L'OIT est une institution spécialisée des Nations-Unies
ILO-fr-strap

Travail forcé au Myanmar (Birmanie)

Rapport de la commission d'enquête instituée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail pour examiner le respect par le Myanmar de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930 Organisation internationale du Travail
Genève, 2 juillet 1998


Partie II

Procédure suivie par la commission


2. Première session de la commission

1) Déclaration solennelle faite
par les membres de la commission

10. La commission a tenu sa première session à Genève les 9 et 10 juin 1997. A l'ouverture de sa première session, le 9 juin 1997, chacun des membres de la commission a fait une déclaration solennelle en présence du Directeur général du Bureau international du Travail. En invitant les membres de la commission à faire cette déclaration, le Directeur général a rappelé les circonstances qui ont conduit à la création de la commission et il a souligné que la tâche de la commission était «d'établir les faits et d'examiner les questions qui en découlent sans crainte ni préférence et dans une complète indépendance».

11. Les membres de la commission ont alors prononcé chacun la déclaration suivante:

2) Adoption de la procédure à suivre
par la commission

12. La Constitution de l'OIT ne fixe pas de règles de procédure à suivre par une commission d'enquête désignée en vertu de l'article 26. Lorsque le Conseil d'administration a décidé, en mars 1997, de renvoyer la plainte à une commission d'enquête, il a également précisé qu'il appartenait à la commission de fixer sa propre procédure, conformément aux dispositions de la Constitution et de la pratique suivie par les précédentes commissions d'enquête.

13. En fixant sa procédure, la commission a rappelé certains éléments qui caractérisent la nature de son travail. Comme de précédentes commissions d'enquête l'ont souligné, la procédure prévue par les articles 26 à 29 et 31 à 34 de la Constitution a un caractère judiciaire(3) . C'est pourquoi les règles de procédure doivent préserver le droit des parties à une procédure équitable, telle que reconnue en droit international.

14. En outre, la commission a considéré que son rôle ne se limitait pas à un examen des informations communiquées par les parties elles-mêmes ou à l'appui de leurs affirmations. La commission prendrait toutes les mesures nécessaires pour obtenir des informations aussi complètes et objectives que possible sur les questions soulevées.

15. Enfin, la commission s'est déclarée consciente du fait que sa procédure devait faire en sorte que la plainte soit examinée rapidement, éviter tout délai injustifié et assurer ainsi une procédure équitable.

16. Compte tenu de ces considérations, la commission a adopté les règles de procédure qu'elle entendait suivre au cours de la deuxième session pour l'audition des témoins. Ces règles ont été portées à l'attention du gouvernement du Myanmar ainsi que des plaignants(4) .

3) Communication d'informations supplémentaires

17. La commission a examiné les informations soumises par les plaignants et par le gouvernement du Myanmar et a pris une série de décisions concernant les dispositions d'ordre procédural à observer pour l'examen des questions concernées.

18. Elle a décidé d'inviter les plaignants à lui communiquer, avant le 15 août 1997, toute information ou observation supplémentaire, et notamment toute information sur des développements postérieurs à la soumission de la plainte. La commission a également invité le gouvernement du Myanmar à fournir, avant le 30 septembre 1997, toute déclaration écrite qu'il souhaiterait lui soumettre. Le gouvernement et les plaignants ont été informés que la teneur de toute information soumise à la commission serait communiquée à l'autre partie à la procédure.

19. En vertu de l'article 27 de la Constitution de l'OIT et conformément à la pratique de précédentes commissions d'enquête, la commission a invité les gouvernements de pays situés dans la région du Sud-Est asiatique, ou ayant des relations économiques avec le Myanmar, à lui communiquer toute information en leur possession se rapportant aux questions soulevées dans la plainte(5) .

20. En outre, la possibilité de soumettre des informations concernant les questions soulevées dans la plainte a également été offerte à plusieurs organisations intergouvernementales(6) , à des organisations internationales et nationales de travailleurs et d'employeurs(7) , ainsi qu'à un certain nombre d'organisations non gouvernementales qui travaillent dans les domaines juridique et des droits de l'homme(8) . De plus, les sociétés mentionnées dans la plainte(9)  ont aussi eu la possibilité de soumettre des informations sur les questions sur lesquelles porte la plainte.

21. La commission a informé les gouvernements, les organisations et les sociétés concernés que la substance des informations qu'ils soumettront serait transmise au gouvernement du Myanmar et aux plaignants.

22. Enfin, en ce qui concerne toute autre documentation soumise par des gouvernements, des organisations ou des individus qui n'auraient pas été invités à le faire, la commission a demandé à son président de décider au cas par cas des mesures à prendre.

4) Mesures adoptées en vue de la deuxième session
et des travaux ultérieurs de la commission

23. La commission a décidé de tenir sa deuxième session à Genève, du 17 au 20 et les 25 et 26 novembre 1997.

24. Par des communications datées des 13 et 16 juin 1997, la commission a invité le gouvernement du Myanmar ainsi que les plaignants à communiquer avant le 30 septembre 1997 les noms et qualités des témoins qu'ils souhaitaient faire entendre, avec une brève indication des points sur lesquels ils désiraient que chacune de ces personnes apporte son témoignage. La commission a indiqué qu'elle déciderait, sur la base de ces indications, si elle entendra les témoins en question.

25. En outre, la commission a attiré l'attention des plaignants et du gouvernement sur le fait que les informations relatives à chaque témoin seraient communiquées à l'autre partie à défaut d'une requête demandant la confidentialité, conformément à l'article 7 des Règles relatives à l'audition des témoins. Au cas où une telle requête serait soumise, elle serait considérée au début de l'audition des témoins par la commission. Entre-temps, les éléments de preuve fournis seraient néanmoins communiqués à l'autre partie. Le gouvernement du Myanmar a été prié d'assurer qu'il ne ferait pas obstacle à ce que toute personne vienne témoigner, et que les témoins ou leurs familles ne subiraient aucune sanction ni préjudice du fait de leur témoignage.

26. La commission a prié le gouvernement du Myanmar et les plaignants de désigner des représentants chargés d'agir en leur nom devant la commission. Les plaignants ont également été priés d'envisager la possibilité d'une représentation conjointe.

27. Enfin, la commission a autorisé son président à traiter et décider des questions de procédure qui surgiraient entre les sessions, avec la possibilité de consulter les autres membres s'il l'estimait nécessaire.

3. Communications reçues par la commission
après sa première session

28. Suite aux requêtes adressées par la commission au gouvernement du Myanmar, les plaignants ainsi que les gouvernements, organisations et sociétés mentionnés aux paragraphes 19 et 20 ci-dessus, la commission a reçu plusieurs communications, telles qu'elles figurent dans le présent chapitre. L'analyse par la commission des informations factuelles qui lui ont été soumises figure à la partie IV du rapport (voir ci-après chapitre 12). On trouvera la liste des documents soumis à la commission après sa première session à l'annexe IV du présent rapport.

1) Communications reçues des parties

a) Communications des plaignants

29. Par une communication reçue par le secrétariat de la commission au cours des mois de juillet à octobre 1997, tous les plaignants ont informé la commission de leur souhait de voir transférer tous les pouvoirs nécessaires à M. Bill Jordan, secrétaire général de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), et/ou à toute(s) personne ou personnes qu'il souhaiterait désigner pour le représenter à tout stade de la procédure devant la commission.

30. Par une communication datée du 11 août 1997, la CISL a soumis au nom des plaignants des informations supplémentaires sur l'existence du travail forcé au Myanmar(10) . Ces informations comprenaient deux rapports de la CISL intitulés respectivement Burma: SLORC's private slave camp(11)  et Forced labour in Burma: An international trade union briefing(12) ; plusieurs documents concernant le retrait par la Communauté européenne des préférences tarifaires accordées au Myanmar(13) ; deux rapports du Mon information Service intitulés, respectivement, Forced labour on the Ye-Tavoy railway et The situation of people living in the gas pipeline project region(14) ; un rapport de Images Asia intitulé Nowhere to go(15) ; et la copie d'une lettre adressée par la CISL aux plaignants en date du 14 juillet 1997(16) .

31. Par une communication datée du 30 septembre 1997 concernant les auditions du mois de novembre, M. Bill Jordan, secrétaire général de la CISL, a soumis au nom des plaignants une liste préliminaire de 13 témoins qui pourraient être entendus. Cette lettre indiquait également qu'une demande visant à bénéficier des mesures de protection prévues par l'article 7 des Règles relatives à l'audition des témoins(17)  serait soumise au nom de plusieurs des témoins. La lettre indiquait en outre que la CISL souhaitait, d'ici le 31 octobre 1997, soumettre à la commission des informations complémentaires concernant les témoins et qu'elle demandait à la commission de bien vouloir prolonger le délai prévu pour soumettre des informations concernant des témoins.

32. Par une nouvelle communication datée du 14 novembre 1997, M. Bill Jordan a soumis au nom des plaignants une liste révisée de 13 témoins, ainsi que leurs noms et qualités. La lettre précisait également les mesures de protection souhaitées pour plusieurs de ces témoins.

b) Communications du gouvernement du Myanmar

33. Par une communication datée du 10 novembre 1997, le gouvernement du Myanmar a indiqué qu'une commission de coordination de haut niveau comprenant des représentants de plusieurs ministères et organismes gouvernementaux avait été créée et que le ministère du Travail faisait office de secrétariat pour cette commission. Cette commission avait été créée pour examiner au fond les communications reçues par la commission des sources sollicitées, dont la majorité avait été communiquée au gouvernement au mois d'août. Le gouvernement a noté qu'étant donné l'ampleur et l'importance de ces éléments de preuve leur examen prendrait quelque temps et qu'il ne lui serait donc pas possible de fournir les noms de témoins dans les délais requis. Il a indiqué cependant que le ministère du Travail répondrait aux questions au cas par cas.

2) Communications reçues d'autres sources sollicitées

a) Communications des Etats Membres
au titre de l'article 27 de la Constitution

34. Les gouvernements du Canada (communication datée du 24 juillet 1997)(18) , de l'Inde (communication datée du 27 août 1997)(19) , de la Malaisie (communication datée du 18 août 1997)(20) , de la Nouvelle-Zélande (communication datée du 15 août 1997)(21) , de Singapour (communication datée du 5 juillet 1997)(22)  et de Sri Lanka (communication datée du 31 juillet 1997)(23)  ont indiqué qu'ils n'avaient aucune information à fournir à propos de la plainte dont était saisie la commission.

35. Par une communication reçue le 14 août 1997, le gouvernement des Etats-Unis a soumis un grand nombre de documents qui fournissent des informations sur les questions soulevées dans la plainte. La lettre indiquait que ces informations ont été rassemblées à partir des audiences publiques organisées conjointement le 27 juin 1997 par le Département du travail et le Département d'Etat des Etats-Unis sur la question du travail forcé au Myanmar. Ces informations comprennent la transcription de ces audiences, les déclarations préparées par les témoins ainsi que toutes les autres informations présentées pour inclusion au dossier, telles que témoignages écrits, photographies et bandes vidéo(24) .

b) Communications d'organisations
intergouvernementales

36. Par une communication datée du 30 juillet 1997, la Commission européenne a rappelé qu'un règlement du Conseil du 24 mars 1997 avait provisoirement retiré au Myanmar le bénéfice du Système généralisé de préférence de la Communauté pour des raisons relevant de la plainte dont la commission était saisie. Une copie de ce règlement du Conseil a été fournie(25) .

37. Par une communication datée du 6 août 1997, le bureau du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a fourni des commentaires et des observations sur la question du travail forcé dans l'Etat Rakhine au Myanmar(26) .

c) Communications d'organisations
non gouvernementales

38. Par une communication datée du 13 août 1997, Amnesty International a soumis des informations à la commission sur les questions concernant la plainte, et notamment 15 documents publiés par Amnesty International entre 1988 et 1997(27) . Dans cette communication, Amnesty International note qu'elle enquête depuis dix ans sur la pratique du travail forcé et du portage forcé au Myanmar et que, cette organisation n'étant pas autorisée à entrer au Myanmar, ces informations ont été réunies grâce à des interviews auprès de personnes ayant quitté ce pays.

39. Par une communication datée du 14 août 1997, Anti-esclavage International a soumis une publication intitulée Ethnic groups in Burma(28) .

40. Par une communication datée du 13 août 1997, le Conseil australien de l'aide à l'étranger (Australian Council for Overseas Aid-ACFOA) a soumis un extrait du numéro de juillet 1996 du Country commercial guide publié par l'Ambassade des Etats-Unis sur le Myanmar(29) , une publication intitulée Holidays in Burma?(30) , un rapport de l'ACFOA intitulé Slave labour in Burma(31)  et plusieurs transparents considérés comme montrant du travail forcé au Myanmar(32) .

41. Par une communication datée du 30 juillet 1997, le Burma Action Group a soumis plusieurs documents concernant principalement l'utilisation du travail forcé en rapport avec le tourisme(33) .

42. Par une communication datée du 10 août 1997, le Burma Centrum Nederland a soumis 18 documents provenant de diverses sources à propos du travail forcé dans l'Etat Rakhine au Myanmar(34) .

43. Par une communication datée du 28 août 1997, Burma Issues a suggéré que la commission prenne contact avec la Burma Peace Foundation à laquelle l'organisation avait fourni des informations pertinentes en sa possession(35) .

44. Par deux communications datées du 7 juillet 1997 et du 14 août 1997, la Burma Peace Foundation a soumis plusieurs milliers de pages d'information provenant d'un grand nombre de sources et concernant tous les aspects de la plainte, y compris un grand nombre de photographies. La plupart de ces informations concernent la période allant de 1995 à août 1997(36) .

45. Par une communication datée du 12 août 1997, le Burma UN Services Office a fourni deux rapports (intitulés Forced labor et Child labor)(37)  préparés par son unité de documentation sur les droits de l'homme et contenant des informations sur les questions concernant la plainte. Cette lettre indique que ces rapports sont fondés sur des informations fournies par des organisations qui ont suivi la situation des droits de l'homme au Myanmar par la frontière entre ce pays et la Thaïlande. La lettre indique également que cette unité de documentation sur les droits de l'homme allait publier le Human Rights Yearbook on Burma 1996 qui comprendrait un chapitre sur le travail forcé et qu'une copie de cet ouvrage serait envoyée à la commission(38) .

46. Par une communication datée du 10 août 1997, Earth Rights International a soumis deux rapports concernant le travail forcé dans la division Tanintharyi (Tenasserim) intitulés The Yadana gas pipeline project et The Ye-Tavoy railway(39) .

47. Par une communication datée du 26 août 1997, la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) a soumis un rapport concernant les violations des droits de l'homme perpétrées dans le cadre du projet du gazoduc de Yadana intitulé La Birmanie, TOTAL et les droits de l'homme: dissection d'un chantier(40) .

48. Par une communication datée du 16 juillet 1997, le Comité consultatif mondial des amis (Quakers) a soumis un rapport élaboré par Images Asia intitulé No childhood at all, concernant les enfants soldats au Myanmar(41) .

49. Par une communication datée du 15 août 1997, Human Rights Watch/Asia a soumis une copie de la déclaration préparée par son directeur de Washington et présentée lors des audiences des Etats-Unis mentionnées ci-dessus (voir paragr. 35 ci-dessus)(42) ; un rapport récent sur la situation des droits de l'homme au Myanmar intitulé No safety in Burma, no sanctuary in Thailand(43) ; et les transcriptions d'interviews réalisés en Thaïlande au mois de juin 1997 par Human Rights Watch auprès de cinq personnes du Myanmar(44) .

50. Par une communication datée du 13 août 1997, Images Asia a soumis quatre rapports et deux documentaires vidéos contenant des informations sur la question concernant la plainte(45) ; un discours enregistré sur vidéo prononcé par Daw Aung San Suu Kyi devant l'Union européenne à propos des pratiques de travail au Myanmar et la transcription de ce discours(46) ; les copies de plusieurs ordonnances, ayant trait pour la plupart à des réquisitions de main-d'œuvre, obtenues par Images Asia, et datant des années 1992 à 1997(47) ; et plusieurs autres rapports contenant des informations concernant les Etats Chin, Kayah, Mon et Shan ainsi que la division de Tanintharyi (Tenasserim)(48) .

51. Par une communication datée du 10 août 1997, le Karen Human Rights Group a soumis un résumé détaillé des pratiques concernant la plainte intitulée Forced labour in Burma(49) , des analyses sur le portage et le travail des enfants au Myanmar(50)  ainsi que 15 rapports du Karen Human Rights Group sur la situation dans le pays(51) .

52. Par une communication datée du 17 juillet 1997, le projet Maje a soumis un rapport décrivant en détail les violations des droits de l'homme perpétrées par certaines unités militaires au Myanmar ainsi que plusieurs autres rapports récents de plusieurs organisations(52) .

d) Communications des sociétés
mentionnées dans la plainte

53. Par une communication datée du 19 juillet 1997, la compagnie Yukong Limited a indiqué qu'elle avait exploité un site de forage au Myanmar pendant trois ans et quelques mois à partir du mois d'octobre 1989. Selon les registres de la compagnie, elle n'avait pas foré de puits au village Htaw Tha, tel qu'allégué dans la plainte; en outre, la compagnie n'avait rien eu à voir avec la construction de routes au Myanmar et n'avait donc pas été impliquée dans la construction de la route allant de Monywa à Khamti, tel qu'allégué dans la plainte(53) 

54. Par une communication datée du 11 août 1997, la compagnie TOTAL a fourni des observations sur la plainte dont est saisie la commission(54) . En ce qui concerne les conditions de travail, elle note dans cette communication que le gazoduc était construit par des compagnies internationalement renommées employant autant de travailleurs locaux que possible et fournissant ainsi des ressources importantes aux communautés de la région. Elle indique également que ces entreprises offrent des conditions de travail équivalentes à celles octroyées par TOTAL dans le reste du monde; les salariés locaux reçoivent des salaires beaucoup plus élevés que le salaire moyen local et le versement de ces salaires est réalisé sous le contrôle de TOTAL. Il est également noté dans cette communication que TOTAL et ses partenaires ont décidé, en 1995, de lancer un vaste programme socio-économique à l'intention des communautés locales. En réponse à la plainte dont est saisie la commission, la communication déclare que le texte répète plusieurs allégations non fondées auxquelles TOTAL a déjà répondu ces dernières années. L'une de ces réponses, sous la forme d'une lettre adressée par TOTAL à la FIDH, est jointe en annexe. La communication indique également que le texte de la plainte contient un grand nombre d'erreurs factuelles mineures mais aussi d'autres plus graves. Elle souligne en particulier qu'il n'y a aucun rapport entre le gazoduc et le chemin de fer de Ye-Dawei (Tavoy), et qu'aucune communauté n'a été déplacée dans la région de ce gazoduc depuis la signature du contrat initial en 1992. Elle attire également l'attention de la commission sur les articles écrits par 15 journalistes, articles joints à la communication. Sont également jointes à cette communication une copie du code de conduite de TOTAL au Myanmar; les procédures d'indemnisation applicables à l'expropriation des terres; et une brochure intitulée The Yadana project. La communication indique encore que la compagnie TOTAL restait à la disposition de la commission pour toute information supplémentaire et qu'elle était prête à rencontrer les membres de la commission s'ils le souhaitaient.

4. Deuxième session de la commission

1) Audition des témoins

55. La commission a tenu à Genève du 17 au 20 et les 25-26 novembre 1997 sa deuxième session qui a été principalement consacrée à l'audition de témoins. Cette session a comporté 13 séances à huis clos auxquelles ont participé les représentants des plaignants, M. Janek Kuczkiewicz et M. Colin Fenwick, assistés de M. Maung Maung et M. David Arnott, ainsi que M. Guy Ryder et M. Dan Cunniah, respectivement directeur et directeur adjoint du bureau de la CISL à Genève.

56. Le gouvernement du Myanmar n'était pas représenté et n'a dès lors pas occupé les sièges qui lui étaient réservés. Notant l'absence du gouvernement, le président de la commission a rappelé les communications adressées au gouvernement du Myanmar dès la première session de la commission aux fins de lui transmettre les informations reçues des plaignants et des organisations sollicitées; de l'informer des dates auxquelles serait tenue la deuxième session et de l'inviter à désigner son représentant(55) .

57. La commission a requis son secrétariat in limine litis de contacter par téléphone la mission permanente du Myanmar à Genève. Elle fut alors informée que le gouvernement du Myanmar n'entendait pas être représenté lors de la deuxième session de la commission.

58. A la lumière de ces faits, la commission a estimé que le gouvernement du Myanmar avait été dûment informé des dates auxquelles la deuxième session serait tenue et avait eu l'opportunité d'y participer en tout temps. La commission a dès lors conclu que le gouvernement du Myanmar s'était abstenu en toute connaissance de cause de se prévaloir de son droit d'être présent aux audiences. Dans ces circonstances et considérant le temps déjà écoulé depuis le dépôt de la plainte, la commission a estimé qu'elle devait poursuivre ses travaux aux fins d'assurer que la plainte soit examinée promptement, évitant tout délai déraisonnable et assurant dès lors une procédure équitable(56) .

59. Avant de donner la parole aux représentants des plaignants, le président de la commission a rappelé que, conformément aux Règles relatives à l'audition des témoins adoptées lors de la première session et transmises aux parties, tous les témoins seraient entendus à huis clos à moins que la commission en décide autrement après consultation avec la partie concernée. L'information alors fournie par le témoin serait traitée comme confidentielle par toute personne dont la commission autoriserait la présence; notamment, aucune déclaration publique ne devait être prononcée sur cette information, à moins d'être expressément autorisée par la commission. Pour ce qui est de la présentation de la preuve, et en l'absence des représentants du gouvernement intéressé, les représentants des plaignants et les témoins seraient autorisés à faire des déclarations aux fins de fournir à la commission les données de fait pertinentes au cas qui relève de sa compétence. Chaque témoin serait interrogé par les représentants des plaignants et par la commission mais cette dernière conserverait son droit d'intervenir en tout temps, étant entendu que tout interrogatoire serait soumis à son contrôle(57) .

60. Par la suite, la commission a entendu les déclarations liminaires d'un plaignant et de représentants des plaignants(58) . Par la suite, elle a demandé aux représentants des plaignants de présenter leurs éléments de preuve. Ils ont fait entendre 14 témoins.

61. Le président de la commission a fait connaître à chacun des témoins avant qu'il ne présente sa déposition les conditions au regard desquelles ils apporteraient leurs témoignages, en précisant notamment que la fonction de la commission était d'établir les faits au sujet de l'application par le Myanmar de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930. En outre, le président a insisté sur le fait qu'une latitude raisonnable serait donnée aux témoins aux fins de leur permettre de fournir de telles informations de fait, mais que les déclarations de nature politique ou sortant de son mandat ne seraient pas acceptées. Toutes informations et éléments fournis à la commission à huis clos seraient traités comme confidentiels par toute personne dont la commission avait préalablement autorisé la présence. Le président de la commission a par la suite invité chaque témoin à faire une déclaration solennelle correspondant à celle prévue au Règlement de la Cour internationale de Justice aux termes de laquelle ils déclarent solennellement, en tout honneur et conscience, de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Dans les cas où l'interprétation était nécessaire, la commission a également requis les interprètes de faire une déclaration aux termes de laquelle ils s'engageaient à traduire fidèlement les propos du témoin.

62. Les témoins qui ont comparu dans le cadre des audiences de la commission se divisent en deux groupes. D'une part, 11 témoins ont été invités à faire une déposition en raison des connaissances qu'ils avaient acquises par des recherches, enquêtes ou entrevues sur la situation qui prévaut au Myanmar, en général, et sur les allégations de la plainte, en particulier. Deux de ces témoins ont également apporté la preuve qu'ils avaient assisté personnellement aux faits faisant l'objet de la plainte. Dans le cadre de leur témoignagne, ces témoins ont fourni des déclarations écrites et ont répondu aux questions qui leur étaient posées. Parmi ces témoins, Mme Donna Guest, représentante de l'organisation non gouvernementale Amnesty International, et Mme Edith Mirante, représentante de l'organisation non gouvernementale Project Maje, ont présenté différentes formes de travail forcé qu'elles ont identifiées au cours de leurs recherches sur le Myanmar. Par la suite, ont été entendus: M. Kevin Heppner, représentant de l'organisation non gouvernementale Karen Human Rights Group, qui a fait une présentation systématique du travail forcé, notamment dans la partie orientale du Myanmar, et Mme Zunetta Lizddell, représentante de l'organisation non gouvernementale Human Rights Watch/Asia, qui a traité notamment des questions relatives aux traditions culturelles et au travail pénitentiaire. Une représentante de l'organisation non gouvernementale Images Asia et un représentant de l'organisation non gouvernementale Burma Centrum Netherlands, qui ont demandé à ce que leurs noms et autres données d'identification ne soient pas divulgués, ont respectivement témoigné sur la situation dans différents Etats et divisions du Myanmar et sur la question délicate des Rohingyas dans l'Etat Rakhine. M. Terry Collingsworth, représentant de l'organisation non gouvernementale International Labour Rights Fund, et M. Doug Steele ont pour leur part précisé notamment l'état de la poursuite judiciaire devant le tribunal d'instance des Etats-Unis d'Amérique, instance centrale de la Californie (United States District Court, Central District of California), dans laquelle est impliquée notamment la Federation of Trade Unions of Burma et le Yadana Natural Gas Project ainsi que la société américaine UNOCAL et qui concerne le gazoduc qui traverse la division de Tanintharyi au sud du Myanmar; Mme Christine Habbard de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) s'est également référée à la question du gazoduc. Enfin, deux autres personnes ont présenté les témoignages qu'elles avaient recueillis au cours d'enquêtes menées sur le terrain.

63. D'autre part, trois témoins ont présenté des éléments de preuve concernant des faits vécus personnellement et relatifs à l'affaire. La commission a décidé que ces derniers témoins devaient bénéficier de mesures de protection et que, en conséquence, ni leurs véritables noms ni les données permettant de les identifier ne seraient divulgués. Leurs dépositions ainsi expurgées seraient toutefois rendues publiques.

64. En outre, les plaignants ont présenté une requête aux termes de laquelle, compte tenu du jeune âge d'un des témoins de faits, ils ont demandé qu'elle soit entendue dans un lieu gardé confidentiel et que la personne qui l'accompagne normalement soit présente au moment de la déposition. Après en avoir délibéré, la commission a décidé d'octroyer les mesures de protection demandées de manière à offrir autant que possible un climat favorable pour la prise de la déposition. La commission a dès lors décidé qu'elle se déplacerait dans un lieu qui serait gardé confidentiel, serait accompagnée d'un représentant des plaignants et de deux membres de son secrétariat. La personne accompagnant normalement le témoin pourrait être présente étant entendu qu'elle n'essaierait pas de communiquer avec le témoin ou d'intervenir de quelque manière. La commission s'est toutefois réservée le droit de demander à tout moment à cette personne de quitter la pièce si elle estime que sa présence nuit au témoignage(59) .

65. En outre, la commission a autorisé un autre témoin, incapable de se rendre à Genève pour la session, à faire sa déposition par voie de vidéoconférence(60) . Les mêmes mesures de protection en ce qui concerne la non-divulgation de son nom et autres données d'identification lui ont été octroyées.

66. Des conférences préparatoires entre la commission et les représentants des plaignants ont été tenues de temps à autre au sujet de la procédure afin d'en assurer le bon déroulement. Les membres de la commission se sont retirés à plusieurs reprises de manière à délibérer à huis clos et ex parte aux fins de trancher les questions de procédure soulevées au cours des audiences.

67. Différents documents ont été soumis par les témoins et les représentants des plaignants au cours de la deuxième session(61) . Enfin, à l'issue de la présentation de la preuve, les représentants des plaignants ont prononcé leurs déclarations finales.

* * *

68. Les informations recueillies au cours des audiences sont reflétées dans l'analyse figurant dans la partie IV du rapport. Les comptes rendus sténographiques d'audience ont été communiqués par le secrétariat de la commission au gouvernement du Myanmar. En outre, deux exemplaires des comptes rendus d'audience ont été déposés à la bibliothèque du Bureau international du Travail.

69. A l'issue de la deuxième session, la commission a estimé qu'il serait souhaitable qu'elle se rende au Myanmar pour compléter les informations en sa possession. La commission a dès lors demandé au gouvernement, dans une lettre en date du 28 novembre 1997, de lui donner la possibilité de se rendre au Myanmar pour une période de sept à dix jours; elle a exprimé l'espoir que le gouvernement offrirait sa coopération et son assistance à cet égard. Plus précisément, la commission a insisté sur l'importance d'obtenir sur place, sans restriction aucune, les informations nécessaires de toute personne dont les connaissances et l'expérience pouvaient s'avérer pertinentes, incluant des dirigeants gouvernementaux de haut niveau ou des personnes ou entités que la commission jugerait à propos de rencontrer. Elle a ajouté que les entrevues devaient être tenues dans des circonstances assurant pleine confidentialité aux personnes rencontrées et a rappelé que, conformément à l'article 8 des Règles relatives à l'audition des témoins, le gouvernement devait assurer que les témoins ou leurs familles ne subiront aucune sanction ni préjudice du fait d'être associés aux travaux de la commission.

2) Communications reçues par la commission
après la deuxième session
(62)

a) Communication du gouvernement du Myanmar

70. Par une communication en date du 12 décembre 1997, le directeur général du ministère du Travail du gouvernement du Myanmar a informé le Directeur général du BIT que son gouvernement ne pouvait autoriser la venue de la commission d'enquête au Myanmar, étant entendu «qu'une telle visite ne contribuerait pas vraiment à résoudre l'affaire» et «qu'elle constituerait une ingérence dans les affaires intérieures du pays».

71. Par une communication datée du 16 juin 1998, la Mission permanente de l'Union du Myanmar auprès des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève a transmis plusieurs articles, dossiers de presse, rapports, memoranda, correspondances et bandes vidéo au sujet d'activités et de projets impliquant de la main-d'œuvre au Myanmar(63) . Ces informations faisaient état en particulier de l'utilisation de membres de la Tatmadaw pour la construction de projets de développement régionaux et pour le développement «des régions frontalières et des races nationales», ainsi que des documents sur la situation des femmes et des enfants et sur la participation des compagnies privées dans les secteurs des transports et du tourisme.

b) Communications d'organisations non gouvernementales

72. Par une communication en date du 10 mars 1998, le Comité consultatif mondial des amis (Quakers) a demandé des précisions au secrétariat à propos de l'avancement des travaux de la commission.

73. Par une communication en date du 27 mars 1998, Images Asia a transmis copie d'un rapport sur la situation prévalant dans l'Etat Chin et dans la division de Sagaing intitulé All quiet on the Western Front?(64) .

74. Au cours des mois d'avril et juin, les documents suivants ont également été transmis à la commission: un rapport d'Amnesty International intitulé Atrocities in the Shan State(65)  transmis par la Burma Peace Foundation; plusieurs rapports du Karen Human Rights Group(66)  transmis par cette organisation; et un rapport de Earth Rights International intitulé School for Rape(67)  transmis par cette organisation.

c) Communications d'une compagnie
mentionnée dans la plainte

75. Par une lettre en date du 11 décembre 1997, la commission a donné l'opportunité à TOTAL de fournir des observations additionnelles sur une série d'allégations de faits, soulevées dans les documents reçus par la commission et les témoignages entendus et citant la société. Par une communication en date du 23 décembre, TOTAL a répondu à chacun des points soulevés en soulignant qu'il y avait peu d'éléments nouveaux auxquels la compagnie n'aurait pas déjà répondu et que les allégations étaient sans rapport avec la réalité connue sur le terrain(68) . Plus précisément, TOTAL a indiqué:

76. Par une communication en date du 4 mars 1998, la société TOTAL a transmis copie d'un rapport rédigé par deux membres de l'organisation non gouvernementale Commission for Justice and Peace(69) . Ce rapport a été préparé à la demande d'UNOCAL et avait pour but de vérifier les conditions de travail et les programmes socio-économiques existant sur le site du gazoduc Yadana au Myanmar. Bien que le rapport précise que la question de savoir si les investissements étrangers influent sur la viabilité du régime dirigeant le pays dépasse le cadre du mandat octroyé, il conclut que chaque village profite de retombées positives générées par le projet. Il ajoute que l'approche adoptée devrait servir de modèle aux autres sociétés internationales.

5. Visite de la commission dans la région

1) Procédure suivie par la commission

77. Les membres de la commission ont jugé nécessaire également de compléter les informations en leur possession en se rendant dans la région afin de rencontrer le plus grand nombre possible de personnes et entités susceptibles de les informer sur les pratiques mentionnées dans la plainte.

78. Cette visite était d'autant plus importante que le gouvernement du Myanmar avait refusé de recevoir les membres de la commission; elle allait leur permettre de se former une impression directe de la situation décrite dans la plainte, de prendre personnellement connaissance de faits relatés dans la masse de documents qui leur avaient été soumis et de vérifier la justesse des allégations figurant dans la plainte. Ce faisant, la commission a exercé ses pouvoirs d'investigation et d'enquête.

79. En vue d'assurer la meilleure utilisation de son temps et de déterminer par elle-même les lieux qu'elle entendait visiter, la commission a établi par avance un plan détaillé des déplacements qu'elle désirait faire et elle a informé les autorités compétentes de la nécessité de se rendre en Inde, au Bangladesh et en Thaïlande durant la période s'échelonnant du 18 janvier au 20 février 1998.

80. Lors de l'enquête qu'elle a menée dans la région, la commission a obtenu les témoignages personnels de près de 250 personnes. Ces témoignages ont été rendus possibles grâce à l'aide de personnes et d'organisations non gouvernementales œuvrant dans les régions concernées. A la demande de la commission, ces personnes et ces organisations ont été priées d'identifier toute une série de personnes susceptibles d'être interrogées avec des directives explicites selon lesquelles ces témoins devaient être choisis au hasard et ne pas avoir été déjà interrogés sur les questions faisant l'objet de l'enquête, à l'exception de leurs noms et autres données d'identification. Cette demande avait pour but d'éviter les répétitions d'autres déclarations déjà fournies à la commission et de limiter le risque d'altérer les preuves tout en assurant la crédibilité des informations fournies. La commission a exprimé le désir de couvrir autant que faire se peut le maximum de territoire du Myanmar et, dans cet esprit, d'interroger des personnes provenant du plus grand nombre possible de régions et appartenant à toutes sortes de groupes ethniques sans distinction aucune. Compte tenu du très grand nombre d'interviews, priorité a été donnée aux témoins ayant les expériences les plus récentes. La commission a aussi estimé utile d'entendre les témoignages de personnes ayant servi dans les forces armées du Myanmar.

81. Etant donné le nombre considérable de personnes pouvant être entendues et afin d'en entendre un aussi grand nombre que possible, la commission s'est souvent scindée en trois équipes, dont chacune comprenait un membre de la commission et un membre du secrétariat. Chaque équipe a pu recueillir les déclarations de témoins. En une occasion, cette procédure a été modifiée lorsqu'en Thaïlande la commission n'a pu avoir accès aux témoins potentiels. La commission a alors autorisé une personne qui pouvait entrer en contact avec eux et qui a recueilli les déclarations de huit de ces témoins. Cette personne avait elle-même témoigné à Genève(70) , devant la commission, sur son expérience professionnelle et sur le fait qu'elle avait déjà recueilli les déclarations de personnes ayant été témoins de faits intéressant l'enquête ou les ayant elles-mêmes vécus. La commission a donné à cette personne des directives sur le type d'interrogatoires à mener et sur la façon dont ils devaient être conduits. Se fondant sur les références antérieures de cette personne et sur son expérience ainsi que sur le compte rendu qu'elle a fait de ces interrogatoires, la commission a pu se convaincre que les témoignages obtenus étaient volontaires et dignes de foi.

82. Lorsque ces diverses mesures ont été prises, il est apparu que les témoins avaient peur des représailles que pouvaient prendre les autorités; soucieuse d'obtenir des informations complètes et exactes, la commission a décidé qu'il convenait de prévoir des mesures de protection selon lesquelles les noms et autres données d'identification ne seraient pas divulgués. La commission a estimé essentiel toutefois que les résumés des témoignages ainsi expurgés soient rendus publics et fassent partie intégrante du présent rapport(71) .

83. La commission a recueilli les déclarations des témoins sur une base individuelle, sauf quelques rares occasions où les personnes provenaient de la même famille ou localité ou lorsque les conditions de l'entrevue ne permettaient pas une telle procédure. Dans ces cas, le témoignage d'une personne était pris et corroboré par la suite par d'autres dans un petit groupe. Dans les cas où l'interprétation était nécessaire, la commission a choisi à l'avance les interprètes et les a requis de faire une déclaration aux termes de laquelle ils s'engageaient à traduire fidèlement les propos des témoins. En outre, un membre du secrétariat parlant le birman couramment pouvait assurer que l'interprétation était véridique.

84. Hommes, femmes et enfants ont été interrogés. Dans ce dernier cas en particulier, la commission s'est assurée que le témoin comprenait le mandat de la commission et la nécessité de dire la vérité. Les entrevues ont été tenues dans des conditions assurant pleine confidentialité aux personnes rencontrées. Puisque plusieurs personnes interrogées habitaient des régions éloignées ou fermées aux membres de la commission, elles ont été déplacées et rencontrées dans des conditions assurant à tous sécurité et accessibilité. Pour chaque témoin, la commission a, dans un premier temps, obtenu les données d'identification nécessaires aux fins de vérifier, opposer et corroborer les différentes versions racontées. Elle a par la suite interrogé les témoins sur leur expérience personnelle pertinente aux pratiques mentionnées dans la plainte, vérifiant notamment l'année, la durée, l'endroit, le contexte et les conditions d'exécution. En outre, elle a questionné les témoins sur les expériences que d'autres auraient pu leur raconter, incluant leur famille, leurs proches ou toutes personnes. Chaque témoin a eu la possibilité de prononcer une déclaration personnelle. Lorsque approprié, la commission a aussi questionné les témoins sur leurs affiliations ou allégeances politiques.

85. L'enregistrement des informations a été faite sous forme de notes manuscrites prises par la commission; du fait de leur abondance, elles ont été ensuite résumées. La commission a renoncé à l'enregistrement sur bandes magnétiques en raison des difficultés pratiques qu'il présentait, en particulier avec les interprètes; en outre, les personnes interrogées étaient moins intimidées vu l'environnement dans lequel beaucoup d'entrevues se déroulaient: dans des huttes, à même le sol, en plein air et dans une usine.

2) Personnes et témoins rencontrés

86. La commission s'est déplacée en Inde, au Bangladesh et en Thaïlande pour rencontrer des personnes susceptibles de lui fournir des informations pertinentes relatives à la plainte. L'âge des personnes rencontrées varie entre 12 et 72 ans, et la grande majorité des expériences relatées se sont produites au cours de ces deux dernières années.

a) Inde

87. La commission a procédé à des entrevues les 19, 20 et 22 janvier 1998 à Delhi. A cette occasion, elle a rencontré 17 personnes provenant des Etats Chin et Rakhine et appartenant respectivement aux groupes ethniques Chin et Rakhine(72) . Malgré ses demandes, la commission n'a toutefois pu obtenir en temps utile du gouvernement de l'Inde les autorisations nécessaires pour se rendre dans l'Etat Manipur, au nord-est de l'Inde où auraient trouvé refuge d'autres personnes provenant du Myanmar et en possession d'informations qui auraient pu intéresser la commission.

88. Le 22 janvier 1998, le président de la commission a rendu une visite de courtoisie au secrétaire du ministère du Travail du gouvernement indien aux fins de lui présenter les grandes lignes et l'importance du travail de la commission d'enquête en Inde.

b) Bangladesh

89. La commission s'est par la suite déplacée au Bangladesh où elle a séjourné du 23 janvier au 3 février. Lors de son séjour à Dhaka, du 23 au 27 janvier, la commission a rencontré des représentants du Haut Commissariat pour les réfugiés des Nations Unies et d'organisations non gouvernementales susceptibles de lui fournir de l'information lui permettant d'identifier les endroits les plus propices pour rencontrer des personnes ayant une connaissance personnelle des questions faisant l'objet de la plainte.

90. Du 27 janvier au 3 février 1998, la commission s'est rendue à Cox's Bazar, ville située à quelques kilomètres de la frontière partagée par le Bangladesh et le Myanmar. Compte tenu du nombre considérable de personnes qui pouvaient être rencontrées, la commission s'est alors divisée en trois groupes de manière à conduire le plus d'entrevues possible. Au total, plus de 71 témoignages ont été recueillis, les rencontres ayant lieu dans la ville et ses environs(73) . La plupart des personnes rencontrées étaient d'origine Rohingya et provenaient du nord de l'Etat Rakhine qu'elles n'avaient quitté, pour certaines, que quelques jours auparavant. Plusieurs n'avaient pas d'abris et campaient sur des terrains vagues.

91. Le président de la commission a rendu visite au ministre du Travail et de la Main-d'œuvre du Bangladesh le 2 février 1998 à Dhaka. Au cours de cet entretien, le président a expliqué l'origine et le mandat de la commission ainsi que les raisons de sa présence dans la région.

c) Thaïlande

92. La commission s'est déplacée en Thaïlande du 3 au 20 février 1998. Du 5 au 9 février, elle s'est rendue dans la localité de Mae Hong Song, ville située aux confins de la Thaïlande près de la frontière avec l'Etat Kayah au Myanmar. Elle a transité par les villes de Bangkok et Chiang Mai où elle a pu rencontrer des représentants d'organisations non gouvernementales qui ont été en mesure de lui fournir de l'information récente sur l'état de la situation au Myanmar.

93. A Mae Hong Song, la commission a rencontré 53 personnes provenant de différents Etats du Myanmar et appartenant aux groupes ethniques Karenni, Karen, Birman, Shan et Pa'o(74) . Les entrevues ont été tenues à trois endroits aux environs de la localité.

94. Du 10 au 16 février 1998, la commission s'est ensuite déplacée à Mae Sot, ville thaïlandaise située près de la frontière avec l'Etat Kayin où elle a rencontré 56 personnes des groupes ethniques Musulman, Karen, Birman, Shan et Pa'o(75) . L'un des membres de la commission, accompagné d'un membre du secrétariat, s'est rendu du 15 au 17 février à Kanchanaburi, province de la Thaïlande, partageant la frontière avec les Etats Karen et Mon ainsi qu'avec la division de Tanintharyi (Tenasserim). Elle y a tenu 12 entrevues avec des Mons et des Karens(76) .

95. Ayant quitté Mae Sot un peu plus tôt pour retourner à Bangkok, le président y a rencontré, le 15 février, des membres du gouvernement de coalition nationale du Myanmar (National Coalition Government of the Union of Burma -- NGBU).

96. Les membres de la commission ont été à nouveau réunis le 18 février à Bangkok. Ils ont profité de la journée suivante pour faire une visite de courtoisie au ministre du Travail de la Thaïlande et pour rencontrer un représentant d'une organisation non gouvernementale s'intéressant au travail forcé au Myanmar.

97. Deux membres de la commission devant quitter la Thaïlande en raison des horaires aériens, un seul membre est demeuré le 20 février pour conduire des entrevues dans un site à proximité de Bangkok. Trente-deux personnes des groupes Karen, Birman, Mon et Rakhine ont été rencontrées à cette occasion(77) .

98. A la fin de sa visite dans la région, la commission a décidé de se réunir une nouvelle fois à Genève, du 29 juin au 3 juillet 1998, afin d'établir et d'adopter son rapport final.

6. Troisième session de la commission

99. La commission a tenu sa troisième session à Genève du 29 juin au 3 juillet 1998. A cette occasion, la commission a parachevé la rédaction des chapitres du présent rapport. La commission a clos cette dernière session en signant le rapport qu'elle a déposé entre les mains du Directeur général du Bureau international du Travail.


3.  Voir rapport de la Commission instituée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail pour examiner la plainte déposée par le gouvernement du Ghana au sujet de l'observation par le gouvernement du Portugal de la convention (no 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957, (1962) Bulletin officiel, vol. XLV, no 2, supplément II, paragr. 15; rapport de la Commission instituée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail pour examiner la plainte déposée par le gouvernement du Portugal au sujet de l'observation par le gouvernement du Libéria de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, (1963) Bulletin officiel, vol. XLVI, no 2, supplément II, paragr. 381; rapport de la Commission instituée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail pour examiner les plaintes au sujet de l'observation par la Grèce de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, présentées aux termes de l'article 26 de la Constitution de l'OIT par un certain nombre de délégués à la 52e session de la Conférence internationale du Travail, (1971) Bulletin officiel, vol. LIV, no 2, supplément spécial, paragr. 8; rapport de la Commission instituée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail pour examiner la plainte au sujet de l'observation par la Pologne de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, présentée par des délégués à la 68e session de la Conférence internationale du Travail, (1984) Bulletin officiel, vol. LXVII, supplément spécial, Série B, paragr. 5; rapport de la Commission chargée d'examiner la plainte concernant l'exécution, par le Nicaragua, des conventions (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, présentée par plusieurs délégués à la 73e session (1987) de la Conférence en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT, (1991) Bulletin officiel, vol. LXXIV, supplément 2, Série B, paragr. 5; rapport de la Commission d'enquête instituée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail pour examiner la plainte relative à l'observation par la Roumanie de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, (1991) Bulletin officiel, vol. LXXIX, supplément 3, Série B, paragr. 4.

4.  Le texte de ces règles est joint au présent rapport (annexe III).

5.  Une invitation a été adressée aux gouvernements des pays suivants: Australie, Bangladesh, Cambodge, Canada, Chine, République de Corée, Etats-Unis, France, Inde, Indonésie, Japon, République démocratique lao, Malaisie, Nouvelle-Zélande, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Philippines, Singapour, Sri Lanka, Thaïlande et Viet Nam.

6.  Les Nations Unies, y compris le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés; l'Union européenne; l'Association des nations du Sud-Est asiatique (ASEAN).

7.  Ayant le statut consultatif auprès de l'OIT: Confédération internationale des syndicats libres, Confédération mondiale du travail, Fédération syndicale mondiale, Organisation internationale des employeurs. Autres: Fédération internationale des producteurs agricoles, Fédération internationale des syndicats de travailleurs de la chimie, de l'énergie, des mines et généraux, Brotherhood of Asian Trade Unionists, Syndicat international des associations de travailleurs de l'alimentation et des secteurs connexes, Confédération des

employeurs de l'ASEAN, Fédération des syndicats de Birmanie, Chambre de commerce et d'industrie du Myanmar.

8.  Organisations non gouvernementales: Action contre la faim, Aide médicale internationale, Amnesty International, Article 19, Australia Burma Council, Australian Council for Overseas Aid, Burma Action Group, Burma Border Consortium, Burma Donors' Secretariat, Burma Centrum Nederland, Burma UN Services Office, Burma Issues, Burma Peace Foundation, Burmese Relief Centre, Burmese Women's Union, Comité consultatif mondial des amis (Quakers), Comité de juristes pour les droits de l'homme, Commission internationale de juristes, Danish Burma Committee, Earth Rights International, Euro-Burma Office, Fédération internationale des ligues des droits de l'homme, Groupe des droits des minorités, Groupe international de juristes pour les droits de l'homme, Groupe de travail international pour les affaires indigènes, Health Unlimited, Human Rights Watch (Asie), Images Asia, International Rescue Committee, Investor Responsibility Research Center, Jesuit Refugee Service, Karen Human Rights Group, Ligue internationale des droits de l'homme, Ligue internationale pour les droits et la libération des peuples, Maryknoll Thailand, Médecins sans frontières (France), Médecins sans frontières (Pays-Bas), Médecins sans frontières (Thaïlande), Mon information Service, Projet Maje, Shan Human Rights Foundation, Société anti-esclavagiste, Southeast Asia Information Network and Tourism Concern.

9.  TOTAL, UNOCAL Corporation et Yukong Limited.

10.  Doc. 35.

11.  Doc. 36.

12.  Doc. 45.

13.  Doc. 37-41.

14.  Doc. 42 et 43.

15.  Doc. 44 (identique au doc. 125).

16.  Doc. 46.

17.  Le texte de ces Règles figure à l'annexe III.

18.  Doc. 34.

19.  Doc. 159.

20.  Doc. 152.

21.  Doc. 105.

22.  Doc. 2.

23.  Doc. 56.

24.  Doc. 57-84.

25.  Doc. 11.

26.  Doc. 33.

27.  Doc. 85-101.

28.  Doc. 153.

29.  Doc. 101.

30.  Doc. 102.

31.  Doc. 103 (une copie de ce document figure dans le doc. 1 aux pages 227 et suiv.).

32.  Doc. 104.

33.  Doc. 12-14.

34.  Doc. 106-124.

35.  Doc. 161.

36.  Doc. 1 et doc. 154-158.

37.  Doc. 73 et 74.

38.  Doc. 164.

39.  Doc. 162 et 163.

40.  Doc. 160.

41.  Doc. 3.

42.  Doc. 149.

43.  Doc. 150.

44.  Doc. 151.

45.  Doc. 125-128, 131 et 132.

46.  Doc. 129 et 133.

47.  Doc. 130.

48.  Doc. 134-138.

49.  Doc. 32.

50.  Doc. 16 et 21.

51.  Doc. 15, 17-20 et 22-31.

52.  Doc. 6-10.

53.  Doc. 4.

54.  Doc. 48-55.

55.  Voir notamment le paragraphe 26 ci-dessus. Des lettres de rappel ont été envoyées par le secrétariat au gouvernement le 15 octobre et les 9 et 12 novembre 1997.

56.  Comptes rendus sténographiques d'audience de la première séance, 17 nov. 1997, pp. 2-3.

57.  Ibid., pp. 6-7.

58.  Les personnes suivantes ont prononcé des déclarations liminaires: M. William Brett, plaignant, représentant travailleur du Royaume-Uni et président du groupe des travailleurs du Conseil d'administration du BIT, MM. Kuczkiewicz et Fenwick, représentants désignés des plaignants, et M. Maung Maung, conseiller pour les plaignants.

59.  Comptes rendus sténographiques d'audience de la quatrième séance, 19 nov. 1997, p. 1.

60.  Comptes rendus sténographiques d'audience de la dixième séance, 25 nov. 1997, p. 1.

61.  La liste des documents soumis au cours des audiences figure à l'annexe VI du présent rapport.

62.  La liste des documents reçus par la commission après sa deuxième session figure à l'annexe V du présent rapport.

63.  Doc. 176.

64.  Doc. 167.

65.  Doc. 168.

66.  Doc. 169-172, 174 et 175.

67.  Doc. 173.

68.  Doc. 165.

69.  Doc. 166.

70.  Voir chap. 4, deuxième session de la commission, paragr. 55 à 68.

71.  Voir annexe VII. En outre, on trouvera à l'annexe VIII du présent rapport la liste des documents qui ont été remis à la commission lors de sa visite dans la région.

72.  Annexe VIII, témoins 1 à 17.

73.  Ibid,, témoins 18 à 88.

74.  Ibid,, témoins 89 à 141.

75.  C'est pendant cette période que la commission a autorisé la prise des témoignages mentionnés au paragr. 81.

76.  Ibid., témoins 142 à 209.

77.  Ibid., témoins 210 à 241.

 

Mise à jour par VC. Approuvée par NdW. Dernière modification: 21 février 2000.