en vertu de la loi britannique.219 Par la suite, Uber a signé un accord de reconnaissance dans lequel il reconnaît le GMB comme le syndicat représentatif des chauffeurs Uber. L'accord vise à créer un environnement dans lequel les chauffeurs Uber peuvent rester indépendants tout en bénéficiant de la classification de travailleur et de la protection du droit du travail applicable. L'accord de reconnaissance définit les domaines dans lesquels l’entreprise des plateformes collaborera avec le GMB en tant qu'organisation représentative des chauffeurs Uber qui sont membres du syndicat (Forsyth 2022). Par exemple, GMB jouera un rôle de représentation des chauffeurs s'ils perdent l'accès à l'application Uber. En outre, GMB et Uber se rencontreront régulièrement pour discuter des problèmes et des préoccupations des chauffeurs.

Dialogue social sur des plateformes en ligne basées sur le web

La négociation collective dans les plateformes géolocalisées n'en est qu'à ses débuts et nombre des conventions collectives identifiées sont de nature expérimentale et visent à répondre aux spécificités des plateformes. Les défis de la négociation collective sont encore plus grands dans l'économie des plateformes basées sur le web qui s'étend sur plusieurs pays et juridictions (Albrecht, Papadakis et Mexi 2021 ; Rodríguez Fernández 2020). Au cours des recherches effectuées pour cette étude, aucune convention collective dans l'économie des plateformes en ligne basée sur le web n'a été identifiée. Par conséquent, cette section présente des accords non contraignants, tels que des codes de conduite entre les entreprises des plateformes et les syndicats. Dans certaines circonstances, ces accords non contraignants pourront évoluer à l’avenir vers des négociations collectives dans les plateformes en ligne basées sur le web.

En 2015, la plateforme allemande de test de logiciels Testbirds a initié un code de conduite volontaire pour le travail collaboratif rémunéré. Ce "Code de conduite du travail collaboratif" comprenait des principes tels que le "paiement équitable", "uniquement des tâches sérieuses" et "communication ouverte et transparente". En septembre 2021, neuf entreprises des plateformes avaient signé ce code de conduite et l'Association allemande de travail collaboratif en est devenu un soutien officiel.220 En 2016, avec l'autorisation des plateformes, le syndicat IG Metall avait mené une enquête auprès des travailleurs de six plateformes allemandes (OIT 2020). Entre autres sujets, l'enquête avait demandé aux travailleurs d'indiquer quels principes du code de conduite ils trouvaient les plus importants. Dans une large mesure, les répondants à l'enquête ont indiqué que le "paiement équitable" était le principe le plus important. En conséquence, la deuxième version du code de conduite, publiée fin 2016, comprenait un affinement du principe de "paiement équitable" pour indiquer que les opérateurs des plateformes devraient chercher à orienter le paiement vers les "normes salariales locales".

En 2017, IG Metall, les plateformes signataires et l'Association allemande de travail collaboratif ont créé un "Bureau du Médiateur" pour mettre en œuvre efficacement le code de conduite et résoudre les différends entre les travailleurs et les plateformes signataires. Au cours de l'année 2019, le Bureau du Médiateur du code de conduite du travail collaboratif a été saisi d’environ 14 cas, soumis par des travailleurs via son formulaire en ligne.221

Un code de conduite entre Mila AG et le syndicat Syndicom fait référence aux "travailleurs collaboratifs" et certaines des tâches proposées peuvent ressembler à du travail en ligne sur une plateforme web, tandis que d'autres tâches sont basées localement, comme l'assistance technique ou les travaux de réparation dans les locaux du client (voir annexe).222

Transparence des algorithmes utilisés pour gérer les activités et le travail : le rôle des syndicats et des représentants des travailleurs

Les asymétries de l’information entre les entreprises des plateformes et les travailleurs sur le fonctionnement des algorithmes peuvent conduire à des réclamations et des conflits. La transparence concernant les hypothèses et les critères utilisés par les algorithmes peut constituer un premier pas vers la réduction des asymétries de l'information. Toutefois, les travailleurs peuvent être confrontés à des difficultés lorsqu'ils évaluent individuellement les algorithmes et leur fonctionnement (OIT 2022a). Une deuxième étape, après avoir établi la transparence des données, consiste à s'assurer que les effets des algorithmes et des notations sur les conditions de travail et la rémunération sont bien compris. À cet égard, les syndicats et les représentants des travailleurs auront peut-être un nouveau rôle à jouer, celui d'égaliser les chances lors des négociations sur l'utilisation des algorithmes ou la gestion des données des travailleurs (voir aussi De Stefano 2019).

Les premières initiatives réglementaires ont commencé à se sont penchées sur les algorithmes utilisés dans la gestion des activités et du travail. Certaines initiatives ont créé ou proposé de créer de nouveaux droits à l’information et la consultation pour les représentants des travailleurs et les syndicats concernant l'utilisation d'algorithmes dans la gestion du travail. En ce qui concerne la négociation collective, s'assurer de la compréhension de la manière dont les systèmes automatisés de suivi et de prise de décision affectent les conditions de travail et de rémunération peut également être une condition préalable à des négociations et consultations efficaces dans l'économie des plateformes.

Droits à l’information des représentants des travailleurs concernant l'utilisation des algorithmes dans la gestion du travail en Espagne

En Espagne, la loi 9/2021 attribue une nouvelle compétence aux représentants des travailleurs pour qu'ils soient informés par l'entreprise des paramètres, règles et instructions sur lesquels les algorithmes fondent leurs décisions (voir encadré 41). Le nouveau droit légal à l’information des représentants des travailleurs sur l'utilisation d'algorithmes dans la gestion du travail a été concrétisé et rendu opérationnel dans une convention collective en 2021. Dans l'accord signé entre Just Eat Takeaway.com et les syndicats CCOO et UGT, il a été convenu de créer une commission paritaire, la Commission Algorithme (Rodríguez Fernández 2022) (pour plus de détails sur la convention collective, voir la sous-section ci-dessus intitulée "Dispositions relatives à l'utilisation des algorithmes dans la gestion du travail et la sécurité et la confidentialité des données" et l'encadré 37).

Encadré 41 : Transparence des algorithmes pour les représentants des travailleurs en Espagne

En Espagne, la loi 12/2021 attribue une nouvelle compétence aux représentants des travailleurs dans l'entreprise, qu'il s'agisse d'une entreprise des plateformes ou non : "Être informé par l'entreprise des paramètres, règles et instructions sur lesquels se fondent les algorithmes ou les systèmes d'intelligence artificielle qui affectent la prise de décisions pouvant avoir un impact sur les conditions de travail, l'accès et le maintien de l'emploi, y compris le profilage".

La loi ne définit pas quels paramètres, règles et instructions doivent être rendus transparents par l'employeur. Cependant, les informations fournies doivent pouvoir être utilisées pour comprendre le fonctionnement de l'algorithme et son impact sur les conditions de travail. La loi se limite à un droit à l'information et ne prévoit pas de droit à la consultation ou à la codétermination sur le lieu de travail.

Cette nouvelle compétence est destinée aux représentants des travailleurs au niveau de l'entreprise, et non aux syndicats au niveau sectoriel, et elle est intégrée au Statut des travailleurs. Par conséquent, le non-respect de cette compétence sera sanctionné par la loi sur les infractions et les sanctions. L'Inspection du travail et de la sécurité sociale est chargée de contrôler son application et des plaintes peuvent être déposées. En outre, l'Agence espagnole de protection des données peut sanctionner les infractions à la protection des données.

Droit à l’information et la consultation dans la proposition de directive de la Commission européenne

En décembre 2021, la Commission européenne a proposé une série de mesures visant à améliorer les conditions de travail sur les plateformes. Les articles 6 et 9 de la directive proposée visent à favoriser le dialogue social sur l'utilisation d'algorithmes dans la gestion du travail en introduisant des droits collectifs en matière d'information et de consultation sur les changements substantiels liés à l'utilisation de systèmes automatisés de suivi et de prise de décisions (voir encadré 42). En outre, l'article 15 de la directive proposée exigerait que les plateformes de travail numériques créent des canaux de communication numériques sur lesquels les travailleurs des plateformes pourraient se contacter (voir encadré 42).

Encadré 42 : Transparence lors de l'utilisation d'algorithmes dans la gestion du travail et droits à l’information, la consultation et l'accès dans une proposition de nouvelle directive européenne 223

  • L'article 6 de la proposition de la Commission européenne demande aux plateformes de travail numériques d'informer les travailleurs des plateformes concernant l'utilisation et les principales caractéristiques des systèmes de surveillance automatisés.224 Ces informations devraient également être mises à la disposition des représentants des travailleurs des plateformes sur demande.

  • L'article 9, paragraphe 1, exige que les plateformes de travail numériques informent et consultent les représentants des travailleurs ou, en l'absence de représentants, les travailleurs de la plateforme eux-mêmes, concernant les décisions et l'utilisation d'algorithmes dans la gestion du travail - par exemple, si les plateformes de travail ont l'intention d'introduire de nouveaux systèmes automatisés de surveillance ou de prise de décision ou d'apporter des modifications substantielles à ces systèmes.

  • Compte tenu de la complexité de la matière, les représentants ou les travailleurs des plateformes concernés peuvent se faire assister par un expert de leur choix dans la mesure où cela leur est nécessaire pour examiner la matière qui fait l'objet de l'information et de la consultation et de se former un avis. Si une plateforme de travail numérique compte plus de 500 travailleurs dans un Etat membre, les frais de l'expert sont à la charge de la plateforme de travail numérique (art. 9 (3)).

  • L'article 10 garantit que les dispositions relatives à la transparence, au contrôle des personnes et au réexamen des articles 6, 7 et 8 - qui concernent le traitement des données à caractère personnel par des systèmes automatisés - s'appliquent également aux personnes effectuant un travail sur une plateforme et qui n'ont pas de contrat de travail ou de relation de travail, c'est-à-dire les travailleurs véritablement indépendants sur des plateformes de travail numériques (art. 10).

  • L'article 15 de la directive proposée exigerait des plateformes de travail numériques qu'elles créent des canaux de communication numériques sur lesquels les travailleurs des plateformes peuvent se contacter et être contactés par leurs représentants. Les plateformes numériques de travail doivent créer de tels canaux de communication au sein de leur infrastructure numérique ou par des moyens efficaces similaires, tout en s'abstenant d'accéder à ces communications ou de les surveiller. L'objectif est de garantir la possibilité pour les travailleurs de plateformes de se connaître et de communiquer entre eux, également en vue de défendre leurs intérêts, malgré l'absence d'un lieu de travail commun.

Tendances en matière de négociation collective dans l'économie des plateformes géolocalisées

Cette section présente les premières observations et tendances issues de l'analyse des conventions collectives identifiées dans l'économie des plateformes. Premièrement, on observe que les changements et conditions réglementaires et judiciaires peuvent déclencher la conclusion de conventions collectives dans l'économie des plateformes. Deuxièmement, on observe une tendance à conclure des accords plus élaborés et détaillés. En outre, les entreprises et les syndicats des plateformes ont commencé à expérimenter la conclusion d'accords sectoriels. Troisièmement, les syndicats ne sont pas les seuls à faire pression pour la conclusion d'accords collectifs de travail dans l'économie des plateformes. Dans au moins un pays, une entreprise de plateforme aurait approché des organisations syndicales pour conclure une convention collective. Quatrièmement, on peut observer une tendance parmi les plateformes internationales à exporter les pratiques de négociation d'un pays vers l'autre. Le tableau 2 donne un aperçu de ces premières tendances et observations et indique les pays dans lesquels elles peuvent être observées.

Tableau 2 : Premières observations et tendances

Observation 1 : Les changements réglementaires et judiciaires et les conditions du marché peuvent enclencher la conclusion de conventions collectives

La négociation collective ne surgit pas de l’isolement, mais elle est influencée et peut-être encouragée par les conditions et les développements réglementaires et judiciaires. Dans l'économie des plateformes, ceci est particulièrement explicite dans les discussions sur la classification des travailleurs et les droits nationaux correspondants à la négociation collective. L'introduction légale d'une présomption de relation de travail (en Espagne) ou l'octroi judiciaire d'une classification des travailleurs (au Royaume-Uni) peuvent réduire les obstacles juridiques à la négociation collective dans l'économie des plateformes. En outre, la négociation collective peut être soutenue par d'autres initiatives réglementaires. En Italie, le législateur a inclus les livreurs de nourriture dans la catégorie lavoro etero-organizzato. Les réglementations de l'État-providence et les partenaires commerciaux peuvent également favoriser l'application d'une convention collective dans certains pays. Au Danemark, c’est ainsi que se serait enclenchée la conclusion ou l'application de conventions collectives dans l'économie des plateformes pour améliorer l'accès au marché (Ilsøe et Larsen, 2021).

L’encadré 43 décrit plus en détail des exemples du Danemark, de l'Italie, de l'Espagne et du Royaume-Uni qui illustrent l'importance des conditions réglementaires pour initier et soutenir la négociation collective dans l'économie des plateformes.

Encadré 43 : Les changements réglementaires et judiciaires et les conditions du marché peuvent déclencher la conclusion de conventions collectives

  • En Espagne, en réponse à un arrêt de la Cour suprême sur le statut dans l’emploi des livreurs,225 les partenaires sociaux (du côté syndical, UGT et CCOO ; du côté des entreprises, CEOE et CEPYME) ont lancé le 28 octobre 2020 une table ronde de dialogue social qui s'est achevée en mars 2021, au cours de laquelle ils se sont mis d'accord sur le contenu de la loi 12/2021, qui établit une présomption réfutable d'emploi dans le domaine des plateformes de livraison numérique. Après une phase de transition, la loi est entrée en vigueur le 12 août 2021.226 Les livreurs sur applications étant considérés comme des salariés directs, ils seront inclus soit dans la convention collective de branche pour leur activité, soit dans celles négociées au niveau de l'entreprise. Les livreurs, qui seront officiellement classés comme des salariés, bénéficieront de tous les droits en matière de liberté syndicale et de négociation collective.

  • En 2021, la Cour suprême du Royaume-Uni a décidé que tous les chauffeurs Uber du Royaume-Uni seraient reclassés en tant que travailleurs (la troisième classification possible dans ce pays), ce qui leur donnerait le droit de recevoir une indemnité de congés payés et le salaire minimum national pour toutes les heures de connexion, ainsi que les droits collectifs de travail correspondants.227 Les principaux demandeurs étaient aussi les fondateurs de l'ADCU. Après le jugement, Uber a négocié un accord de reconnaissance dans lequel l’entreprise a reconnu le GMB comme le seul syndicat indépendant des chauffeurs Uber.

  • En Italie, en 2019, une modification législative a précisé que la loi sur les emplois s'étend aux travailleurs indépendants qui dépendent du client pour l'organisation de leur travail, y compris par le biais d'une plateforme (lavoro etero-organizzato).228 La protection de l'emploi et du travail s'appliquerait aux lavoratori etero-organizzati, également dans l'économie des plateformes, sauf dans les situations où une convention collective en dispose autrement. La modification règlementaire prévoit une phase de transition pour permettre aux partenaires sociaux de négocier des conventions collectives plus spécifiques pour les chauffeurs-livreurs travaillant sur des applications (Aloisi 2020). En novembre 2020, les syndicats CGIL, CISL, UIL et de nombreuses organisations d'employeurs (à l'exception d'AssoDelivery) ont signé un protocole d'accord qui, pour les chauffeurs-livreurs basés sur des applications, signifie que la convention sectorielle Logistique, transport, marchandises et expédition (CCNL) serait applicable si les travailleurs ne sont pas couverts par une convention collective plus spécifique.229 En conséquence de la nouvelle législation adoptée en 2019, les entreprises des plateformes peuvent être incitées à négocier des conventions collectives pour éviter l'application de certaines lois sur l'emploi et le travail (Aloisi et De Stefano 2020).

  • En réponse à l’amendement de la loi de 2019, l'organisation d'employeurs AssoDelivery a conclu une convention collective avec l'UGL. Toutefois, le ministère italien du Travail et les tribunaux de Bologne, Florence et Palerme ont rejeté la demande selon laquelle cette convention collective pouvait déroger à la législation sur l'emploi et le travail sur la base de la loi de 2019, car le syndicat signataire n'a pas une représentativité suffisante parmi les travailleurs des plateformes.230 Par ailleurs, après que Just Eat Takeway.com a quitté l'organisation patronale AssoDelivery, l’entreprise a conclu une convention collective avec la CGIL/CISL/UIL. Il a été convenu d'appliquer la convention sectorielle Logistique, transport, marchandises et expédition (CCNL) aux livreurs, et d'établir en outre une convention collective d'entreprise spécifique applicable aux livreurs salariés de Just Eat Takeaway.com.

  • Au Danemark, certaines grandes entreprises favoriseront peut-être l'application d'une convention collective par leurs partenaires commerciaux. On rapporte que l’entreprise de la plateforme Chabber (qui a des entreprises privées comme clients) avait peine à attirer de plus grandes entreprises comme clients tant que les conditions de salaire et de travail n'étaient pas conformes à l'accord sectoriel applicable. C'est pourquoi Chabber a adopté un modèle d'agence de travail temporaire qui lui permet de s'appuyer indirectement sur l'accord sectoriel (Ilsøe et Larsen 2021).

Observation 2 : Tendance vers des accords et expériences plus élaborés et détaillés au niveau sectoriel

Les conventions collectives conclues plus récemment font état d’une réglementation plus complète et plus élaborée et d’un champ thématique plus large que les toutes premières conventions collectives négociées dans l'économie des plateformes. Ce résultat est souvent obtenu par l’intégration des protocoles et accords thématiques existants entre les partenaires sociaux dans les conventions collectives nouvellement conclues dans l'économie des plateformes. Par exemple, la convention Dansk Erhverv-3F comporte des annexes de protocoles généraux sur "le travail de nuit et la surveillance de la santé" et "le développement des compétences et la formation", et la convention Foodora (Delivery Hero)-Swedish Transport Union comprend une annexe sectorielle détaillée sur "la gestion de la santé et de la sécurité au travail dans les entreprises du secteur des transports".

La tendance à conclure des conventions plus détaillées et plus élaborées s’illustre notamment par la longueur des textes : alors que l'accord Hilfr-3F (conclu en 2018) comptait 11 pages, l'accord sectoriel entre Dansk Erhverv et 3F (conclu en 2021) compte 89 pages et réglemente les conditions de travail et de rémunération de manière beaucoup plus détaillée et avec un champ thématique plus large.

En Espagne, une convention collective conclue fin 2021 contient des dispositions détaillées sur le rôle des représentants des travailleurs (comités d’entreprises) dans l'entreprise concernant les algorithmes utilisés pour la gestion du travail. On observe aussi que les partenaires sociaux ont commencé à expérimenter des accords sectoriels qui tendent à inclure des réglementations plus élaborées couvrant les conditions de travail avec des règles plus spécifiques. En Autriche, au Danemark et en Espagne, des conventions collectives sectorielles ont été conclues qui s'appliquent aux salariés du secteur de la livraison de nourriture par application. En outre, en Italie et en Suède, les accords conclus au niveau de l'entreprise complètent les conventions collectives sectorielles existantes, qui sont susceptibles d'inclure des réglementations plus élaborées et détaillées des conditions de travail.

Observation 3 : Les syndicats ou les entreprises des plateformes peuvent être à l'origine de la conclusion de conventions collectives

Les négociations de conventions collectives de travail dans l'économie des plateformes ont principalement été menées par les syndicats. En Norvège notamment, l'accord entre la plateforme de livraison de nourriture Foodora et le syndicat Fellesforbundet a été conclu après une grève des coursiers travaillant pour Foodora (Ilsøe et Jesnes 2020). Cependant, dans un pays en particulier, une entreprise des plateformes aurait pris l'initiative de négocier une convention collective. Il est intéressant de noter que les négociations de la convention Hilfr-3F ont débuté à l'initiative de la plateforme. Actuellement, le syndicat et la plateforme renégocient la convention dans le but de créer un accord sectoriel pour les plateformes de nettoyage (Ilsøe 2020).

Encadré 44 : L'entreprise des plateformes Hilfr a entamé des négociations pour une convention collective

Hilfr est une plateforme facilitant le nettoyage chez les particuliers, qui a été fondée en 2017. L'entreprise a démarré sur un modèle économique de freelance, mais a rapidement rencontré des difficultés à la fois sur le marché et par rapport à l'État-providence danois, qui privilégie l'application d'une convention collective (Ilsøe et Larsen, 2021). En conséquence, l’entreprise a approché le syndicat avec l'intention de s'engager dans la négociation d'un accord d'entreprise, mais le syndicat s'est montré hésitant au début. Cependant, le fait qu'il n'y ait pas d'accord sectoriel concurrent sur le marché a ouvert la voie à la participation de 3F aux négociations (Ilsøe et Larsen, 2021).

Observation 4 : Tendance des plateformes internationales à "exporter les expériences de négociation collective" d'un pays vers l'autre

Les entreprises internationales des plateformes tirent souvent des enseignements des expériences en matière de négociation collective et elles s’engagent par la suite dans des négociations collectives dans d'autres pays également. Par exemple, Foodora (filiale de Delivery Hero) a conclu sa première convention collective en Norvège (2019) et sa deuxième en Suède (2021), tandis que Just Eat Takeaway.com a participé à des négociations au niveau sectoriel au Danemark et, peu après, à des négociations au niveau de l'entreprise en Italie et en Espagne (les deux processus ont eu lieu en 2021). De 2021 à 2022, Just Eat Takeaway.com et ses filiales ont mené des négociations avec des organisations syndicales en Australie.

Pour Just Eat Takeaway.com et ses filiales, l'exportation des pratiques de négociation permet de recueillir des expériences et de tirer des enseignements des conventions collectives déjà conclues avant d’établir des relations de négociation collective dans d'autres pays.

Effets des conventions collectives couvrant les plateformes numériques de travail

Quels sont les effets des conventions collectives identifiées sur les conditions de travail et les salaires ?

Étant donné que la plupart des conventions collectives sont très récentes et que certaines ne sont pas encore entièrement mises en œuvre, il est difficile d'évaluer leurs effets dans la pratique. Seules quelques-unes de celles qui ont été identifiées ont une histoire de plusieurs années. Par conséquent, les rapports actuels sur leurs effets sont en grande partie basés sur les premières preuves anecdotiques. Au cours des années à venir et après la mise en œuvre des conventions collectives identifiées, des recherches et des études de cas supplémentaires seront nécessaires pour analyser plus en détail leurs effets sur les conditions de travail et de rémunération dans l'économie des plateformes.

Encadré 45 : Effets des conventions collectives sur les conditions de travail et les salaires

Au Danemark, la convention Hilfr a eu assez rapidement un effet sur les conditions de salaire et de travail sur les plateformes. Début 2019, plus d'un tiers des missions de nettoyage sur la plateforme étaient effectuées par des Super Hilfrs (Ilsøe 2020) et en 2021, cette part comportait deux tiers de toutes les missions (Ilsøe et Larsen, 2021). En outre, de nombreux Super Hilfrs ont fixé leur salaire horaire à un niveau supérieur au seuil minimal de 141 DKr (environ 19 €), ce qui indique que la convention a eu un effet positif sur les salaires (Ilsøe 2020).

En Autriche, certains chauffeurs-livreurs utilisant une application doivent choisir entre un contrat de travail avec l’entreprise de la plateforme Lieferando (Just Eat Takeaway.com) et l'application d'une convention collective ou d'un contrat de service indépendant avec l’entreprise des plateformes Mjam (Delivery Hero). La convention collective ne constitue qu'un plancher minimum que les entreprises des plateformes améliorent. Lieferando, par exemple, aurait proposé des salaires horaires plus élevés que ceux stipulés dans la convention collective et la plateforme Mjam offre une indemnité kilométrique révocable supérieure au taux fixé dans la convention collective si les conducteurs utilisent leur propre équipement (vélos). Les coursiers sont conscients des différences qui existent entre un contrat de travail et un contrat de service indépendant et l'analyse des raisons pour lesquelles les chauffeurs basés sur l'application choisissent l'une de ces deux options doit être approfondie.231

Combien de travailleurs sont couverts par des conventions collectives dans l'économie des plateformes ?

Des négociations collectives sont en cours dans l'économie des plateformes géolocalisées et un premier groupe de conventions collectives a été conclu dans différentes régions du monde. Toutefois, dans l'ensemble, ces conventions collectives ne s'appliquent actuellement qu'à un nombre limité de travailleurs de l'économie des plateformes géolocalisées.

Un total de 11 conventions collectives ont été identifiées dans huit pays qui s'appliquent aux travailleurs des plateformes qui sont salariés. Cependant, la plupart des travailleurs de plateforme sont classés comme entrepreneurs indépendants et non comme salariés et ne sont donc pas couverts par les conventions collectives identifiées. D'un point de vue global, le nombre croissant mais encore très faible de conventions collectives et la limitation des travailleurs dans leur relation d'emploi donnent une idée du rôle actuellement limité de la négociation collective pour réglementer les conditions de travail et de rémunération dans l'économie des plateformes.

Encadré 46 : Nombre de travailleurs des plateformes couverts par des conventions collectives

Delivery Hero (sa filiale Foodora a conclu des conventions collectives en Suède et en Norvège) indique qu'environ 6 pour cent (environ 2 000 salariés) de son personnel est couvert par des conventions collectives.232 Toutefois, ce chiffre comprend également les salariés de l'administration et du développement de produits pour Delivery Hero et pas seulement les chauffeurs-livreurs utilisant l'application.

Just Eat Takeaway.com annonce qu'il poursuit le déploiement d'un modèle de coursier salarié (Scoober), dans le cadre duquel les services seront fournis par des coursiers salariés par la plateforme ou recrutés par des agences. Le modèle de coursier salarié sera déployé dans plusieurs pays et l’entreprise de la plateforme prévoit d'embaucher plus de 50 000 coursiers par an sur une base continue, offrant diverses possibilités d'emploi – allant du travail flexible et à temps partiel au travail à temps plein.233 Just Eat Takeaway.com n'a pas conclu de convention collective dans tous les pays où elle opère. Mais en Autriche, en Italie et au Danemark, les conventions collectives identifiés s'appliqueraient à un nombre croissant de coursiers salariés par l'entreprise. En effet, les coûts de messagerie, qui comprennent les salaires et les dépenses en personnel des coursiers salariés de Just Eat Takeaway.com, ont augmenté au niveau mondial, passant de 181 millions d'euros (premier semestre 2020) à 1 022 millions d'euros pour la même période en 2021, ce qui donne une idée de l'expansion du modèle de coursier salarié ("Scoober ").234

L'avenir de la négociation collective dans l'économie des plateformes

Les organisations d'employeurs et de travailleurs ont lancé diverses initiatives à l'intention des travailleurs de différents secteurs de l'économie des plateformes (voir chapitre 2). Ces évolutions et le premier groupe de conventions collectives décrites dans la présente étude montrent le grand potentiel que recèle le dialogue social pour réglementer les conditions de travail et de rémunération dans les secteurs hétérogènes de l'économie des plateformes. Il est important de noter que la négociation collective est une forme de réglementation qui interagit avec d'autres types de réglementation et les complète, tels que les lois sur le travail, qui peuvent laisser plus ou moins d’espace à l'élaboration de règles par le biais de la négociation collective. Dans certains pays, les évolutions réglementaires et judiciaires ont facilité l'accès à la négociation collective pour les travailleurs de l'économie des plateformes et elles l’ont même soutenue. Ce qui a conduit, dans l'économie des plateformes géolocalisées, à un éloignement du modèle de l'entrepreneur au profit de celui de l'emploi et à la conclusion des premières conventions collectives dans l'économie des plateformes.

Conclusion

En bref, la présente étude montre que des actions collectives coordonnées (manifestations, grèves et déconnexions collectives), la création de nouvelles organisations de travailleurs et d'entreprises des plateformes, et même des négociations collectives ont lieu dans l'économie des plateformes géolocalisées. Les exemples présentés "depuis le terrain" proviennent de divers pays et montrent la nécessité et la motivation des travailleurs des plateformes géolocalisées à l’heure de se rassembler et de s'engager les uns avec les autres sous une forme ou une autre pour échanger leurs expériences professionnelles et améliorer leurs conditions de travail. Cependant, plusieurs des initiatives identifiées dans l'économie des plateformes présentent un caractère informel ou expérimental et se sont déroulées, dans une large mesure, en dehors des cadres de relations professionnelles existants dans les pays concernés.

Face à l'avenir, les expériences de terrain décrites dans cette étude montrent qu'il existe des moyens, notamment par le biais d'initiatives réglementaires, d'améliorer l'environnement favorable à la liberté syndicale et la négociation collective afin de concrétiser les opportunités de l'économie des plateformes. Les cadres législatifs nationaux devraient garantir aux travailleurs des plateformes le droit de s'organiser et de négocier collectivement, conformément aux normes de l'OIT. Ces droits sont reconnus, entre autres, dans les conventions fondamentales de l'OIT n° 87 et 98, et sont considérés par la Déclaration du Centenaire de l'OIT comme des droits habilitants pour la réalisation d'une croissance inclusive et durable.

Dans l'ensemble, les plateformes numériques de travail font partie de la diversité croissante des modalités de travail, qui offre des opportunités substantielles aux entreprises et aux travailleurs. Si la diversité des modalités de travail peut contribuer à améliorer l'accès au marché du travail, elle peut aussi accroître les inégalités. L'accès à la liberté syndicale et la reconnaissance effective du droit de négociation collective peuvent contribuer à garantir que les opportunités de l'économie des plateformes seront pleinement exploitées, tant au bénéfice des travailleurs qu’à celui des entreprises.

Les organisations de travailleurs, la négociation collective et d'autres efforts de dialogue social émergent dans l'économie des plateformes

Les chapitres précédents ont décrit comment les travailleurs des plateformes ont rejoint des groupes de médias sociaux, entre autres, motivés qu’ils sont pour améliorer leurs conditions de travail (chap. 1). Dans certains pays, les travailleurs des plateformes se sont engagés dans des actions collectives coordonnées, telles que des manifestations, des déconnexions collectives et des litiges stratégiques, pour exprimer leurs doléances, tandis que certains travailleurs des plateformes ont créé de nouvelles associations ou ont rejoint des syndicats déjà existants (chap. 2). Par ailleurs, dans l'économie des plateformes géolocalisées, un premier groupe de conventions collectives a été conclu (chap. 3).

Environ 85,7 pour cent des livreurs et 68,4 pour cent des chauffeurs de taxi utilisant une application ne connaissent pas d'organisation syndicale à laquelle ils pourraient adhérer.

Au lieu de cela, les exemples identifiés dans cette étude montrent que, pour diverses raisons, les travailleurs des plateformes sont plus susceptibles de s'organiser dans des groupes informels de travailleurs, comme sur Facebook ou WhatsApp ou dans d'autres groupes de médias sociaux.

Cependant, en l'absence de structures organisationnelles efficaces et d'une reconnaissance juridique suffisante, des questions subsistent quant à l'efficacité de ces groupes s’agissant d’obtenir des améliorations durables et significatives des conditions de travail.

Des groupes informels de travailleurs, des syndicats nouvellement créés, des syndicats déjà existants et des organisations d'employeurs ont pris des initiatives pour améliorer les conditions de travail dans l'économie des plateformes. Les auto-organisations de travailleurs sont principalement apparues dans les secteurs du covoiturage et de la livraison de nourriture, y compris parmi les travailleurs migrants. Il existe moins d'exemples d'organisation réussie dans les plateformes en ligne basées sur le web. En particulier dans les pays du Sud, bon nombre des initiatives décrites impliquent la création de groupes informels de travailleurs et les travailleurs des plateformes semblent s'appuyer principalement sur les manifestations et les grèves pour faire entendre leur voix. Certaines entreprises des plateformes se sont engagées unilatéralement à améliorer les conditions de travail ou à travailler avec les représentants des travailleurs.

Dans le Nord, en particulier, un certain nombre de conventions collectives ont été conclues par des syndicats déjà existants, qui s'appliquent principalement aux salariés du secteur de la livraison de nourriture en Europe. Nombre de ces conventions sont de nature expérimentale, cherchent à répondre aux spécificités des plateformes, et sont encore en cours d'application. Par conséquent, pour la plupart des conventions, il est trop tôt pour évaluer leur mise en œuvre et leurs effets. Outre la conclusion de conventions collectives, les syndicats déjà existants et les organisations de travailleurs de plateformes nouvellement créées ont conclu un certain nombre d'accords non contraignants, tels que des déclarations ou des codes de conduite avec les entreprises des plateformes (voir annexe).

La diversité de l'économie des plateformes : Les contributions du dialogue social et de la négociation collective

L'hétérogénéité évidente des plateformes de travail numériques, des tâches effectuées, des secteurs industriels concernés et des besoins des travailleurs indique qu'il ne peut y avoir de réponse réglementaire unique pour tous les types de travail effectués sur et par le biais de plateformes de travail à médiation numérique. Ceci augmente les contributions potentielles du dialogue social et de la négociation collective pour développer des solutions réactives et pragmatiques qui prennent en compte la diversité et les besoins spécifiques de l'économie des plateformes

La négociation collective présente certaines caractéristiques qui semblent bien répondre à la croissance rapide de l'économie des plateformes, à l'évolution continue de ses conditions techniques et organisationnelles et à son expansion dans de nouveaux secteurs industriels, ce qui se traduit par un large éventail d'opportunités et de défis. Premièrement, la légitimité s’accroît, car la réglementation par la négociation collective repose toujours sur la participation conjointe des employeurs ou des organisations d'employeurs, d'une part, et des organisations de travailleurs, d'autre part, à la négociation des conventions collectives. Ceci est particulièrement important dans les parties émergentes des marchés du travail, car la réglementation peut être de nature expérimentale et chercher à répondre aux spécificités de l'économie des plateformes. Deuxièmement, l'adaptabilité de la réglementation par le biais de la négociation collective permet une mise en place ou une renégociation rapide en cas de changements technologiques, économiques ou d'organisation du travail dans les nouveaux modèles économiques émergents. Troisièmement, la personnalisation ou l'orientation pratique de la négociation collective reflète les conditions particulières d'une industrie ou d'une profession dans l'économie des plateformes.235 Cependant, en tant qu'outil de régulation ascendante flexible et orienté vers la pratique, la négociation collective ne peut s'épanouir que dans un environnement juridique et institutionnel favorable.

Créer un environnement réglementaire favorable à la concrétisation des opportunités offertes par les plateformes numériques de travail

Lors de l'émergence de l'économie des plateformes, il a souvent été supposé qu'en raison des obstacles pratiques et des défis juridiques impliqués, l'organisation des travailleurs, les actions de groupe coordonnées et la négociation collective seraient presque impossibles. Les exemples nationaux décrits dans cette étude ont montré que ces préoccupations initiales ont pu être en partie exagérées et que la motivation des travailleurs des plateformes a le potentiel de surmonter ces obstacles et de leur permettre de s'engager collectivement. Cependant, plusieurs des initiatives identifiées ont, dans une large mesure, eu lieu en dehors des cadres traditionnels de relations professionnelles dans les pays concernés ou sont limitées dans leur portée aux salariés de l'économie des plateformes. À cet égard, il est important de rappeler que la plupart des entreprises des plateformes classent leurs travailleurs comme des entrepreneurs indépendants et non comme des salariés (De Groen et al. 2021 ; De Stefano et al. 2021a). Dans de nombreux pays, la classification légale des travailleurs de plateformes détermine s'ils ont accès à certains droits syndicaux, comme celui de participer à des négociations collectives.

Les initiatives réglementaires portent principalement sur les plateformes géolocalisées, sont souvent très récentes et toujours en cours

La Déclaration du centenaire de l'OIT appelle tous les Membres, avec le soutien de l'OIT, à "relever les défis et saisir les opportunités dans le monde du travail qui découlent des transformations associées aux technologies numériques, notamment le travail via des plateformes" et à élaborer "des politiques et des mesures permettant d’assurer une protection appropriée de la vie privée et des données personnelles."236

Dans plusieurs pays, la réglementation de l'économie émergente des plateformes est entourée d'une incertitude juridique, qui s'exprime dans diverses initiatives consultatives et législatives, mais aussi dans un grand nombre de décisions de justice. Plusieurs initiatives réglementaires traitent des conditions de travail et de la protection sociale dans les plateformes géolocalisées, en particulier en ce qui concerne les travailleurs des plateformes de livraison et de transport. Toute réglementation concernant les plateformes en ligne sur le web est confrontée au défi supplémentaire que constitue la dispersion des travailleurs dans différentes juridictions. Même si les initiatives réglementaires nationales ne font pas directement référence à la liberté syndicale et à la négociation collective, elles ont des effets sur ces droits lorsqu'elles affectent la classification des travailleurs, qui détermine souvent qui a accès à ces droits. Cependant, les étapes de la mise en œuvre des initiatives réglementaires nationales varient. La plupart des initiatives réglementaires sont très récentes et il n'y a pas encore de tendance claire à observer ; les développements ne sont pas terminés et sont très changeants.237

Les initiatives législatives actuelles portent sur un certain nombre de domaines réglementaires visant à améliorer les conditions de travail et à créer un environnement favorable à la liberté syndicale et à la négociation collective sur les plateformes numériques de travail. Par exemple, en décembre 2021, la Commission européenne a proposé un ensemble de mesures visant à améliorer les conditions de travail sur les plateformes numériques de travail.238 Le paquet réglementaire comprend une proposition visant à déterminer correctement le statut dans l’emploi des travailleurs sur les plateformes géolocalisées et en ligne à la lumière de leur relation réelle avec la plateforme de travail numérique ;239 il comprend aussi un projet de lignes directrices clarifiant l'application du droit européen de la concurrence aux conventions collectives des travailleurs indépendants sans salariés (voir encadré 40) ; et des droits d'accès numérique pour les travailleurs des plateformes et leurs organisations (voir encadré 42). Par ces mesures, la Commission européenne vise à améliorer les conditions de travail et la protection sociale des travailleurs des plateformes, à créer un environnement propice à une meilleure représentation, ainsi qu’à soutenir la négociation de conventions collectives.

Regarder vers l'avenir : l'importance croissante des plateformes numériques de travail

Le nombre de plateformes de travail numériques augmente régulièrement depuis des années et il est largement admis que l'économie des plateformes est susceptible de se développer encore à l'avenir. Les expériences vécues pendant la pandémie de COVID-19 devraient accélérer encore la numérisation et la croissance des plateformes numériques de travail sur le long terme. En outre, l'importance des plateformes numériques ne réside pas seulement dans son ampleur, mais aussi dans le fait qu'il s'agit d'un champ d'expérimentation pour les innovations technologiques et l'utilisation d'algorithmes dans la gestion des activités et du travail, qui s'étend au-delà des plateformes numériques et pénètre plusieurs secteurs traditionnels de l'économie.

Face à l'avenir, il est important de veiller à ce que les opportunités offertes par les plateformes numériques de travail se concrétisent tant pour les travailleurs que pour les entreprises. Les exemples identifiés dans différentes régions du monde et présentés dans cette étude, montrent que la négociation collective et d'autres formes de dialogue social peuvent avoir une valeur ajoutée pour négocier des solutions réactives et axées sur la pratique qui tiennent compte de l'hétérogénéité des plateformes. Ces exemples illustrent également des voies possibles pour les organisations d'employeurs et de travailleurs qui souhaitent renforcer la représentation, développer la négociation collective et favoriser un dialogue social inclusif dans l'économie des plateformes. Toutefois, en tant qu'outils de régulation ascendante flexible et orienté vers la pratique, la négociation collective et le dialogue social ne peuvent s'épanouir que dans un environnement juridique et institutionnel favorable.

Annexe

Un certain nombre d'accords, pour la plupart non contraignants, ont été conclus dans le cadre de l'économie des plateformes240

Outre la conclusion de conventions collectives, les entreprises de plateformes et les syndicats ont également conclu un certain nombre d'accords, de déclarations ou de codes de conduite, pour la plupart non contraignants, qui visent à promouvoir des normes de travail minimales dans l'économie des plateformes. Certains des accords les plus importants sont énumérés ci-dessous.

Encadré 47 : Accords et initiatives de dialogue social dans l'économie des plateformes

  • En Australie, en 2017, la plateforme de publication d'offres d'emploi Airtasker a conclu un accord avec Unions NSW, en vertu duquel l’entreprise de la plateforme s'est engagée à informer ses clients des taux de rémunération minimale accordés. L'accord a été salué par les médias comme "une première mondiale pour l’ « économie des petites tâches »" (Taylor 2017) bien que Unions NSW ait lui-même reconnu qu'il n'existait pas de mécanisme permettant de faire appliquer les barèmes salariaux recommandés et que l'accord ne pouvait s’appuyer sur la protection formelle des normes du travail. (Minter 2017; Johnston et Land-Kazlauskas 2018).

  • En Italie, en 2018, la "Charte des droits fondamentaux des travailleurs numériques dans un cadre urbain" a été signée par deux plateformes locales de livraison de nourriture, Sgnam et MyMenu, le maire de la ville, le tout nouveau Riders Union Bologna et des syndicats italiens.241 La charte contient des normes minimales sur les conditions de travail, comme la rémunération et les dispositions relatives au temps de travail, la santé et la sécurité, le droit d'être informé et la protection des données personnelles. La Charte n'est pas contraignante : seules les entreprises des plateformes qui la signent sur une base volontaire s'engagent à la respecter.

  • Au Kenya, en 2018, un protocole d'accord a été signé par les entreprises de covoiturage, divers groupes représentant les travailleurs et le ministère des Transports. L'accord a été signé après une grève des tarifs par les travailleurs d'Uber, Bolt (alors Taxify), Little Cabs et d'autres entreprises du secteur des taxis. L'accord aurait servi de base à d'autres engagements et à des négociations sur les salaires et le bien-être des travailleurs.242

  • Aux Pays-Bas, un accord de collaboration a été signé entre l'entreprise de plateforme Temper et le syndicat FNV en 2018.243 Cet accord n'est pas une convention collective traditionnelle, car il ne porte que sur la formation, les pensions et les assurances, et il est souvent évoqué dans le contexte de la négociation collective pour les travailleurs indépendants dans l'économie des plateformes. La réglementation néerlandaise permet certaines exemptions au droit de la concurrence, lorsqu'il s'agit de négociations collectives pour les indépendants. Cela a certainement facilité les négociations de l'accord de collaboration entre Temper et FNV.

  • En Espagne, les travailleurs des plateformes qui sont classés comme travailleurs autonomes économiquement dépendants ont la possibilité de négocier des accords d'intérêt professionnel ou des codes de bonnes pratiques. Ainsi, les plateformes et les associations de travailleurs autonomes ont conclu divers accords non contraignants. Il s'agit notamment d'un accord d'intérêt professionnel entre Deliveroo et l'organisation de travailleurs Association espagnole des coursiers (Asoriders), signé en 2018.244 En ce qui concerne les droits syndicaux, il reconnaît le droit de se réunir en assemblée à la demande des représentants autonomes des travailleurs économiquement dépendants et d'accomplir l'ensemble des tâches d'affiliation et d'information associative. L'article 25 crée un comité paritaire de suivi de l'accord, avec des fonctions d'interprétation de l'accord et de médiation dans les conflits individuels ou collectifs (art. 25 et suivants). De même, Sharing España, un groupe créé au sein de l'Association espagnole de l'économie numérique (Adigital), réunit différentes entreprises de l'économie collaborative et à la demande dans le but d'analyser et de diffuser l'impact que les modèles basés sur des plateformes ont sur le développement socio-économique et la durabilité. En 2018, un code de bonnes pratiques visant à promouvoir l'économie collaborative a été publié et signé par les entreprises membres.

  • En Suisse, en 2019, Mila AG (une plateforme de services de réparation et de technologie) et Syndicom (un syndicat des secteurs des médias et de la communication) ont négocié un code de conduite non contraignant,245 qui stipule que les tâches doivent être définies de manière claire et précise. L'entreprise de la plateforme s'engage à tenir compte des délais et des échéances exigés par le client afin que les commandes soient planifiées de manière réaliste et que les travailleurs de la plateforme et de l’économie des petites tâches disposent de suffisamment de temps pour les accomplir. Mila AG et Syndicom se rencontreront régulièrement, au moins une fois par an, pour échanger leurs positions et leurs opinions. Comme le code de conduite constitue un engagement volontaire de Mila AG uniquement, il ne s'applique pas en dehors de cette plateforme.

  • En République de Corée, en 2020, un accord a été signé sur le développement économique des plateformes et la garantie des droits et des intérêts des travailleurs des plateformes (traduction non officielle), axées sur le secteur de la livraison.246 L'accord porte sur les conditions de travail et la rémunération des chauffeurs-livreurs, ainsi que sur diverses questions relatives au secteur de la livraison, telles que la sécurité et la santé et le droit de former des syndicats.247 Les entreprises et les syndicats signataires sont tenus d’observer l'accord sur la base des principes de bonne volonté et s'efforcer d'atteindre des objectifs communs. En outre, il a été convenu que les entreprises de plateformes participantes et les syndicats doivent gérer un organe de consultation permanent pour maintenir, pratiquer et développer les objectifs et les principes de l'accord.

Nouveaux accords concernant le travail domestique, le COVID-19 et les travailleurs qui aident les influenceurs sur YouTube

Plusieurs des conventions collectives identifiées ont été conclues dans les secteurs du transport et de la livraison de nourriture. Cependant, le dialogue social ne se limite pas à ces secteurs dans l'économie des plateformes. L'encadré 48 présente un exemple d'accord s'appliquant aux travailleurs d'une plateforme de travail pour les services domestiques.

Encadré 48 : Accord pour les travailleurs d'une plateforme de travail domestique aux États-Unis

Aux États-Unis d'Amérique, le NDWA Gig Worker Advocates (affilié à l'Organisation nationale des travailleurs domestiques) a été fondé en 2020.248 En 2021, la NDWA a conclu un accord pilote avec la plateforme de nettoyage Handy. (Stylogiannis 2021). Handy est une plateforme en ligne qui permet de mettre en relation des nettoyeurs avec des personnes qui ont besoin de services à leur domicile. De nombreux travailleurs domestiques, y compris un grand nombre de ceux qui travaillent par le biais de la plateforme Handy, ne sont pas classés comme "salariés" en vertu de la loi fédérale ou de l'État.249

Le programme pilote de l'accord est appliqué en Floride, au Kentucky et en Indiana sur une période initiale de deux ans. La structure de l'accord n'équivaut pas à une négociation collective ; toutefois, il contient des dispositions importantes, notamment un salaire horaire minimum, des congés payés et une assurance contre les accidents du travail.250 En outre, un comité consultatif rencontrera régulièrement des représentants de l’entreprise de la plateforme afin d'apporter son expertise sur la qualité des emplois et l'expérience des travailleurs. Il est rapporté que le programme pilote est établi par un accord privé et exécutoire par le droit des contrats.251

La crise du COVID-19 a mis en évidence la vulnérabilité de certains travailleurs des plateformes. En réponse, les partenaires sociaux ont conclu des accords sur la fourniture d'EPI et certaines entreprises de plateformes se sont engagées à verser des fonds de pénibilité. L'encadré 49 donne deux exemples d'accords COVID-19 résultant du dialogue social en Australie et en Espagne.

Encadré 49 : Accords non enregistrés et codes de conduite négociés pendant la crise du COVID-19

  • En Australie, en 2020, le TWU a signé un accord avec l’entreprise de plateforme Door Dash sur les protections contre les virus pour les travailleurs de la livraison. Il s'agit d'un accord non enregistré portant principalement sur les protections COVID-19 pour les chauffeurs. DoorDash doit fournir des masques, du désinfectant pour les mains et des gants, ainsi qu'une aide financière aux personnes testées positives au COVID-19 ou celles qui doivent s'auto-isoler. La réponse du TWU-DoorDash au COVID-19 comprend également des engagements de la plateforme à s'engager de manière continue avec le TWU sur la base de sa " reconnaissance que la représentation collective des travailleurs par le biais d'un dialogue et d'un engagement réguliers avec le TWU est précieuse pour identifier, discuter et résoudre les questions d'intérêt général et spécifique et améliorer le travail de livraison de nourriture dans l'économie émergente des petits boulots... ". Dans le cadre de ce dialogue et de cet engagement permanents, DoorDash et le TWU s'engagent à aborder les risques et les défis émergents auxquels sont confrontés les travailleurs de la livraison pendant la pandémie et à l'avenir. "252

  • En Espagne, en 2020, le Code de principes et de bonnes pratiques des plateformes collaboratives a été signé par les plateformes de livraison (Glovo, Deliveroo, Uber Eats et Stuart) et les associations de livreurs (Asoriders, Association professionnelle des coursiers autonomes, Association des coursiers autonomes). L'accord repose sur les piliers suivants : santé et sécurité pendant la crise COVID-19, urgences météorologiques, transparence et dialogue permanent.253

Il existe un certain nombre d'autres accords qui ne visent pas les travailleurs de l'économie des plateformes en particulier, mais plutôt l'écosystème entourant le travail numérique (voir encadré 50).

Encadré 50 : Extension des conventions collectives aux travailleurs qui aident les influenceurs sur YouTube

En Suède, l’entreprise de gestion des talents United Screens (désormais Era), qui est un réseau YouTube et fournit des services aux influenceurs, a négocié avec le syndicat Unionen pour appliquer l'accord sectoriel pour les entreprises de médias (OIT 2021e). L'accord couvre les personnes qui aident les influenceurs, mais pas les influenceurs eux-mêmes, qui sont généralement des travailleurs indépendants

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Remerciements

La présente étude a été préparée par le groupe Négociations collectives et relations professionnelles du Service des marchés du travail inclusifs, des relations professionnelles et des conditions de travail (INWORK) du BIT. Felix Hadwiger a préparé l’étude, avec les conseils de María Luz Rodríguez Fernández et Christopher Land-Kazlauskas, sous la responsabilité de Philippe Marcadent, Chef d’INWORK.

Lors de la phase préparatoire de ce projet de recherche, des entretiens initiaux ont été menés avec des représentants d'organisations d'employeurs et de travailleurs et des experts du monde universitaire et de la société civile. Ils ont permis d'identifier les développements importants et les études de cas potentielles dans différentes régions du monde et d'orienter l'ensemble de la recherche. Nous tenons à remercier Bama Athreya (Open Society Foundations), Shawna Bader-Blau (Solidarity Center), Thomas Costa (Unions NSW), Michele Ford (Université de Sydney), Mary Gray (Microsoft Research), Mirko Herberg (Fondation Friedrich Ebert), Hannah Johnston (Northeastern University), Baker Khundakji (ITF), Luis Rodrigo Morales (OIE), Melisa Serrano (Université des Philippines), Valerio De Stefano (Osgoode Hall Law School), Roberto Suarez-Santos (OIE), Ruwan Subasinghe (ITF), Mac Urata (ITF), Jeffrey Vogt (Solidarity Center), Edlira Xhafa (Université de Kassel) et Rita Yip (OIE) pour leurs contributions et leurs conseils.

Les contributions aux différentes parties de l’étude ont été fournies par des spécialistes du BIT et des collaborateurs externes. Nous tenons à remercier Uma Rani et Nora Gobel (toutes deux du Département de la Recherche du BIT) pour avoir fourni l'analyse des données des sections sur les solidarités sur le lieu de travail du chapitre 1, qui ont été compilées à partir d'enquêtes nationales menées par le BIT, et pour leurs précieux conseils sur l'interprétation des résultats. L'analyse des évolutions réglementaires et judiciaires a fait l’objet d'une étude approfondie réalisée par Martin Gruber-Risak et Sophie Schwertner (tous deux de l'Université de Vienne). La description et l'analyse d'un premier groupe de conventions collectives dans l'économie des plateformes, présentées au chapitre 3, ont fait l’objet d’une étude approfondie et d'une révision par Anna Ilsøe (Université de Copenhague).

Les études de cas commandées par l'OIT décrivent comment les organisations d'employeurs et de travailleurs sont allées à la rencontre des travailleurs de l'économie des plateformes et comment ces travailleurs se sont autoorganisés en vue d'exercer une influence sur leurs conditions de travail. Les études de cas alimentent la présente étude dans différents chapitres et ont été élaborées par des experts locaux. En Australie elles ont été menées par Anthony Forsyth (RMIT University) ; au Chili par Pablo Zenteno Munoz et Felipe Labra (chercheurs indépendants) ; en Inde et au Nigeria (informations fournies par Uma Rani (BIT, Département de la Recherche) ; en Ukraine par Iryna Sakharuk (Shevchenko National University) ; et en Espagne par Henar Alvarez (Université de León). Au total, des entretiens avec une vingtaine d'informateurs nationaux, allant des travailleurs de la plateforme et des représentants d'organisations d'employeurs et de travailleurs aux chercheurs universitaires, ont été menés dans différents pays par les contributeurs à cette étude.

Nous tenons également à remercier nos collègues du BIT et d'autres experts pour leurs précieuses contributions à différentes parties du rapport. Nous remercions notamment Xavier Beaudonnet (BIT, LIBSYND) ; Magdalena Bober (BIT, ACT/EMP) ; Ariel Castro (BIT, ACTRAV) ; Naome Chakanya (BIT, ACTRAV-Turin) ; Karen Curtis (BIT, LIBSYND) ; Sean Cooney (Melbourne Law School) ; Diletta Gambaccini (consultant indépendant) ; Tess Hardy (Melbourne Law School) ; Susan Hayter (BIT, GOVERNANCE) ; Martine Humblet (BIT, INWORK) ; Mélanie Jeanroy (BIT, ACTRAV) ; Ambra Migliore (BIT, INWORK) ; Karol Muszyński (KU Leuven) ; Shae McCrystal (University de Sydney) ; Mélanie Jeanroy (BIT, ACTRAV) ; Konstantinos Papadakis (BIT, DIALOGUE) ; Rafael Peels (BIT, ACTRAV) ; Verena Schmidt (BIT, INWORK) ; Maria Sedlakova (BIT, GOVERNANCE) ; et Harry Stylogiannis (KU Leuven). Angélique Flores-Girod, Claire Piper et Kimberley Muller (BIT, INWORK) sont remerciées pour leur excellent travail de secrétariat.

Felix Hadwiger compte plus de dix ans d'expérience dans la recherche appliquée en matière de dialogue social et de relations professionnelles. Il a travaillé pour le Service des marchés du travail inclusifs, des relations professionnelles et des conditions de travail (INWORK) au BIT de 2019 à 2022 et il est conseiller d'un membre du Parlement allemand depuis 2022. Il est titulaire d'un doctorat en droit de l'Université de Hambourg (Allemagne), et d'une maîtrise en droit et économie de l'Université de Hambourg (Allemagne) et de l'Université de Bologne (Italie).

1

Voir, par exemple, les déclarations de plusieurs États Membres dans OIT, Procès-verbaux de la 341e session du Conseil d'administration du Bureau international du Travail, 2021 (GB.341/PV).

2

Para. II A (vi); voir également Déclaration de l'OIT sur la justice sociale pour une mondialisation équitable, 2008.

3

Le droit de négociation collective est inclus dans la Constitution de l'OIT (1919) et réaffirmé dans la Déclaration de Philadelphie (1944). Plus précisément, la Déclaration de Philadelphie reconnaît “l'obligation solennelle pour l'Organisation internationale du Travail de seconder la mise en œuvre, parmi les différentes nations du monde, de programmes propres à réaliser : ... la reconnaissance effective du droit de négociation collective…” et elle note que ce principe est “pleinement applicable à tous les peuples du monde". Pour un aperçu des observations et demandes directes de la CEACR sur l'application du droit de négociation collective, voir également l'encadré 3.

4

Comme le prévoient les conventions n° 87 et 98, les exceptions relatives à l'application de la liberté syndicale et de la reconnaissance effective du droit de négociation collective peuvent concerner les forces armées et la police. En outre, la convention n° 98 fait également référence aux fonctionnaires publics affectés à l'administration de l'État.

5

OIT, Résolution concernant la deuxième discussion récurrente sur les principes et droits fondamentaux au travail, Conférence internationale du travail,106th Session, 2017;et OIT, Résolution et conclusions concernant la deuxième discussion récurrente sur le dialogue social et le tripartisme, Conférence internationale du travail, 107e Session, 2018.

6

GB.335/INS/3 (Rev.).

7

GB.337/INS/2/;Ordre du jour de la Conférence internationale du Travail : Ordre du jour des futures sessions de la Conférence et GB.341/INS/3/1(Rev.2).

8

Conférence internationale du Travail, 109e session, 2021.

9

GB.323/POL/3.

10

Dans l'Union européenne, le nombre total de personnes travaillant plus souvent qu'une fois par mois sur des plateformes numériques était estimé à 28,3 millions en 2021. Selon les prévisions, ce nombre devrait atteindre environ 43 millions d'ici 2025;voir PPMi, "Study to Support the Impact Assessment of an EU Initiative on Improving the Working Conditions of Platform Workers“ (Commission européenne, 2021).

11

Afin de simplifier le texte, le terme "travailleurs” est utilisé pour désigner toutes les personnes ayant un emploi à l'exception des employeurs, y compris les salariés, les travailleurs indépendants sans salariés, les entrepreneurs dépendants et les travailleurs familiaux.

12

Sur les plateformes en ligne, environ un tiers des personnes interrogées dans le cadre d'une enquête de l'OIT ont répondu que le travail sur les plateformes constituait leur principale source de revenus, en particulier dans les pays en développement (44 pour cent) et surtout chez les femmes. La proportion était particulièrement élevée pour les personnes engagées sur des plateformes de travailleurs contractuels (59 pour cent) (OIT 2021a). La situation des travailleurs sur les plateformes de services de taxi et de livraison était très différente, puisqu’environ 90 pour cent des personnes interrogées ont déclaré que le travail sur les plateformes était leur principale source de revenus, et ce, dans l’ensemble des pays (OIT 2021a).

13

En outre, dans de nombreux pays, la négociation collective des travailleurs indépendants peut être entravée par des restrictions du droit de la concurrence (De Stefano et Aloisi 2019). À cet égard, le projet de directives de l'UE constitue une initiative réglementaire de premier plan visant à garantir l'harmonisation du droit de la concurrence avec le droit à la négociation collective pour certains groupes de travailleurs indépendants (voir encadré 40).

14

OIT, Promouvoir l'emploi et le travail décent dans un monde en mutation : Rapport de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations (articles 19, 22 et 35 de la Constitution) (Rapport III (Partie B), CIT109/III(B), 2020.

15

Pour de plus amples informations sur le rôle, la composition et la portée juridique des décisions du CFA, voir OIT - La liberté syndicale - Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, Sixième édition, 2018.

16

OIT, "Demande directe (CEACR) - adoptée 2019, publiée 109e session de la CIT (2021) : Convention (n°98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949 - Belgique (Ratification : 1953)".

17

OIT, "Observation (CEACR) - adoptée 2017, publiée 107e session de la CIT (2018) : Convention (n°98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949 - Pays-Bas (Ratification : 1993)".

18

OIT, "Cas individuel (CAS) - Discussion : 2016, Publication : 105e session de la CIT (2016) : Convention (n°98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949 - Irlande (Ratification : 1955)".

19

Voir OIT, 376e rapport du Comité de la liberté syndicale, GB.325/INS/12, 2015, par. 351 (b);et OIT, 363e Rapport du Comité de la liberté syndicale, GB.313/INS/9, 2012, par. 467 (e).

20

L'enquête a été menée par le Département de la recherche de l'OIT et les données comprennent les observations de 2 077 répondants travailleurs de taxi basés sur des applications (Chili, Ghana, Inde, Indonésie, Kenya, Liban, Mexique, Maroc et Ukraine) ; 1 864 répondants travailleurs de taxi traditionnels (Chili, Ghana, Inde, Indonésie, Kenya, Liban, Mexique, Maroc et Ukraine) ; 2 451 répondants livreurs utilisant des applications (Argentine, Chili, Ghana, Inde, Indonésie, Kenya, Liban, Mexique, Maroc et Ukraine) ; et 347 répondants livreurs traditionnels (Chili, Inde, Kenya et Liban).

21

Pour de plus amples détails sur les données d'enquête analysées, voir OIT, "Emploi et questions sociales dans le monde 2021 – Annexes”.

22

L'interprétation des résultats présentés à partir des enquêtes par pays est soumise à certaines limitations. Premièrement, l'échantillon des répondants varie d'un pays à l'autre et deuxièmement, les mécanismes institutionnels de ces pays sont également variés. Pour certaines des questions, ces deux facteurs entraînent des variations substantielles des résultats entre les pays. Cela indique l'importance des circonstances propres à chaque pays, qui ne peuvent pas toujours être présentées dans le cadre du présent rapport.

23

Le terme "association" est utilisé dans le présent rapport pour décrire les groupes de travailleurs, quel que soit leur type, avec ou sans statut officiel de syndicat.

24

Le nombre d'affiliations syndicales des chauffeurs de taxi et des livreurs utilisant une application est faible et les moyennes internationales sont déterminées par des pays transmettant des valeurs aberrantes. Au niveau international, cela limite les possibilités de fournir des pourcentages comparatifs entre les affiliations syndicales des chauffeurs de taxi et des livreurs utilisant une application et celles des chauffeurs de taxi et des livreurs traditionnels. Par conséquent, l'analyse se limite à des comparaisons entre pays individuels.

25

Les enquêtes par pays n'ont pas posé de questions sur les raisons de ne pas adhérer à un syndicat, même lorsque des répondants ont déclaré connaître l'existence d'une organisation en particulier.

26

Cette observation est vraie pour tous les pays de l'échantillon analysé, à l'exception du Mexique. Au Mexique, les livreurs basés sur l'application sont plus nombreux que les chauffeurs de taxi dans la même situation à déclarer être membres d'un syndicat. Cependant, dans l'ensemble, les taux d'affiliation syndicale déclarés pour les travailleurs basés sur une application sont très faibles dans le pays.

27

Ce constat général exclut les observations faites au Liban, où presque tous les chauffeurs qui conservent leur immatriculation légale sont de facto membres d'un syndicat et où l'appartenance à un syndicat est une condition préalable à certaines procédures officielles qui sont presque toujours obligatoires lors des contrôles routiers. Toutefois, seule une minorité de travailleurs ont signalé une amélioration de leurs conditions de travail après avoir adhéré à un syndicat et la syndicalisation n’est pas encore avérée comme moteur de l'amélioration des conditions de travail (Yassin et Rani, à paraître).

28

Les raisons sous-jacentes expliquant les taux d'affiliation syndicale différents des chauffeurs de taxi et des livreurs traditionnels dans les différents pays dépassent le cadre du présent rapport. Cependant, les différences de taux peuvent être dues à des facteurs spécifiques à chaque pays, tels que des restrictions imposées à la liberté syndicale ou des exigences d'enregistrement obligatoire pour les chauffeurs de taxi et les livreurs.

29

Les personnes interrogées ont indiqué que les groupes fournissent également d'autres types d'informations, telles que des informations sur la santé physique des livreurs à vélo, les documents relatifs à l’immigration ou au statut d’immigrant, les vols et les agressions, ou les prix du carburant.

30

Au Liban, de nombreux livreurs utilisant l'application ont indiqué que Facebook, WhatsApp ou d'autres groupes de médias sociaux étaient utilisés pour recevoir des instructions des chefs d'équipe ou pour coordonner le travail.

31

Pour plus de détails sur les données d'enquête analysées, voir OIT, Emploi et questions sociales dans le monde – Tendances 2021 – Annexes.

32

Etude de cas réalisée par Anthony Forsyth (RMIT University) en septembre-octobre 2021.

33

Etude de cas réalisée par Pablo Zenteno Munoz et Felipe Labra (chercheurs indépendants) de juillet à octobre 2021.

34

Informations fournies par Uma Rani, du Département de la Recherche du BIT, qui a mené une étude de cas sur l'économie des plates-formes dans ce pays en 2021-22.

35

Informations fournies par Uma Rani, du Département de la Recherche du BIT, qui a mené une étude de cas sur l'économie des plates-formes dans ce pays en 2021-22.

36

Etude de cas réalisée par Iryna Sakharuk (Université nationale Taras-Chevtchenko) de juillet à octobre 2021.

37

Etude de cas réalisée par Henar Alvarez (Université de León) de juin à août 2021.

38

Étude de cas commandée par l'OIT au Chili.

39

L'article 5 de la convention (n° 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971, précise que des mesures devront être prises, chaque fois qu’il y a lieu, pour garantir que l'existence de représentants élus ne puisse servir à affaiblir la situation des syndicats intéressés ou de leurs représentants, et pour encourager la coopération, sur toutes les questions pertinentes, entre les représentants élus, d’une part, et les syndicats intéressés et leurs représentants, d’autre part.

40

Les exemples de l’encadré 5 se concentrent sur l'émergence de nouvelles organisations de travailleurs, tandis que ceux de l’encadré 6 se concentrent sur les actions des syndicats déjà existants. Cependant, certains des exemples nationaux peuvent inclure des éléments qui se chevauchent entre les encadrés.

41

https://rdn.org.au/.

42

https://www.cut.org.br/noticias/motoristas-de-aplicativos-do-rs-paralisam-e-cobram-reajuste-das-tarifas-ccd3.

43

https://ro.cut.org.br/noticias/criacao-do-sindicato-dos-motorista-de-aplicativos-ae91.

44

Étude de cas au Chili ; informations tirées d'entretiens avec des experts.

45

Observatorio de Plataformas Ecuador et FrenApp Ecuador.

46

Observatorio de Plataformas Peru .

47

Tata Shoshiashvili, "Georgian Couriers Vow to Create 'Gig Economy Union' following Glovo Strike", OC Media, 18 mai 2021.

48

Karen Hao et Nadine Freischlad, "The Gig Workers Fighting Back against the Algorithms", MIT Technology Review, 21 avril 2022.

49

https://pedpa.org/aims-and-objectives/.

50

https://www.ridersxderechos.org/

51

https://intersindical.org/

52

https://iac.cat/

53

https://repartidoresunidos.org/

54

Pía Mesa, "Repartidores de Pedidos Ya reclamaron por 'malas' condiciones de trabajo y llegaron a un acuerdo", El País, 29 novembre 2019.

55

Pía Mesa, "Fallo inédito en Uruguay : Justicia considera trabajador dependiente a chofer de Uber", El País, 13 novembre 2019.

56

https://www.facebook.com/gtuc.ge/photos/a.10151844602183073/10158400475413073/

57

Social Justice Center, "Fair Labor Platform Supports Demands of Striking Glovo Workers", 5 février 2021.

58

Étude de cas commandée par l'OIT au Nigeria.

59

Étude de cas commandée par l'OIT en Espagne.

60

Syndicat SIT, "Livraison de repas à domicile. Feu vert pour sauver les emplois !", communiqué de presse, 25 juin 2021.

61

Fédération des syndicats d'Ukraine, "About the Strategy of the Federation of Trade Unions of Ukraine for 2021-2026: Time for Action and Qualitative Changes, 25 mai 2021.

62

Étude de cas commandée par l'OIT en Inde.

63

ITF, « Indian Federation of App-based Transport workers launched in Mumbai » communiqué de presse, 23 décembre 2019.

64

The Times of India, "Cab drivers, delivery workers to protest on Wenesday in Delhi", 5 août 2020.

65

The Leaflet, "Petition in SC seeking social security benefits for Uber, Ola, Swiggy, Zomato".

66

CIS, "IFAT and ITF – Protecting Workers in the Digital Platform Economy : Investigating Ola and Uber Drivers’ Occupational Health and Safety", communiqué de presse, 25 août 2020.

67

https://twitter.com/moneycontrolcom/status/1451098440444772361.

68

Étude de cas commandée par l'OIT au Chili.

69

Le "directeur national" au sein de la Central Unitaria de Trabajadores de Chile représente un groupe de 45 personnes élues pour former le Conseil national de la CUT. Le Comité exécutif de ce Conseil, composé de neuf postes, dont celui du Président, est élu parmi les membres du Conseil.

70

Plus tard, un autre changement dans la structure d'organisation du travail de l’entreprise de la plateforme a entraîné une forte réduction du nombre d’acheteurs et la dissolution de l'organisation Shoppers Unidos ; étude de cas commandée par l'OIT au Chili.

71

Les organisations d'employeurs et de travailleurs ont le droit de créer des organisations sans autorisation préalable. Si certaines formalités d'enregistrement peuvent être compatibles avec ce principe, il faut veiller à ce qu'elles ne portent pas atteinte au droit à la liberté syndicale ; pour plus de détails, voir OIT (à paraître).

72

Étude de cas commandée par l'OIT en Ukraine.

73

Voir, par exemple, Fairwork, "Fairwork Germany Ratings 2021 : Labour Standards in the Platform Economy", 2021.

74

Étude de cas commandée par l'OIT en Australie.

75

TWU, "Deliveroo Health and Safety Reps Elected in Industry First", 27 janvier 2021.

76

www.vida.at/cms/S03/S03_0.a/1342577497037/home/artikel/betriebsrat-fuer-fahrradzustell .

dienst-foodora .

77

Maxime Samain, "Deliveroo Belgique organise sa propre concertation sociale", L'Echo, 28 septembre 2021.

78

Netzpolitik.org, "Lieferando und seine Betriebsräte", 2 août 2021.

79

Taz, "Ausgelieferte Mitarbeiter", 17 avril 2020.

80

Tagesspiegel, Décision du tribunal à Berlin : Les élections du comité d'entreprise chez les Gorilles peuvent avoir lieu, 17 novembre 2021.

81

http://foodoraklubben.com/about-us/.

82

https://youtubersunion.org/content/goals.

83

Les clients mystères se rendent incognito dans des magasins, des hôtels, etc. et évaluent la qualité du service offert.

84

https://fairtube.info/en/seite/for-platform-operators-and-clients/

85

Cherniivaskyi, Viktor, "Rapport de la Guilde des spécialistes en informatique", 2021.

86

https://t.me/itguildukraine?fbclid=IwAR0p0l0tqRzcV1JKXlvr_e_6E_aMeZKVwbMYVOhA6yDoeWETwM8q1ymQtnM .

87

Étude de cas commandée par l'OIT en Ukraine.

88

https://www.facebook.com/groups/be.free.ua

89

M.A. Ruiz Coll, "GT crea un sindicato de 'influencers' para exigir a YouTube "condiciones dignas de trabajo"", El Espanol, 24 novembre 2021.

90

Delivery Riders Alliance, "Snapshot : On-Demand Food Delivery Riders".

91

Voir aussi James (2020)qui résume les soumissions à l'enquête Victorian On-Demand concernant la position des travailleurs migrants des plateformes.

92

https://www.migrantworkers.org.au/.

93

Occhiuzzi, Tys (2021) : «  Migrants employees are stuck in a « race to the bottom » when it comes to precarious contract work” SBS News, 13 avril 2021.

94

Étude de cas commandée par l'OIT au Chili.

95

Étude de cas commandée par l'OIT en Espagne ; entretiens avec des experts.

96

Étude de cas commandée par l'OIT en Ukraine ; voir aussi Aleksynska (2021).

97

Centre for Employment Relations, Innovation and Change of the Leeds University Business School, "Leeds Index of Platform Labour Protest", 2019.

98

Dans l'ensemble, l'indice de Leeds sur les protestations des travailleurs des plateformes a recensé 1 271 cas de protestations de travailleurs au cours de la période allant de janvier 2017 à juillet 2020 (Bessa et al. 2022).

99

https://www.facebook.com/groups/rsdu.au/ ; et http://ridesharedriversunited.com.

100

ABC New, Daniel Ziffer et Dona Malaish, " Uber Drivers Stage Global Protest Over Pay and Conditions ", 8 mai 2019.

101

https://twitter.com/InvSyndicat

102

Agenda.ge, " Delivery company Glovo Couriers Hold Rally Demanding Better Working Conditions", 29 janvier 2021.

103

Shota Kincha, Les coursiers de Bolt Food en grève à Tbilissi. OC Media, 24 mars 2021.

104

Brave New Europe, Gig Economy Project – Greece: E-food concedes to riders demands in “huge victory”, 24 septembre 2021.

105

Laura Westbrook, "What Caused Hong Kong's Foodpanda Riders to Go on Strike? Long Waiting times, Pay Cuts and Order System Among Grievances", South China Morning Post, 16 novembre 2021 ; Rachel Yeo, "Foodpanda Accuses Striking Hong Kong Workers of Interfering in Others' Deliveries, as Riders Protest against Pay Cuts", South China Morning Post, 14 novembre 2021.

106

Sangeetha Chengappa et Mamuni Das, "Karnataka Cab Driver's Suicide Puts Ola, Uber Pricing Under", Business Line, 2 avril 2021.

107

El Financiero, "¿Adiós comida a domicilio ? Repartidores de Rappi, Uber y DiDi convocan a paro", 20 octobre 2021.

108

Business and Human Rights Resource Centre, "Nigeria : Uber & Bolt Drivers Protest Low Pay & Killings", 23 septembre 2021.

109

Détenu conjointement par la plus grande banque d'État de la Fédération de Russie, Sberbank, et l'une de ses plus grandes sociétés internet, Mail.Ru.

110

Fred Weir, "As Food Delivery Booms in Russia, Couriers Try a Soviet-era Tactic : A Union", Christian Science Monitor, 26 janvier 2021.

111

https://t.me/courier_fight .

112

https://www.ridersxderechos.org/

113

https://intersindical.org/

114

https://iac.cat/

115

Étude de cas commandée par l'OIT en Espagne.

116

NIUS, "Más de 2.000 'riders' reclaman al Gobierno poder elegir ser asalariado o autónomo", 3 mars 2021.

117

Josep Catà Figuls, "Los repartidores en supermercados de Glovo van a la huelga para pedir contrataciones", 27 août 2021.

118

Ntando Thukwana, "Some Uber and Bolt Drivers Continue to Strike", Business Insider South Africa, 10 mars 2021.

119

Bohdan Tytski, 2019. "Pourquoi les coursiers de Glovo protestent à Kiev", 20 août 2019.

120

ETF, "New Forms of Employment in the Eastern Partnership Countries : Platform Work - Moldova", 2021.

121

https://rev.org.ua/glovo-protest-globalizuyetsya-i-shukaye-novix-form/

122

https://www.facebook.com/VitaliyBear3/videos/2390841790954671/

123

https://dumskaya.net/news/v-odesse-bastuyut-kurery-sluzhb-dostavki-glovo-i-125815//?setua=1

124

https://twitter.com/TowardsFairWork/status/1443894739791753217

125

Étude de cas commandée par l'OIT en Ukraine.

126

Soumyarendra Barik, "Exclusif : Urban Company's Women Workers Strike against Alleged Exploitation", Entrackr, 8 octobre 2021.

127

John Sarkar, Women Workers Go on Strike at Urban Co, The Times of India, 11 octobre 2021.

128

Himanshi Dhawan, "How Workers Are Taking on Gig Giants, One Tweet at a Time", The Times of India, 17 octobre 2021.

129

Par exemple, dans l'étude de cas commandée par l'OIT en Espagne.

130

Étude de cas commandée par l'OIT en Espagne.

131

En outre, les défis découlant de la technologie et de l'utilisation d'algorithmes dans la gestion du travail peuvent motiver les protestations des travailleurs de l'économie de plateforme. Il peut s'agir de désactivations automatisées de comptes, de prises de décision non transparentes et de pressions créées par des systèmes de notation (Amorim et Moda 2020 ; Anwar et Graham 2020). Cependant, l'indice de protestation des travailleurs de l'économie des plateformes de Leeds indique que les questions relatives au fonctionnement des algorithmes ne sont pas au centre de la plupart des protestations des travailleurs de l'économie des plateformes (Bessa et al. 2022).

132

AIL, "Nace Unidapp, el Sindicato de los Trabajadores de Plataformas en Colombia", 8 octobre 2020.

133

Étude de cas commandée par l'OIT en Inde.

134

Gessani Forner, "Riders de Glovo de Barcelona se plantan contra el algoritmo de subasta a la baja", El Salto Twitch, 18 août 2021.

135

Étude de cas commandée par l'OIT en Espagne ; entretien avec un membre de RidersxDerechos.

136

Ben Quinn, "Uber UK Strike : Users Urged not to Cross 'Digital Picket Line' ", The Guardian, 9 octobre 2018.

137

Lauren Kaori Gurley, "Instacart Workers Are Asking Users to #DeleteInstacart", Vice.com, 20 septembre 2021.

138

Étude de cas commandée par l'OIT au Chili.

139

Gabriel Geiger, "Gorillas Delivery App Fires Workers for Striking", Vice.com. 5 octobre 2021.

140

Étude de cas commandée par l'OIT au Nigeria.

141

Étude de cas commandée par l'OIT en Ukraine ; entretiens avec des travailleurs et des experts.

142

Voir également Bessa et al. 2022.

143

Arrêt de la Haute Cour de justice du Brésil concernant les chauffeurs Uber, 28 août 2019.

144

Enregistrements de l'Inspecció de Treball de València du 19 décembre 2017 (référence n° 462017008125108), de Madrid du 25 janvier 2018 (enregistrement du règlement de la dette n° 282017008267948) ou de Barcelone du 2 juillet 2018.

145

Entre autres, arrêts du tribunal du travail n° 6 de Valence du 1er juin 2018 (Roj2892/2019) et du 10 juin 2019 (Roj2892/2019) ; arrêt du tribunal du travail n° 11 de Barcelone du 29 mai 2018 (Roj 2390/2018) ; arrêt du tribunal du travail n° 1 de Gijón du 20 février 2019 (Roj280/2019) ; arrêt du tribunal du travail n° 31 de Barcelone du 11 juin 2019 (Roj 2253/2019) ; arrêt du tribunal du travail n° 31 de Barcelone du 18 novembre 2020 (Roj 5102/2020) ; arrêt du tribunal du travail n° 24 de Barcelone du 18 novembre 2020 (Roj 5102/2020) ; arrêt de tribunal du travail de Barcelone du 18 novembre 2020 (Roj 5102/2020) ; arrêt du tribunal du travail n° 31 de Barcelone du 11 juin 2019 (Roj2253/2019) ; arrêt du tribunal du travail n° 24 de Barcelone du 18 novembre 2020 (Roj5102/2020) ; arrêt du tribunal du travail n° 33 de Madrid du 11 février 2019 (Roj279/2019) ; arrêt du tribunal du travail n° 2 de Saragosse du 27 avril 2020 (Roj 279/2019) ; arrêt du tribunal du travail n° 2 de Saragosse du 27 avril 2020 (5102/2020) ; arrêt du tribunal du travail nº 1 de Gijón du 20 février 2019 (Roj 280/2019). arrêt du tribunal du travail nº 2 de Saragosse du 27 avril 2020 (Roj 31/2020) ; arrêt du Tribunal supérieur de justice des Asturies du 25 juillet 2019 (pourvoi nº. 0001143/201) ; décision du Tribunal supérieur de justice de Madrid des 27 novembre et 18 décembre 2019 (recours n° 588/2019 et 714/2019) et du 17 janvier 2020 (recours n° 1323/2019) ; décision du Tribunal supérieur de justice de Madrid des 27 novembre et 18 décembre 2019 (appels n° 588/2019 et 714/2019) et du 17 janvier 2020 (appel n° 1323/2019) ; décision du tribunal supérieur de justice de Catalogne des 7 et 12 mai, 11 juin et 22 septembre 2020 (recours n° 5647/2019, 6774/2019, 599/2020, 899/2020) ; et décision du tribunal supérieur de justice de Castille-et-León/Valladolid du 17 février 2020 (recours n° 2253/2019).

146

Entre autres, décision du tribunal du travail n° 39 de Madrid du 3 septembre 2018 (Roj3042/2018) ; décision du tribunal du travail n° 17 de Madrid du 11 janvier 2019 (Roj 269/2019) ; décision du tribunal du travail n° 24 de Barcelone du 21 mai 2019 (Roj 2931/2019) ; décision du tribunal du travail n° 1 de Salamanque du 14 juin 2019 (Roj 2893/2019) ; et décision du tribunal supérieur de justice de Madrid du 19 septembre 2019 (appel n° 715/2019).

147

La Central Unitaria de Trabajadores est la confédération syndicale la plus représentative du pays.

148

Mesa, 13 novembre 2019.

149

Stephanie Palmer-Derrien, "Family of Killed Uber Eats Rider Files Workers' Comp Claim, in What Could Be a Landmark Test Case for the Gig Economy", Smart Company, 10 décembre 2020.

150

Hessisches Landesarbeitsgericht, 14 Sa 306/20 et 14 Sa 1158/20.

151

Yatti Soni, "Indian Federation of App-based Transport Workers files PIL seeking social security benefits", Business Line, 22 septembre 2021.

152

Robert Booth, "Ex-Uber Driver Takes Legal Action Over 'Racist' Face-Recognition Software", The Guardian, 5 octobre 2021.

153

https://rsdaa.org.au/

154

Étude de cas commandée par l'OIT en Australie.

155

Étude de cas commandée par l'OIT au Chili ; entretiens avec des experts.

156

Cedi Dollar, "'Gig Economy Platforms' Create about 100,000 Jobs - Report", 6 décembre 2021.

157

David J. Pryzbylski, "Giggity Giggity : Gig Economy Workers Launch Unionization Effort", 6 août 2021, btlaw.com.

158

Ces dernières années, on a assisté à l'émergence de plateformes numériques mettant en relation des travailleurs et des ménages, telles que UberCare et Better Caring, qui se spécialisent dans les soins personnels aux personnes âgées, Mynder et Find-A-Babysitter, qui se concentrent sur le baby-sitting et la garde d'enfants, et Care.com, une plateforme mondiale basée aux États-Unis et présente dans plus de 20 pays, qui propose une gamme de services domestiques et de soins en Australie. (Flanagan 2019).

159

https://de-de.facebook.com/groups/188425622032569/about/

160

https://www.crowdsourcingverband.de

161

https://assodelivery.it/

162

https://www.opwak.or.ke/

163

https://www.adigital.org/

164

https://www.unizo.be/

165

https://www.federation-auto-entrepreneur.fr/fondamentaux-priorites-fnae

166

https://www.ipse.co.uk/

167

https://www.freelancersunion.org/

168

https://www.indisa.es/al-dia/comunicado-asociacion-plataformas-servicios-bajo-demanda-aps-ley

169

Étude de cas commandée par l'OIT au Chili ; entretiens avec des représentants des entreprises des plateformes et analyse des déclarations publiques disponibles.

170

Voir, par exemple, https://www.adigital.org/adigital/plataformas-digitales-delivery-708-millones-euros-pib-espanol/

171

https://www.aigroup.com.au/sectors-and-advocacy/gig--platform/

172

Réponse autorégulatrice à l'incidence croissante des décès de coursiers, ces Principes se sont conclus par la déclaration suivante, clairement destinée à garantir que toute mesure prise par les plateformes pour améliorer la sécurité des coursiers ne mettrait pas en péril le modèle contractuel des plateformes : "L’engagement envers ces principes va de pair avec la reconnaissance que les travailleurs du secteur de la livraison de nourriture apprécient grandement la flexibilité de l'activité dans ce secteur, y compris la liberté de choisir quand et où ils travaillent, combien de temps ils travaillent, ou de ne pas travailler lorsque cela ne convient pas à leur situation personnelle. Lorsqu'ils travaillent, ils peuvent se connecter à plusieurs plateformes de livraison de nourriture à la fois et choisir d'accepter ou de refuser des commandes à n'importe quelle étape du processus de livraison, y compris se désengager d'une commande s'ils ne se sentent pas en sécurité. Dans certaines circonstances, ils peuvent déléguer leur compte à d'autres personnes et conclure des accords commerciaux à cette fin. Il n'est pas prévu que la mise en œuvre de ces principes compromette les avantages que les livreurs de nourriture tirent de ces arrangements flexibles."

173

Marion Rae, "Insecure Work Doesn't Exist For Lawmakers In Australia", Zenger, 1er juin 2021.

174

Les awards (type particulier de conventions) sont des documents juridiques qui définissent les taux de rémunération minimum et les conditions d'emploi, et qui couvrent la plupart des personnes qui travaillent en Australie. Pour la liste complète des 122 “accords” qui s'appliquent aux employeurs et aux salariés sur la base de délimitations sectorielles ou professionnelles, voir Australie, Fair Work Commission, "Find an Award" (Trouvons un accord). Les syndicats et les organisations d'employeurs n'ont pas un statut officiel de co-déterminants des accords sectoriels ; ils peuvent faire des soumissions exposant leurs points de vue mais n'ont aucun rôle direct dans leur détermination.

175

Les syndicats et les organisations d'employeurs n'ont pas un statut officiel de co-déterminants des accords du secteur ; ils peuvent faire des soumissions exposant leurs points de vue mais n'ont aucun rôle direct dans leur détermination.

176

Parmi les autres exemples de plateformes utilisant un modèle d'emploi direct, citons Sidekicker, qui place du personnel occasionnel dans le secteur de l'hôtellerie, et Hireup dans le secteur des soins aux personnes handicapées ; voir James (2020).

177

Voir également le témoignage de M. Belling devant le Sénat, Select Committee on Job Security 2021, pp. 150-151 (y compris ses déclarations selon lesquelles Menulog souhaite "opter pour ce que nous croyons être la norme morale la plus élevée, à savoir l'emploi" et espère que tous ses travailleurs seront salariés "d'ici quelques années").

178

TWU, "TWU Welcomes Menulog Trial to Reclassify Riders and Give Them Rights", 12 avril 2021.

179

La demande et tous les autres documents relatifs à cette affaire, y compris les observations des parties intéressées et le projet d’accord du secteur des services de livraison à la demande de Menulog, sont accessibles à l'adresse suivante : https://www.fwc.gov.au/cases-decisions-orders/major-cases/proposed-demand-delivery-services-award. Le "secteur des services de livraison à la demande", tel que défini par Menulog, est "la collecte et la livraison d'aliments, de boissons, de marchandises ou de tout autre article [...] commandés par un consommateur auprès d'entreprises tierces" offrant ces marchandises, etc. "pour une collecte et une livraison immédiates sur une plateforme en ligne ou basée sur une application, à condition que : (a) la collecte et la livraison ne concernent pas les propres aliments, boissons, marchandises ou autres articles proposés à la vente par l'employeur ; et (b) l'employeur n'a pas pour activité principale de fournir des services généraux de transport ou de livraison à grande échelle d'aliments, de boissons, de marchandises ou de tout autre article qui n'a pas été acheté sur sa plateforme en ligne" (projet d’accord, clause 4.2). Cette définition, si elle est incluse dans un accord du secteur des services de livraison à la demande par la FWC à la suite de ce cas, signifierait que toutes les plateformes de livraison à la demande seraient couvertes par l’accord, bien que les plateformes autres que Menulog contesteraient son application à leurs opérations sur la base de leur position selon laquelle elles ne sont pas des "employeurs" et n'ont donc pas de chauffeurs/coursiers engagés comme "salariés".

180

Stevens & Associates, "New Modern Award Not on the MENu for Menulog", blog.

181

https://www.thecourierspledge.com/

182

La FairWork Foundation est basée à l'Oxford Internet Institute et au Centre de sciences sociales WZB de Berlin. Grâce à son réseau mondial de chercheurs, elle évalue et classe les conditions de travail des plateformes numériques.

183

Bulletin d'information Fairwork, novembre 2021.

184

Fairwork, "SweepSouth (Afrique du Sud)" ; et Fairwork Newsletter, novembre 2021.

185

Voir Forum économique mondial, "Charte de principes pour le bon fonctionnement des plateformes", 17 janvier 2020.

186

Ce chapitre s'appuie sur une étude de fond réalisée par Anna Ilsøe (Université de Copenhague), qui a également revu la version complète du chapitre.

187

GMB, "Uber and GMB Strike Historic Union Deal for 70,000 UK Drivers, 26 mai 2021.

188

L’expression "premier groupe de conventions collectives" est utilisée pour décrire les 11 conventions collectives identifiées qui ont été signées dans l'économie des plateformes depuis 2018. Cette expression vise à indiquer que plusieurs de ces conventions présentent un caractère exploratoire et des dispositions qui portent sur des caractéristiques spécifiques de l'économie des plateformes (par exemple, la protection des données et la gestion algorithmique) qui pourront être développées et détaillées à l'avenir.

189

En outre, les négociations en cours sur un nouvel accord concernent également le secteur de la livraison de nourriture en Australie.

190

L'entreprise de plateforme Bzzt n'aurait aucun salarié auquel l'accord serait applicable en Suède (juillet 2021).

191

Kollektivvertrag. at.

192

Martin Gruber-Risak, "Arbeitsrecht für Essenszusteller:innen - warum eigentlich nicht ?", A&W blog (blog), 1er octobre 2021.

193

Pour une vue d'ensemble, voir Gruber-Risak.

194

Voir Espagne, BOE, n° 76 (mars 2019), section III, p. 32702.

195

Espagne, BOP Córdoba, n° 181 (22 septembre 2021), p. 1.

196

Étude de cas commandée par l'OIT en Espagne.

197

La mise en place de la banque des heures est subordonnée à la fourniture par l'entreprise des outils techniques et informatiques nécessaires à sa bonne gestion. En cas de lancement de la banque des heures, l'entreprise procédera à un examen conjoint préalable avec les parties contractantes.

198

María Luz Rodríguez Fernández, "En España los trabajadores de plataformas ya tienen convenio colectivo", The Conversation, 7 décembre 2021.

199

Rodríguez Fernández ; voir aussi https://www.ccoo-servicios.es/archivos/Acuerdo%20Sindicatos%20JUST%20EAT(1).pdf.

200

En Espagne, la loi 12/2021 attribue une nouvelle compétence aux représentants des travailleurs dans l'entreprise, qu'il s'agisse d'une entreprise de la plateforme ou non : "Être informé par l'entreprise des paramètres, règles et instructions sur lesquels se fondent les algorithmes ou les systèmes d'intelligence artificielle qui affectent la prise de décisions pouvant avoir un impact sur les conditions de travail, l'accès à et le maintien de l'emploi, y compris le profilage".

201

Gigstr se décrit comme un service de dotation en personnel qui aide les entreprises à embaucher et à recruter des talents et des équipes dans les domaines du marketing, des ventes, des services et de la technologie; voir https://www.gigstr.com/.

202

Instajobs se décrit sur LinkedIn comme un service de dotation en personnel qui aide les entreprises à embaucher rapidement du personnel supplémentaire lors de pics d'activité, de maladies, d'événements au bureau ou pour des projets.

203

Chabber se décrit comme un service de recrutement d'indépendants dans le domaine du service à table et de la cuisine et comme une plateforme qui emploie ses indépendants ; voir https://www.chabber.com/.

204

Meploy se décrit comme un service de recrutement de personnel pour la production, l'entreposage et la vente au détail ; voir https://meploy.me/.

205

Voir également OIT (2022b), en particulier p. 51, encadré 2.6.

206

OIT, Donner un visage humain à la mondialisation : Étude d’ensemble sur les conventions fondamentales concernant les droits au travail à la lumière de la Déclaration de l'OIT sur la justice sociale pour une mondialisation équitable, 2008, ILC.101/III/1B, 2012, para. 209.

207

OIT, Promouvoir l'emploi et le travail décent dans un monde en mutation, para. 327.

208

Malgré les obstacles créés par le droit de la concurrence dans certains pays, le droit à la négociation collective va au-delà des salariés et couvre les travailleurs indépendants (ou du moins certains groupes de travailleurs indépendants). Par exemple, en Espagne, la loi 20/2007 du 11/07/2007 permet aux indépendants économiquement dépendants de négocier des "accords d'intérêt professionnel" (https://www.boe.es/buscar/act.php?id=BOE-A-2007-13409) ; en France, la loi n° 2022-139 du 21/04/2021 réglemente la négociation collective pour les travailleurs indépendants des plateformes (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045133768) ; et en Australie, la négociation entre les entrepreneurs indépendants et leurs contreparties est possible. D'autres pays qui pourraient être mentionnés dans ce contexte sont l'Italie, la Pologne et la Mongolie.

209

Commission européenne, "Lignes directrices relatives à l'application du droit de la concurrence de l’UE aux conventions collectives concernant les conditions de travail des travailleurs indépendants sans salariés", C(2021) 8838 final, 9 décembre 2021.

210

Le projet de lignes directrices couvre les indépendants qui ont peu d'influence sur leurs conditions de travail, soit parce que (a) ils sont dans une situation comparable à celle des travailleurs, soit parce que (b) ils sont dans une position de négociation déséquilibrée vis-à-vis de leur contrepartie.

211

Voir également OIT (2021a et 2022a); et Countouris, De Stefano et Lianos (2021)).

212

Commission européenne, "Lignes directrices relatives à l'application du droit européen de la concurrence aux conventions collectives concernant les conditions de travail des travailleurs indépendants sans salariés".

213

La plateforme met en relation des organisations avec des interprètes professionnels.

214

Voir HK, "HK Privat et la plateforme d'interprétation Voocali.com concluent une convention collective et un accord de freelance".

215

En septembre 2021, AssoDelivery a indiqué sur son site web que les entreprises des plateformes Deliveroo, FoodToGo, Glovo, Social Foods et Uber Eats étaient membres de l'organisation d'employeurs et que ses entreprises membres représentaient la majorité du marché italien du secteur de la livraison par voie électronique ; voir https://assodelivery.it/chi-siamo/.

216

Entre-temps, l’entreprise des plateformes Just Eat Takeaway.com a quitté l'organisation d'employeurs AssoDelivery et a négocié une convention collective avec les syndicats italiens CGIL/CISL/UIL qui s'applique aux coursiers salariés.

217

En septembre 2020, le ministère italien du Travail a exprimé l'opinion, bien que non contraignante, que la convention n'est pas valable car l'UGL ne serait pas suffisamment représentatif des livreurs basés sur les applications en Italie ; voir Italie, ministère du Travail et de la Politique sociale, Registro Ufficiale U. 0009430, 17 septembre 2020.

218

Italie, Tribunal de Palerme, ordonnance du 12 avril 2021 ; Italie, Tribunal de Bologne, décret du 30 juin 2021 ; et Italie, Tribunal de Florence, arrêt n° 781/2021.

219

Arrêt de la Cour suprême du Royaume-Uni du 19 février 2021, Uber BV et autres (appelants) contre Aslam et autres (défendeurs), accordant aux chauffeurs Uber le droit de recevoir une indemnité de congé et le droit au salaire minimum national pour toutes les heures de connexion.

220

Voir https://crowdsourcing-code.com/

221

Voir Bureau du Médiateur du code de conduite pour le travail collaboratif rémunéré, rapport annuel 2019, 2020.

222

Mila, "Code de conduite : Principes en vue d'une saine collaboration entre les plateformes de crowdsourcing et les crowdworkers" ; voir également Eurofound, "Syndicom and Mila Code of Conduct", 9 avril 2021.

223

Il convient de noter que les plateformes de travail numériques ne devraient pas être tenues de divulguer le fonctionnement détaillé de leurs systèmes automatisés de contrôle et de prise de décision, y compris les algorithmes, ou d'autres données détaillées qui contiennent des secrets commerciaux ou sont protégées par des droits de propriété intellectuelle.

224

Commission européenne (2021).

225

Espagne, arrêt de la Cour suprême du 25 septembre 2020 (pourvoi n° 4746/2019).

226

https://www.boe.es/buscar/act.php?id=BOE-A-2021-7840

227

Cour suprême du Royaume-Uni du 19 février 2021.

228

Italie, loi n° 128 du 2 novembre 2019, modifiant le décret législatif n° 81 du 15 juin 2015. Cette loi renforce également la présomption de l'existence d'un contrat de travail pour les travailleurs des plateformes, mais ajoute une deuxième option. Même si les travailleurs des plateformes sont des indépendants, la loi impose que la convention collective du secteur d'activité leur soit applicable. En l'absence d'une telle convention collective, la loi prévoit un "niveau minimum de protection", qui consiste à accorder aux travailleurs indépendants des plateformes certains droits, dont le paiement d'une assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles (OIT 2022a).

229

Italie, Protocolo attuativo dell'art 47bis ss. D.igs. 81/2015 CCNL Logistica, Trasporto Merci, Spedizione, 2 novembre 2020.

230

Italie, Tribunal de Palerme, ordonnance du 12 avril 2021 ; Italie, Tribunal de Bologne, décret du 30 juin 2021 ; et Italie, Tribunal de Florence, arrêt n° 781/2021.

231

Pour une vue d'ensemble, voir Gruber-Risak.

232

Delivery Hero, "Financial Reports and Presentations : 2020".

233

Just Eat Takeaway.com, "Annual Report 2020".

234

Just Eat Takeaway.com, "Just Eat Takeaway.com Half Year 2021 Results". Toutefois, cette augmentation des coûts de messagerie comprend un effet ponctuel, car elle est en partie due au fait que les six mois complets de 2021 ont été déclarés en combinaison avec Just Eat, contre seulement 2,5 mois en 2020 (fusion entre les deux entreprises des plateformes Just Eat et Takeaway.com en 2020).

235

Sur les arguments de ce paragraphe en général, voir également Hayter et Visser (2018) et OIT (2022b).

236

Para. III C(v).

237

Les conclusions de ce paragraphe s'appuient sur une étude de fond préparée par Martin Gruber-Risak et Sophie Schwertner (tous deux de l'Université de Vienne). L'étude de fond a analysé les récents développements réglementaires et judiciaires en examinant de plus près dix pays (Argentine, Australie, Canada, Chine, Italie, Nigeria, République de Corée, Espagne, Royaume-Uni et États-Unis) et l'Union européenne (UE). Les résultats et les développements décrits reflètent la situation dans les pays analysés et ne doivent pas être considérés comme représentatifs du monde entier. Les pays analysés ont été délibérément sélectionnés sur la base de leurs développements législatifs et judiciaires innovants, tout en assurant un équilibre régional.

238

Commission européenne, "Propositions de la Commission visant à améliorer les conditions de travail des personnes travaillant par le biais de plateformes de travail numériques", communiqué de presse, 9 décembre 2021.

239

Commission européenne (2021).

240

Cette section a bénéficié du travail préparatoire de Charalampos Stylogiannis, dont les recherches s'inscrivent dans le cadre de la recherche et du financement d'Odysseus.

241

Voir Eurofound, "Platform Economy Repository".

242

FairWork, "Fairwork Kenya Ratings 2021 : Labour Standards in the Gig Economy", 2021.

243

Voir Eurofound, “Platform Economy Repository".

244

Texte intégral de l'accord : Acuerdo de interés professional papa los trades que realizan servivios para Roofoods Spain (Deliveroo) (consulté le 6.10.2021).

245

Mila ; voir également Eurofound, "Syndicom and Mila Code of Conduct".

246

Labour Plus, "Platform Industry Social Dialogue: How Was It Possible?".

247

The JoongAng, "Stop the Pressure of «Quickly and Quickly» Delivery...platform Labor Voluntary Agreement to Protect 70,000 Articles", 6 octobre 2020.

248

https://www.gigworkeradvocates.org/what-we-do.

249

Kate Andrias, "NDWA-Handy Pilot : Major Gains for Workers Long Excluded from Labor Law's Protections", OnLabor, 17 septembre 2022.

250

https://www.gigworkeradvocates.org/handy .

251

Al-Jen Poo et Dawn Gearhart, "Domestic Workers Have Long been Underpaid an Unappreciated. It's Time We Give Them What They Deserve", CNN.com, 17 juin 2021.

252

TWU, "TWU-DoorDash COVID-19 Response".

253

Glovo et al, "Acuerdo sectorial de buenas practices", septembre 2020.