CHAPITRE III
Dispositions fondamentales de la législation du travail:
La reconnaissance effective du droit de négocier des conventions
collectives
Introduction
La négociation collective, c’est à dire la négociation
et la conclusion de convention collective, donne aux travailleurs et
aux employeurs la capacité et l’opportunité de déterminer
leurs conditions de travail et d’emploi. La négociation
collective permet, aux organisations de travailleurs et d’employeurs
librement constituées, d’exercer pleinement leur liberté syndicale
et de fonder un véritable système de relations professionnelles.
La négociation collective a prouvé au fil du temps, sa
valeur comme instrument démocratique pour régler les différends
et éviter le recours à des formes plus dures d’action
syndicale, comme les grèves. En favorisant le développement
de la paix sociale et de la coopération au sein du marché du
travail, elle le rend efficace et elle s’impose comme un pilier
des économies développées et des sociétés
démocratique avancées.
L’accent mis, dans les textes fondamentaux de l’OIT, sur
la négociation collective mais aussi la place prépondérante
qu’elle occupe dans la loi et dans la pratique de la majorité des
Etats membres, témoignent de son importance dans le développement
d’une économie moderne. La reconnaissance effective du principe
donne ainsi aux organisations de travailleurs, la capacité de
négocier avec les employeurs, au nom de leurs membres, de meilleures
conditions de travail et d’emploi que celles qu’auraient
pu négocier un travailleur seul.
La négociation collective permet de rétablir l’équilibre
entre les pouvoirs de négociation du travailleur seul face à l’employeur,
et la convention collective une fois négociée remplace
les conditions de travail établies par les contrats de travail
individuels. Les employeurs peuvent eux espérer améliorer
la productivité, et compter sur une plus grande loyauté de
la part de travailleurs plus motivés et plus compétents,
bénéficiant de meilleures conditions de travail.
[début de la page]
La protection internationale et la promotion de la
négociation collective
La promotion de la négociation collective est un objectif primordial
pour l’OIT.1 Comme
le reconnaît la Déclaration de Philadelphie, l’OIT
a "l’obligation solennelle… de seconder la mise en œuvre,
parmi les différentes nations du monde, de programmes propres à réaliser… la
reconnaissance effective du droit de négociation collective et
la coopération des employeurs et de la main d’œuvre
pour l’amélioration continue de l’organisation de
la production, ainsi que la collaboration des travailleurs et des employeurs à l’élaboration
et à l’application de la politique sociale et économique …".2
L'importance de la négociation collective a d’ailleurs été récemment
réaffirmée par la Déclaration de l’OIT relative
aux principes et droits fondamentaux au travail de1998, qui reconnaît
aux Etats membres, qu'ils aient ou non ratifié les conventions
concernées, l’obligation, du seul fait de leur appartenance à l’OIT
de respecter, promouvoir et réaliser, de bonne foi et
conformément à la Constitution, les principes concernant
les droits fondamentaux notamment la reconnaissance effective du
droit de négociation collective (paragraphe 2 (a)).
Le droit de négocier des conventions collectives est reconnu
et protégé par plusieurs conventions et recommandations
de l’OIT, en particulier la convention (n° 98) sur le droit
d’organisation et de négociation collective, 1949,3 et la convention
(n°154) sur la négociation collective, 1981.4
Le droit de s'engager dans la négociation de conventions collectives
a également été reconnu par plusieurs textes internationaux
importants n'émanant pas de l’OIT, comme la Charte Interaméricaine
des garanties sociales (1948), la Charte sociale européenne (1961)
et la Charte communautaire des droits sociaux des travailleurs (1989).
L'importance donnée à la négociation des conventions
collectives dans ces documents internationaux officiels sur les droits
de l'homme fondamentaux, mais aussi dans la loi et les usages d'un grand
nombre d'Etats, montre bien l'accent mis par les politiques sociales
nationales et internationales sur le principe suivant: les travailleurs, à travers
leur droit collectif de se syndiquer pour défendre leurs intérêts,
doivent avoir la possibilité d'user de leur pouvoir collectif
de négocier avec leurs employeurs et au bénéfice
de leurs membres, de meilleures conditions d'emploi, que ce qui résulterait
d'une négociation individuelle, c'est-à-dire conduite par
chaque ouvrier. C'est donc un moyen de chercher à surmonter la
puissance de négociation inégale des ouvriers pris individuellement,
face à leur employeur, dans la discussion des contrats de travail
individuels, que d'accorder aux organisations ouvrières le droit
de conclure des conventions collectives qui se substituent aux contrats
individuels. En contrepartie, les employeurs peuvent espérer une
amélioration de la productivité, puisqu'une main-d'œuvre
accrue se voit accorder de meilleures conditions de travail, en ayant
le sentiment de se voir reconnaître la capacité de contribuer à fixer
ces conditions.
Les obligations établies dans ces textes doivent faire face
au développement d’une négociation collective de
plus en plus soumise aux pressions économiques et sociales.5
Le principal objectif d’une politique nationale dans ce domaine
devrait être de promouvoir et d'encourager la négociation
libre et volontaire de conventions collectives, qui laissent aux parties
la plus grande autonomie possible, tout en établissant un cadre
légal et administratif qui puisse faciliter la négociation
et la conclusion des conventions, si les partenaires décident
d’y avoir recours.6
La convention (n° 98) demande aux Etats qui l’ont ratifié de
prendre :
Des mesures appropriées aux conditions nationales …[et]
si nécessaire… pour encourager et promouvoir le développement
et l’utilisation les plus larges de procédures de négociation
volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les
organisations d’employeurs, d’une part, et les organisations
de travailleurs, d’autre part, en vue de régler par
ce moyen les conditions d’emploi. (article 4).
La convention (n°154) prévoit elle très clairement
:
Des mesures adaptées aux circonstances nationales devront être
prises en vue de promouvoir la négociation collective. (article
5(1)).
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Le rôle des gouvernements dans la promotion
et la garantie du droit de négocier des conventions collectives
Si la législation est l'un des principaux outils dont disposent
les Etats membres pour mettre en œuvre ce droit, elle est souvent
accompagnée par d’autres voies comme celle des conventions
collectives, des sentences arbitrales, des règlements administratifs,
des décisions gouvernementales.7 Elle prévoit également
souvent la création d’institutions administratives chargées
de contrôler le respect des obligations légales, et la mise
en place de services de conciliation et de médiation pour venir
en aide aux parties.
Evaluer l’opportunité d’avoir recours à la
loi pour promouvoir et développer la négociation collective,
et faire le choix d’une législation très détaillée
ou non, dépend étroitement du contexte de chaque pays,
et notamment de l’existence ou non d’une tradition de négociation
collective.8 Par exemple, un Etat peut
décider qu’une procédure détaillée
est la solution la plus appropriée pour favoriser la négociation
collective. Dans d'autres cas, la seule référence dans
une disposition légale, au droit des employeurs, et à leurs
organisations, de négocier, avec les organisations de travailleurs,
des conventions collectives suffira. Adapter le niveau de réglementation
pour correspondre au mieux au contexte national est important. L’absence
d’un cadre législatif, 9 aussi
bien qu’une réglementation très détaillée
peuvent, selon les pays, être un obstacle à l’établissement
d’une véritable négociation collective entre les
partenaires sociaux.10
Il paraît largement admis que l'obligation "de promouvoir...des
négociations sur une base ouverte et volontariste, en vue de réglementer
les modalités d'emploi par le biais des conventions collectives" implique
un engagement de garantir aux parties prenantes le droit de participer
activement à la négociation collective et, là où le
contexte national l'exige, de prévoir un certain nombre d'obligations
légales annexes, pour que ce droit puisse effectivement s'exercer;
ces obligations pourront comporter, dans certaines conditions, la reconnaissance
de l'autre partie comme interlocuteur de la négociation des conventions
collectives considérées, et un engagement de négocier
de bonne foi avec le partenaire.
[début de la page]
Les parties qui doivent bénéficier du droit de négocier
des conventions collectives et le niveau auquel les négociations
peuvent se dérouler11
Les parties à la négociation collective
Selon les conventions de l’OIT concernées, le droit de
participer à la négociation des conventions collectives
doit être reconnu à toutes les organisations de travailleurs, à tous
les employeurs et à toutes les organisations d'employeurs,12 sauf lorsque certaines
exclusions spécifiques sont autorisées, et sous réserve
de limitations éventuelles, liées à la représentativité d’une
organisation.
La législation ou la pratique nationales peuvent déterminées,
aux termes des conventions (n° 98), (n° 151) et (n° 154),
dans quelle mesure ces textes s’appliquent aux forces armées
et à la police.13 En d'autres termes,
les législations peuvent prévoir que ces garanties s'appliquent
totalement, partiellement ou pas du tout, aux membres des forces armées, à la
police et à leurs organisations représentatives.
De plus, la convention (n° 98) prévoit expressément
qu'elle ne traite pas de la situation des fonctionnaires publics. Cela
implique que même si cette catégorie de travailleurs bénéficie
du droit de s’organiser, en vertu de la convention (n° 87),
le fait que les droits prévus par la convention (n° 98) ne
leurs soient pas garantis ne doit pas être interprété comme
portant préjudice à leurs droits ou à leur statut.14
Les organes de contrôle de l’OIT ont cependant décidé que
ces exclusions doivent s’appliquer strictement. Dans le cas des
fonctionnaires, la Commission d'experts a établi une distinction
entre, d’un coté les fonctionnaires qui sont au service
de l'administration d'Etat et qui peuvent être exclus du champ
d'application de la convention (n° 98), et les autres agents publics,
de l’autre, qu’ils travaillent pour les entreprises publiques
ou pour toute institution à caractère public, et qui doivent
bénéficier des garanties de la convention (n° 98).15
Les exclusions qui concernent la police et les forces armées
doivent également être d’application stricte. Par
exemple, le Comité de la liberté syndicale a décidé que
des techniciens de l'aviation civile travaillant sous l'autorité des
forces armées ne pouvaient pas être considérés,
au regard de la nature de leurs fonctions, comme appartenant à ces
forces armées, et à ce titre ne pas bénéficier
des garanties prévues par la convention (n° 98).16
Le droit des organisations de travailleurs de négocier des conventions
collectives est reconnu dans la très plupart des pays, avec souvent
les exclusions mentionnées ci-dessus. Les législations
nationales décrivent parfois clairement les parties habilitées à négocier
une convention collective, et le niveau auquel se déroule la négociation.
Les parties à la négociation sont en général
définies comme des organisations de travailleurs (ou syndicats)
d’une part et, d’autre part, un employeur à titre
individuel, plusieurs employeurs négociant ensemble, ou des organisations
d'employeurs.
[début de la page]
Les différents niveaux de négociation collective
Concernant les différents niveaux de négociation des
conventions collectives (comme l’établissement, l’entreprise
ou la branche industrielle), aucun n’est considéré comme
le plus efficace pour la négociation collective bipartite. Pour
apprécier quel est le meilleur niveau (ou quels sont les meilleurs
niveaux) de négociation, de nombreux facteurs sont à prendre
en compte comme le pouvoir, les intérêts, les objectifs
et les priorités des parties concernées, ainsi que la structure
du mouvement syndical, des organisations d'employeurs et du système
traditionnel de relations professionnelles17.
Le paragraphe 4 de la recommandation (n° 163) dispose que :
Des mesures adaptées aux circonstances nationales devraient,
si nécessaire, être prises, pour que la négociation
collective soit possible à quelque niveau que ce soit, notamment
ceux de l'établissement, de l'entreprise, de la branche d'activité,
de l'industrie ou aux niveaux régional ou national.
Une législation restreignant le choix des parties à cet égard
serait contraire à la convention (n° 98)18 et
au principe qui donne aux organisations de travailleurs et d'employeurs
le droit, en toute liberté, d'organiser leur activité et
de formuler leur programme d’action.19 Mais,
la législation peut établir un cadre pour la négociation
collective, auquel les parties pourront recourir si elles le souhaitent.
Exemple
[début de la page]
Les procédures de reconnaissance et la représentativité
Aucune négociation collective ne peut exister si les parties
concernées ne reconnaissent pas leur capacité respective à négocier.20 Une
telle reconnaissance peut être volontaire, comme c’est le
cas dans certains pays, où elle est fondée sur des accords
ou une pratique clairement établis. Cependant, pour faire face
au refus de certains employeurs de négocier avec les organisations
syndicales représentatives, de nombreux pays ont adopté une
législation qui oblige les employeurs à reconnaître
un syndicat pour la négociation collective, sous certaines conditions.21 Dans une telle situation,
savoir si l'employeur est tenu ou non de reconnaître un syndicat
pour négocier dépend en général de la définition
des critères de représentativité des organisations.
Une des dispositions le plus simple est celle qui détermine
qui à la capacité de mener une négociation collective,
afin de faciliter la reconnaissance mutuelle à négocier
de chacun des partenaires.
Exemple
Déterminer la "représentativité" d’une
organisation peut être difficile, surtout dans les pays où existent
une multitude de syndicats et où la négociation collective
se déroule principalement au niveau de l'entreprise, mais c’est
aussi le cas lorsqu’elle se tient au niveau de la branche industrielle
et au niveau national.22
De nombreux pays ont adopté des législations qui établissent
des procédures permettant de déterminer la représentativité des
parties à la négociation collective. Il faut relever à ce
propos que le concept d’organisations "les plus représentatives" est
utilisée, conformément à l’article 3(5) de
la Constitution de l’OIT, pour la représentation au sein
de ses institutions. La Commission d’experts a cependant considéré qu’afin
d’éviter toute possibilité de partialité ou
d’abus, lorsque de telles procédures existent, elles doivent être
fondées sur des critères objectifs préétablis.23
Exemple
Enfin, concernant la représentativité des organisations,
si de nombreuses législations fixent des critères quantitatifs
(pour être le plus objectif possible), certaines établissent également
d'autres critères comme celui de l'authenticité, de l'indépendance
et de la couverture territoriale.
Exemple
[début de la page]
La reconnaissance d’un agent de négociation exclusif
Dans certains pays, des dispositions législatives reconnaissent
qu'un syndicat peut être le négociateur exclusif au sein
d'une unité de négociation. Cela donne au syndicat concerné la
qualité pour représenter l'ensemble des salariés
de l’unité pour la négociation collective, à l'exclusion
des autres syndicats, même s’ils ont des membres dans cette
unité. De telles législations sont communes dans les pays
où la négociation collective se situe principalement au
niveau de l'entreprise ou de l'établissement, et où la
pluralité syndicale rend la négociation complexe ou difficile.
Les organes de contrôle de l’OIT ont décidé que
lorsque des dispositions prévoit d’accréditer ou
de désigner un agent de négociation exclusif, un certain
nombre de garanties doivent être prévues dont :
- la décision d’accréditation est prise par
une autorité indépendante ;
- l'organisation représentative doit être désignée
par un vote majoritaire des salariés de l'unité concernée
;
- une organisation qui n’a pas obtenu un nombre suffisant
de voix lors de précédentes élections doit avoir
le droit, après un délai déterminé, de
solliciter une nouvelle élection ; et
- le droit pour toute nouvelle organisation, autre que l'organisation
déjà accréditée, de demander la tenue
de nouvelles élections après un délai raisonnable.25
Pour respecter de telles garanties, les législations qui établissent
la reconnaissance des agents de négociation exclusifs sont en
général détaillées et contiennent des dispositions
concernant :
- les conditions requises pour l’accréditation d'une
organisation comme agent négociateur exclusif ;
- les critères et la procédure pour définir une
unité de négociation ;
- les critères et la procédure pour déterminer
si une organisation est suffisamment représentative des travailleurs
de l'unité de négociation pour être accréditée
comme agent négociateur exclusif ;
- les effets juridiques de l'accréditation ;
- les conditions requises pour contester et demander la révocation
du statut de négociateur exclusif d’une organisation (elles établissent
en général une période d'au moins douze mois durant
laquelle aucune contestation n’est possible, afin de garantir
une certaine stabilité aux négociations), et la procédure à suivre
dans ce cas ;
- l'autorité responsable de la mise en œuvre de ces procédures
(le plus souvent un organe administratif indépendant ou le ministre
du travail) ;
- l’obligation pour l’agent de négociation dûment
accrédité de représenter tous les travailleurs
de l'unité, qu'ils soient ou non des membres reconnus de l’organisation
accréditée ;
- le droit de faire appel de toutes les décisions, et pour
toutes les violations des obligations légales établies.
Exemple
[début de la page]
L’obligation pour l’agent de négociation exclusif
de représenter équitablement et également tous les
travailleurs
La législation qui établit une procédure d’accréditation
d’une organisation comme agent de négociation exclusif pour
une unité prévoit, en général, l’obligation
pour cet agent de représenter équitablement et également
tous les salariés de l’unité, qu’ils soient
ou non membres de l’organisation syndicale.
Exemple
[début de la page]
Les structures de négociation collective au niveau de la branche
industrielle
Lorsque les pays souhaitent notamment promouvoir la négociation
collective au niveau des branches industrielles, ils adoptent des dispositions
législatives qui établissent des structures de négociation
adaptées à ce niveau. Ces structures peuvent s'appuyer
sur des procédures de reconnaissance déjà existantes,
ou être mises à disposition des parties qui souhaitent négocier à ce
niveau.
Exemple
[début de la page]
L'obligation légale de négocier de bonne foi
Pour qu’existe une véritable négociation collective,
le dialogue et le consensus doivent être encouragés.26 Un certain nombre de pays s'y attachent,
en prévoyant des dispositions législatives qui obligent
les parties à s’engager dans des négociations éclairées.
L'application la plus aboutie de ce type d'obligation est celle qui permet
de garantir que les parties bénéficient de toutes les possibilités
pour parvenir à un accord. Dans certains cas, cette obligation
se limite à une obligation de négocier, alors que dans
d'autres, elle s'exprime sous la forme d'une obligation de négocier
de bonne foi.
Il faut noter à ce sujet que le Comité de la liberté syndicale
a souvent rappelé l'importance qu'il attache au principe selon
lequel les employeurs et les syndicats doivent négocier de bonne
foi et s'efforcer de parvenir à un accord, en particulier dans
le cas où, comme dans les services essentiels, les syndicats ne
bénéficient pas du droit de grève.27
Exemple
[début de la page]
L'obligation d'information pour la négociation collective
Une des principales obligations légales qui accompagne l'engagement
de négocier de bonne foi est le devoir, pour l'employeur, de fournir
au syndicat les informations nécessaires pour s’engager
dans des négociations constructives (la recommandation (n° 163),
article 7(1)).28
Exemple
[début de la page]
Contenu de la négociation collective
Les normes internationales du travail donnent une définition
large de ce qu’est une négociation collective et de son
contenu, afin de promouvoir une négociation volontaire et libre
entre les parties. L'article 2 de la convention (n° 154) définit
la négociation collective comme s'appliquant à :
toutes les négociations qui ont lieu entre un employeur,
un groupe d'employeurs ou une ou plusieurs organisations d'employeurs,
d'une part, et une ou plusieurs organisations ouvrières, d'autre
part,et une ou plusieurs organisations de travailleurs, d’autre
part, en vue de (a) fixer les conditions de travail et d'emploi,
et/ou (b) régler les relations entre les employeurs et les
travailleurs, et/ou (c) régler les relations entre les employeurs
ou leurs organisations et une ou plusieurs organisations de travailleurs.
S’il est décidé de définir dans la loi l'étendue
du droit de négociation collective, ce devra être sur la
base d’une définition large. Dans certains pays, la jurisprudence
distingue les sujets sur lesquels les parties ont obligation de négocier
si l'une d'entre elles le demande, et, les sujets sur lesquels les parties
peuvent décider, librement et d’un commun accord, de négocier.
Parfois, la législation impose que les conventions collectives
contiennent des dispositions sur des sujets spécifiques comme
le règlement des différends portant sur l'interprétation
et l'application de la convention.
Exemple
[début de la page]
Conventions collectives
La législation sur la négociation collective contient
souvent des dispositions concernant la convention collective elle-même.
Ces dispositions portent notamment sur des sujets tels que :
- la forme et le contenu des conventions collectives;
- la portée légale des conventions collectives et les
parties à qui elles sont opposables;
- l’enregistrement des conventions collectives auprès
d’un organisme public;
- la notification de l’existence des conventions collectives
auprès des travailleurs concernés ;
- l'extension de certaines catégories de conventions collectives.
[début de la page]
Forme et contenu des conventions collectives
En général, les dispositions législatives sur ces
sujets exigent que les conventions soient écrites, qu’elles
indiquent les parties à l'accord, et soient signées des
représentants des parties, en précisant la date d'entrée
en vigueur de la convention. Elles requièrent aussi parfois que
les parties prévoient des mesures sur des questions importantes
comme les procédures de règlement des différends
nés de la convention.
[début de la page]
L’application obligatoire des conventions collectives
Selon la recommandation (n° 91), paragraphe 3(1),
Toute convention collective devrait lier ses signataires
ainsi que les personnes au nom desquelles la convention est conclue.
Les employeurs et les travailleurs liés par une convention collective
ne devraient pas pouvoir convenir, par le moyen de contrats de travail,
de dispositions contraires à celles de la convention collective.29
Les dispositions législatives en la matière prévoient
en général que les conventions collectives sont opposables
aux parties signataires et aux membres de toute organisation partie à l’accord.
Des dispositions prévoient souvent que la convention est incorporée
ou modifie les termes de tous les contrats ou accord en vigueur ou conclus
postérieurement entre les parties couvertes par la convention.
Il peut être décidé que les parties soumettent
préalablement la convention collective aux autorités publique
pour approbation avant l'entrée en vigueur. De telles dispositions
sont compatibles avec la convention (n° 98), si elles mentionnent
clairement que cette approbation ne peut être refusée
que si la convention collective est entachée d’un vice de
forme ou si elle ne respecte pas les normes minima prévues dans
la législation générale du travail.30 Cependant, le risque
de priver les parties du droit de négocier librement des conventions
collectives existe si l'autorité publique à tout pouvoir
pour refuser l’approbation d’une convention. Une telle possibilité est
une violation du principe de la négociation volontaire et de l’autonomie
des parties.
[début de la page]
L’enregistrement des conventions collectives auprès d'une
autorité publique
La législation prévoit souvent ce type d’enregistrement.
L'autorité publique peut ainsi suivre l’évolution
des négociations collectives et s’assurer que les conventions
sont exemptes de tout vice de forme, pour en informer les parties le
cas échéant. Cela permet également aux autorités
d’être mieux préparées pour aider les parties
confrontées à des différends nés de la convention,
ou de négociations ultérieures menées entre les
mêmes parties.
[début de la page]
Information des travailleurs sur les conventions collectives qui les
concernent
Les législations nationales peuvent exiger des employeurs qu’ils
s’assurent que les travailleurs soient informés des conventions
collectives applicables à leur entreprise (voir la recommandation
(n° 91), paragraphe 8 (a)).
[début de la page]
Extension des conventions collectives
La pratique de l'extension des conventions collectives à d'autres
employeurs et à d'autres travailleurs que ceux auxquels elles
s'appliquent de façon directe existe principalement dans les pays
où la négociation collective au niveau des branches industrielles
est la plus développée. La législation qui organise
cette pratique prévoit en général un certain nombre
de conditions concernant la représentativité des parties à la
convention vis à vis de ceux pour lesquels elle sera applicable,
la nécessité d’une demande préalable de l'une
ou des deux parties à la convention, et la consultation des représentants
de ceux à qui va s’étendre la convention. La recommandation
(n° 91), paragraphe 5(2) prévoit que:
La législation nationale pourrait subordonner l'extension
d'une convention collective notamment aux conditions suivantes :
- la convention collective devrait déjà viser
un nombre d'employeurs et de travailleurs intéressés
suffisamment représentatifs du point du vue de l’autorité compétente
;
- la demande d’extension de la convention collective devrait,
en règle générale, être faite par une
ou plusieurs organisations de travailleurs ou d’employeurs
qui sont parties à la convention collective;
- les employeurs et les travailleurs auxquels la convention
collective serait rendue applicable devraient être invités à présenter
au préalable leurs observations.
Certain des exemples ci-dessous illustrent des sujets évoqués
auparavant. Des exemples de dispositions concernant un seul sujet sont
proposés s’il a été effectivement possible
de les traiters éparément.
Exemple
s'appliquant à un certain nombre de problèmes
Exemple
de dispositions relatives à des problèmes spécifiques
1. Voir par exemple: "promotion
de la négociation des conventions collectives", Conférence
Internationale du Travail, 66e session, 1980, p. 62.
2. Déclaration de Philadelphie
1944, article III.
3. Cette convention fondamentale
est ratifiée par 153 membres (11.09.2003) ; elle est la deuxième
convention fondamentale de l’OIT la plus a ratifiée.
4. Les autres instruments de l’OIT
sur le sujet sont la convention (n° 87) sur la liberté syndicale
et la protection du droit syndicale, 1948; la recommandation (n° 91)
sur les conventions collectives, 1951; la recommandation (n°113)
sur la consultation aux échelons industriel et national, 1960;
la convention (n° 135) concernant les représentants des travailleurs,
1971 ; la recommandation (n° 143) concernant les représentants
des travailleurs, 1971; la convention (n°141) sur les organisations
de travailleurs ruraux, 1975 ; la recommandation (n° 149) sur les
organisations de travailleurs ruraux, 1975; la convention (n° 151)
sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978 ; la recommandation
(n° 159) sur les relations de travail dans la fonction publique,
1978 et la recommandation (n° 163) sur la négociation collective,
1981 (qui complète par la convention (n° 154). Pour aborder
les autres conventions et recommandations en rapport avec la négociation
collective, voir "La négociation collective: un principe fondamental,
un droit, une convention" Education ouvrière, n° 114
-115, p .124 (Genève, BIT,1999).
5. Voir Gernigon, B. op. cit., p.
29.
6. Etude d’ensemble des rapports
concernant la convention (n° 87) sur la liberté syndicale
et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (n° 98)
sur le droit d’organisation et de négociation collective,
1949, CIT, 81e session,1994, Rapport III (Partie 4B), paragr. 247. Citée
ci-après comme "Etude d’ensemble de 1994".
7. Voir par exemple les références
citées dans la convention (n° 154), article 4.
8. Pour une approche récente
sur la façon dont différents pays utilise la législation
pour promouvoir la négociation collective, voir Casale, G, "Collective
bargaining and the law in central and Eastern Europe : some comparative
issues" (Document de travail n° 20, BIT-CEET, 1997).
9. Voir Bronstein, A. "La négociation
collective : une analyse comparative" dans "La négociation
collective: un principe fondamental, un droit, une convention",
op. cit. p. 28.
10. Voir Rueda-Catry, M., Sepùlda
Malbràn, J.M., Vega Ruiz, M.L., "Nombreux sont aujourd’hui
les secteurs sociaux exigeant de la part des syndicats l’élaboration
d’une position commune dans le cadre du dialogue social" dans "La
négociation collective: un principe fondamental,un droit, une
convention", op. cit. p. 47.
11. Le droit de négocier
des conventions collectives est lié au droit syndical et au droit
de grève (Voir chapitre
II et V).
12. Les négociations peuvent être
conduites avec les représentants des travailleurs, qui peuvent être
des représentants syndicaux ou des représentants élus
voir la convention (n°135) et la recommandation (n°14) concernant
les représentants des travailleurs, 1971.
13. Voir la convention (n° 98),
article 5(1); la convention (n°151), article 1(3) et la convention
(n°154), article 1(2).
14. Voir
Chapitre II.
15. Etude d’ensemble de
1994, paragr. 200.
16. Recueil de décisions
et de principes du Comité de la liberté syndicale, 4ème édition
révisée, (Genève, BIT, 1996)., paragr. 805. Cité ci-après
comme "Recueil" Dans certains pays, les membres de la police et des forces
armées peuvent participer à des négociations collectives.
Voir la discussion sur le cas de la République Tchèque
dans Casale, G. op. cit. p. 14.
17. Comme le souligne Bamber,
les négociations centralisées et décentralisées
ont chacune des avantages et des inconvénients, selon le contexte.
Voir Bamber, op. cit. p. 434.
18. Etude d’ensemble de
1994, paragr. 249.
19. Recueil, paragr. 782.
20. "La promotion de la négociation
des conventions collectives", op. cit. p. 15.
21. Etude d’ensemble de
1994, paragr. 240; "La promotion de la négociation des conventions
collectives", op. cit. p. 16.
22. Un sujet aussi complexe ne
peut être étudié de manière exhaustive dans
ces Directives, mais les questions les plus importantes y sont néanmoins
abordées. Pour une étude plus approfondie sur ces sujets
voir par exemple Bamber, G., et autres, “Collective bargaining ”,
dans "Comparative labour law and industrial relations in indutrialised
market economies" 6e édition révisée, (Kluwer,
La Haye, 1998) p. 414; Casale, G. "Union representativeness in a comparative
perspective" (Rapport n°18,BIT-CEET, 1996).
23. Etude d’ensemble de
1994, paragr. 240. Voir aussi l’article 3(b) de la recommandation
(n° 163).
24. Voir Gérard Lyon-Caen
et Jean Pélissier, "Droit du travail", 16ème édition,
(Dalloz, Paris, 1992), pp. 557-58 (paragr. 623).
25. Etude d’ensemble de
1994, paragr. 240.
26. Bronstein, A. op. cit. p.
34.
27. Recueil, paragr. 243.
28. Il existe des obligations
similaires dans d'autres textes internationaux comme les Principes
directeurs de l'OCDE pour les entreprises multinationales de 1976,
et la directive européenne de 1994 sur le comités d'entreprise
européen.
29. Voir aussi Recueil, paragr.
818.
30. Etude d’ensemble de
1994, paragr. 251.
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