Jugement n° 4111
Décision
1. La décision du 3 juin 2016 du Directeur général est annulée, sauf en ce qu’elle attribuait au requérant une somme de 2 500 francs suisses au titre de l’indemnisation du retard de la procédure suivie devant la Commission consultative paritaire de recours. 2. L’OIT versera au requérant une indemnité d’un montant total de 16 000 francs suisses pour tort moral.
Synthèse
Le requérant, ancien fonctionnaire du BIT, soutient qu’il a été victime de harcèlement et que la procédure d’enquête portant sur ses allégations concernant ce harcèlement est entachée d’irrégularités.
Mots-clés du jugement
Mots-clés
Requête admise; Annulation de la décision; Enquête; Harcèlement; Harcèlement institutionnel; Enquête
Considérant 1
Extrait:
[S]elon le Tribunal, la question de savoir si l’on se trouve en présence d’un cas de harcèlement se résout à la lumière d’un examen rigoureux de toutes les circonstances objectives ayant entouré les actes dénoncés (voir, par exemple, les jugements 4038, au considérant 5, et 3871, au considérant 12). Dès lors qu’en l’occurrence certains faits fondant le grief de harcèlement sont différents dans chaque requête, le Tribunal n’ordonnera pas la jonction des affaires.
Référence(s)
ILOAT Judgment(s): 3871, 4038
Mots-clés
Jonction; Harcèlement
Considérant 3
Extrait:
Il n’est pas contesté par les parties que le requérant avait demandé l’audition d’un certain nombre de témoins, et notamment de son ancien superviseur [...], ce qui a été refusé. [...] Toute décision administrative, même lorsque l’autorité agit dans le cadre d’un pouvoir discrétionnaire, doit reposer sur des motifs valables. En l’espèce, le refus, sans justification valable, d’entendre des témoins au sujet des allégations du requérant viole les règles d’une procédure régulière.
Mots-clés
Enquête; Procédure contradictoire; Application des règles de procédure; Violation; Harcèlement; Droit d'être entendu; Enquête
Considérant 4
Extrait:
[C]ertaines des déclarations recueillies par l’enquêtrice n’ayant été ni consignées ni résumées en tant que telles dans le rapport d’enquête ou ses annexes, le requérant n’a pu y répondre dans les commentaires qu’il a été invité à adresser à HRD au sujet dudit rapport. Il n’a pas non plus été mis en mesure de vérifier si, dans son rapport, l’enquêtrice a correctement interprété les déclarations qui n’ont pas fait l’objet d’un compte rendu. Selon la jurisprudence du Tribunal, un requérant doit avoir la possibilité de prendre connaissance du contenu des déclarations recueillies afin de pouvoir les contester ou les rectifier en s’appuyant, si nécessaire, sur des éléments de preuve (voir les jugements 3065, au considérant 8, et 3617, au considérant 12). Tel n’a pas été le cas en l’occurrence en ce qui concerne les déclarations non consignées. Dès lors, le Tribunal considère que, dans les circonstances de l’espèce, le principe du contradictoire a été méconnu. Le grief est fondé.
Référence(s)
ILOAT Judgment(s): 3065, 3617
Mots-clés
Rapport; Preuve; Témoignage; Procédure contradictoire; Application des règles de procédure; Obligation d'information; Vice de procédure; Droit d'être entendu
Considérant 7
Extrait:
Il est exact qu’une longue série d’erreurs de gestion ou d’omissions qui ont porté atteinte à la dignité et aux objectifs de carrière d’un requérant peut constituer un harcèlement institutionnel (voir les jugements 3315, au considérant 22, et 3250, au considérant 9). Mais ne peuvent être retenus comme constitutifs de harcèlement que les éléments qui ne peuvent raisonnablement s’expliquer (voir les jugements 4038, au considérant 18, 3447, au considérant 9, et 2524, au considérant 25).
Référence(s)
ILOAT Judgment(s): 2524, 3250, 3315, 3447, 4038
Mots-clés
Harcèlement institutionnel
Considérant 8
Extrait:
En cas d’irrégularité d’une enquête portant sur une plainte pour harcèlement, le Tribunal renvoie en principe l’affaire devant l’organisation pour qu’il soit procédé à une nouvelle enquête. Mais, dans le cas d’espèce, compte tenu du retard considérable pris par HRD et la Commission, le Tribunal estime opportun de ne pas renvoyer l’affaire devant l’OIT. Le requérant ayant été privé de son droit de voir sa plainte pour harcèlement régulièrement instruite, le Tribunal considère qu’il est équitable de réparer le dommage moral qui lui a ainsi été causé en condamnant l’Organisation à lui verser une indemnité de 15 000 francs suisses.
Mots-clés
Tort moral; Enquête; Irrégularité; Harcèlement; Enquête
Considérant 9
Extrait:
[...] Même s’il faut tenir compte du fait que le requérant a mis un mois pour fournir ses commentaires et que HRD a demandé à l’enquêtrice d’y répondre, ce qui a sans doute pris un certain temps, le Tribunal considère qu’au vu des circonstances de l’espèce un délai de neuf mois entre le dépôt des conclusions de l’enquête et la notification de la décision de HRD est excessif. En effet, les affaires de harcèlement doivent être traitées aussi rapidement et efficacement que possible, afin d’éviter aux fonctionnaires des souffrances inutiles en veillant toutefois à enquêter de manière approfondie et à respecter la procédure (voir le jugement 3447, au considérant 7). Il sera fait une juste réparation du dommage moral ainsi causé au requérant en lui allouant une indemnité de 1 000 francs suisses.
Référence(s)
ILOAT Judgment(s): 3447
Mots-clés
Procédure devant le Tribunal; Tort moral; Retard; Enquête; Harcèlement; Enquête
Considérant 10
Extrait:
Quant à la procédure devant la Commission, elle a également accusé un grave retard. Alors que la réclamation a été introduite le 21 août 2014, le rapport de la Commission a été émis le 1er avril 2016. Tant la Commission que la partie défenderesse reconnaissent ce retard, que le Directeur général a accepté, dans la décision attaquée, d’indemniser à hauteur de 2 500 francs suisses.
Mots-clés
Tort moral; Retard dans la procédure interne
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